La nativité de la Sainte Vierge

« Lorsque parut, matinale, l’Aurore aux doigts de rose..... » : l’intuition du poète, qui annonce la lumière d’un jour glorieux, se réalise par la nativité de la Vierge Marie : d'elle nous est venu le Soleil de Justice, le Christ notre Dieu.

« Lorsque parut, matinale, l'Aurore aux doigts de rose..... » [1] : l'intuition du poète, qui annonce la lumière d'un jour glorieux, se réalise par la nativité de la Vierge Marie : d'ellenous est venu le Soleil de Justice, le Christ notre Dieu [2].

1. Il arrive, le voici ! Matthieu[3] en dresse la généalogie, dans le but de récapituler ainsi l'Histoire du salut, qui n'est autre que celle de l'humanité. Il inscrit son nom au terme d'une lignée de 3 fois 14 générations. C'est dire à quel point Jésus est homme, à quelle profondeur parvient son Incarnation : il « ne vient pas seulement de Dieu, mais aussi d'autres humains. Il a été dans le sein d'une femme dont il a reçu sa chair et son sang, les battements de son cœur, son comportement, sa parole. Il a reçu la vie de la vie d'un autre être humain. Cette dérivation de ce qui est propre à partir des autres n'est pas un fait purement biologique. Elle signifie que Jésus a aussi reçu ses façons de penser et de voir, l'empreinte même de son âme humaine, à partir d'êtres humains existant avant lui, et finalement à partir de sa mère.

Cette dérivation veut dire qu'en acceptant l'héritage de ses ancêtres, il a voulu suivre la voie tortueuse qui, de Marie, reporte à Abraham et finalement à Adam [4]. Il a porté en lui le poids de cette histoire» [5].

2. Jésus n'est donc pas simplement « sauveur », comme son nom l'indique ; il est « le Sauveur »… né d'une femme, Marie : bien qu'ayant été une femme entre autres, elle est lafemme annoncée dans le « proto-évangile »[6], juste après le péché de nos premiers parents, dès l'aube de notre rédemption. Elle est la « nouvelle Ève », la femme nouvelle, qui inaugure, par sa naissance au monde, un nouveau commencement.

Matthieu le suggère par une rupture dans le rythme de son récit : celui-ci recense en des phrases parallèles, comme pour signifier l'épaisseur de l'humanité du Seigneur, les vagues successives de ses ancêtres qui font avancer la lignée d'Abraham vers la plénitude des temps ; cette longue énumération s'achève tout à coup par l'avènement de Marie et de Jésus, et fait place à une brève narration des circonstances de la génération du Sauveur : Marie, sa mère, étant fiancée à Joseph, il se trouva, avant qu'ils aient habité ensemble, qu'elle avait conçu du Saint-Esprit [7].

3. Voici que je fais toutes choses nouvelles [8]: son dessein bienveillant, détérioré à travers Ève, la mère de tous les vivants [9] va néanmoins s'accomplir à travers Marie, la Mère de la Vie. En effet :

- Jésus considère toute personne quifait la volonté de mon Père qui est aux cieux comme un membre de sa famille : celui-là est mon frère, et ma sœur, et ma mère [10]: dans l'économie de la nouvelle Alliance, les liens surnaturels ont la préséance sur les liens naturels, même les plus forts ;

- l'enfantement est une image biblique traditionnelle pour signifier l'avènement d'un monde nouveau ; c'est particulièrement le cas de l'enfantement des hommes à la vie éternelle [11] ;

- tout chrétien est donc capable de transmettre la grâce et d'engendrer spirituellement le Christ chez les autres, à l'occasion de son apostolat[12], dans la mesure où il lutte avec générosité pour être fidèle [13],et sait, comme Jésus, se faire enfant de Marie. Guerric d'Igny [14]éclaire le sujet par une comparaison audacieuse : « Si l'Apôtre, serviteur du Christ, continue de mettre au monde ses enfants par sa sollicitude et son ardent désir, jusqu'à ce que le Christ soit formé en eux, combien plus cela est-il vrai de la propre mère du Christ ! Paul les a engendrés en prêchant la Parole de vérité qui les régénérait ; Marie l'a fait de façon bien plus sainte et plus divine en engendrant la Parole elle-même. Je loue en Paul le ministère de la prédication, mais j'admire et je vénère davantage en Marie le mystère de la génération ». Le pape François en donne une illustration en rapportant son expérience personnelle : pendant son séjour en Allemagne à l'occasion de son doctorat, il « contracta » une dévotion profonde envers la Vierge qui défait les nœuds ;

il l'importa en Argentine, à son retour… et ce fut, parmi les fidèles, le point de départ d'un élan marial sans précédent : "Jamais autant qu'en cette occasion je ne me suis senti un instrument dans les mains de Dieu"[15].

Ouvrons les yeux, élevons notre cœur, haussons-le au diapason de la fête ! Certes, le principe de notre rédemption tient à la maternité de Marie ; mais la nativité de l'Immaculée Mère de Dieu est déjà pour nous source d'espérance et de joie car « en ce jour, se sont mis à souffler les vents annonciateurs du salut »[16].


[1] Homère, L'Odyssée.

[2] Antienne d'ouverture de la messe de la Nativité.

[3] 1, 1-16.

[4] L'autre généalogie des évangiles, celle de Luc, est ascendante et fait remonter le Christ jusqu'à Adam.

[5]Mgr J. Ratzinger, Le ressuscité, DDB 86, 2e partie, chap. II,p.78.

[6]Gn 3, 15.

[7]Mt 1, 18.

[8]Ap 21, 5.

[9]Gn 3, 20.

[10]Mt 12, 50.

[11]Rm 8, 28 : Nous le savons, jusqu'à ce jour, toute la création gémit dans les douleurs de l'enfantement. Et non pas elle-seule : nous-mêmes qui possédons les prémices de l'Esprit, nous gémissons aussi intérieurement dans l'attente de la rédemption de notre corps.

[12] Dans cette optique, saint Josémaria, s'adressant à des parents,leur indiquait que « La paternité et la maternité ne s'arrêtent pas à la naissance : cette participation au pouvoir de Dieu qu'est la faculté d'engendrer doit se prolonger par la coopération avec l'Esprit Saint afin d'aboutir à la formation d'hommes et de femmes authentiquement chrétiens » Quand le Christ passe, 27.

[13] Car la « nouvelle naissance » se fait à travers les douleurs de l'enfantement : dans le domaine spirituel, il n'y a pas d' « accouchement sans douleurs ». Saint Paul en témoigne aux Galates : Mes petits enfants, vous que j'enfante à nouveau dans la douleur, jusqu'à ce que le Christ soit formé en vous (4, 19).

[14] Moine cistercien du XIIe siècle, disciple de saint Bernard. Sermon pour l'Assomption, 1, 2-4, in Livre des Jours, p. 1750.

[15] En mars 1986, Bergoglio eut l'occasion de se rendre à Augsbourg. Il y a là, dans l'église des Jésuites, une image mariale qui est vénérée : celle de la Vierge "qui défait les nœuds". Marie y est représentée en train de défaire les nœuds d'un ruban que lui présente un ange, tandis qu'un autre ange reçoit d'elle l'autre bout du ruban, débarrassé de ses nœuds. La signification est claire. Les nœuds sont tout ce qui complique la vie, les difficultés, les péchés. Et Marie est celle qui aide à les défaire. Il fut très frappé par cette image mariale. Quelques mois plus tard, lorsqu'il rentra en Argentine, il emporta une bonne quantité de cartes postales représentant la Vierge "qui défait les nœuds".

Ainsi, il fit naître en Argentine, sans s'en rendre compte, une nouvelle dévotion mariale. Un artiste à qui il avait donné la carte postale achetée à Augsbourg fit une reproduction de l'image et l'offrit à une paroisse du quartier populaire du Barrio de Agronomía, au centre de Buenos Aires. Installée dans cette église, l'image de Marie desatanudos a attiré des fidèles en nombre croissant, elle a converti des pécheurs et elle a entraîné une augmentation inattendue de la pratique religieuse. À tel point que la tradition d'un pèlerinage à l'image, rassemblant, le 8 de chaque mois, des gens en provenance de tout Buenos Aires et même de plus loin, s'est solidement établie en quelques années seulement (Cf. Sandro Magister, https://belgicatho.hautetfort.com/archive/2013/10/2....

[16] Liturgie byzantine.