- Saisir les occasions de servir
- Le repos qui nous renouvelle
CERTAINES des images utilisées par Jésus sont frappantes. Par exemple, lorsqu’il parle d’un serviteur qui revient de son travail aux champs et qui, au lieu de réclamer son droit au repos, affirme que son maître a raison lorsqu’il lui dit : « Prépare-moi à dîner, mets-toi en tenue pour me servir, le temps que je mange et boive. Ensuite tu mangeras et boiras à ton tour » (Lc 17, 8). On pourrait croire qu’il renforce l'attitude tyrannique de ce maître. Ce que le Christ veut montrer à ses disciples dans cette parabole, c’est plutôt l’esprit avec lequel ils doivent remplir leurs obligations, que ce soit envers Dieu ou envers les autres : ils ne doivent pas rechercher la récompense ou la reconnaissance, mais redécouvrir la valeur d’un service humble et ordinaire. « De même vous aussi, quand vous aurez exécuté tout ce qui vous a été ordonné, dites : “Nous sommes de simples serviteurs : nous n’avons fait que notre devoir” ». (Lc 17, 10).
Certaines personnes de l’époque ont construit leur relation avec Dieu sur une logique de rétribution. Si quelqu’un menait une vie prospère, il était considéré comme bienheureux aux yeux du Seigneur, qui lui aurait donné cette richesse en reconnaissance de ses bonnes actions. Ainsi, parfois, la raison principale de l’observation de la Loi était précisément de gagner la faveur divine et de recevoir un avantage. « Nous ne devons jamais nous présenter devant Dieu comme quelqu’un qui pense avoir rendu un service et donc mériter une grande récompense. C’est une fausse conception qui peut surgir chez tous, même chez ceux qui travaillent dur au service du Seigneur, dans l’Église. D’autre part, nous devons être conscients qu’en réalité, nous n’en faisons jamais assez pour Dieu » [1]. Avec l’image du serviteur, Jésus nous invite à ne pas oublier qui nous sommes et quelle est la véritable raison pour laquelle il vaut la peine de travailler : donner notre vie pour le Seigneur et pour les autres. « Oublie-toi toi-même, écrivait saint Josémaria. Que ton ambition soit de ne vivre que pour tes frères, pour les âmes, pour l’Église ; en un mot, pour Dieu » [2].
IL NOUS est probablement arrivé plus d’une fois de nous reconnaître dans le serviteur de cette parabole. Après une journée de travail intense, nous rentrons chez nous en espérant y trouver la paix. Cependant, dès notre arrivée, nous nous rendons compte que d’autres tâches nous attendent, qui requièrent effort et attention : s’occuper de ses enfants, faire le ménage, aider un proche parent qui nous cherche… Et comme nous portons nous aussi tout le poids de la journée, il nous est peut-être plus difficile d’accueillir avec joie ces occasions de servir les gens qui nous entourent.
L’exemple de Jésus peut nous aider à voir notre vie comme un acte de service constant aux autres. L’Évangile nous montre de nombreux moments où le Seigneur retarde son repos tant attendu pour s’occuper de ceux qui le cherchent. L’un des derniers gestes qu’il a accomplis avant sa Passion a été de laver les pieds de ceux qu’il a le plus aimés pendant son séjour sur terre. C’est le testament qu’il leur a laissé avant sa mort : un geste qui convient davantage à un esclave qu’à un maître.
Lorsque nous saisissons ces occasions de servir, au lieu de les rejeter ou d’y faire face à reculons, nous pouvons expérimenter la joie de vivre comme Jésus. « Notre fidélité au Seigneur dépend de notre volonté de servir. Et cela coûte cher, nous le savons, parce que cela a “le goût de la croix”. Mais à mesure que nous grandissons dans l’attention et la disponibilité pour les autres, nous devenons plus libres intérieurement, nous ressemblons davantage à Jésus. Plus nous servons, plus nous ressentons la présence de Dieu. Surtout lorsque nous servons ceux qui n’ont rien à nous rendre, les pauvres, en accueillant leurs difficultés et leurs besoins avec une tendre compassion : c’est là que nous découvrons que nous sommes à notre tour aimés et accueillis par Dieu » [3].
OUTRE les nombreuses occasions de servir, chaque jour nous offre différentes manières de nous reposer. Parfois, nous pouvons penser que seules certaines situations extraordinaires nous aideraient à reprendre des forces : un projet de plusieurs jours en famille ou avec des amis, la fin d’une période de travail intense, la période des vacances… S’il est vrai que toutes ces circonstances sont importantes et nécessaires, il est également vrai que nous avons besoin de plus de moments quotidiens pour nous déconnecter de notre vie de tous les jours. Sinon, nous risquons d’apprécier peu la vie de tous les jours et de ne concentrer notre enthousiasme que sur des expériences très excitantes ou intenses.
On peut se fatiguer inutilement en ne s’arrêtant pas, en voulant tout résoudre immédiatement, en se laissant submerger par les tâches en suspens. Savoir chercher le repos dans l’ordinaire, dans le quotidien, nous amène à vivre ces occupations avec sérénité : ce n’est pas une fuite, mais une aide pour recentrer la réalité. Ainsi, un conflit qui aurait pu nous submerger, qu’il soit professionnel, familial ou spirituel, acquiert une autre perspective lorsque nous avons pratiqué un passe-temps que nous aimons, dormi les heures dont nous avions besoin ou passé des moments agréables avec notre famille ou nos amis.
Saint Josémaria nous a également encouragés à reprendre des forces en savourant l’une des réalités les plus consolantes de la vie chrétienne : « Repose-toi sur la filiation divine. Dieu est un Père — ton Père ! — plein de tendresse, d’un amour infini. — Appelle-le souvent ainsi, Père. Et dis-lui, seul à seul, que tu l’aimes beaucoup ! Que tu te sens fier et fort d’être son fils » [4]. De même qu’il nous suffit parfois de contempler la mer ou un beau paysage pour nous ressourcer, nous trouvons dans la conversation intime avec le Seigneur un repos qui nous aide à donner un sens à ce que nous faisons. Il est possible que la Vierge Marie se soit souvent reposée de cette manière : en regardant simplement son Fils dormir ou jouer avec d’autres enfants. Elle peut nous aider à faire l’expérience d’un repos qui nous aide à redécouvrir la joie de servir Dieu et nos frères.
[1]. Benoît XVI, Homélie, 3 octobre 2010.
[2]. Saint Josémaria, Sillon, n° 630.
[3]. Pape François, Angélus, 19 septembre 2021.
[4]. Saint Josémaria, Forge, n° 331.