2021: Quelle place pour la femme dans l’Eglise ? Son rôle, sa mission, les changements en marche

Une conférence Zoom d'Ilaria Morali organisée par le Foyer Universitaire de Carouge à Genève le 19 Mai 2021.

Aujourd’hui, les femmes réussissent toujours un peu plus à obtenir des rôles de responsabilité dans tous les domaines de la société , dans les entreprises , mais aussi en politique: l’élection de Kamala Harris comme Vice Présidente aux États Unis ou de Ursula Von der Leyen à la tête de la Communauté Européenne nous confirme cette tendance positive, ascendante, surtout dans les démocraties occidentales.

On ne peut pas dire qu’au niveau religieux il y ait le même degré d’évolution. Face à ces rapides changements dans la societé occidentale, la question du rôle et de la place de la femme est devenue incontournable pour l’Eglise catholique,et urgente en même temps. Le Pape François en est bien conscient . Il a plusieurs fois insisté sur la nécessité de donner davantage de place aux femmes et a lancé des signes allant dans cette direction. La grandeur de l’enjeu de la question de la femme dans l’Eglise catholique impose plusieurs considérations et clarifications.

L’Eglise n’est pas une société civile

L'appréciation du rôle des femmes à l’intérieur de l’Eglise ne peut s’appuyer sur les critères qui règlent les sociétés civiles mais doit se trouver dans l’Evangile, dans la Tradition, dans le témoignage et l’expérience chrétienne. Il est également essentiel de comprendre quel regard Jésus-Christ portait sur les femmes. De plus, le langage théologique est différent de celui de la société civile.

La racine de la vocation-mission de la femme doit être recherché dans le Baptême et la Confirmation.

L’homme et la femme sont déjà égaux dans l’Eglise par leur Baptême: un Peuple uni dans le Christ, « un Seigneur, une foi, un baptême « (1). Chaque personne, homme ou femme, appelé/e par Dieu reçoit une vocation; les sacrements du Baptême et de la Confirmation confèrent à toute personne baptisée une mission d’apostolat dans le monde.

« Cependant comme tous les membres du corps humain, malgré leur multiplicité, ne forment qu’un seul corps, ainsi les fidèles dans le Christ (2). » « Dans l’édification du Corps du Christ règne également une diversité de membres et de fonctions » (3)

La question de la place des femmes dans l’Église ne peut pas être réduiteà l’ordination de femmes prêtres

Ainsi le sacerdoce est un service que les hommes assurent dans l’Eglise catholique. Il ne s’agit donc pas d’un droit à conquérir.

La question de la place des femmes dans l’Eglise ne peut pas être réduite à l’ordination de femmes prêtres. Beaucoup de laïques se demandent en effet comment servir au mieux Dieu et son Église, et explorent de nouvelles routes pour participer davantage à la plénitude de l’amour de Dieu.

L’Evangile nous donne une clé de compréhension sur la place des femmes dans l’Eglise, par l’exemple de Marie bien évidemment, mais aussi de bien d’autres saintes qui, par leur engagement et leur service ont marqué pour toujours l’Eglise. Parmi elles, Marie-Madeleine, cette femme forte et déterminée, « Apostola apostolorum » dans la tradition chrétienne , que le Christ a envoyée pour parler aux disciples au matin de la Résurrection. Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que le Pape François a élevé la mémoire liturgique de Marie-Madeleine au rang de « fête » , degré de célébration liturgique réservé normalement aux Apôtres. (4)

« Il faut élargir les espaces pour une présence féminine plus incisive dans l’Eglise. » (5)

Pape François

Pendant son pontificat, le Pape François a répété en de multiples occasions la nécessité d’intégrer davantage les femmes dans les processus décisionnels de l’Eglise . Il a même déclaré que « le rôle de la femme dans l’Eglise est un droit en tant que baptisée, avec les charismes et les dons que l’Esprit leur a donné. »(6)

Le Pape a concrétisé cette intention par des décisions qui ouvrent de nouvelles routes aux femmes. En instituant le nouveau « Dicastère pour les laïques, la famille et la vie « en septembre 2016, il a imposé dans les statuts la possibilité pour une personne laïque, donc homme ou femme, de devenir secrétaire du Préfet. (7) Plus récemment en 2020, le Saint Père a institué la deuxième commission pour l’étude du diaconat féminin. En janvier 2021, Francesca Di Giovanni, une laïque, a été désignée par le Vatican vice-ministre à la Secrétairerie d’Etat, un poste à haute responsabilité, d’ordinaire attribué qu’aux hommes. Et le Pape a nommé en février 2021, Soeur Nathalie Becquart comme Sous-Secrétaire du Synode avec droit de vote.

« L’ Eglise traverse un fleuve agité...elle doit continuer d’avancer avec courage pour arriver sur l’autre rive »
Ilaria Morali

En conclusion, malgré les efforts du Pape François pour élargir dans l'Église les espaces pour les femmes, et bien que des progrès visibles aient été accomplis, force est de constater qu’il existe encore beaucoup de résistances latentes qui entraînent une certaine stagnation du processus. Par conséquent des personnes souffrent, et si une partie du corps souffre, le Corps entier de l’Église souffre, même dans l’accomplissement de sa mission.

Espérons que la réforme de la Curie Romaine apporte une sorte de modèle de renouveau pour l’Eglise universelle, en prenant également en considération la vocation et la mission des femmes . Le Pape François reconnaît la souffrance des femmes dans l’Eglise . Prions pour lui pour qu’il puisse continuer avec courage le processus d’ouverture qu’il a engagé pour les femmes.

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1/Ep 4,5

2/Cf. 1 Co12, 12

3/Lumen Gentium 7

4/https://www.vatican.va/roman_curia/congregations/ccdds/documents/sanctae-m-magdalenae-decretum_fr.pdf

5/ Exhortation apostolique Evangelii Gaudium ( 2013) n. 103

6/https://www.vatican.va/content/francesco/fr/speeches/2016/may/documents/papa-francesco_20160512_uisg.html

7/https://www.vatican.va/content/francesco/fr/motu_pr...

(*) Dr. Ilaria Morali, membre de l'Académie Internationale des Sciences Religieuses ( AISR) et de la Società Italiana di Storia delle Religioni (SISR)

Ilaria Morali est professeure de Théologie Dogmatique à l’Université Pontificale Grégorienne de Rome depuis presque 20 ans. Elle a été consultante au Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux entre 2014 et 2020. La prof. Morali est l’auteure de nombreuses publications théologiques et d’histoire de la théologie. En Suisse, elle a donné une conférence à Lugano et a collaboré en particulier avec la revue tessinoise « Arte e Storia « .