Bien avant la naissance de leur fille, Joachim et Anne ont pensé à choisir son prénom ; ils penchaient pour celui d’une femme illustre : la prophétesse, sœur d’Aaron et de Moïse, qui avait été donnée comme guide à Israël (Michée 6, 4) et qui avait éclaté en louanges du Seigneur après la délivrance du peuple (Exode 15, 20). Devant la nouveau-née, les parents, pleins d’affection et de reconnaissance, l’ont enfin prononcé : Marie !
Un prénom qui évoque un chant de triomphe ou une prière ardente. « Quelle est donc cette femme, qui a la fierté de l'aurore, la beauté de la lune, l'éclat du soleil, et qui est redoutable comme des bataillons de soldats ? » (Cantique 6, 10).
Parents, voisins et proches ont prononcé le nom de la jeune fille de Nazareth. Joseph, épris de sa fiancée, lui a offert un oui irrévocable. Gabriel, messager de l’Incarnation du Fils de Dieu, a préféré mettre en relief d’abord la prédilection divine, qui était le vrai nom de la Vierge : « la pleine de grâce » (Luc 1, 28). Quelques instants après, il la rassure avec l’appellatif d’usage : « N’aie pas peur, Marie » (Luc 1, 30). Elisabeth donnera ensuite à sa cousine les plus hauts qualificatifs : bénie au-dessus de toute femme, Mère du Seigneur, croyante bienheureuse (Luc 1, 42-45). Le moment venu, Jésus enfant a prononcé ce nom chéri parmi tous ; durant la vie publique et la Passion, selon les évangiles, il lui donnera plutôt, à bon escient, les titres de femme et de mère : la femme par excellence, la mère des vivants de la Nouvelle Alliance.
« Le nom de la Vierge était Marie » (Luc 1, 27). Les litanies de Lorette ouvrent la louange mariale par l’invocation « Sainte Marie ». Un bien doux nom, d’autant qu’il est embaumé par la sainteté. La poésie profane a su exprimer le charme de l’être bien-aimé : « … Mon désir / s’envolera toujours vers toi, / et mon dernier soupir, lui aussi, / cher nom, sera pour toi » (F. M. Piave, Rigoletto).
Le nom de Marie désigne sa personne et sa mission ; il est inséparable du Nom souverain du Fils de Dieu, et du Nom insaisissable de la Trinité. La Vierge Mère était imbibée, par avance, de la vie qui provient du Rédempteur. La sainteté reçue lui permit de saisir la logique de la nouvelle alliance et de répondre à l’appel inouï. Un nom saint pour les rachetés. « Tu as voulu dans ta bonté, que le nom de la Vierge Marie revienne souvent sur les lèvres de tes fidèles » (Missel Romain, mémoire du saint Nom de Marie, préface) : il marque notre identité filiale. La Mère de Dieu, « formée comme une nouvelle créature » (Vatican II, Lumen Gentium §56), est un don grandiose du Créateur. Son parcours est sans faute : femme remplie de grâce depuis sa conception ; préservée de toute souillure dans son chemin ; choisie pour accueillir le Verbe fait chair ; servante empressée de collaborer avec lui, pour donner ainsi la vie aux croyants.
L’ave accueilli par Marie a redressé le tort d’Ève (Hymne, Ave, Maris stella). Son nom, senteur délicate que l’enfer abhorre, porte la suavité de la grâce et la garantie de la gloire. L’Église l’a honoré surtout depuis la délivrance de Vienne : lors du second siège tendu par les ottomans, l’invocation à Notre Dame ouvrit le sentier de la victoire ; à travers les escarpements du Kahlenberg, les troupes polonaises réussirent une offensive surprise, qui mit le grand vizir en fuite, le 12 septembre 1683 ; le pape, reconnaissant, instaura la fête du Saint Nom. Même la France chanta le Te Deum.
Six ans plus tard, une fresque, sur la voûte de l’église de saint Pantaléon, martyr, œuvre de Filippo Gherardi (Rome, 1689), montre Dieu le Père, entouré d’anges, qui bénit Marie et l’anagramme de son nom ; dans les quatre angles, l’humanité entière, représentée par les continents connus à l’époque, se joint à la vénération du Saint Nom de la Mère du Rédempteur.
En s’adressant aux élus, les traditions juives affirmaient : « Dans le ciel vos noms sont écrits devant la gloire du Très-Haut » (1er livre d’Hénoch §104.1). Le Christ le confirme : « Réjouissez-vous de ce que vos noms sont inscrits dans les cieux » (Luc 10, 20). À la Cité de Mexico, la toile baroque de Cristobal de Villalpando montre le Doux Nom rutilant dans la gloire, sur l’effigie de Marie en prière, entourée d’anges.
Toute Sainte et toute proche, son intercession est dite toute puissante. Saint Bernard le savourait : « Si elle te conduit, tu ne connaîtras point la fatigue ; si elle t’est favorable, tu es sûr d'arriver » (Saint Bernard, Homélies sur l’Annonciation 2, 17). Féconde en sainteté, Marie fait des saints.