« Toute la vie liturgique de l'Église gravite autour du Sacrifice eucharistique et des sacrements. Il y a sept sacrements dans l'Église : le Baptême, la Confirmation ou Chrismation, l’Eucharistie, la Pénitence, l’Onction des malades, l’Ordre et le Mariage »[1].
Le mystère Pascal et les Sacrements
La Résurrection du Christ forme une unité avec sa mort sur la Croix. De même que, par la passion et la mort de Jésus, Dieu a éliminé le péché et réconcilié le monde avec Lui, de même, par la résurrection de Jésus, Dieu a inauguré la vie nouvelle, la vie du monde à venir, et l'a rendue accessible aux hommes. Par le don de l'Esprit Saint, le Seigneur nous fait participer à cette vie nouvelle de sa Résurrection. Le mystère pascal est donc un élément central de notre foi. C'est toujours la première annonce de tout apôtre : « Jésus Christ t’aime, il a donné sa vie pour te sauver, et maintenant il est vivant à tes côtés chaque jour pour t’éclairer, pour te fortifier, pour te libérer »[2]. C'est la première annonce, parce que c'est l'annonce principale, celle qu’il faut écouter à nouveau de diverses manières, et celle qu’il faut toujours annoncer à nouveau d'une manière ou d'une autre.
Cette œuvre de salut que nous annonçons n'est pas reléguée dans le passé, car « quand son Heure est venue (cf. Jn 13, 1 ; 17, 1), [le Christ] vit l’unique événement de l’histoire qui ne passe pas : Jésus meurt, est enseveli, ressuscite d’entre les morts et est assis à la droite du Père "une fois pour toutes" (Rm 6, 10 ; He 7, 27 ; 9, 12). C’est un événement réel, advenu dans notre histoire, mais il est unique : tous les autres événements de l’histoire arrivent une fois, puis ils passent, engloutis dans le passé. Le Mystère pascal du Christ, par contre, ne peut pas rester seulement dans le passé, puisque par sa Mort il a détruit la mort, et que tout ce que le Christ est, et tout ce qu’Il a fait et souffert pour tous les hommes, participe de l’éternité divine et surplombe ainsi tous les temps et y est rendu présent. L’Événement de la Croix et de la Résurrection demeure et attire tout vers la Vie »[3].
En même temps, le mystère pascal est si décisif que Jésus-Christ n'est retourné auprès du Père « qu'après nous avoir laissé le moyen d'y participer comme si nous y avions été présents. Tout fidèle peut ainsi y prendre part et en goûter les fruits d'une manière inépuisable »[4]. Ce moyen est la sainte Liturgie : surtout le sacrifice eucharistique et les sacrements[5].
Comme nous le rappelle le Catéchisme de l'Église Catholique : « "Assis à la droite du Père" et répandant l’Esprit Saint en son Corps qui est l’Église, le Christ agit désormais par les sacrements, institués par Lui pour communiquer sa grâce »[6]. Les sacrements sont comme des "Forces qui sortent" du Corps du Christ (cf. Lc 5, 17 ; 6, 19 ; 8, 46), toujours vivant et vivifiant, actions de l’Esprit Saint à l’œuvre dans son Corps qui est l’Église, les sacrements sont "les chefs-d’œuvre de Dieu" dans la nouvelle et éternelle Alliance »[7].
L'Église proclame et célèbre dans sa liturgie le Mystère du Christ afin que les fidèles puissent en vivre et en témoigner dans le monde. « De la première Communauté de Jérusalem jusqu’à la Parousie, c’est le même Mystère pascal que célèbrent, en tout lieu, les Églises de Dieu fidèles à la foi apostolique. Le Mystère célébré dans la liturgie est un, mais les formes de sa célébration sont diverses »[8].
En effet, la richesse insondable du Mystère du Christ est telle qu'aucune tradition liturgique ne peut en épuiser l'expression, si bien que l'histoire de la naissance et du développement de ces rites témoigne d'une merveilleuse complémentarité[9]. En traitant de la célébration de chacun des sacrements, nous pourrons voir comment « les Églises d’une même aire géographique et culturelle en sont venues à célébrer le Mystère du Christ à travers des expressions particulières, culturellement typées »[10].
Nature des sacrements
« Il y a sept sacrements dans l'Église : le Baptême, la Confirmation ou Chrismation, l’Eucharistie, la Pénitence, l’Onction des malades, l’Ordre et le Mariage »[11]. « Les sept sacrements touchent toutes les étapes et tous les moments importants de la vie du chrétien : ils donnent naissance et croissance, guérison et mission à la vie de foi des chrétiens. En cela il existe une certaine ressemblance entre les étapes de la vie naturelle et les étapes de la vie »[12]. Ils forment un ensemble ordonné, dont l'Eucharistie occupe le centre, car elle contient l'Auteur même des sacrements[13].
Le Catéchisme de l'Église Catholique donne une définition des sacrements : « Les sacrements sont des signes efficaces de la grâce, institués par le Christ et confiés à l’Église, par lesquels la vie divine nous est dispensée. Les rites visibles sous lesquels les sacrements sont célébrés, signifient et réalisent les grâces propres de chaque sacrement »[14]. Ainsi, « les sacrements sont des signes sensibles (paroles et actions), accessibles à notre humanité actuelle »[15].
Si nous nous demandons de quoi les sacrements sont le signe, nous pouvons affirmer qu'ils sont le signe de trois éléments : de la cause sanctifiante qui est la Mort et la Résurrection du Christ ; de l'effet sanctifiant ou grâce ; et de la fin de la sanctification qui est la gloire éternelle. « Le sacrement est le signe qui remémore ce qui a précédé, à savoir la passion du Christ ; quimet en évidence ce qui s’opère en nous par la passion du Christ, à savoir la grâce ; qui pronostique, je veux dire qui annonce à l’avance la Gloire à venir »[16].
Le signe sacramentel propre à chaque sacrement est constitué d'éléments matériels – eau, huile, pain, vin – et de gestes humains – ablution, onction, imposition des mains, etc. – qui sont appelés matière ; et aussi de paroles prononcées par le ministre du sacrement, qui sont la forme. Comme l'affirme le Catéchisme, toute « célébration sacramentelle est une rencontre des enfants de Dieu avec leur Père, dans le Christ et l’Esprit Saint, et cette rencontre s’exprime comme un dialogue, à travers des actions et des paroles »[17].
En outre, dans la liturgie des sacrements, il y a une partie immuable (ce que le Christ lui-même a établi sur le signe sacramentel), et des parties que l'Église peut modifier pour le bien des fidèles et la plus grande vénération des sacrements, en les adaptant aux circonstances de lieu et de temps. Il ne faut pas oublier qu’« aucun rite sacramentel ne peut être modifié ou manipulé au gré du ministre ou de la communauté. Même l’autorité suprême dans l’Église ne peut changer la liturgie à son gré, mais seulement dans l’obéissance de la foi et dans le respect religieux du mystère de la liturgie »[18].
Sacrements et grâce
« La grâce est la faveur, le secours gratuit que Dieu nous donne pour répondre à son appel : devenir enfants de Dieu (cf. Jn 1, 12-18), fils adoptifs (cf. Rm 8, 14-17), participants de la divine nature (cf. 2 P 1, 3-4), de la vie éternelle (cf. Jn 17, 3). La grâce est une participation à la vie de Dieu, elle nous introduit dans l’intimité de la vie trinitaire : par le Baptême le chrétien participe à la grâce du Christ, Tête de son Corps. Comme un "fils adoptif", il peut désormais appeler Dieu "Père", en union avec le Fils unique »[19]. En ce sens, les baptisés sont « passés de la mort à la vie », de l'éloignement de Dieu à la grâce de la justification, à la filiation divine. Nous sommes des enfants bien-aimés de Dieu par la puissance du mystère Pascal du Christ, de sa mort et de sa résurrection.
La grâce que nous recevons « est le don gratuit que Dieu nous fait de sa vie infusée par l’Esprit Saint dans notre âme pour la guérir du péché et la sanctifier : c’est la grâce sanctifiante ou déifiante, reçue dans le Baptême »[20]. Comme l'affirme le Catéchisme, « la grâce sanctifiante est un don habituel, une disposition stable et surnaturelle perfectionnant l’âme même pour la rendre capable de vivre avec Dieu, d’agir par son amour »[21].
Tous les sacrements confèrent la grâce sanctifiante à ceux qui n’y font pas obstacle. Cette grâce est « le don de l'Esprit qui nous justifie et nous sanctifie »[22]. En outre, les sacrements confèrent la grâce sacramentelle qui est celle « propre à chaque sacrement »[23] : une certaine aide divine pour atteindre la fin de ce sacrement.
Nous recevons non seulement la grâce sanctifiante, mais l'Esprit Saint lui-même ; en effet, « la grâce est d’abord et principalement le don de l’Esprit qui nous justifie et nous sanctifie »[24]. Nous pouvons donc dire que « c’est par les sacrements de l’Église que le Christ communique aux membres de son Corps son Esprit Saint et Sanctificateur »[25]. Le fruit de la vie sacramentelle est donc que l'Esprit Saint déifie les fidèles en les unissant vitalement au Christ[26].
Les trois sacrements du Baptême, de la Confirmation et de l'Ordre confèrent, en plus de la grâce, le caractère dit sacramentel, qui est un sceau spirituel indélébile imprimé sur l'âme par lequel le chrétien participe au sacerdoce du Christ et fait partie de l'Église selon divers états et fonctions. Le caractère sacramentel demeure à jamais dans le chrétien comme une disposition positive à la grâce, comme une promesse et une garantie de protection divine, et comme une vocation au culte divin et au service de l'Église. Par conséquent, ces trois sacrements ne peuvent être réitérés[27].
Les sacrements que le Christ a confiés à son Église sont nécessaires – du moins leur désir – pour le salut, pour obtenir la grâce sanctifiante, et aucun n'est superflu, même si tous ne sont pas nécessaires pour chaque personne.
Efficacité des sacrements
Les sacrements « sont efficaces parce qu'en eux le Christ lui-même est à l’œuvre ; c'est Lui qui baptise, c'est Lui qui agit dans ses sacrements afin de communiquer la grâce que le sacrement signifie »[28]. En effet, les sacrements « réalisent efficacement la grâce qu'ils signifient en vertu de l'action du Christ et par la puissance de l'Esprit Saint »[29].
L'effet sacramentel est produit ex opere operato (par le fait même que le signe sacramentel est réalisé). C'est-à-dire que le sacrement n'agit pas en vertu de la justice de l'homme qui le donne ou le reçoit, mais par la puissance de Dieu. Par conséquent, « dès lors qu'un sacrement est célébré conformément à l'intention de l'Église, la puissance du Christ et de son Esprit agit en lui et par lui, indépendamment de la sainteté personnelle du ministre »[30].
Celui qui accomplit le sacrement se met au service du Christ et de l'Église, et il est donc appelé ministre du sacrement ; il ne peut pas être indistinctement n'importe quel fidèle chrétien, mais il a ordinairement besoin de la configuration spéciale au Christ Prêtre que donne le sacrement de l'Ordre.
L'efficacité des sacrements découle du Christ lui-même, qui agit en eux. « Cependant, les fruits des sacrements dépendent aussi des dispositions de celui qui les reçoit »[31] : plus ses dispositions de foi, de conversion du cœur et d'adhésion à la volonté de Dieu sont bonnes, plus les effets de la grâce qu'il reçoit sont abondants.
« La sainte Mère Église a institué des sacramentaux, qui sont des signes sacrés par lesquels, selon une certaine imitation des sacrements, des effets surtout spirituels sont signifiés et sont obtenus par la prière de l’Église. Par eux, les hommes sont disposés à recevoir l’effet principal des sacrements, et les diverses circonstances de la vie sont sanctifiées. Les sacramentaux ne confèrent pas la grâce de l’Esprit Saint à la manière des sacrements, mais par la prière de l’Église ils préparent à recevoir la grâce et disposent à y coopérer »[32]. Parmi les sacramentaux, les bénédictions (des personnes, de la table, des objets, des lieux) occupent la première place.
- Concile Vatican II, Sacrosanctum Concilium, nos 5-7
- Catéchisme de l'Église Catholique, nos 1066-1098
- Id., 1113-1143
- ID., 1200-1211
- ID., 1667-1671
- Saint Jean-Paul II, Ecclesia de Eucharistia, nos 2-5
[1]Catéchisme de l'Église Catholique, no 1113.
[2] François, Evangelii Gaudium, no 164.
[3] Catéchisme de l'Église Catholique, no 1085.
[4] Saint Jean Paul II, Ecclesia de Eucharistia, no 11
[5] Cf. Concile Vatican II, Sacrosanctum Concilium, no 6.
[6] Catéchisme de l'Église Catholique, no 1084.
[7] Catéchisme de l'Église Catholique, no 1116.
[8] Catéchisme de l'Église Catholique, no 1200.
[9] Cf. Catéchisme de l'Église Catholique, no 1201.
[10] Catéchisme de l'Église Catholique, no 1202.
[11] Catéchisme de l'Église Catholique, no 1113.
[12] Catéchisme de l'Église Catholique, no 1210.
[13] Cf. Catéchisme de l'Église Catholique, no 1211.
[14] Catéchisme de l'Église Catholique, no 1131.
[15] Catéchisme de l'Église Catholique, no 1084.
[16] Saint Thomas d'Aquin, Summa Theologiae, III, q. 60, a.3 ; cf. Catéchisme de l'Église Catholique, 1130.
[17] Catéchisme de l'Église Catholique, no 1153.
[18] Catéchisme de l'Église Catholique, no 1125.
[19] Catéchisme de l'Église Catholique, no 1996.
[20] Catéchisme de l'Église Catholique, no 1999.
[21] Catéchisme de l'Église Catholique, no 2000.
[22] Catéchisme de l'Église Catholique, no 2003.
[23] Catéchisme de l'Église Catholique, no 1129.
[24] Catéchisme de l'Église Catholique, no 2003
[25] Catéchisme de l'Église Catholique, no 739.
[26] Cf. Catéchisme de l'Église Catholique, no 1129.
[27] Cf. Catéchisme de l'Église Catholique, no 1121.
[28] Catéchisme de l'Église Catholique, no 1127.
[29] Catéchisme de l'Église Catholique, no 1997.
[30] Catéchisme de l'Église Catholique, no 1128.
[31] Idem.
[32] Catéchisme de l'Église Catholique, nos 1667 & 1670