Quelques dernières anecdotes…
- Rome, au temps du Concile Vatican II
Rome, Concile Vatican II, printemps 1966. Trois experts conciliaires sont reçus à dîner par Mgr Escriva. Je suis l’heureux choisi pour accompagner Flavio Capucci, un jeune Italien pour les accueillir au 73 Bruno Buozzi. Après le repas, dans le hall d’entrée, nous attendons les trois invités debout pour leur remettre leur gabardine. Mgr Escriva, qui les accompagne, leur répète en douceur à deux reprises ce point de Chemin, 82 : D’abord, prière; ensuite, expiation; en troisième lieu, et seulement en ‘troisième lieu’, action. Et il se retire. J’en suis encore estomaqué. Quelle audace! Nous remettons les gabardines à leurs propriétaires et les conduisons à la voiture.
- Octobre 1967 à Pampelune
Nous sommes à la Résidence d’étudiants Aralar où séjourne saint Josémaria durant la célébration du 15e anniversaire de la Fondation de l’Université de Navarre : les Amis de l’Université ont organisé une semaine de festivités : Corrida avec toreros, réunions avec les étudiants, les professeurs, messe au Campus de l’Université, Concert symphonique au grand Théâtre de Pamplona.
Réunion des professeurs, des doyens, vice-recteurs et du recteur. Le vivoir est plein à craquer. Nous sommes debout tassés comme des sardines : le Père entre dans le vivoir. Applaudissements à tout rompe. D’une voix chaude et forte, le Père fait signe de cesser les hourras: Vous ne me gagnerez pas par vos applaudissements. Il leur manifeste qu’il attend d’eux tous amitié, service aux étudiants, transmission de leur foi, leur esprit de travail, faire connaitre le Christ par tous les moyens, par leur bonne humeur, leur sourire, leur disponibilité.
8 octobre, messe sur le campus de l’université devant 30,000 personnes venues de tous les coins de l’Espagne, de France et d’ailleurs. Le Père prononce une homélie : Aimer le monde passionnément. Un éditeur français la dénomme Le Matérialisme chrétien, face au matérialisme athée, autant marxiste que libertaire.
- Petits détails de chaque jour
Outre sa bonne humeur, sa piété d’enfant, son esprit apostolique universel, saint Josémaria incarnait le soin des petits détails de chaque jour, tel un père ou une mère : il s’intéressait à notre santé, à nos heures de sommeil, nos activités physiques. Je l’ai vu fermer un volet pour que le soleil n’abîme pas le mobilier, redresser un cadre sur un mur ou une cravate au cou d’un de ses fils, retarder un verre d’eau ou redresser sa poitrine qui s’inclinait tranquillement après des dizaines de minutes assis sur une chaise sans dossier, esquisser un sourire, coudre un bouton de sa soutane, m’offrir un onguent pour un bouton sur mon visage, brosser son linge avant d’aller au lit, faire partir immédiatement une tache sur sa soutane. Il savait se rendre compte du teint défraîchi d’une de ses filles au passage d’années en pays africain, ou s’empresser de demander à une compagne de lui trouver une bonne crème pour sa peau meurtrie par le temps et par le manque de moyens.
POUR AINSI DIRE …
Moments inoubliables! Le timbre de sa voix riche, grave et loyale qui ne parlait que de Dieu, de fraternité, de liberté; son regard lumineux et franc; ses doigts qui ont rédigé des milliers de pages de notes, sa pensée, son expérience du Christ; ses bras capables de sincères accolades; ses gestes familiers, humbles, sans se donner d'importance : tout reflétait une âme délicate qui plaît à Dieu, un cœur pur pour le Christ et amoureux de ses frères et de ses sœurs. Quel don de Dieu à l’Église et à notre temps! Après cinquante ans, je ne puis arrêter de rendre grâce à Dieu pour tous ces instants de joie et de proximité de Dieu auprès de saint Josémaria.