AU BOUT DE TRENTE-SEPT ans- Guadalupe et la vie ordinaire
- Chaque saint est une prouesse de Dieu
« LA VIE est comme un voyage sur la mer de l’histoire, souvent obscur et dans l’orage, un voyage dans lequel nous scrutons les astres qui nous indiquent la route. Les vraies étoiles de notre vie sont les personnes qui ont su vivre dans la droiture. Elles sont des lumières d’espérance. Certes, Jésus Christ est la lumière par antonomase, le soleil qui se lève sur toutes les ténèbres de l’histoire. Mais pour arriver jusqu’à lui nous avons besoin aussi de lumières proches – de personnes qui donnent une lumière en la tirant de sa lumière et qui offrent ainsi une orientation pour notre traversée » [1]. Le jour de sa fête, nous regardons Guadalupe Ortiz de Landazuri pour nous remplir de joie ; elle nous montre à quel point Dieu souhaite nous faire participer de sa sainteté, ici sur terre, dans les choses ordinaires ; c’est pourquoi sa vie est une lumière particulièrement proche de nous.
« Guadalupe Ortiz de Landázuri est la première fidèle laïque de l’Opus Dei à être proposée par l’Église comme modèle de sainteté. Son fondateur, saint Josémaria, et son premier successeur, le bienheureux Álvaro, étaient déjà des modèles de sainteté. Cela nous rappelle tout particulièrement l’appel de Dieu à devenir des saints, comme l’a prêché saint Josémaria en 1928 et comme l’un des principaux enseignements du Concile Vatican II (cf. Lumen Gentium, chapitre V). C’est ce que la nouvelle bienheureuse a voulu apporter à son entourage : la conviction que l’union avec Dieu est, avec la grâce divine, à la portée de tous, dans les circonstances de la vie ordinaire » [2].
Le Seigneur ne souhaite pas que nous avancions tout seuls sur le chemin qui mène au bonheur. Il « n’abandonne jamais son Église […], il continue à susciter dans son sein des exemples de sainteté qui embellissent son visage, nous comblent d’espérance et nous montrent clairement le chemin que nous devons suivre » [3]. Nous apprenons d’elle que « la sainteté consiste à ouvrir le cœur à Dieu et à le laisser nous transformer par son amour » [4]. Le bonheur dépend étroitement de notre capacité à laisser entrer en nous la nouveauté et l’élan de Dieu. Quoi de plus sûr que de remettre notre vie entre ses mains ? Ce qui ne signifie pas se désintéresser des choses, mais tout le contraire : aller à fond avec les gens et les événements, sachant que le Seigneur s’y trouve.
« A TRENTE-SEPT ans, depuis Mexico, Guadalupe écrit dans une lettre au fondateur de l’Opus Dei : “Je veux être fidèle, je veux être utile et je veux être une sainte. La réalité est que j’ai encore un long chemin à parcourir […]. Mais je ne me décourage pas, et avec l’aide de Dieu et le soutien de vous et de tous, j’espère que je serai victorieuse” (Lettre, 1er février 1954). Cette brève note, “Je veux être une sainte”, est le défi que Guadalupe a accepté pour sa vie et qui l’a remplie de bonheur. Or, pour y parvenir elle n’a pas eu à faire des choses extraordinaires. Aux yeux de son entourage, elle était quelqu’un d’ordinaire : inquiète pour sa famille, allant d’un endroit à l’autre, terminant une tâche pour en commencer une autre, essayant de corriger peu à peu ses défauts. Là, dans ces batailles qui semblent petites, Dieu accomplit de grandes actions. Il veut aussi les accomplir dans la vie de chacun d’entre nous » [5].
Saint Paul écrit aux Corinthiens : « Que chacun donne comme il a décidé dans son cœur, sans regret et sans contrainte, car Dieu aime celui qui donne joyeusement. Et Dieu est assez puissant pour vous donner toute grâce en abondance, afin que vous ayez, en toute chose et toujours, tout ce qu’il vous faut, et même que vous ayez en abondance de quoi faire toute sorte de bien » (2 Co 9, 7-8). En regardant la vie de Guadalupe, comme sa décision d’accomplir les suggestions du Seigneur, son courage pour se donner aux autres, son optimisme surnaturel nous semblent attrayants! Son immense joie jaillissait d’un cœur amoureux, toujours en veille.
« Les exploits de Dieu ne sont pas terminés, sa puissance continue à se manifester dans l’histoire. Saint Josémaria aimait rappeler les paroles du prophète Isaïe : Non est abbreviata manus Domini (Is 59, 1) : “Le bras du Seigneur n’est pas trop court : Dieu n’est pas moins puissant aujourd’hui qu’autrefois” (Quand le Christ passe, n° 130). Le Seigneur lui-même veut continuer à se manifester de nombreuses manières, y compris à travers les saints. Chaque saint est une prouesse de Dieu, une manière de se rendre présent dans notre monde ; c’est “le plus beau visage de l’Église” (Gaudete et exultate, n. 9) » [6]. Nous sommes appelés à refléter nous aussi ce beau visage dans notre vie personnelle.
« GUADALUPE était toujours joyeuse parce qu’elle laissait Jésus la guider et remplir son cœur. Dès qu’elle a vu que Dieu l’appelait à se sanctifier sur le chemin de l’Opus Dei, elle a eu conscience que cette mission n’était pas simplement un nouveau projet terrestre, certes, passionnant. Elle s’est rendu compte que c’était quelque chose de surnaturel, quelque chose que Dieu avait depuis toujours préparé pour elle. Et, se laissant conduire par cette certitude de la foi, Dieu l’a récompensée par une fécondité qu’elle ne pouvait même pas soupçonner et par un bonheur - le centuple que Jésus a promis à ses disciples - que nous pouvons percevoir dans ses lettres […].
Chercher en tout ses propres goûts et son propre confort pourrait sembler être la clé de la joie. Or, il n’en est rien. Jésus-Christ rappelle que celui qui veut être le premier, doit être le serviteur de tous (cf. Mc 9,35) ; que lui-même est venu sur terre pour servir (cf. Mt 20,28) ; et il a insisté, à un autre moment, sur le fait que sa place parmi les hommes est “comme celui qui sert” (Lc 22,27). Et lors de la Dernière Cène, il s’est mis à genoux devant ses apôtres pour laver les pieds de chacun d’eux, puis il leur a dit : “Vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres […]. Si vous comprenez cela et le faites, vous serez bienheureux” (Jn 13, 14-17). Guadalupe a pu aussi atteindre cette joie, qui se manifeste dans ses écrits et dans sa vie, parce que chaque matin, à son réveil, son premier mot, adressé au Seigneur, était : Serviam ! je servirai ! Et c’était une résolution qu’elle voulait vivre à chaque moment de la journée. La joie de Guadalupe jaillissait de son union avec Jésus-Christ, qui l’amenait à s’oublier elle-même, cherchant à comprendre tout le monde » [7].
Nous aussi, nous voulons suivre le Seigneur de la sorte. Guadalupe est allée d’un endroit à l’autre, d’une occupation à une autre, avec détermination, comme si elle écoutait, à chaque fois, au fond de son âme, le « suis-moi » de la vocation. « Lorsque nous découvrons, par la foi, la grandeur de la volonté de Dieu, “nous recevons des yeux nouveaux, nous faisons l’expérience qu’en lui il y a une grande promesse de plénitude, et notre regard s’ouvre sur l’avenir” (Lumen fidei, n° 4). Guadalupe, se souvenant du moment où elle a rencontré saint Josémaria pour la première fois, écrit : “J’ai eu la sensation très nette que Dieu me parlait à travers ce prêtre […]. J’ai ressenti une grande foi, comme un fort reflet de la sienne. Demandons au Seigneur, par l’intercession de Guadalupe, de nous donner et de perfectionner ces nouveaux yeux de la foi, afin que nous puissions regarder notre avenir comme lui » [8].
[1]. Benoît XVI, Spe salvi, n° 49.
[2]. Mgr Fernando Ocariz, Homélie, 19 mai 2019.
[3]. Pape François, Lettre à Mgr Fernando Ocariz, 12 avril 2019.
[4]. Ibid.
[5]. Mgr Fernando Ocariz, Homélie, 19 mai 2019.
[6]. Ibid.
[7]. Mgr Fernando Ocariz, Homélie, 19 mai 2019.
[8]. Ibid.