Le plus ancien témoignage écrit du mot « évangile » au sens chrétien vient de saint Paul bien que son utilisation lui soit antérieure. L'apôtre l'utilise 20 ans après la mort du Seigneur sans avoir à l'expliquer (1 Thess 1, 5 ; 2, 4 ; Gal 2, 5.14 ; 1 Cor 4, 15 ; Rom 10, 16). Dans la bouche de Jésus, le mot "Évangile" est souvent accompagné d'un complément : « Évangile du Royaume de Dieu ».
Dans l'Antiquité – chez Homère ou Plutarque – le mot « évangile » désignait la récompense donnée au porteur de la nouvelle d'une victoire, ou le sacrifice de remerciement aux dieux offert pour cette bonne nouvelle. Les Romains appelaient « évangiles » les bienfaits qu'Auguste avait apportés à l'humanité, comme l'atteste une inscription faisant référence à l'empereur : « Le jour de la naissance du dieu a marqué le début de la bonne nouvelle pour le monde ».
Cependant, dans la traduction grecque de l'Ancien Testament (Septante), le verbe ԑυαγγελιζειν[1], « annoncer une bonne nouvelle », était en rapport avec l'annonce de la venue des temps messianiques dans lesquels Dieu sauverait son peuple : « Me voici, comme le printemps sur les montagnes, comme les pieds de celui qui annonce la bonne nouvelle de la paix, comme celui qui annonce les biens ; car je publierai ton salut, disant : Sion, ton Dieu va régner ![2] » (Is 52, 7-8 [LXX] ; voir aussi Is 61, 1-2; Ps 96, 2,10).
Dans le Nouveau Testament, ce messager ou héraut qui proclame la royauté du Seigneur et qui, par sa parole, inaugure les temps messianiques, c'est Jésus.
Composition et authenticité des évangiles
Les Évangiles nous informent que « après l’arrestation de Jean, Jésus partit pour la Galilée proclamer l’Évangile de Dieu » (Mc 1,14). Cette bonne nouvelle est qu'avec Jésus, le Royaume de Dieu est rendu présent. Non seulement Jésus est le messager de cette bonne nouvelle, mais c’est à lui-même que se réfère le message. Après la résurrection, Jésus envoie les apôtres dans le monde entier : « Proclamez l’Évangile à toute la création » (Mc 16,15). Le contenu de cet Évangile était ce que Jésus a dit et fait dans sa vie terrestre, ainsi que sa passion, sa mort et sa résurrection, montrant qu'en lui les promesses de l'Ancien Testament ont été accomplies.
Cette mission apostolique a donné naissance aux « Évangiles », appelés ainsi parce qu'ils contiennent par écrit l'Évangile prêché. Quatre récits d'un même Évangile nous sont parvenus : ceux de Matthieu, Marc, Luc et Jean. Ces quatre récits sont le résultat d'un long processus de composition, généralement divisé en trois étapes :
1) La vie et les enseignements de Jésus en Palestine durant les trois premières décennies de notre ère : Pendant ces années, ses disciples ont été les auditeurs et les témoins des signes et des miracles accomplis par leur Maître. De plus, ils étaient envoyés par lui pour prêcher son message, ce qui impliquait d'apprendre ce qu'ils devaient transmettre. C'est une période où la mémoire joue un rôle très important.
2) Après la mort et la résurrection de Jésus, la tradition orale se développe. A cette époque, les apôtres prêchaient ce que le Seigneur avait dit et fait à la lumière de la compréhension plus profonde des événements dont ils jouissaient et avec l'assistance de l'Esprit de vérité (Jn 16,13). Il s'agit d'une période de 30 à 40 ans supplémentaires au cours de laquelle la tradition concernant Jésus s'est propagée oralement de la Palestine à de nombreuses autres parties de l'Empire romain. Au cours de ces décennies, les traditions concernant Jésus prenaient probablement aussi certaines formes écrites (enseignements et paroles de Jésus, miracles accomplis par lui, récit de sa passion et de sa mort, etc.) et étaient adaptées aux besoins des auditeurs par la prédication, la catéchèse et les célébrations liturgiques.
3) De la fin de la décennie des années 60 – alors que la plupart de ceux qui avaient été des témoins directs de la vie et de l'œuvre de Jésus disparaissaient et que le temple de Jérusalem était détruit – jusqu'à la fin du premier siècle, les évangélistes ont mis par écrit, sous forme de récit, certaines des nombreuses choses qui avaient été transmises oralement ou par écrit. Ce faisant, ils ont synthétisé ces traditions ou en ont développé d'autres en fonction des nouvelles circonstances dans lesquelles vivaient les différentes communautés chrétiennes. Dans leur travail, ils ont conservé le style de la proclamation apostolique.
Les évangiles n'indiquent pas dans le texte qui en étaient les auteurs. Certains écrits chrétiens de la fin du premier siècle citent des phrases ou des passages trouvés dans les évangiles, mais ne mentionnent pas qui les a écrits. Quoi qu'il en soit, au deuxième siècle, il y avait déjà un consensus sur le fait qu'il n'y avait que quatre de ces écrits et que les autorités derrière ceux-ci étaient les figures apostoliques de Matthieu, Marc, Luc et Jean. C'est ce que rapportent Papias de Hiérapolis (transmis par Eusèbe de Césarée), saint Irénée, Clément d'Alexandrie et le Canon de Muratori, qui transmettent les plus anciens témoignages sur la paternité des Évangiles. Par exemple, saint Irénée écrit :
« Matthieu a publié chez les Hébreux, dans leur propre langue, une forme écrite de l'évangile, au moment où Pierre et Paul, à Rome, proclamaient l'évangile et fondaient l'Église. C'est après leur départ que Marc, le disciple et interprète de Pierre, nous a également transmis par écrit ce qui avait été prêché par Pierre. Luc, le compagnon de Paul, a également consigné dans un livre ce qui avait été prêché par celui-ci. Ensuite Jean, le disciple du Seigneur, celui-là même qui s'était reposé sur sa poitrine (Jn 13, 23) publia aussi l'Évangile alors qu'il vivait à Éphèse » (Contre les hérésies, 3,1,1).
Par ces mots, l'évêque de Lyon démontre l'origine apostolique des quatre évangiles canoniques. Ils sont l'authentique et véritable tradition des apôtres. Il est important de noter que le terme « authentique » désigne le caractère original ou la conformité à l'original d'un acte ou d'un document. C'est dans cette condition que réside son autorité et qu'il peut donc témoigner ou constituer une preuve. Un document est donc dit authentique afin d'indiquer que son auteur est la personne à laquelle il est attribué. Mais le terme « authentique » est également utilisé au pluriel pour désigner les représentants autorisés de la Tradition qui ont été universellement acceptés par les Saints Pères. En ce sens, les apôtres (Matthieu et Jean) ou les hommes apostoliques (Marc, disciple de Pierre, et Luc, disciple de Paul) sont « authentiques » parce qu'ils garantissent l'authenticité et la véracité du témoignage des Évangiles portant leurs noms, et non parce qu'ils ont nécessairement écrit les récits évangéliques de leur propre main.
En fait, nous ne connaissons pas la manière concrète dont ces récits ont été composés. Les similitudes et les différences entre les trois premiers – Matthieu, Marc et Luc –, appelés « évangiles synoptiques » car, lorsqu’ils sont placés en colonnes parallèles, leurs coïncidences et leurs discordances peuvent être vues d'un seul coup d'œil (synopsis), ont donné lieu à diverses hypothèses sur leur origine.
On a longtemps pensé, à la suite de saint Augustin, que le premier Évangile composé était celui de Matthieu, puis que Marc l'avait abrégé. Plus tard, Luc, connaissant les deux écrits, aurait composé le sien.
Il a également été suggéré, en suivant Clément d'Alexandrie, que Matthieu aurait été le premier à écrire son Évangile pour les judéo-chrétiens, puis que Luc l'aurait adapté pour les chrétiens d'origine païenne, jusqu'à ce que, finalement, Marc fasse un compendium des deux.
Cependant, l'explication la plus largement soutenue aujourd'hui est que l'œuvre de Marc a conforté la relation entre l'évangile oral et l'évangile écrit et est devenue le prototype d’«évangile ». Les autres évangélistes auraient adopté les grandes lignes de ce premier récit en ajoutant des éléments communs aux deux qui n'étaient pas présents dans Marc, et des éléments qui leur étaient propres. De toute façon, parmi les diverses traditions liées aux apôtres, chaque évangéliste a dû sélectionner ce qui était à sa disposition, l'encadrer dans un récit et l'abréger ou le développer, en tenant compte des circonstances des communautés auxquelles il s'adressait.
Selon cette conception, il semble que Matthieu et Luc, peut-être sans se connaître, aient utilisé l'Évangile de Marc. En revanche, ce qui est commun à Matthieu et à Luc, mais ne se trouve pas dans Marc, est généralement identifié à un recueil de paroles de Jésus (généralement appelé source Q), mais dont, s'il a existé, aucune preuve ne nous est parvenue. De plus, chacun des trois évangiles présente des traditions qui lui sont propres et qui n'apparaissent pas dans les autres. Jean, quant à lui, connaît les traditions recueillies dans Marc, bien qu'il présente le récit de la vie et de l'œuvre de Jésus avec ses propres caractéristiques.
En tout cas, ces documents anciens rassemblent des traditions qui remontent à la prédication apostolique. Ce ne sont pas des biographies de Jésus au sens que l'on donne actuellement au terme « biographie » – bien qu'elles relatent la vie terrestre du Seigneur – mais des témoignages apostoliques sur Jésus-Christ. En fait, saint Justin les désigne comme des « mémoires (ou souvenirs) des apôtres », qui « sont appelés évangiles » (Apologie, 1,66,3). C'est le nom qui s'imposera et qui montre à la fois leur originalité et leur lien avec la prédication apostolique, jusque dans la manière dont le récit est structuré.
En fait, le schéma des quatre Évangiles est le même que celui de l'annonce apostolique (kérygme) résumée, par exemple, dans le discours de Pierre dans la maison du centurion Corneille (Ac 10, 37-43) : Jésus est baptisé par Jean, prêche et accomplit des miracles en Galilée, monte à Jérusalem, où, après son ministère dans la ville sainte, il est conduit à la passion et à la mort. Après sa résurrection, il apparaît aux apôtres et monte au ciel auprès du Père, d'où il viendra comme juge. Ceux qui croient en lui reçoivent le pardon des péchés.
Sur ce schéma, chaque évangéliste écrit son propre récit. Matthieu et Luc font précéder le ministère public de Jésus des récits de l'enfance et Jean du prologue qui montre la préexistence de Jésus, le Logos fait chair. Marc insiste sur la nécessité de se convertir pour recevoir le Messie et sur le rôle de Pierre. Matthieu présente le ministère de Jésus autour de grands discours. Luc souligne l'ascension de Jésus de la Galilée à Jérusalem. Jean révèle le statut messianique de Jésus par des signes (miracles) jusqu'à ce qu'il montre la mort du Christ comme une glorification.
Fiabilité historique
Pour parler de la véracité historique des évangiles, il est nécessaire de comprendre leur genre. Il ne s'agit pas de chroniques contemporaines de la vie de Jésus écrites par un témoin oculaire. Ce sont des récits fidèles à la tradition apostolique, qui, à son tour, est fidèle à la prédication et à la vie du Christ. C'est-à-dire que les apôtres n'ont pas simplement répété ce que Jésus avait dit, ou raconté en détail ce qu'il avait fait. Ils ont transmis la vie de Jésus en lui donnant un sens. Cela apparaît clairement dans la plus ancienne confession de foi que saint Paul rapporte en 1 Corinthiens 15,3 et qu'il avait lui-même reçue par tradition : « le Christ est mort pour nos péchés conformément aux Écritures”. En d'autres termes, la prédication apostolique relate des faits historiques indiscutables – « le Christ est mort », un événement historique qui s'est déroulé sous Ponce Pilate – avec une signification salvatrice qui concerne directement les hommes et les femmes de tous les temps – « pour nos péchés » – comme cela avait été annoncé dans les écrits sacrés d'Israël – « selon les Écritures ».
Ce qui est raconté dans les Évangiles se réfère donc à la vérité de ce qui s'est passé, à ce dont les apôtres ont été témoins et à ce qu'ils ont prêché afin de communiquer aux hommes de tous les temps que le salut se trouve dans le Christ mort et ressuscité, comme l’annonçaient les Écritures d'Israël. Il ne faut donc pas chercher dans ces écrits des faits nus et objectifs – ce qui est d'ailleurs impossible à réaliser dans un récit ancien – dépourvus du sens que leur donnent les évangélistes. La réalité historique ne peut être séparée de l'enseignement des apôtres, que chaque évangéliste présente à sa manière.
Cela ne signifie pas qu'il n'est pas possible de revenir sur les faits historiques transmis dans les évangiles ou que leur statut de récits indissociables d'un enseignement empêche d'affirmer que ce qui y est raconté est fiable. Au cours des siècles, l'historicité des récits évangéliques a été examinée en fonction de la conception de l'histoire qui prévalait à l'époque. À l'époque moderne, avec la conception de l'histoire comme un récit fondé sur la critique historique de documents anciens qui n'étaient pas considérés comme objectifs, une distinction a été faite entre le « Jésus de l'histoire et le Christ de la foi ». Cela séparait la figure de Jésus reconstruite par les historiens de ce que l'Église enseigne sur le Christ. Bien que pour le chrétien il n'y ait pas de dissociation – car le Jésus historique est le même Seigneur Jésus-Christ dont l'Église transmet fidèlement la personne et les enseignements – le problème qu'elle soulève est incontournable. La question de savoir comment accéder à Jésus du point de vue historique ne peut être éludée. Jésus-Christ, le Fils de Dieu incarné, était et est un véritable homme. Il est une figure de l'histoire et son œuvre rédemptrice s'est également accomplie par ses actions dans l'histoire humaine. Comme l'enseigne Benoît XVI, si Jésus était une idée ou une idéologie, le christianisme serait une gnose. C'est pourquoi la recherche historique de ce qui est raconté dans les récits évangéliques est une condition nécessaire, non seulement pour consolider la foi, mais aussi pour avoir une meilleure connaissance de la sainte humanité du Seigneur.
L'accès à Jésus doit partir des évangiles : c'est la source première pour connaître Jésus. En même temps, des témoignages historiques nous sont parvenus d'autres sources non bibliques qui confirment ce que ces quatre récits contiennent. Par exemple, les découvertes archéologiques dans la région de la Palestine du début du siècle ont mis en lumière des données précieuses qui appuient ou contextualisent ce qui est raconté dans les évangiles. Les textes trouvés à Qumran, les traductions des Écritures juives en araméen, la tradition orale juive et ses formes de transmission, les sources rabbiniques donnent un aperçu de la vitalité religieuse de l'époque et de la manière dont les écrits sacrés étaient utilisés. Le témoignage sur Jésus de l'historien judéo-romain Flavius Josèphe et d'autres témoignages de sources païennes (Tacite, Suétone, Pline), ainsi que des informations provenant de textes rhétoriques gréco-romains, l'étude de l'éducation hellénistique ou l'influence des écoles de pensée grecques, permettent également de cadrer et de mieux comprendre les aspects historiques présents dans les Évangiles. Et face aux accusations de subjectivité dans ces récits, les sources externes susmentionnées sont complétées par un ensemble de critères qui assurent la fiabilité historique des récits évangéliques. Parmi les plus importantes, citons
1) Le critère de la discontinuité. Les expressions et les faits qui ne cadrent pas avec le judaïsme de l'époque et qui n'ont pas été inventés par l'Église primitive ou les évangélistes sont considérés comme historiques. Par exemple, « Royaume de Dieu », « Fils de l'homme », « Abba », « Amen », le baptême de Jésus par Jean, les défauts des Apôtres.
2) Le critère du témoignage multiple. Les caractéristiques de la figure, de la prédication et de l'activité de Jésus qui sont attestées dans tous les évangiles et dans d'autres écrits du Nouveau Testament ou en dehors de celui-ci sont authentiques. Par exemple, la position de Jésus à l'égard de la loi, des pécheurs et des pauvres ; sa résistance à être reconnu comme un roi-messie politique ; sa prédication du Royaume, son activité de guérison et ses miracles.
3) Le critère de cohérence ou de conformité. Les aspects qui ne peuvent être établis comme historiques par d'autres critères, mais qui sont cohérents avec ce que nous savons de manière fiable de la prédication de Jésus et de son annonce de la venue et de l'établissement du Royaume de Dieu, sont considérés comme authentiques. Par exemple, le Notre Père, les paraboles ou les béatitudes.
4) Le critère de l'explication nécessaire. Les événements qui donnent un sens et éclairent un ensemble d'éléments qui ne seraient pas compris autrement sont également considérés comme authentiques. Par exemple, le début réussi du ministère de Jésus, son activité à Jérusalem, ses enseignements en privé à ses disciples.
À ces critères s'ajoutent ce que l'on appelle des « indices » indiquant que quelque chose de raconté est probablement vrai. Des détails tels que le fait que Jésus dorme à l'avant du bateau ou l'indication que quelque chose s'est produit, par exemple, « près de Jéricho », sont des indications qu'un témoin oculaire est à l'origine du récit.
Tout cela montre que les évangiles, bien qu'ils soient des témoignages de foi, sont historiquement fiables. Ils prouvent que la manière théologique et salvatrice dont les évangiles présentent Jésus ne déforme pas la réalité historique en magnifiant sa figure. Cela ne signifie pas que l'image véhiculée par les évangélistes soit épuisée dans leurs récits, car, comme l'écrit saint Jean, il y a bien d'autres choses qui n'ont pas été rapportées dans les Évangiles (Jn 20, 30-31 ; 21, 25). Mais surtout parce que Jésus est le Fils éternel de Dieu dont l'image dépasse toute tentative humaine de compréhension totale.
Image du Christ selon les évangiles
Bien qu'incomplète, l'image du Christ véhiculée par les Évangiles est non seulement celle que Dieu a voulu nous révéler, mais elle est à la base de toutes les autres images du Christ qui ont été proposées et développées tout au long de l'histoire de l'Église, notamment à travers ses saints. Elles sont toutes basées sur les images de Jésus que l'on trouve dans les évangiles.
Jésus est présenté par saint Matthieu dans toute sa majesté, car il est le Fils de Dieu (cf. 1, 20 ; 27, 54). Il est aussi le Messie promis. En lui s'accomplissent les annonces des prophètes de l'Ancien Testament, comme le montrent les fréquentes références à « ce que Dieu avait dit par le prophète s'est accompli » ou des expressions similaires (1, 22-23 ; 2, 5-6, 15, 17-18, 23 ; 3, 3-4 ; etc.). Mais en même temps, il est le Messie que les autorités d'Israël n'acceptent pas et rejettent. C'est pourquoi il annonce que Dieu formera un nouveau peuple « qui portera du fruit » (21, 43). Ce nouveau peuple est l'Église. En elle, Jésus est le Maître, mais surtout l'Emmanuel – Dieu avec nous –- dès avant sa conception (1, 23), et qui sera présent au milieu des siens jusqu'à la fin des temps (18, 20 ; 28, 20). Il est, enfin, le Serviteur du Seigneur annoncé par Isaïe, qui, par ses paroles et ses miracles, accomplit le plan de salut de Dieu pour l'humanité (8, 16-17 ; 12, 15-21).
Pour saint Marc, comme il ne pouvait en être autrement, Jésus est aussi le Messie annoncé dans l'Ancien Testament, mais, plutôt qu'avec des textes qui s'accomplissent avec lui, il est présenté comme accomplissant les œuvres du Messie promis. Cependant, afin d'éviter des interprétations de nature politique, Jésus demande à ceux qui bénéficient de ces œuvres de se taire afin que son messianisme ne soit pas compris dans un sens temporel mais à la lumière de la Croix (1, 44 ; 5, 43 ; 7, 36 ; 8, 26). C'est aussi la raison pour laquelle l'évangéliste fait référence au titre par lequel Jésus préférait s'appeler, « Fils de l'homme » (2, 10-28 ; 8, 31-38 ; etc.), titre qui évoque la vision du livre de Daniel qui annonce qu'un être céleste, « comme un fils d'homme », viendra d'en haut et recevra le pouvoir sur toutes les nations (Dn 7, 13-14) et qui montre la condition transcendante du Messie. En outre, Marc souligne que Jésus est le « Fils de Dieu ». Il l’appelle ainsi dès le début du récit (1, 1), le Père le proclame au baptême et à la transfiguration (1, 11 ; 9, 7) et le centurion le confesse devant la croix (15, 39).
Luc souligne que Jésus est le Prophète par excellence (1, 76 ; 4, 24 ; 7, 16-26 ; 13, 33 ; 24, 19). Personne comme lui ne peut parler au nom de Dieu. De plus, comme les prophètes de l'Ancien Testament qui étaient mus par l'Esprit de Dieu, Jésus a été oint par l'Esprit au Baptême (3, 22), conduit par lui au désert pour être tenté (4, 1) et poussé à aller en Galilée pour commencer sa mission (4, 14-18). Pour le troisième évangéliste, Jésus est aussi le Sauveur, car il sauvera les gens de leurs péchés. En lui s'accomplissent les promesses de salut faites par Dieu aux patriarches et aux prophètes d'Israël (1, 47, 69, 71 & 77 ; 2, 11 & 30 ; 3 ,6 ; etc.), qui se manifestent dans ses actions salvatrices, notamment dans ses gestes de miséricorde envers les faibles et les pécheurs (7, 50 ; 8, 48, 50 ; 18, 42 ; 19, 9-10). Jésus est aussi le Seigneur. Ce titre était utilisé pour désigner Dieu chez les Juifs afin d'éviter de prononcer son saint nom. En même temps, c'était une forme de respect pour s'adresser à une personne. Saint Luc utilise abondamment ce titre à propos de Jésus, indiquant ainsi sa condition divine depuis sa naissance jusqu'à sa pleine manifestation lors de la résurrection (2, 11 ; 5, 8-12 ; 7, 6 ; etc.).
Jésus selon Jean est à nouveau le Messie promis d'Israël et aussi le Prophète (4, 19 ; 6, 14) et le Maître (Rabbi) qui enseigne (1, 38, 49 ; 3, 2 ; etc ; 6, 3, 69 ; 7, 14, 28 ; 8, 20). Mais dans le quatrième évangile, cette révélation acquiert une plus grande profondeur théologique. Comme dans les autres évangiles, Jésus est le Fils de Dieu, mais Jean souligne qu'il est « le Fils », le seul engendré (1, 14-18), le seul vrai Fils dont Dieu est le Père d'une manière différente de celle des autres hommes (20, 17). En fait, il est un avec lui (10, 30 ; 5, 19-21, 23 & 26 ; 14, 11). De plus, en tant que Fils de Dieu, Jésus est préexistant (1, 30 ; 8, 58). Il s'est fait chair et a habité parmi les hommes (1, 1-14). Il est le Verbe éternel du Père, le Logos, qui a créé et fait vivre le monde (1, 1-3), et a été envoyé comme la Parole ultime et décisive de Dieu à l'humanité pour lui révéler qui est Dieu (17, 25). Il est celui en qui s'accomplissent certains des traits attribués à Dieu dans l'Ancien Testament : Jésus est le Pain de Vie (6, 35-51), la Lumière du monde (8, 12), la Porte (des brebis) (10, 7-9), le Bon Pasteur (10, 11-14), la Résurrection et la Vie (11, 25), le Chemin, la Vérité et la Vie (14, 6), la Vigne (15, 1-5). Il est donc celui qui peut utiliser l'expression « Je suis » au sens absolu, sans prédicat (8, 28-58 ; 18, 5), pour indiquer sa condition divine. Mais il est aussi le « Fils de l'homme », véritablement homme, qui est descendu du ciel pour mourir (1, 51 ; 3, 13 ; 6, 62), l'Agneau de Dieu qui enlève les péchés du monde en mourant sur la croix (1 ,29,36 ; cf. 19, 14).
En tout état de cause, les évangiles ne sont pas des livres qui présentent Jésus comme une figure du passé. Ils sont une parole d'aujourd'hui, dans laquelle Jésus est toujours vivant. C'est pourquoi saint Josémaria pouvait conseiller : « Vis près du Christ ! Tu dois être dans l’Évangile, comme un personnage parmi d’autres, qui partage sa vie avec Pierre, avec Jean, avec André..., parce que maintenant encore le Christ est vivant : Iesus Christus, heri et hodie, ipse et in saecula ! — Jésus-Christ est vivant ! Aujourd’hui comme hier. Il est le même, pour les siècles des siècles » (Forge, 8).
Bibliographie de base
- Concile Vatican II, Dei Verbum, nos 18-19
- Catéchisme de l'Église catholique, nos 124-127
Lectures recommandées
- Bible de Navarre, L'Evangile selon Saint Matthieu, Le Laurier, 1993.
- ID., L'Evangile selon Saint Marc, Le Laurier, 1994.
- ID., L'Evangile selon Saint Luc, Le Laurier, 1995.
- ID., L'Evangile selon Saint Jean, Le Laurier, 1996.
[1] Prononcer eu-ann’-gué-li-dzeïn
[2] NdT : à comparer avec la version latine de la Vulgate dans sa traduction AELF : « Me voici ! Comme ils sont beaux sur les montagnes, les pas du messager, celui qui annonce la paix, qui porte la bonne nouvelle, qui annonce le salut, et vient dire à Sion : Il règne, ton Dieu ! »