Fioretti octobre 2019

"Le secret de la mission : pour partir il faut quitter, pour annoncer il faut renoncer. L’annonce crédible n’est pas faite de belles paroles, mais d’une bonne vie (...) une vie qui se détache des choses inutiles qui monopolisent le cœur, et qui trouve du temps pour Dieu et pour les autres."

Le salut, ce n’est pas boire un verre d’eau pour être en forme

Homélie du 13 octobre 2019, lors de la canonisation de cinq bienheureux :

« Jésus dit: “Ta foi t’a sauvé”(Luc 17, 19) uniquement à celui qui le remercie. Il n’est pas seulement guéri, il est aussi sauvé. Cela nous dit que le point d’arrivée, ce n’est pas la santé, ce n’est pas le fait d’être bien, mais c’est la rencontre avec Jésus. Le salut, ce n’est pas boire un verre d’eau pour être en forme, c’est aller à la source, Jésus. Lui seul libère du mal et guérit le cœur ; seule la rencontre avec lui sauve, rend la vie pleine et belle. Quand on rencontre Jésus, le “merci” nait spontanément, car on découvre la chose la plus importante de la vie : non pas recevoir une grâce ou résoudre un problème, mais embrasser le Seigneur dans la vie. Voilà la chose la plus importante. »

Allons au-delà des douanes humaines

Homélie de la messe à Saint-Pierre, le 20 octobre 2019 :

« Nous ne sommes pas nés pour rester à terre, pour nous contenter de choses basses, nous sommes nés pour rejoindre les hauteurs, pour rencontrer Dieu et les frères. Mais, pour cela, il faut monter : il faut quitter une vie horizontale, lutter contre la force de gravité de l’égoïsme, accomplir un exode de soi-même. Or monter est fatigant, mais c’est l’unique moyen pour tout voir mieux, comme lorsqu’on va en montagne et que l’on aperçoit, seulement au sommet, le plus beau panorama et que l’on comprend qu’on ne pouvait pas le conquérir sinon par ce chemin toujours en montée.

Et, de même qu’en montagne on ne peut pas bien monter si l’on est alourdi par des affaires, de même, dans la vie, il faut s’alléger de ce qui est inutile. C’est aussi le secret de la mission : pour partir il faut quitter, pour annoncer il faut renoncer. L’annonce crédible n’est pas faite de belles paroles, mais d’une bonne vie : une vie de service, qui sait renoncer à beaucoup de choses matérielles qui rétrécissent le cœur, qui rendent indifférents et referment en soi-même ; une vie qui se détache des choses inutiles qui monopolisent le cœur, et qui trouve du temps pour Dieu et pour les autres.

Nous pouvons nous demander : où en est mon ascension ? Est-ce que je sais renoncer aux lourds et inutiles bagages de la mondanité pour gravir la montagne du Seigneur ? »

Extérieurement, tu es amidonné par la correction, mais à l’intérieur tu es autre chose

À Sainte-Marthe, le 15 octobre 2019 :

« Il y a une attitude que le Seigneur ne tolère pas : l’hypocrisie, […] apparaître de façon à être un autre. […] De l’extérieur, tu es parfait, ou plutôt amidonné par la correction, mais à l’intérieur tu es autre chose.

L’attitude hypocrite vient du grand menteur, le diable : il est le grand hypocrite, et les hypocrites sont ses héritiers. L’hypocrisie, c’est le langage du diable, c’est le langage du mal qui entre dans notre cœur et est semé par le diable. […] Jésus aime démasquer l’hypocrisie. Il sait que c’est cette attitude hypocrite qui le conduira à la mort, parce que l’hypocrite ne réfléchit pas à utiliser des moyens licites ou non, il continue. La calomnie? “Calomnions”. Le faux témoignage ? “Cherchons un faux témoin”.

Le langage hypocrite […]est quelque chose de courant, il est quotidien. […] Dans la lutte pour le pouvoir, par exemple, les envies, les jalousies te font paraître d’une certaine façon, mais à l’intérieur il y a le poison qui va tuer, parce que l’hypocrisie tue toujours ; tôt ou tard elle tue. »

L’Église n’est pas une forteresse mais une tente

Audience générale du 23 mars 2019 :

« Du livre des Actes émerge la nature de l’Église, qui n’est pas une forteresse mais une tente capable d’étendre son espace (cf. Is 54,2) et de permettre à tous d’y accéder. L’Église est “en sortie”. […] Soit elle est en chemin en élargissant toujours son espace afin que tous puissent y entrer, soit ce n’est pas l’Église. “Une Église aux portes ouvertes” (Exhort. ap. Evangelii gaudium, 46), toujours les portes ouvertes. Quand je vois une petite église […] les portes fermées, c’est mauvais signe. Les églises doivent toujours avoir leurs portes ouvertes parce que c’est le symbole de ce qu’est une église : toujours ouverte. L’Église est “appelée à être toujours la maison ouverte du Père. […] De sorte que, si quelqu’un veut suivre une motion de l’Esprit et s’approche en cherchant Dieu, il ne se heurte pas à la froideur d’une porte fermée (ibid., 47).” »

Ai-je une idéologie sélective ?

Audience générale du 9 octobre 2019 :

« Avec l’autorisation du grand prêtre, Saul pourchasse les chrétiens et les capture. Vous, qui venez de certains pays qui ont été persécutés par les dictatures, vous comprenez bien ce que signifie pourchasser les gens et les capturer. C’est ce que faisait Saul. Et il fait cela en pensant servir la Loi du Seigneur. Luc dit que Saul “était toujours animé d’une rage meurtrière contre les disciples du Seigneur” (Ac 9,1) : il y a en lui un souffle qui a un goût de mort, pas de vie.

Le jeune Saul est décrit comme un intransigeant, c’est-à-dire quelqu’un qui manifeste de l’intolérance envers ceux qui pensent différemment de lui, il “absolutise” son identité politique ou religieuse et réduit l’autre à un ennemi potentiel à combattre. Un idéologue. Chez Saul, la religion s’était transformée en idéologie : idéologie religieuse, idéologie sociale, idéologie politique. C’est seulement après qu’il a été transformé par le Christ qu’il enseignera que la véritable bataille n’est pas “contre des êtres de sang et de chair, mais contre contre les Dominateurs de ce monde de ténèbres, […] les esprits du mal” (Ép 6,12). Il enseignera qu’il ne faut pas combattre les personnes, mais le mal qui inspire leurs actions.

L’état de rage –parce que Saul était enragé– et conflictuel de Saul invite chacun à s’interroger : comment est-ce que je vis ma vie de foi ? Vais-je à la rencontre des autres ou bien suis-je contre les autres ? Est-ce que j’appartiens à l’Église universelle (les bons et les mauvais, tout le monde) ou ai-je une idéologie sélective ? Est-ce que j’adore Dieu ou est-ce que j’adore les formules dogmatiques ? Comment est ma vie religieuse ? La foi en Dieu que je professe me rend-elle amicale ou hostile envers celui qui est différent de moi ?” »

Quand un homme d’Église devient un fonctionnaire, c’est déplorable

Homélie à l’occasion de la création de 13 cardinaux, le 5 octobre 2019 :

« Quand un homme d’Église devient un fonctionnaire, c’est déplorable. Il y a toujours des justifications ; parfois elles sont codifiées et donnent lieu à des “rejets institutionnels”, comme dans le cas des lépreux : “Bien sûr, ils doivent rester dehors, c’est juste ”. C’est ainsi qu’on pensait et c’est ainsi qu’on pense. De cette attitude très, trop humaine, dérivent aussi des structures de non-compassion.

À ce stade, nous pouvons nous demander : sommes-nous conscients, d’avoir été, nous en premier, objet de la compassion de Dieu ? […] Cette conscience était la disposition permanente du cœur immaculé de la Vierge Marie qui loue Dieu comme “son sauveur” qui “s’est penché sur son humble servante » (Luc 1, 48).

Ça me fait beaucoup de bien de me retrouver dans la page d’Ézéchiel, 16 : l’histoire d’amour de Dieu avec Jérusalem ; dans cette conclusion : “Moi, je rétablirai mon alliance avec toi. Alors tu sauras que Je suis le Seigneur. Ainsi tu te souviendras, tu seras couverte de honte. Dans ton déshonneur, tu n’oseras pas ouvrir la bouche quand je te pardonnerai tout ce que tu as fait” (Ez 16,62-63). Ou bien dans cet autre oracle d’Osée ; “Je vais l’entraîner jusqu’au désert, et je lui parlerai cœur à cœur [… Là, elle me répondra comme au temps de sa jeunesse, au jour où elle est sortie du pays d’Égypte” (Os 2,16-17). Nous pouvons nous demander : est-ce que je sens en moi la compassion de Dieu ? Est-ce que je sens en moi la certitude d’être un enfant de la compassion ?

La conscience de cette compassion de Dieu pour nous est-elle vivante en nous ? Il ne s’agit pas d’une chose facultative, et non plus, je dirais, d’un “conseil évangélique”. Non ! Il s’agit d’une exigence essentielle. Si je ne me sens pas objet de la compassion de Dieu, je ne comprends pas son amour. Ce n’est pas une réalité qui peut s’expliquer. Soit je la sens, soit je ne la sens pas. Et si je ne la sens pas, comment puis-je la communiquer, en témoigner, la donner ? »

Les apôtres sont les « mégaphones » de l’Esprit Saint

Audience générale du 18 septembre 2019 :

« Les apôtres sont les “mégaphones” de l’Esprit Saint, envoyés par le Ressuscité pour annoncer promptement et sans hésitation la Parole qui donne le salut. […] La persécution des chrétiens est toujours la même : les personnes qui ne veulent pas le christianisme se sentent menacées et ainsi, elles donnent la mort aux chrétiens. Mais, au milieu du Sanhédrin, s’élève la voix différente d’un pharisien qui choisit de réfréner la réaction des siens : il s’appelait Gamaliel, un homme prudent, “docteur de la loi, honoré par tout le peuple”. À son école, saint Paul a appris à observer “la Loi de nos pères” (Ac, 22,3). Gamaliel prend la parole et montre à ses frères comment exerce l’art du discernement face à des situations qui dépassent les schémas habituels. En nommant certains personnages qui s’étaient fait passer pour le Messie, il montre que tout projet humain peut d’abord trouver des appuis et faire naufrage ensuite, tandis que tout ce qui vient d’en-haut et qui porte la “signature” de Dieu est destiné à durer. Les projets humains échouent toujours ; ils ont un temps, comme nous. Pensez à tous les projets politiques, et combien ils changent d’un côté ou de l’autre, dans tous les pays. Pensez aux grands empires, pensez aux dictatures du siècle dernier : ils se sentaient très puissants, ils pensaient dominer le monde. Et puis, tout s’est écroulé. Pensez encore aujourd’hui, aux empires d’aujourd’hui : ils s’écrouleront, si Dieu n’est pas avec eux, parce que la force que les hommes ont en eux-mêmes ne dure pas. Seule la force de Dieu dure. Pensons à l’histoire des chrétiens, et aussi à l’histoire de l’Église, avec tant de péchés, tant de scandales, avec tant de choses tristes pendant ces deux millénaires. Et pourquoi ne s’est-elle pas écroulée ? Parce que Dieu est là. Nous sommes pécheurs, et bien souvent aussi nous sommes cause de scandale. Mais Dieu est avec nous. Et Dieu nous sauve en premier, et eux ensuite ; mais le Seigneur sauve toujours. La force est “Dieu avec nous”. En nommant certains personnages qui s’étaient pris pour le Messie, Gamaliel montre que tout projet humain peut d’abord trouver des appuis et ensuite faire naufrage. C’est pourquoi Gamaliel conclut que, si les disciples de Jésus de Nazareth ont cru à un imposteur, ils sont destinés à disparaître dans le néant ; si au contraire ils suivent quelqu’un qui vient de Dieu, mieux vaut renoncer à les combattre ; et il avertit : “Ne risquez donc pas de vous trouver en guerre contre Dieu !” (Ac 5, 39). Il nous enseigne à faire ce discernement. »

Les talents ne sont pas quelque chose à garder dans le coffre-fort

Vêpres à la chapelle papale lors de l’ouverture du « mois missionnaire », le 1er octobre 2019 :

« Dieu nous a confié ses plus grands biens : notre vie, celle des autres, tant de dons différents à chacun. Et ces biens, ces talents ne sont pas quelque chose à garder dans le coffre-fort, ils représentent un appel : le Seigneur nous appelle à faire fructifier nos talents avec audace et créativité. Dieu nous demandera si nous nous sommes engagés, en prenant des risques, même en perdant la face. Ce mois missionnaire extraordinaire se veut comme une secousse pour nous inciter à être actifs dans le bien, non des notaires de la foi ni des gardiens de la grâce, mais des missionnaires. »