Sitôt certaine de sa grossesse, Anne se confie à son époux, dans un mélange de surprise et de reconnaissance. Leurs sentiments vibrent à l’unisson : ‑ Nos prières ont été exaucées ; enfin Dieu nous envoie, comme fruit de notre amour pur, l’enfant tant attendu ! Nous avons été tenaces dans la demande, espérant contre toute espérance humaine. Désormais, la bonté de Dieu dépasse nos rêves.
La louange se lève vigoureuse. « Le Seigneur appauvrit et enrichit, il abaisse, mais il élève aussi » (1 Samuel 2, 7). Il l’honore par une descendance. Chaque fils est une bénédiction.
C’est lui, l'Éternel, qui tisse avec sagesse l’embryon, qui lui donne le souffle de la vie, qui lui accorde une âme immortelle
Des enfants d’Eve préparent, sans le savoir, l’arrivée de la Mère des vivants, de l’Élue d’Israël. Les entrailles maternelles deviennent un prolongement humain des « entrailles de miséricorde » de l’Éternel. C’est lui, en définitive, qui tisse avec sagesse l’embryon, qui lui donne le souffle de la vie, qui lui accorde une âme immortelle. Patiemment l’enfant se développe, ressent la présence de sa mère, écoute les voix qui l’entourent. Il est un maillon d’espérance du Peuple de Dieu, un citoyen du Royaume de salut. Les parents ignorent encore la splendeur de l’âme de cette enfant, remplie de la grâce sanctifiante dès le premier instant de sa conception.
L’attente du Messie se fait de plus en plus pressante. Les parents, comme d’autres couples pieux, « étaient justes devant Dieu et suivaient tous les commandements et observances du Seigneur d’une manière irréprochable » (Luc 1, 6), « en attendant la consolation d’Israël » (Luc 2, 25). Leur enfant, en temps voulu, unira sa voix à cette attente.
Une femme nouvelle, « le chef d’œuvre du Saint-Esprit, les prémices d’une nouvelle création »
Enfin, le jour de la naissance arrive : c’est une fille ! Une femme nouvelle, « le chef d’œuvre du Saint-Esprit, les prémices d’une nouvelle création » (Missel Romain, Marie, la Femme nouvelle, oraison). L’église Sainte-Anne de Jérusalem offre le témoignage ancestral de la naissance de Sainte Marie ; dans la crypte, une icône moderne reproduit la composition traditionnelle. La lignée des patriarches et des rois se prolonge dans cette enfant fragile, qui va donner l’accomplissement aux promesses messianiques. Elle est le premier membre du nouveau Peuple de Dieu, la future Mère du Rédempteur. Libérée du péché, elle donnera naissance à l’Agneau pur, en inaugurant ainsi la nouvelle ère de l’Incarnation rédemptrice (Lumen Gentium §55).
Les traditions judéo- chrétiennes ont rapporté, avec piété mêlée à de la fantaisie, l’engendrement et la naissance de Notre Dame. Les pasteurs ont inclus cette date parmi les fêtes significatives du salut. Les prédicateurs ont développé avec verve le sens de l’événement, poussant à la vénération de la Mère de Dieu et ayant recours à son intercession. Sa naissance peut bien faciliter notre renaissance intérieure. A partir des homélies, les artistes ont mis en image cet instant mémorable (J.-M. Salvador, Byzantine iconography, 2015).
Après la période iconoclaste, sous l’empereur Basile II, de la dynastie macédonienne, l’enluminure s’empare du sujet : vers l’an 985, le riche synaxaire impérial, avec un calendrier liturgique complété par des textes hagiographiques, inclut, parmi ses 430 miniatures, celle de la naissance de la Vierge Marie. Quatre siècles plus tard (1321), les somptueuses mosaïques de l’église Saint-Sauveur de Constantinople reproduisent la « nativité de la Mère de Dieu ».
La nouveau-née, encore muette, proclame l’espérance de toutes les nations.