Colloque sacerdotal à Paris sur l'euthanasie

Que faire face aux demandes des malades de soulager, voire « d’abréger » leurs souffrances ? C’est pour répondre à cette interrogation que l’abbé Jean-Paul Savignac, prêtre de l’Opus Dei, organisait lundi 24 novembre 2003 à Paris (paroisse St Pierre du Gros Caillou) une journée « pour offrir un matériel de réflexion à tous ceux qui sont au contact avec les personnes en fin de vie ».

Trois spécialistes allaient réfléchir sur le sujet devant une cinquantaine de prêtres : Frédéric Laupies, philosophe ; Mgr Jacques Suaudeau, théologien, consulteur à l’Académie pour la Vie (Rome) ; le professeur Lucien Israël, cancérologue, membre de l’académie des sciences morales et politiques.

Le philosophe

Selon Frédéric Laupies, ce qui distingue la personne humaine de l’ange et de Dieu, c’est sa corporéité et sa temporalité. Avoir un corps et être soumis au temps font de l’homme un être essentiellement limité, ou plutôt délimité.

S’il accepte cet ordre des choses et de la vie, l’homme trouve sa vraie place. Bien plus : c’est dans la résistance du milieu extérieur, dans l’effort et la souffrance, que l’homme expérimente son identité, ses limites, et trouve la joie.

Au contraire, s’il rejette ces limites de corporéité et de temporalité, il fait naître en lui le désir fou de vouloir tout maîtriser, il crée l’idéologie de la technique, qui aboutit à traiter la vie comme une réalité instrumentale au service d’un objectif supérieur.

Le théologien

Après vingt ans de chirurgie et dix années passées au conseil pontifical pour la famille, Mgr Suaudeau exprimait avec force et autorité l’enseignement de l’Église : oui à la vie, oui à la mort dans la dignité. Aider à mourir, ce n’est pas tuer, ce n’est pas envoyer dans un mouroir — c’est le risque que courent les soins palliatifs. Mourir dans la dignité, c’est être accompagné par une présence réconfortante, être écouté, considéré comme un homme et non comme un objet à soigner.

Mgr Suaudeau a ensuite souligné la position de l’Église, énoncée depuis Pie XII : la douleur doit être combattue — au risque d’entraîner la mort — afin d’aider le malade à retrouver la sérénité et ainsi lui permettre, le cas échéant, de se réconcilier avec sa famille et avec Dieu.

Enfin, le non à la légalisation de l’euthanasie est clair : comment peut-on prétendre confier à des juges le soin de décider de la mort d’un homme, alors que c’est la famille et le médecin qui sont au contact de la maladie ?

Le professeur Israel lors de son intervention

Le cancérologue

« Je pense que dans quelques années, on pourra vous dire « ce n’est rien, vous n’avez qu’un cancer ! » Ces propos du professeur Israël résument sa foi en la médecine et les découvertes biologiques, et aident à comprendre sa position sur les derniers instants de la vie.

D’un point de vue purement médical, tout d’abord. Dans toute sa carrière de cancérologue, il n’a été confronté qu’une seule fois à une demande d’euthanasie. Le médecin est le rempart de l’homme contre la maladie : sa mission est donc de défendre l’homme, non de le tuer. Le défendre jusqu’au bout, parce qu’un analgésique pris aujourd’hui peut permettre au patient d’attendre le remède qui sera produit demain.

Mais que faire en cas de douleur insupportable ? « Il n’est pas de douleur qui ne puisse être vaincue, répond le professeur Israël. L’anesthésie générale en est la preuve. »

Conclusion

Finalement, que signifient les demandes d’euthanasie ? Une demande d’accompagnement, de prise en considération du malade. Regarder le patient dans les yeux lorsqu’on lui annonce que la maladie est incurable, mais qu’on l’aidera jusqu’au bout.

Expériences personnelles et statistiques à l’appui, on ne pouvait que conclure au devoir de chacun de s’occuper des malades, non seulement pour soulager leurs douleurs mais aussi pour leur tenir la main et les aider à entrer dans la Vie.

La journée d’études s’est terminée sur une note d’optimisme : tandis que la médecine ne cesse ne trouver de nouveaux moyens pour prévenir et guérir, philosophes et théologiens, prêtres et médecins sont à la pointe du combat pour la vie, les uns en promouvant une culture de la vie fondée sur une vraie vision de l’homme, les autres en soignant directement chaque homme dans son âme et dans son corps.