Qu’est-ce que la doctrine sociale de l’Église ? Quels sont ses principes ?

Sur le chemin du salut de chacun, l'Église se préoccupe de toute la famille humaine et de ses besoins, y compris dans le domaine matériel et social. Elle développe donc une boussole, une doctrine sociale qui forme les consciences et les aide à vivre selon l'Évangile et la nature humaine elle-même.

Sommaire

Qu’est-ce que la doctrine sociale de l’Église ?

Où est-elle expliquée ? (développement historique)

La doctrine sociale de l’Église est-elle une sorte de politique ou d’idéologie?

Pourquoi l’Église se prononce-t-elle sur des sujets sociaux ?

Les principes de la doctrine sociale de l'Église

« Par cette doctrine, l'Église ne poursuit pas des objectifs de structuration ni d'organisation de la société, mais de sollicitation, d'orientation et de formation des consciences. » (Compendium de la Doctrine Sociale de l’Église, n° 81).

« L’Église (…) a une mission de vérité à remplir, en tout temps et en toutes circonstances, en faveur d’une société à la mesure de l’homme, de sa dignité et de sa vocation. » (Caritas in veritate, n. 9).

1. Qu’est-ce que la doctrine sociale de l’Église (DSE) ?

La doctrine sociale est la proclamation de la foi que fait le Magistère face aux réalités sociales. Rassemblée dans un compendium, cette défense se traduit par des indications, des conseils et des exhortations par lesquels l'Église encourage les chrétiens à être des citoyens responsables.

De fait, « il n’y a pas d’unanimité sur la réalité que l’on désigne comme "DSE" ». Jean-Paul II – dans ce qui est la définition la plus précise faite par le Magistère – dit qu’elle est « la formulation précise des résultats d'une réflexion attentive sur les réalités complexes de l'existence de l'homme dans la société et dans le contexte international, à la lumière de la foi et de la tradition ecclésiale. » (Sollicitudo Rei Socialis, n° 41)[1].

L’unique objectif de l’Église « se propose d'assister l'homme sur le chemin du salut ». (Compendium de la Doctrine Sociale de l’Église, n° 69). C'est son unique mission et c'est aussi la raison pour laquelle l'Église a le droit et le devoir de développer une doctrine sociale qui forme les consciences des hommes et les aide à vivre selon l'Évangile et la nature humaine elle-même. Un chrétien cohérent oriente tous les aspects de sa vie vers Dieu, en vivant selon son plan de salut. L'Église accompagne les chrétiens dans cette tâche.

Cela comprend des dimensions de la vie et de la culture humaines telles que l'économie et le travail, en passant par la communication et la politique, et jusqu'à des questions telles que la communauté internationale et les relations entre les cultures et les peuples.

La charité est une « force capable de susciter de nouvelles voies pour affronter les problèmes du monde d'aujourd'hui et pour renouveler profondément de l'intérieur les structures, les organisations sociales, les normes juridiques. Dans cette perspective, la charité devient charité sociale et politique : la charité sociale nous fait aimer le bien commun et conduit à chercher effectivement le bien de toutes les personnes, considérées non seulement individuellement, mais aussi dans la dimension sociale qui les unit ». (Compendium de la Doctrine Sociale de l’Église, n° 207).

2. Où est expliquée la doctrine sociale de l’Église ?

La DSE nait avec l’encyclique Rerum Novarum de Léon XIII, pape qui était très préoccupé par la "question ouvrière", c'est-à-dire la situation de nombreux travailleurs pauvres venus des campagnes et qui vivaient désormais misérablement dans les villes. Dès lors, les enseignements sociaux, qui existaient depuis le début du christianisme, ont été systématiquement ordonnés. Les lettres sociales des pontifes auront Rerum Novarum comme référence. Parmi les nombreuses encycliques sociales, outre Rerum Novarum, se détachent celles de saint Jean-Paul II : : Laborem Exercens (90 ans après Rerum Novarum), Sollicitudo Rei Socialis et Centesimus Annus (100 ans après Rerum Novarum). Récemment, le Pape François a adressé aux chrétiens deux encycliques sur des sujets sociaux : Laudato si' (2015) et Fratelli Tutti (2020).

Afin de faciliter une recherche systématique des contenus, un Compendium de la Doctrine Sociale de l’Église a été rédigé ces dernières années qui peut servir de point de référence.

3. La doctrine sociale de l’Église est-elle une sorte de politique ou d’idéologie ?

Non. Sa compétence ne s'étend pas aux questions techniques, ni ne propose de systèmes d'organisation sociale, qui n'appartiennent pas à sa mission : elle se limite à la sphère morale et évangélique. En outre, l’Église n'exerce pas cette fonction sur la base d'un pouvoir coercitif (propre de l'État), ni en faisant usage du "bras séculier" (c'est-à-dire en utilisant des institutions civiles qui agiraient selon ses diktats, exerçant ainsi son influence sur la société) ; elle l'exerce au moyen d'un pouvoir de conviction, qui respecte la laïcité de la vie publique. Par conséquent, l'enseignement social du Magistère ne fait pas obstacle à l'autonomie des réalités terrestres. Il les interprète plutôt afin d'examiner leur adéquation à l'esprit de l'Évangile et guider la conduite des chrétiens.

« Il est de justice que l’Église puisse partout et toujours prêcher la foi avec une authentique liberté, enseigner sa doctrine sociale, accomplir sans entraves sa mission parmi les hommes, porter un jugement moral, même en des matières qui touchent le domaine politique, quand les droits fondamentaux de la personne ou le salut des âmes l’exigent, en utilisant tous les moyens, et ceux-là seulement, qui sont conformes à l’Évangile et en harmonie avec le bien de tous, selon la diversité des temps et des situations. » (Gaudium et Spes, n° 76).

« Dans l’ordre de la moralité, l’Église exerce une mission différente de celle des autorités politiques : l’Église se soucie des aspects temporels du bien commun en raison de leur ordination au souverain Bien, notre fin ultime. Elle s’efforce d’inspirer les attitudes justes dans le rapport aux biens terrestres et dans les relations socio-économiques. » (Catéchisme de l’Église Catholique, n° 2420)

Méditer avec saint Josémaria

« Cela implique une vision plus profonde de l'Église, en tant que communauté formée par tous les fidèles, de sorte que nous sommes tous solidaires d'une même mission, que chacun doit remplir selon ses conditions personnelles. Les laïcs, grâce aux impulsions de l'Esprit Saint, sont de plus en plus conscients d'être Église, d'assurer une mission spécifique, sublime et nécessaire, puisqu'elle a été voulue par Dieu. Et ils savent que cette mission dépend de leur condition même de chrétiens, pas nécessairement d'un mandat de la hiérarchie, bien qu'ils doivent, évidemment, la remplir en union avec la hiérarchie ecclésiastique et selon les enseignements du Magistère. » (Entretiens, n° 59).

« Je n’ai jamais demandé leurs opinions politiques à ceux qui m’ont approché : cela ne m’intéresse pas ! Par cette règle de conduite, je vous montre une réalité qui est au cœur de l’Opus Dei, auquel, avec la grâce et la miséricorde de Dieu, je me suis voué complètement pour servir la Sainte Église. Ce sujet ne m’intéresse pas parce que vous, les chrétiens, vous jouissez de la plus entière liberté, avec la responsabilité personnelle qui en découle, pour intervenir comme bon vous semble dans les questions d’ordre politique, social, culturel, etc., sans autres limites que celles que le magistère de l’Église a fixées. » (Amis de Dieu, n° 11).

« Je ne parle jamais de politique. Je ne pense pas que la mission des chrétiens sur la terre soit de donner naissance à un mouvement politico-religieux, quand bien même ils le feraient avec l'excellente intention de répandre l'esprit du Christ dans toutes les activités humaines. Ce serait une folie. C'est le cœur de chacun, quel qu'il soit, qu'il faut mettre en Dieu. Efforçons-nous de nous adresser à chaque chrétien pour que, dans les circonstances où il se trouve, et qui ne dépendent pas seulement de sa position dans l'Église ou dans la société civile, mais aussi des situations historiques ou changeantes, il sache porter témoignage de la foi qu'il professe, par l'exemple et la parole. » (Quand le Christ passe, n° 183).

4. Pourquoi l’Église se prononce-t-elle sur des sujets sociaux ?

Le salut opéré par le Christ et, par conséquent, la mission de l'Église, atteint l'homme dans sa totalité, y compris dans la sphère sociale. En effet, le christianisme ne peut se limiter à de simples dévotions, mais il est avant tout une manière de vivre en société.

Le pape Benoît XVI affirme que la doctrine sociale de l'Église répond à la dynamique de la charité reçue et offerte, et résume sa fonction comme la "proclamation de la vérité de l'amour du Christ dans la société". (Caritas in veritate, n° 5).

Le Pape François explicite la raison pour laquelle l’Église exprime son opinion sur les affaires qui affectent la communauté mondiale (Discours du Saint Père au corps diplomatique, 7 janvier 2019), en disant que c’est la mission spirituelle que Jésus-Christ donna à saint Pierre et ses successeurs qui pousse la pontife romain et le Saint-Siège à "se préoccuper de la famille humaine tout entière et de ses nécessités également d’ordre matériel et social" et il indique que "le Saint-Siège n’entend pas s’ingérer dans la vie des États", mais qu’il observe "les problématiques qui concernent l’humanité", pour "se placer au service du bien de tout être humain" et "s’engager pour favoriser l’édification de sociétés pacifiques et réconciliées".

C'est pourquoi l'Église ne peut rester en marge des réalités humaines, et intervient avec sa doctrine pour éclairer les différents aspects de la société.

De par son expérience au contact avec les personnes et les peuples, et de par sa doctrine de foi fondée sur une profonde réflexion, l'Église est un grand interlocuteur pour défendre et donner une voix aux plus faibles, aux nations les plus pauvres et à la planète menacée par la crise écologique.

5. Les principes de la doctrine sociale de l’Église

Cette préoccupation de l'Église prend la forme de valeurs qui servent de base à l'action sociale. Toutes ont un fondement évangélique et sont en accord avec la nature humaine, que l'Église assume et défend, en cherchant à la porter à sa plénitude par la Rédemption opérée par le Christ.

Ces valeurs sont :

1. La dignité de la personne humaine : la vie humaine est sacrée et sa dignité inviolable, quels que soient l'âge, l'état de santé, la richesse ou le statut social. Toute personne a droit à la vie, de la conception jusqu’à la mort naturelle. En outre, une vie digne apporte la paix, qui est souvent menacée par la guerre et la violence.

2. La famille et la communauté : l'homme est un être social et il a le droit de s'épanouir dans une communauté. Le mariage et la famille sont la base de la société (déjà dans les premiers temps de l'Église, la famille était considérée comme "l'église domestique", terme qui a été récupéré par le Concile Vatican II et étendu par saint Jean-Paul II). Chacun a le droit de participer à la société.

3. Droits et devoirs : chacun a des droits à faire valoir et des devoirs à accomplir, tant au niveau individuel, que familial et social. En particulier pour les travailleurs : l'économie est au service des personnes, et non l'inverse. Les travailleurs ont droit à un travail décent, sûr et bien rémunéré.

4. L’option préférentielle pour les pauvres et les vulnérables : Jésus nous a enseigné que les plus vulnérables de la société ont une place privilégiée dans son Royaume. C'est un devoir de justice que d'aider tous à lutter contre la pauvreté et les situations de risque, ce que le pape François a souligné depuis le début de son pontificat.

5. Le bien commun : c'est "l’ensemble des conditions de la vie sociale qui permettent, tant aux groupes qu’à chacun de leurs membres, d’atteindre leur perfection d’une façon plus totale et plus aisée" (Gaudium et Spes, n° 26).

6. La solidarité : l'Église promeut la paix et la justice au-delà des différences de race, de nation, de religion, etc. Il existe une famille humaine dont nous avons tous la responsabilité de prendre soin.

7. Subsidiarité : l'État doit permettre "aux associations inférieures de [résoudre] les questions et les problèmes de moindre importance, dans lesquels il perdrait beaucoup de temps, [lui permettant] de réaliser ainsi plus librement, plus fermement et plus efficacement tout ce qui est de sa compétence exclusive". (Cf. Quadragesimo anno, n° 88).

8. Le soin de la création : Dieu a confié à l'homme la responsabilité des réalités terrestres pour qu'il les maîtrise et en prenne soin, manifestant dans le respect des autres créatures le respect dû au Créateur. La crise environnementale a des dimensions morales.

Méditer avec saint Josémaria

« L'Église est donc inséparablement humaine et divine. Elle est une société divine par son origine, surnaturelle par sa fin et par les moyens qui sont ordonnés à cette fin ; mais, dans la mesure où elle est composée d'hommes, elle est une communauté humaine (Léon XIII, encyclique Satis cognitum ASS 28, 710). Elle vit et agit dans le monde, mais sa fin et sa puissance ne sont pas sur la terre, mais au Ciel ». (Aimer l’Église, n° 6).

« Là est la fin de l’Église, et pas une autre : le salut des âmes, une à une ». (Aimer l’Église, n° 7).

« Vouloir atteindre la sainteté — en dépit des erreurs et des misères personnelles, qui dureront aussi longtemps que nous —, cela signifie s'efforcer, avec la grâce de Dieu, de vivre la charité, plénitude de la foi et lien de la perfection. La charité n'est pas une chose abstraite ; elle veut dire s'engager réellement et totalement au service de Dieu et de tous les hommes ; de ce Dieu, qui nous parle dans le silence de la prière et dans le bruit du monde ; de ces hommes, dont l'existence s'entrecroise avec la nôtre.

En vivant la charité — l'Amour —, on vit toutes les vertus humaines et surnaturelles du chrétien, qui forment une unité et qu'on ne saurait réduire à des énumérations exhaustives. La charité exige que l'on vive la justice, la solidarité, la responsabilité familiale et sociale, la pauvreté, la joie, la chasteté, l'amitié… » (Entretiens, n° 62).

« Il n'y a qu'une seule race sur la terre : la race des enfants de Dieu. Nous devons tous parler la même langue, celle que nous apprend notre Père qui est aux cieux : la langue du dialogue de Jésus avec son Père, la langue que l'on parle avec le cœur et avec la tête, celle dont vous vous servez en ce moment dans votre prière. C'est la langue des âmes contemplatives, celle des hommes qui ont une vie spirituelle, parce qu'ils se sont rendu compte de leur filiation divine. C'est une langue qui se caractérise par mille motions de la volonté, par des lumières dans l'intelligence, par des élans du cœur, par des décisions de mener une vie droite dans le bien, la sérénité et la paix ». (Quand le Christ passe, n° 13).

« L'Université ne doit pas former des hommes qui, par la suite, se réservent avec égoïsme les bénéfices acquis au cours de leurs études. Elle doit, au contraire, les préparer à une activité faite d'aide généreuse envers le prochain et de fraternité chrétienne.

Bien souvent cette solidarité se limite à des manifestations orales ou écrites, quand ce ne sont pas par des algarades stériles ou nuisibles. Personnellement, je mesure la solidarité aux actes de service ; et je connais des milliers de cas d'étudiants espagnols et d'autres pays qui ont renoncé à construire leur petit monde à eux et qui se donnent aux autres, au moyen d'un travail professionnel qu'ils essaient de réaliser avec la plus grande perfection humaine possible dans l'enseignement, l'assistance, les œuvres sociales, etc., le tout avec un esprit toujours jeune et débordant de joie ». (Entretiens, n° 75).

« Il est temps que nous, les chrétiens, nous proclamions bien haut que le travail est un don de Dieu, et qu'il n'est pas sensé de diviser les hommes en diverses catégories selon le travail qu'ils réalisent, en considérant certaines tâches plus nobles que d'autres. Le travail, tout travail, est un témoignage de la dignité de l'homme et de son emprise sur la création. C'est une occasion de perfectionner sa personnalité. C'est un lien qui nous unit aux autres êtres, une source de revenus pour assurer la subsistance de sa famille, un moyen de contribuer à l'amélioration de la société et au progrès de l'humanité tout entière ». (Quand le Christ passe, n° 47).

« Un homme ou une société qui demeure passifs devant les tribulations ou les injustices, qui ne s'efforce pas de les soulager, n'est pas à la mesure de l'amour du Cœur du Christ ». (Quand le Christ passe, n° 167).


[1] Arturo Bellocq. Qué es y que no es la DSC. Scripta Thelogica. Vol. 44. 2012.p. 340