Pédagogie de la foi en famille, autour de quelques enseignements de saint Josémaria

Les parents sont les principaux éducateurs de leurs enfants. Ce principe a été énoncé très souvent par le Magistère de l’Église.

Nous allons voir ici comment saint Josémaria Escriva a approfondi cette vérité et l’a enseignée en la mettant en rapport avec les engagements du baptême à la sainteté et à l’apostolat.

« Sans doute ne peut-on proposer aux époux chrétiens meilleur modèle de famille que celle des temps apostoliques: celle du centurion Corneille, qui fut docile à la volonté de Dieu, et dans la maison duquel s’est consommée l’ouverture de l'Église, aux Gentils; celle d’Aquila et de Priscille, qui diffusèrent le christianisme à Corinthe et à Ephèse et qui collaborèrent à l’apostolat de saint Paul; celle de Tabitha, qui, par sa charité, assista les nécessiteux de Joppé Sans oublier tous ces foyers de Juifs et de Gentils, de Grecs et de Romains, dans lesquels s’enracina la prédication des premiers disciples du Seigneur.

Des familles qui vécurent du Christ et qui firent connaître le Christ. Des petites communautés chrétiennes qui furent comme des centres de rayonnement du message évangélique. Des foyers apparemment semblables aux autres foyers de ce temps-là, mais animés d’un esprit nouveau, qui se communiquait à ceux qui les connaissaient et les fréquentaient. Voilà ce que furent les premiers chrétiens et ce que nous devons être, nous, chrétiens d’aujourd’hui: des semeurs de paix et de joie, de la paix et de la joie que le Christ nous a apportées.(Quand le Christ passe, n° 30) »

L’admiration que saint Josémaria vouait aux premiers chrétiens qu’il a proposés comme modèle, allait évidemment de pair avec la reconnaissance de tous les fruits de sainteté que l’Église a produits dans son histoire bi-millénaire, sainteté que les familles chrétiennes ont très souvent « cultivée ». Cependant ce sont nos premières générations qui vont nous permettre de souligner trois aspects fondamentaux :

a) le but auquel ils aspirent c’est la sainteté qu’ils comprennent comme une identification totale au Christ

b) la mission de christianiser la société et la culture (qui revient à approcher les personnes singulières du Christ) revient à tout chrétien dans son milieu à commencer par sa famille.

c) C’est le baptême qui est à l’origine de tout cela car cela découle du fait d’être chrétiens et non pas de mandats particuliers de la hiérarchie ou d’actes de consécration surajoutés.

Quant à la mission des parents dans l’éducation de leurs enfants, saint Josémaria a toujours enseigné, non sans faire face à des incompréhensions initiales, que le mariage est une vocation divine et que sa grandeur, ses obligations et son efficacité sont enracinés dans le sacrement lui-même.

« Le mariage est fait pour permettre à ceux qui le contractent de s'y sanctifier et de sanctifier les autres à travers lui : pour cela les conjoints reçoivent une grâce spéciale que confère le sacrement institué par Jésus-Christ. Avec la grâce de Dieu, celui qui est appelé au mariage trouve dans cet état tout ce qui est nécessaire pour se sanctifier, pour s'identifier tous les jours davantage à Jésus-Christ et pour conduire vers le Seigneur les personnes avec lesquelles il vit.

C'est pourquoi je pense toujours avec espoir et affection aux foyers chrétiens, à toutes les familles qui sont issues du sacrement du mariage, qui sont des témoignages lumineux de ce grand mystère divin — sacramentum magnum ! (Ep 5, 32), un grand sacrement — de l'union et de l'amour entre Jésus-Christ et son Église. Nous devons travailler à ce que ces cellules chrétiennes de la société naissent et se développent dans un désir de sainteté, dans la conscience que le baptême, sacrement initial, confère à tous les chrétiens une mission divine, que chacun doit remplir dans sa propre vie.

Les époux chrétiens doivent être conscients qu'ils sont appelés à se sanctifier en sanctifiant les autres, qu'ils sont appelés à être des apôtres, et que leur premier apostolat est au foyer. Ils doivent réaliser que la fondation d'une famille est une l'œuvre surnaturelle, tout comme l'éducation des enfants, le rayonnement chrétien dans la société. De cette conscience qu'ils ont de leur propre mission dépendent en grande partie l'efficacité et le succès de leur vie : leur bonheur. (Entretiens, n° 91) »

Saint Josémaria attache de l’importance aux raisons naturelles qui fondent le caractère irremplaçable des parents en tant qu’éducateurs de la foi. Ce travail ne doit pas être seulement considéré comme un souci, aussi saint fût-il, mais comme une nécessité réelle : ce que les parents ne font pas, personne d’autre ne pourra le faire à leur place.

« Dans tous les milieux chrétiens on sait, par expérience, les bons résultats que donne cette initiation à la vie de piété, initiation naturelle et surnaturelle, pétrie dans la chaleur du foyer. L'enfant apprend à placer le Seigneur au niveau de ses premières affections, les affections fondamentales ; il apprend à traiter Dieu en Père et la Vierge en Mère ; il apprend à prier, en suivant l'exemple de ses parents. Lorsque l'on comprend cela, on voit la grande tâche apostolique que peuvent réaliser les parents, et combien ils sont obligés d'être sincèrement pieux, pour pouvoir transmettre — plutôt qu'enseigner — cette piété aux enfants.(Entretiens, n° 103) »

En approfondissant et en appliquant le principe de la primauté éducative des parents, saint Josémaria leur donnait une indication apparemment méthodologique : devenir amis de leurs enfants, c’est-à-dire créer avec eux un lien confidentiel, de confiance, de véritable entente. Le pédagogue Victor Garcia Hoz, qui avait connu saint Josémaria dans les années trente, a souligné l’importance de ce conseil, en rappelant qu’en dernière analyse, toute véritable éducation est basée sur l’amitié entre l’éducateur et l’éduqué (V.Garcia Hoz, La pedagogia in Mons. Escriva de Balaguer, dans ‘Studi Cattolici’ 182-183 (1976, pages 260-266). J’ai dit « apparemment méthodologique » parce que l’amitié et l’amour chrétien sont charité et que celle-ci ne tient pas qu’aux techniques puisqu’elle est la substance même de la nouvelle vie en Christ.

Des parents qui cherchent la sainteté et qui la veulent pour leurs enfants comprennent bien ces propos de saint Josémaria : « Parmi les membres d’une même famille, il y a une Communion des Saints spéciale. Si vous êtes très saints, vos enfants auront plus de facilité à l’être » (Notes prises lors d’une réunion à Valence, en Espagne, le 19 novembre 1972 : AGP, P11, p. 101). Et cette communion spirituelle particulière découle, encore une fois, du sacrement du mariage car le Christ a assumé, sanctifié les relations familiales naturelles en leur donnant un caractère vocationnel.

Ceci dit, la sainteté ne peut pas être apprise comme un contenu théorique. Les parents peuvent et doivent transmettre les vérités de la foi chrétienne et orienter leurs enfants vers les moyens de sanctification dont dispose l’Église. Cependant, il est bon de rappeler que « Les parents éduquent essentiellement par leur propre conduite. Ce que les fils et les filles attendent de leur père et de leur mère ce ne sont pas seulement des connaissances plus vastes que les leurs ou des conseils plus ou moins opportuns, mais quelque chose de plus élevé: un témoignage de la valeur et du sens de la vie, témoignage incarné dans une existence concrète et affirmé à travers les diverses circonstances et situations qui se succèdent au fil des années.(Quand le Christ passe, n° 28) »

Romana n° 32 , janvier-juin 2001, p. 114