Avec la mort de Benoît XVI, il nous reste un prêtre, un théologien, un évêque, un cardinal et un pape qui se considérait comme "un humble ouvrier dans la vigne du Seigneur". Parallèlement à notre chagrin, il est naturel que nous rendions grâce à Dieu pour sa vie et ses enseignements. La dernière leçon du pontife allemand a été la discrétion et la sobriété avec lesquelles il a vécu depuis 2013, dans une attitude de prière.
Depuis que je l'ai rencontré personnellement pour la première fois en 1986, lorsque j'ai commencé à collaborer comme consulteur à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, j'ai été frappé par sa volonté d'écouter tout le monde. J'ai eu l'occasion d'être seul avec lui à de nombreuses reprises, tant pour des questions de la Congrégation que pour d'autres questions. Dans ces rencontres, il n'était jamais celui qui mettait fin à la conversation, ou qui faisait remarquer que d'autres affaires l'attendaient. Il était édifiant de percevoir la haute estime dans laquelle il tenait les opinions des autres, même si elles différaient parfois des siennes. Les opinions contraires pouvaient lui être présentées tranquillement et ne le dérangeaient pas, même si elles venaient d'une personne plus jeune, de moindre culture ou de moindre expérience. Ce qui lui importait vraiment, c'était la vérité ; c'est pourquoi sa devise épiscopale gravée étaient les mots de saint Jean : Cooperatores veritatis (Jean 3, v. 8).
Son amour pour l'Eglise et pour le Pape était exemplaire, allant au-delà de la dimension affective. Je me souviens, par exemple du moment où l'archevêque Mgr Lefebvre avait accepté ce qu'on lui proposait et qu'il avait fait marche arrière peu de temps après. Face à cela, le cardinal Ratzinger s'est exclamé avec tristesse : « Comment ne se rendent-ils pas compte que sans le Pape, ils ne sont rien ! »
Son humilité et son amour pour le Seigneur l'ont rendu capable de répondre par un "oui" à ce que le Seigneur et l'Église lui demandaient. On sait qu'à plusieurs reprises, il a présenté sa démission à saint Jean-Paul II, afin d'être remplacé par quelqu'un de plus jeune et de plus vigoureux physiquement. Lorsque le pape lui a demandé de rester en fonction, le cardinal Ratzinger n'a pas hésité.
Peu après son élection au Siège de Pierre, il a déclaré qu'à la mort de saint Jean-Paul II, il pensait pouvoir se retirer dans son Allemagne natale pour se consacrer à la prière et à l'étude. Mais le Seigneur avait d'autres plans, et il a dû écouter les paroles de Jean 21 : " Je te le dis, quand tu étais plus jeune, tu mettais toi-même ta ceinture, et tu allais où tu voulais, mais quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et un autre te mettra ta ceinture et te mènera où tu ne voudrais pas. "
De même, il a su s'effacer lorsque, en présence de Dieu, il a constaté qu'il ne pouvait plus exercer convenablement les responsabilités exigeantes qui accompagnent la mission de successeur de Pierre. Comme tout le monde, j'ai accueilli la nouvelle de sa renonciation avec un mélange de tristesse et d'affection pour ce grand successeur de saint Pierre. Ces derniers mois, sa force physique avait diminué, mais pas sa lucidité mentale et sa sérénité d'esprit, sa simplicité et sa gentillesse.
Sa capacité à disparaître, en servant l'Église par sa prière silencieuse, a été le trait caractéristique des dernières années après sa renonciation. J'ai eu l'occasion de lui rendre visite à quelques reprises dans sa résidence dans les jardins du Vatican : il était visiblement intéressé par les autres et concentré sur la prière. Comme il le disait lui-même, il se sentait comme un pèlerin en route vers la maison du Père, vers l'étreinte du Christ, objet de son amour et de ses longues années d'étude.
En presque huit ans de pontificat, Benoît XVI nous a laissé un grand patrimoine spirituel et doctrinal, composé des encycliques Deus caritas est, Spe salvi, Caritas in veritate, ainsi que de nombreuses exhortations apostoliques et homélies. Le magistère produit par les audiences du mercredi, comme celle sur l'Église, les Apôtres et les Pères de l'Église, ou le cycle d'audiences sur la prière, qui constitue un traité d'une grande beauté et profondeur sur le dialogue avec Dieu, est d'une énorme richesse.
Toute sa vie pourrait se résumer en une très belle phrase qu'il a prononcée lors de la messe du début de son ministère pétrinien : " Il n'y a rien de plus beau que de se laisser toucher par l'Évangile, par le Christ ". Pour lui, le bonheur "a un nom, il a un visage : celui de Jésus de Nazareth, caché dans l'Eucharistie".
Benoît XVI a conduit la barque de l'Église sur la mer de l'histoire, les yeux fixés sur Jésus-Christ, "les jours de soleil et de brise légère, les jours où la pêche était abondante et les moments où les eaux étaient agitées, le vent contraire et le Seigneur semblait dormir". Mais il savait que la barque appartenait au Christ.
Benoît XVI a été "une de ces lumières proches, des personnes qui donnent la lumière en reflétant la lumière du Christ, offrant une orientation pour nos vies", comme il l'a si bien exprimé dans l'encyclique Spe Salvi.
Son travail dans la vigne de l'Église lui aura valu les paroles affectueuses du Christ : "Viens, serviteur bon et fidèle, entre dans la maison de ton Seigneur".