L'Église se présente au monde comme la communauté des disciples de Jésus. Nous croyons que le Christ est le Fils de Dieu fait chair, le visage humain de Dieu, qui continue à agir avec l'Esprit Saint dans la mission de l'Église, selon le plan divin du salut.
« Par conséquent, l'Église est inséparablement humaine et divine. Par son origine, l'Église est donc une société divine : par sa fin, et par les moyens immédiats qui y conduisent, elle est surnaturelle ; par les membres dont elle se compose et qui sont des hommes, elle est une société humaine (Léon XIII, Encyclique Satis cognitum). Elle vit et agit dans le monde. Toutefois sa fin et sa force ne se trouvent pas sur la terre, mais au Ciel »[1].
Tous les êtres créés portent l'empreinte de Dieu, en particulier les personnes créées à son image et à sa ressemblance. De plus, dès l'Ancien Testament, nous voyons que Dieu a établi un ordre de réalités que nous appelons "sacré", à travers certains signes qui peuvent être certaines personnes (les ministres sacrés) ou des réalités matérielles (le temple et d'autres objets mis à l'écart de l'usage commun pour le service de Dieu). À côté de ces "réalités sacrées", dont le sens est le culte, il y a la sphère des réalités créées (comme le travail, la famille, la culture et les relations sociales, économiques et politiques, etc.) que nous appelons "profanes" ou "séculières". Mais il ne faut pas penser que le sacré est relatif à Dieu et que le profane lui est étranger.
Avec l'Incarnation du Fils de Dieu, les réalités profanes peuvent être vécues en union avec Lui, par l'action de l'Esprit Saint, par la foi et les sacrements. Et donc toutes ces réalités peuvent aussi être, sans qu'il soit nécessaire de les soustraire à leur usage ordinaire, un moyen de collaboration à la Rédemptionet un moyen de sanctification. C'est ce qu'on appelle la "sécularité chrétienne" (de saeculum = siècle ou monde). Les chrétiens aiment le monde avant tout parce qu'il a été créé par Dieu. Et nous essayons de l'amener à Dieu en sachant que le péché est également présent dans le monde mais que la grâce de Dieu guérit et élève cette réalité.
L'Église dans l'histoire
L'Église, en tant que communauté humaine et sociale, est et vit dans le monde. L'Église et le monde sont étroitement liés, mais ne s'identifient pas. Le monde n'est pas un espace étranger à Dieu et son sens ne s'épuise pas dans le terrestre, car il est appelé dans le Christ à un nouveau mode d'existence que Jésus appelle le "Royaume de Dieu". Ce royaume n'est pas une réalité politique mais une réalité spirituelle. Le monde n'est pas indépendant de Dieu, comme le prétend le laïcisme dans une tentative de reléguer la religion dans le domaine du privé et du non pertinent.
En même temps, le monde est autonome par rapport à l'Église en tant qu'institution ecclésiastique. Jésus a dit : « Rendez à César ce qui est à César » (Mt 22, 21). Il n'y a pas de solution chrétienne officielle à toutes les affaires du monde, mais diverses solutions concrètes. Et l'Église ne s'identifie à aucun ordre historique particulier : à aucune idéologie, aucun régime politique, économique ou social. Cela, comme nous l'avons dit, ne signifie pas que les valeurs terrestres sont indépendantes de Dieu. Dans la vision chrétienne du monde, tout est don de Dieu et le monde est appelé à être un moyen de connaître et d'aimer Dieu et, par conséquent, d'aimer son prochain et de servir l'unité du genre humain.
La mission de l'Église n'est pas un projet politique, elle n'aspire pas non plus à "sacraliser" le monde, mais c’est une mission religieuse : elle ne cherche que le salut de l'humanité, un salut qui va au-delà du bien-être ou de la justice terrestres. En même temps, l'Église se préoccupe également des questions temporelles : parce que la personne n'est pas une abstraction, mais qu’elle est située dans un contexte familial, social, de travail et économique, et parce que le message de l'Évangile appelle à la rédemption de toute la réalité en promouvant la justice et la paix afin que le Royaume de Dieu puisse être construit dans l'histoire.
L'Église rappelle à tous le caractère provisoire des réalisations temporelles. Ce que nous, êtres humains, faisons, a besoin d'être amélioré, complété et finalement transformé par Dieu. Et cela peut ainsi faire partie de ce monde nouveau qui correspond au Royaume.
C'est pour ces raisons que l'Église, également au plan institutionnel, s'occupe des questions sociales et temporelles, non pas dans leurs aspects techniques et contingents mais dans la mesure où elles peuvent faire obstacle à l'union avec Dieu et à la vie éternelle. Le principal obstacle à cela est le péché, et tout péché est personnel. Les conséquences du péché peuvent devenir dans l'environnement social de véritables "structures de péché" qui empêchent les gens d'atteindre la vérité et le bien commun, la vie de grâce et l'amour de Dieu et du prochain. C'est pourquoi, lorsque l'Église enseigne sa Doctrine sociale, elle ne s'écarte pas de sa propre mission mais l'affronte au milieu de la complexité du monde actuel et tente de servir de médiateur dans le dialogue entre les cultures et les religions.
La laïcité chrétienne et la mission de l'Église
Comme nous l'avons souligné, la vision chrétienne du monde que l'Église proclame et enseigne, est appelée laïcité chrétienne ou encore "dimension séculière" du christianisme et de l'Église. La laïcité chrétienne s'enracine dans le fait que le Fils de Dieu s'est fait homme à une époque donnée et dans une culture particulière. Et elle se réalise de manière différente chez tous les chrétiens. Le magistère de l'Église enseigne : « Tous les membres de l'Église participent à sa dimension séculière ; mais cela de façons diverses » (Christifideles laici, no 15).
À cet égard, on peut constater que dans l'Église, il existe une pluralité de positions personnelles qui, à leur tour, entraînent différentes manières de se rapporter au monde. Le Concile Vatican II le souligne lorsqu'il utilise des expressions différenciées : les pasteurs, les laïcs et les religieux participent à la mission de l'Eglise, chacun à sa manière, à sa façon particulière ou pour sa part.
La mission de l'Église, unique pour tous les baptisés, c’est la gloire de Dieu (que Dieu soit connu, reconnu et aimé) et le salut des hommes par la rencontre personnelle avec le Christ. Cette mission peut aussi être appelée évangélisation dans la mesure où elle proclame le message de salut que le Christ nous a apporté : Évangile signifie "bonne nouvelle" de ce salut.
Ses traits dépendent de la propre vocation et de la mission dévolue à chacun[2] . Les laïcs exercent la triple fonction salvatrice du Christ et accomplissent la Mission « comme du dedans »[3] des réalités séculières, c'est-à-dire dans la manière "ordinaire" d'entrer en relation avec le monde (ce qu'ils partagent avec les non-chrétiens). La vie religieuse implique une manière propre (exprimée dans la "profession" des conseils évangéliques), nécessaire pour l'Église et le monde, de témoigner de la transcendance du Royaume de Dieu auquel nous aspirons[4] . Et en ce qui concerne les ministres sacrés, Vatican II dit : « Le Christ Seigneur, pour assurer au Peuple de Dieu des pasteurs et les moyens de sa croissance, a institué dans son Église divers ministères qui tendent au bien de tout le corps »[5]. Les pasteurs « restent, en raison de leur vocation particulière, principalement et expressément ordonnés au ministère sacré »[6]. C'est leur manière propre de participer à la mission.
Ainsi, chacun des fidèles chrétiens participe à la mission de l'Église selon sa condition et sa vocation, et selon les dons reçus, y compris les sacrements et les charismes. De cela dépendent aussi les tâchesqui correspondent à chacun dans l'unique mission de l'Église.
Tous les fidèles chrétiens, en vertu de leur baptême, sont qualifiés pour diverses tâches dans le cadre de la mission évangélisatrice de l'Église.
Ces tâches peuvent être divisées en trois domaines[7] : A) à l'intérieur de l'Église elle-même (apostolat des chrétiens ou "pastorale" ordinaire) ; B) "vers l'extérieur", c'est-à-dire les relations avec les autres religions et avec les non-croyants ; C) le domaine de l'œcuménisme (relations avec les chrétiens non catholiques, afin de réaliser l'unité des chrétiens). Il est important de souligner que dans toutes les tâches auxquelles les fidèles participent, ils le font en fonction de leur propre vocation et mission.
Il existe des tâches ecclésiales auxquelles tout baptisé peut participer et qui peuvent se situer dans le domaine de la foi (comme la catéchèse ou l'enseignement scolaire de la religion), du culte (participation à la liturgie), de la charité (comme l'assistance aux plus démunis) et en général de la vie de l'Église (comme la participation aux conseils ou aux synodes pour aider à la prise de décision pastorale). Les fidèles peuvent également collaborer avec les pasteurs de l'Église dans les tâches pour lesquelles ils sont professionnellement qualifiés, par exemple dans le domaine économique, juridique, etc. y compris certaines tâches de gouvernance.
Certaines de ces tâches (qui ne nécessitent pas le sacrement de l'ordre) peuvent être officiellement établies et supervisées par l'Église en tant que ministères "institués" (non ordonnés). En participant à ces tâches, les fidèles laïcs ne sont ni plus ni moins laïcs. En même temps, il faut veiller à ce qu'ils les exercent conformément à leur propre vocation et mission, afin qu'ils ne soient pas confondus avec les pasteurs de l'Église.
Le rôle des laïcs : sanctifier le monde de l'intérieur
Les fidèles laïcs, par la grâce du baptême et les charismes conférés par l'Esprit Saint, ont reçu de Dieu la vocation et la mission propres de « chercher le règne de Dieu précisément à travers la gérance des choses temporelles qu’ils ordonnent selon Dieu »[8].
Par conséquent, en plus de diverses tâches qu'ils peuvent accomplir comme les autres fidèles baptisés, la mission propre des fidèles laïcs consiste à sanctifier le monde « comme du dedans »[9]. Ce n'est pas simplement parce qu'ils passent la majeure partie de leur temps à des occupations séculières ou à résoudre des questions temporelles, ni parce qu'ils doivent "entrer" dans l'Église pour "sortir" sanctifier le monde, mais cela tient à leur coopération à la grâce, qui unifie, anime et conduit leur vie chrétienne là où ils se trouvent, en l'intégrant dans l'action salvatrice de Dieu. En effet, par leur vocation « ils sont aussi appelés à être, en toutes circonstances et au cœur même de la communauté humaine, les témoins du Christ »[10].
De cette façon, les fidèles laïcs, en accomplissant leurs devoirs professionnels, familiaux, sociaux, etc. en présence de Dieu, ordonnent en même temps la réalité temporelle selon Dieu. Le Concile Vatican II a clairement insisté sur ce point : « Ils s’éloignent de la vérité ceux qui, sachant que nous n’avons point ici-bas de cité permanente, mais que nous marchons vers la cité future, croient pouvoir, pour cela, négliger leurs tâches humaines, sans s’apercevoir que la foi même, compte tenu de la vocation de chacun, leur en fait un devoir plus pressant »[11].
En parlant du processus moderne d'évolution du laïcat, qui a conduit à ces affirmations du Concile Vatican II sur la vocation et la mission des fidèles laïcs, saint Josémaria disait peu après le Concile : « Cela implique une vision plus profonde de l'Église, en tant que communauté formée par tous les fidèles, de sorte que nous sommes tous solidaires d'une même mission, que chacun doit remplir selon ses conditions personnelles. Les laïcs, grâce aux impulsions de l'Esprit Saint, sont de plus en plus conscients d'être Église, d'assurer une mission spécifique, sublime et nécessaire, puisqu'elle a été voulue par Dieu. Et ils savent que cette mission dépend de leur condition même de chrétiens, pas nécessairement d'un mandat de la hiérarchie, bien qu'ils doivent, évidemment, la remplir en union avec la hiérarchie ecclésiastique et selon les enseignements du magistère »[12].
La vocation des ministres sacrés et des religieux ne les dispense pas de sanctifier le monde, mais la manière dont ils opèrent cette sanctification est différente. Les ministres ordonnés l'accomplissent dans l'exercice de leur propre ministère. Et les membres de la vie religieuse, par leur témoignage eschatologique particulier.
Quant aux pasteurs de l'Église, il leur appartient d'abord d'enseigner la doctrine sociale de l'Église ; ensuite, de former les fidèles et leur conscience dans ce domaine ; enfin, lorsque cela est nécessaire, il leur appartient de porter des jugements moraux dans des situations exceptionnelles de nature sociale ou politique. Le discernement des pasteurs se situe au niveau du conseil aux fidèles, et non du commandement, bien que cela soit possible dans des circonstances exceptionnelles.
Ainsi, la Hiérarchie n'a pas de rôle direct dans l'organisation de la société. Sa tâche est de fournir une "aide morale et spirituelle", ainsi que l'orientation de "principes moraux" pour guider leur activité que les laïcs réaliseront de leur propre initiative et sans attendre passivement les instructions et les directives des pasteurs[13].
L'Église accepte tout système social dans lequel la dignité humaine est respectée ; et les fidèles doivent accepter le Magistère social avec un engagement de l'esprit, de la volonté et des actes[14].
Toute la mission de l'Église a pour centre la charité, c'est-à-dire l'amour de Dieu et du prochain, en particulier des plus démunis. « Un homme ou une société qui demeure passif devant les tribulations ou les injustices, qui ne s'efforce pas de les soulager, n'est pas à la mesure de l'amour du Cœur du Christ »[15].
Liberté et responsabilité des laïcs
La liberté et la responsabilité dans les différentes activités sociales, politiques et culturelles, dans le cadre de la propre vocation chrétienne, nous amènent à distinguer entre laïcité et laïcisme. Par laïcité,on comprend que l'État est autonome par rapport aux lois ecclésiastiques, tandis que le laïcisme revendique l'autonomie du politique par rapport à l'ordre moral et au plan divin lui-même, et tend à enfermer la religion dans la sphère purement privée. Il viole ainsi le droit à la liberté religieuse et porte atteinte à l'ordre social[16].
Une saine laïcité évite deux extrêmes : l'imposition, par l'État, d'une morale qui déciderait de ce qui est bon ou mauvais dans tous les domaines – ce qui équivaudrait à une pseudo-religion – ; et son rejet a priori des valeurs morales qui proviennent des sphères culturelles ou religieuses qui sont libres et ne doivent pas être gérées par le pouvoir politique.
Il convient également de souligner qu'il est illusoire et injuste de demander aux fidèles d'agir en politique "comme si Dieu n'existait pas". C’est illusoire car toute personne agit sur la base de ses convictions culturelles (religieuses, philosophiques, politiques, etc.), qu'elles découlent ou non d'une foi religieuse ; ce sont donc des convictions qui influencent le comportement social des citoyens. C'est injuste, car tant les croyants que les non-croyants peuvent appliquer leurs propres doctrines, quelle que soit leur origine. Il faut seulement veiller à ce que l'activité sociale et politique soit conforme à la dignité humaine et au bien commun.
Agir en politique conformément à sa foi, si cela est conforme à la dignité des personnes, ne signifie pas que la politique est soumise à la religion ; cela signifie que la politique est au service de la personne et doit donc respecter les exigences morales, ce qui revient à dire qu'elle doit respecter et promouvoir la dignité de chaque être humain. En ce sens, vivre l'engagement politique pour un motif transcendant est parfaitement conforme à la nature humaine et, par conséquent, stimule cet engagement et produit de meilleurs résultats.
La religion peut et doit servir d'élément critique en ce qui concerne les valeurs éthiques d'une société. Réciproquement, l'éthique peut et doit être capable de critiquer les croyants de toute religion, en termes d'adéquation de leurs croyances (ou de leurs pratiques religieuses, ou de leur conduite civique inspirée par leur foi religieuse) à la dignité humaine et au bien commun. La religion et l'éthique doivent être placées en dialogue dans la vie sociale et civique.
Église et État
Tout au long de l'histoire, les chrétiens ont compris leur mission d'évangélisation dans le monde de différentes manières. Il en est de même de la manière dont ils ont compris la relation institutionnelle entre l'Église et l'État. Pendant quelques siècles, le modèle suivi dans les pays chrétiens a été celui d'un État confessionnel catholique où le pouvoir sacré des rois était soutenu par l'autorité spirituelle de l'Église. Il s'agissait d'une collaboration mutuelle qui, en de nombreuses occasions, a privé l'Église de sa liberté car elle était en fait soumise au pouvoir temporel du roi. Les changements sociopolitiques qui ont émergé autour du siècle des Lumières ont contribué à la séparation de l'Église et de l'État, l'autorité ecclésiastique reconnaissant la légitimité de tout gouvernement démocratiquement élu par le peuple.
Mais un régime sstrict de séparation n'est pas idéal. Au contraire, le rapport institutionnel entre l'Église et l'État (qui sont différents par leur nature et leur finalité) implique une distinction sans séparation, une union sans confusion (cf. Mt 22, 15-21 entre autres). Cette relation sera correcte et fructueuse s'il existe des relations d'amitié et de collaboration entre les deux sphères, si le rôle de la religion dans la vie personnelle et sociale est reconnu, et si le droit à la liberté religieuse est respecté.
L'Église a reçu du Christ le mandat apostolique : « Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit » (Mt 28, 19). Par son enseignement et son activité apostolique, tant au niveau universel qu'au niveau concret des Églises particulières, occidentales ou orientales, l'Église contribue à la juste ordonnance des choses temporelles afin qu'elles servent à l'homme pour atteindre sa fin ultime et ne l'en détournent pas.
Les moyens que l'Église en tant qu'institution utilise pour accomplir sa mission sont avant tout spirituels : la prédication de l'Évangile, l'administration des sacrements, la prière. Elle doit aussi utiliser des moyens matériels, appropriés à la nature de ses membres, qui sont des personnes humaines (cf. Ac 4, 32-37 ; 1 Tm 5, 18) ; ces moyens doivent toujours être conformes à l'Évangile. L'Église a également besoin d'indépendance pour mener à bien sa mission dans le monde, mais pas de prédominance politique ou économique[17].
L'État est une institution qui découle de la sociabilité humaine naturelle dont le but est le bien commun temporel de la société civile. Ce bien n'est pas seulement matériel mais aussi spirituel, car les membres de la société sont des personnes avec un corps et une âme. Le progrès social requiert, outre les moyens matériels, de nombreux autres biens de caractère spirituel : la paix, l'ordre, la justice, la liberté, la sécurité, etc. Ces biens ne peuvent être obtenus que par l'exercice de vertus sociales, que l'État doit promouvoir et protéger (par exemple, la moralité publique).
La distinction entre la sphère religieuse et la sphère politique implique que l'État ne jouisse pas d’un "caractère sacré" et ne doive donc pas gouverner les consciences, puisque le fondement moral de la politique se situe en dehors d’elle. En outre, l'Église ne possède pas de pouvoir politique coercitif. Dans la mesure où l'adhésion y est volontaire d'un point de vue civil, son pouvoir est de nature spirituelle et n'impose pas une solution politique unique. De cette manière, l'État et l'Église sont en conformité avec leurs propres fonctions, ce qui favorise la liberté religieuse et sociale.
Deux droits importants en découlent : le droit à la liberté religieuse qui consiste en l'immunité de toute contrainte de la part de l'État en matière religieuse, et le droit des catholiques à la liberté d'action vis-à-vis de la hiérarchie en matière temporelle ; « Les fidèles laïcs ont le droit de se voir reconnaître dans le domaine de la cité terrestre la liberté qui appartient à tous les citoyens ; mais dans l'exercice de cette liberté, ils auront soin d'imprégner leur action d'esprit évangélique et ils seront attentifs à la doctrine proposée par le magistère de l'Église, en veillant cependant, dans des questions de libre opinion, à ne pas présenter leur propre point de vue comme doctrine de l'Église »[18].
Liberté religieuse
La distinction institutionnelle entre l'Église et l'État n'implique pas – comme on l'a dit – leur séparation totale, ni que l'Église doive réduire son action à la sphère privée et spirituelle. Certes, l'Église « ne peut ni ne doit se mettre à la place de l’État. Mais elle ne peut ni ne doit non plus rester à l’écart dans la lutte pour la justice »[19]. En ce sens, l'Église a le droit et le devoir « d’enseigner sa doctrine sociale, accomplir sans entraves sa mission parmi les hommes, [de] porter un jugement moral, même en des matières qui touchent le domaine politique, quand les droits fondamentaux de la personne ou le salut des âmes l’exigent »[20].
Un aspect important de la relation entre l'Église et l'État est le droit à la liberté religieuse. Assurer le respect de ce droit, c'est assurer le respect de l'ensemble de l'ordre social. Le droit à la liberté sociale et civile en matière de religion, pour tous les croyants de toute religion, est la source et la synthèse de tous les droits de l'homme.
Dans de nombreux pays, la Constitution (ou le système de lois fondamentales régissant le mode de gouvernement d'un État) garantit largement la liberté de religion pour tous les citoyens et groupes religieux. En outre, si cela est possible, l'Église cherche à conclure des accords avec l'État, généralement appelés concordats, dans lesquels des solutions sont convenues sur des questions concrètes, telles que la liberté de l'Église et de ses entités d'exercer leur mission, des accords sur des questions éducatives ou économiques, les jours de fête, etc.
Bibliographie de base
- Catéchisme de l'Église catholique, 2104-2109
- Id., 2244-2246
- Id., 2419-2425
- Concile Vatican II, Gaudium et spes, 74-76
- ID., Dignitatis humanae, 1-8 ; 13-14
- Saint Jean-Paul II, Christifideles laici, 30 décembre 1988, 36-44
Lectures recommandées
- Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Note doctrinale sur quelques questions concernant l'engagement et le comportement des catholiques dans la vie politique, 24 novembre 2002
-Compendium de la doctrine sociale de l'Église, 49-55 ; 60-71 ; 189-191 ; 238-243 ; 377-427
- Saint Josémaria, homélie Aimer le monde passionnément, dans Entretiens avec Mgr Escrivá de Balaguer, 113-123
[1] Saint Josémaria, Aimer l'Église, no 6.
[2] Cf. Catéchisme de l'Église Catholique, 901-913.
[3] Cf. Lumen gentium, 31.
[4] Sur la vie consacrée, cf. Catéchisme de l'Église Catholique, 914-933.
[5] Lumen gentium, 18.
[6] Ibid. 31.
[7] Cf. Concile Vatican II, Décret Ad Gentes, 6.
[8] Lumen gentium, 31.
[9] Ibid.
[10] Gaudium et spes, 43.
[11] Ibid.
[12] Saint Josémaria, Entretiens, no 59
[13] Cf. Apostolicam actuositatem, 7.
[14] Cf. Lc 10, 16 ; Catéchisme de l'Église Catholique, 2032 et 2037.
[15] Saint Josémaria, Quand le Christ passe, no 167.
[16] Cf. Compendium de la doctrine sociale de l'Église, 572.
[17] Cf. Catéchisme de l'Église Catholique, 2246 ; Compendium de la doctrine sociale, 426.
[18] Code de droit canonique, 227 ; cf. Gaudium et spes, 76.
[19] Deus caritas est, 28.
[20] Gaudium et spes, 76.