Fioretti juin 2018

Le Pape François nous rappelle, entre autres idées, quelques conséquences du 5ème commandement : "Tu ne tueras pas" : non seulement au sens littéral mais aussi en paroles.

Un virus spirituel qui nous condamne à devenir homme-miroir et femme-miroir

Discours devant les participants à la XXIVe Assemblée générale de l’Académie pontificale pour la vie, le25 juin 2018 :

« Le “beau” travail de la vie est la génération d’une personne nouvelle, l’éducation de ses qualités spirituelles et créatives, l’initiation à l’amour de la famille et de la communauté, la protection de ses vulnérabilités et de ses blessures ; ainsi que l’initiation à la vie d’enfants de Dieu, en Jésus Christ.

Quand nous livrons les enfants à la privation, les pauvres à la faim, les persécutés à la guerre, les personnes âgées à l’abandon, ne faisons-nous pas nous-mêmes, le “sale” travail de la mort ? D’où vient, en effet, le sale travail de la mort ? Il vient du péché. Le mal cherche à nous persuader que la mort est la fin de de toute chose, que nous sommes venus au monde par hasard et que nous sommes destinés à finir dans le néant. En excluant l’autre de notre horizon, la vie se replie sur elle et devient bien de consommation. Narcisse, le personnage de la mythologie antique, qui s’aime lui-même et ignore le bien des autres, est tellement naïf qu’il ne se rend compte de rien.

Ce faisant, cependant, se diffuse un virus spirituel assez contagieux, qui nous condamne à devenir homme-miroir et femme-miroir, qui se voient seulement eux-mêmes et rien d’autre. Cela revient à devenir aveugle à la vie et à sa dynamique, en tant que don reçu des autres et qui demande d’être mis de façon responsable en circulation pour d’autres. »

Certains avortements sont un eugénisme en « gants blancs »

Discours au Forum des Associations catholiques familiales, le 16 juin 2018 :

« Les enfants doivent être accueillis […] comme Dieu les envoie, comme Dieu le permet – même s’ils sont malades. J’ai entendu dire qu’il est habituel, dans les premiers mois de grossesse, de faire certains examens, pour voir si l’enfant ne va pas bien, ou s’il n’a pas un problème… La première proposition dans ce cas, c’est : “On le renvoie ?”. […] Et pour s’assurer une vie tranquille, on élimine un innocent.

Au siècle dernier tout le monde était scandalisé par ce que faisaient les nazis pour protéger la pureté de la race. Aujourd’hui nous faisons pareil, mais avec des gants blancs. Vous êtes-vous demandé pourquoi l’on ne voit pas beaucoup de nains dans la rue ?

La prière de la maffia, c’est : “tu me le paieras !”

À Sainte-Marthe, le 19 juin 2018 :

« Nous savons que nous devons pardonner à nos ennemis : nous le disons tous les jours dans le Notre Père, nous demandons pardon comme nous pardonnons : cette condition n’est pas facile. Prier pour les autres, pour ceux qui nous causent des ennuis, c’est difficile, mais nous le faisons ou, du moins, tant de fois, nous avons pu le faire ».

Mais comment prier pour ceux qui veulent me détruire, pour mes ennemis ? Prier pour que Dieu les bénisse : c’est vraiment difficile à comprendre.

Pensons aux pauvres chrétiens russes, qui ont été envoyés en Sibérie pour mourir de froid par le simple fait d’être chrétiens. » […] Pensons à Auschwitz, et à d’autres camps de concentration : ils devaient prier pour ce dictateur qui voulait la race pure et qui tuait sans scrupule, et prier pour que Dieu le bénisse ? Et beaucoup l’ont fait.

Il s’agit, de la “logique difficile” du Christ, qui, dans l’Évangile, débouche sur la prière et la justification de ceux qui l’avaient tué sur la croix : “Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font.” Le Christ demande pardon pour eux, comme il le fait aussi au moment du martyre de saint Étienne.

Mais quelle distance, une distance infinie entre nous, qui tant de fois ne pardonnons pas de petites choses, et ce que nous a demandé le Seigneur et qui nous a donné un exemple : pardonner à ceux qui cherchent à nous détruire. […] La prière maffieuse, c’est “Tu me le paieras !” La prière chétienne c’est : “Seigneur, donne-lui ta bénédiction, et apprends-moi à l’aimer” ».

Les bonnes nouvelles ne sont pas séductrices

À Sainte-Marthe, le 18 juin 2018 :

« Si l’on veut détruire une personne on commence par la communication : critiquer, calomnier, créer des scandales.Les bonnes nouvelles ne sont pas séductrices, mais un scandale : “Mais tu as vu ! Tu as vu cela !”, “Tu as vu cette autre chose qu’il a faite ?”

Et ainsi la nouvelle enfle, et cette personne, cette institution, tombent en ruine. Finalement on ne juge pas les personnes. On juge les ruines des personnes ou des institutions, parce qu’elles ne peuvent pas se défendre.

Aujourd’hui encore, dans de nombreux pays, cette méthode est utilisée pour détruire la communication libre. Il y a une loi sur les médias, sur la communication : or on annule cette loi. Tout l’appareil de communication est voué à une société qui calomnie, qui dispense le mensonge, affaiblit la vie démocratique. Alors les juges viennent juger ces institutions affaiblies, ces personnes détruites, ils condamnent, et ainsi une dictature s’avance. Les dictatures, —toutes !—, ont commencé comme ça, avec une communication faussée, pour finir par mettre la communication entre les mains d’une personne sans scrupule, d’un gouvernement sans scrupule.

Beaucoup de personnes, beaucoup de pays, ont été détruits par des dictatures mauvaises et calomnieuses. Pensons aux dictatures du siècle dernier […]

Une communication calomnieuse contre les Juifs, et ils ont fini à Auschwitz parce qu’ils ne méritaient pas de vivre. Oui… c’est une horreur, mais une horreur qui arrive aujourd’hui : dans les petites entreprises, pour les personnes et dans tant de pays.

Le premier pas consiste à s’approprier la communication, et après viennent la destruction, le jugement et la mort. »

Halte à la femme présentée comme dans un super-marché !

À Sainte-Marthe, le 15 juin 2018 :

« Dans les programmes de télévision, dans les magazines, dans les journaux, nous voyons les femmes présentées comme un objet de désir, d’usage, comme dans un supermarché. La femme […] devient un objet ; humiliée, sans vêtements, ce qui va à l’encontre de l’enseignement du Christ qui la rend digne.

Pas besoin d’aller trop loin. Cela se passe ici, là où nous vivons. Dans les bureaux, dans les entreprises, les femmes sont les objets de cette philosophie du jetable ; elles sont considérées comme des déchets, pas comme des personnes. La femme est piétinée parce qu’elle est une femme.

C’est un péché contre Dieu le Créateur : rejeter la femme, parce que sans elle nous, les hommes, ne pouvons pas être image et ressemblance de Dieu. Il y a un acharnement contre la femme, un méchant acharnement quoi qu’on en dise.

Combien de fois les filles doivent-elles se vendre comme des objets jetables pour un poste de travail? Combien de fois ?

Si nous faisions un “pèlerinage nocturne” dans certains endroits de la ville, où tant de femmes, tant de migrantes ou non-migrantes sont exploitées comme dans un marché, nous verrions des hommes s’approcher d’elles, non pour dire “bonsoir”, mais “combien tu coûtes ?”

Et à ceux qui se donnent bonne conscience en les appelant “prostituées”, je dis: “Tu as fait d’elle une prostituée, comme le dit Jésus … parce que tu ne traites pas bien la femme, la femme finit comme ça, exploitée, esclave, tant de fois.” »

Insulter, c’est tuer

À Sainte-Marthe, le 14 juin 2018 :

Insulter, c’est commencer à tuer ; c’est disqualifier l’autre, le tuer pour la société. Aujourd’hui, nous sommes habitués à respirer l’air des insultes. Il suffit de conduire la voiture pendant les heures de pointe : un carnaval d’insultes ici ou là. On est si créatif pour insulter ! Et les petites insultes, que l’on profère parfois aux heures de pointe, en conduisant la voiture, deviennent ensuite de grandes insultes.

Or l’insulte annihile les droits de tout un chacun. Du coup telle personne n’a même plus le droit de parler ; sa voix est comme effacée.

Si l’insulte est si dangereuse, c’est qu’elle nait parfois de l’envie : quand une personne souffre d’une incapacité mentale ou physique, elle ne me menace pas, et il ne me vient pas à l’idée de la menacer. Mais si quelqu’un fait quelque chose qui ne me plaît pas, je l’insulte, je le disqualifie, en le faisant passer pour handicapé mental, handicapé social, handicapé familial, incapable de s’intégrer… Et cela tue : cela tue l’avenir de la personne, tue le parcours de la personne.

C’est l’envie qui ouvre la porte, car quand je crois voir chez quelqu’un une chose qui me menace, l’envie me pousse à l’insulter. Il y a presque toujours de l’envie derrière.

Le Livre de la Sagesse nous dit que la mort est venue dans le monde par l’envie du diable. C’est l’envie qui apporte la mort. Si l’on dit “je n’envie personne”, c’est que cette envie est cachée et quand elle n’est pas cachée, elle est forte, elle est capable de te rendre jaune, vert, comme la bile quand tu es malade. Les gens qui ont l’âme jaune, verte d’envie, sont portés à l’insulte, et à détruire les autres.

Mais Jésus nous dit : “Ça ne se fait pas ! Si, quand tu vas présenter ton offrande à l’autel, tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande et va d’abord te réconcilier avec ton frère.

Jésus est à ce point radical ! La réconciliation, ce n’est pas les “bonnes manières”. Non : c’est une attitude radicale, c’est une attitude qui cherche à respecter la dignité de l’autre et la mienne aussi. De l’insulte à la réconciliation, de l’envie à l’amitié. Tel est le parcours que Jésus nous propose aujourd’hui. »

Au supermarché, le sel ne se vend pas à la tonne

À Sainte-Marthe, le 12 juin 2018 :

Même si cela nous semble insignifiant, le Seigneur fait des miracles, des merveilles à partir des petits actes que nous posons. Ayons donc cette attitude d’humilité, qui consiste à être sel pour les autres, lumière pour les autres, car le sel ne se donne pas la saveur à lui-même ; il est toujours au service des autres. La lumière ne s’éclaire pas elle-même ; elle est toujours au service des autres.

Sel pour les autres. Sel qui relève les plats, mais en petite quantité. Au supermarché, le sel ne se vend pas par tonne, mais en petits sachets ; c’est suffisant. Et puis, le sel ne se vante pas de lui-même parce qu’il ne se sert pas lui-même. Il est toujours là pour aider les autres : aider à conserver les aliments, à donner du goût aux aliments. C’est un pur témoignage.

Le chrétien est une lumière pour les gens, pour les aider dans les heures sombres.

Le Seigneur nous dit : Tu es sel, tu es lumière. Nous ne sommes pas les protagonistes de nos mérites . Le chrétien ne peut se dire “J’attirerai beaucoup de gens à l’Église et je ferai …”

Non, “Que votre lumière éclaire les hommes, pour qu’ils voient vos bonnes œuvres et rendent grâces à votre Père qui est aux cieux.” Ainsi tu feras que les autres voient et glorifient le Père. Il ne te sera attribué aucun mérite.

Quand nous mangeons, nous ne disons pas : “Ah, le sel est bon!” Non : “Les pâtes sont bonnes, la viande est bonne …”. Nous ne disons pas : “Le sel est bon”. La nuit, nous ne disons pas : “La lumière est bonne”, non. Nous ignorons la lumière, mais nous vivons avec cette lumière qui éclaire. C’est cette dimension-là qui permet aux chrétiens d’être comme des anonymes dans la vie. »

Ne mettons pas l’Esprit Saint “en cage”

Audience générale du 6 juin 2018 :

« Le don de l’Esprit Saint, nous devons le donner à la communauté. J’exhorte les confirmés à ne pas mettre l’Esprit Saint “en cage”, à ne pas opposer de résistance au vent qui souffle pour les pousser à marcher dans la liberté, à ne pas suffoquer le feu ardent de la charité qui pousse à consumer sa vie pour Dieu et pour ses frères. Que l’Esprit Saint nous accorde à tous le courage apostolique de communiquer l’Évangile, par les œuvres et par les paroles, à ceux que nous rencontrons sur notre route. Par les œuvres et par les paroles, mais les bonnes paroles : celles qui édifient. Pas les paroles des commérages qui détruisent. »

L’Eucharistie est la “réservation” du paradis

Homélie pour la fête du Saint-Sacrement, à Ostie, le 3 juin 2018 :

«Jésus nous prépare une place ici-bas, parce que l’Eucharistie est le cœur battant de l’Église, la génère et la régénère, la rassemble et lui donne la force. Mais l’Eucharistie nous prépare aussi une place là-haut, dans l’éternité, parce qu’elle est le Pain du ciel. Il vient de là, c’est l’unique matière sur cette terre qui soit vraiment d’éternité. C’est le pain de l’avenir, qui déjà maintenant nous fait goûter à l’avance un avenir infiniment plus grand que tout ce qu’on peut attendre de mieux. C’est le pain qui nourrit nos attentes les plus grandes et alimente nos rêves les plus beaux. C’est, en un mot, le gage de la vie éternelle : non seulement une promesse, mais un gage, c’est-à-dire une anticipation concrète de ce qui nous sera donné.

L’Eucharistie est la “réservation” du paradis; c’est Jésus, viatique de notre chemin vers cette vie bienheureuse qui ne finira jamais. »