La rose sans épines

« Comme une tendre rose s'élève au milieu des épines aiguës, n'ayant rien en elle-même qui blesse ; ainsi sainte Marie ....» Les lignes de cet article nous introduisent dans le chef d’œuvre de la Rédemption opérée par le Christ : le privilège de l'Immaculée Conception de la la Sainte Vierge.

« Riche en miséricorde » (Éphésiens 2, 4), Dieu embellit la créature par les qualités de la grâce. Il se montre encore plus généreux, lorsque, par prédilection souveraine, il épargne du péché dès le début de l’existence. C’est ce qu’il fit pour la Mère du Verbe fait chair.

Un tel mystère d’amour fut approfondi à Oxford (vers 1300) par le bienheureux Jean Duns Scot. Fort d’une intuition filiale et suivant saint Anselme, le franciscain comprit la « convenance » du privilège (Commentaire des Sentences, livre III). « L’Immaculée Conception représente le chef d’œuvre de la Rédemption opérée par le Christ, parce que précisément la puissance de son amour et de sa médiation a fait que sa Mère soit préservée du péché originel » (Benoît XVI, Audience, 7/07/2010).

Les offices médiévaux reprendront l’image : « Elle fut engendrée comme une rose sans épines »

La foi avait toujours professé la sainteté plénière de Marie. La liturgie honorait sa naissance sans tache. La poésie chrétienne, dès l’antiquité, admira cette prérogative : « Comme une tendre rose s'élève au milieu des épines aiguës, n'ayant rien en elle-même qui blesse ; ainsi sainte Marie en naissant de la souche d'Ève a expié, Vierge nouvelle, le crime de la vierge antique » (Caelius Sedulius, Chant pascal, 2, 28-31). Les offices médiévaux reprendront l’image : « Elle fut engendrée comme une rose sans épines » (Fulbert de Chartres, office pour la Nativité de Notre Dame, antienne).

Les icônes représentaient la plénitude de grâce de la « Toute Sainte ». « L’anneau d’or » désigne la région des grands princes de la Russie médiévale ; sur les rives fertiles de la Volga au nord-est de Moscou, la cité de Yaroslavl a vénéré (dès 1200), dans le monastère de la Transfiguration, la « Grande Panaghia » : le plus ancien modèle de la « Vierge du Signe », selon la prophétie de l’Emmanuel (Isaïe 7, 14), qui ajoute, au modèle byzantin de la Vierge orante, la présence de Jésus dans son sein.

En Occident, la dévotion au Cœur Immaculé de Marie ouvrit la voie vers la définition dogmatique du bienheureux Pie IX (1854). Entre temps, les apparitions à la Rue du Bac et à la grotte de Massabielle, scellèrent le magistère solennel. « Ô Marie, conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à vous ». Les litanies de Lorette incluraient désormais l’invocation « Marie conçue sans péché ».

« Dieu n’a pas failli. Dans l’humilité de la maison de Nazareth vit l’Israël saint, le reste pur. Marie est l’Israël saint » (Benoît XVI, Homélie, 8/12/2005). Nous connaissons le sens de cette réalité de foi ; Notre Dame l’a vécu à la première personne. Elle découvrait les trésors de la tradition d’Israël : la prière, le culte, les Écritures ; elle se trouvait à l’aise dans le monde de l’Alliance et des promesses, savourant son identité filiale et répondant à la volonté du Père.

Son cœur, Sanctuaire de l’Esprit, s’élargissait au monde ; elle aurait bien voulu arracher des autres cœurs l’épine empoisonnée du péché

Dans une humilité presque instinctive, sans mépriser personne, la Toute Pure percevait les ravages du mal, tandis que la Loi restait gravée, avec douce vigueur, dans son cœur juste. Sa louange jaillissait sans peine ; la miséricorde imprégnait ses gestes. Son cœur, Sanctuaire de l’Esprit, s’élargissait au monde ; elle aurait bien voulu arracher des autres cœurs l’épine empoisonnée du péché : orgueils, égoïsmes, haines. Aspirant à une prompte arrivée du Messie, son désir a préparé la venue du Fils de Dieu. « Marie, Vierge sans tache, a réparé la chute d’Ève : et elle écrase de son talon immaculé la tête du serpent infernal » (saint José maria, Saint Rosaire, 5e mystère glorieux).

« l’homme qui s’abandonne totalement entre les mains de Dieu (...) trouve l’ampleur vaste et créative de la liberté du bien » (Benoît XVI)

La grâce agrandit. Voici ce « que nous devons apprendre le jour de l’Immaculée : l’homme qui s’abandonne totalement entre les mains de Dieu ne devient pas une marionnette de Dieu, il trouve l’ampleur vaste et créative de la liberté du bien » (Benoît XVI, ibidem). La solennité de l’Immaculée Conception nous invite à louer sa grandeur et à nous abriter sous son regard pur. « Chante donc cette hymne aux pieds de la Vierge immaculée : Je vous salue Marie, fille de Dieu le Père ; je vous salue Marie, Mère de Dieu le Fils ; je vous salue Marie, Épouse de Dieu le Saint-Esprit… Dieu seul est au-dessus de vous ! » (saint Josémaria, Chemin §496).

Abbé Fernandez