Liberté et politique dans les écrits de saint Josémaria Escriva

À travers la profonde connaissance de l’enseignement de l’Église sur les questions sociales et politiques qui se dégage de ses écrits, saint Josémaria souligne la nécessité de remettre à sa place le domaine du politique en rétablissant l’éthique chrétienne, instance essentielle de l’avenir de l’humanité.

1. Introduction

« L’Opus Dei n’intervient jamais dans l’ordre politique ; il est absolument étranger à toute tendance, à tout groupe ou régime politique, économique, culturel ou idéologique. Ses buts – je le répète – sont exclusivement spirituels et apostoliques. Il exige simplement de ses membres qu’ils vivent en chrétiens, qu’ils s’efforcent d’ajuster leur vie à l’idéal évangélique. Il ne s’immisce par conséquent, en aucune manière, dans les questions temporelles… Non seulement nous nous associons exclusivement pour des fins surnaturelles, mais encore, s’il arrivait qu’un membre de l’Opus Dei voulût imposer, directement ou indirectement, un critère temporel aux autres, ou se servir d’eux à des fins humaines, il serait expulsé sans ménagements, car les autres membres se révolteraient légitimement, saintement »1: ces paroles nettes et claires de Saint Josémaria Escrivà résument une affirmation permanente et réitérée depuis le 2 octobre 1928 de la part de celui qui a fondé l’Opus Dei, comme par ses successeurs à la tête de la Prélature2; elles sont accompagnées aujourd’hui d’une réalité perceptible et vérifiable à l’échelle planétaire, puisque les fidèles et les coopérateurs de la Prélature se comptent par centaines de milliers, de pratiquement toutes les cultures humaines existantes et de près d’une centaine de pays différents : cette universalité effective, pacifique et durable ne peut être l’expression que d’un souffle religieux, celui-là même qui porte le nom de l’universel, à savoir l’Eglise catholique.

La persistance dans certains médias d’une mythomanie cherchant à tout prix à associer à telle ou telle tendance politique cette institution définitivement reconnue par le Saint Siège il y a désormais plus de cinquante ans3, tient pour beaucoup à l’un des travers majeurs du siècle achevé ; c’est qu’il n’a cessé de confondre religion et politique, transposant dans l’ordre politique ce qui relève du religieux et, réciproquement, abordant la religion avec des critères et des catégories empruntés au politique : idéologies totalitaires et sécularisation. L’Opus Dei est né et a grandi à l’apogée du phénomène des « religions séculières »4, ces substituts immanentisés de la foi chrétienne, messianismes matérialistes dont les tentatives de réalisations destructrices de l’humanité ont prospéré dans le contexte d’un processus ancien de déchristianisation des instances dirigeantes des sociétés occidentales. Dès lors, il ne peut que contrarier ceux qui sont hostiles à la foi chrétienne réellement vécue et ceux qui se sont forgés des « christianismes imaginaires », des formes atrophiées et dénaturées de la plénitude du message du Christ.

Est-ce pour autant que la politique n’ait aucune place dans les écrits de Saint ? Le concept de politique comme désignant une part de l’anthropologie humaine dans sa dimension sociale ne peut faire l’objet d’un total désintérêt de la part de celui dont la spiritualité réside principalement dans « la sanctification du travail ordinaire » ; cette spiritualité visant à la surnaturalisation de la vie ordinaire et courante à l’imitation des premiers chrétiens, concerne l’homme « normal » qui est en même temps citoyen de telle ou telle société humaine. Saint Josémaria Escrivà a toujours prôné l’achèvement le plus parfait possible de toutes les tâches comme mode laïc de louange à Dieu et à l’image du divin maître « qui coepit facere et docere »5.

C’est pourquoi, dans sa propre formation, avant même de savoir ce à quoi Dieu l’appelait exactement, et plus encore ensuite6, il a cherché à étudier à fond toutes les disciplines ecclésiastiques et profanes par lesquelles il se mettait au service de Dieu et des hommes : la philosophie, la théologie, l’histoire et le droit7. Ses enseignements et ses écrits ultérieurs reflètent une connaissance plénière et approfondie du magistère de l’Eglise, notamment de cette partie de la théologie morale en relation avec d’autres disciplines ecclésiastiques et profanes que l’on appelle la « doctrine sociale de l’Eglise ». Parmi plusieurs définitions que l’Eglise elle-même a fourni de son enseignement sur la dimension sociale de l’agir humain, celle qui suit semble très complète : « L’enseignement social de l’Eglise est né de la rencontre du message évangélique et de ses exigences résumées dans le commandement suprême de l’amour de Dieu et du prochain et dans la justice avec les problèmes émanant de la vie de la société. Il s’est constitué comme une doctrine, en usant des ressources de la sagesse et des sciences humaines, il porte sur l’aspect éthique de cette vie, et prend en compte les aspects techniques des problèmes, mais toujours pour les juger sous l’angle moral »8.

Or, au nombre des éléments constituant la dimension sociale de l’agir humain, il y a le politique qui a fait l’objet de la part du magistère de l’Eglise universelle d’un enseignement systématiquement repris à partir du pontificat de Léon XIII dans une perspective théologique et pédagogique face à un monde moderne en désarroi9.

Dès les années trente, Saint Josémaria Escriva ressent fortement comme l’une des causes de la déchristianisation de la vie publique dans nombre de pays européens et du déclin de l’Eglise, la passivité des catholiques face aux responsabilités sociales et politiques. C’est ce qui le conduit à mettre par écrit ce qui fait simultanément l’objet de ses conseils pastoraux et de sa prédication et qui sera publié bien plus tard dans Sillon et Forge, dans la continuation de Chemin ; il s’agit de créer une vaste mobilisation des chrétiens en insistant de manière constante et répétée sur le devoir de participation et d’intervention de ces « citoyens chrétiens », comme il les appelle, dans les tâches de la société : « Nous ne pouvons pas nous croiser les bras, alors qu’une subtile persécution condamne l’Eglise à mourir d’inanition : on la relègue hors de la vie publique et, surtout, on l’empêche d’intervenir dans l’éducation, dans la culture, dans la vie familiale. Ces droits ne nous appartiennent pas : ils appartiennent à Dieu et c’est à nous, les catholiques qu’Il les a confiés…pour que nous les exercions ! »10. Cette mobilisation vise à répandre la doctrine sociale de l’Eglise et à la pratiquer : « Aujourd’hui on attaque notre Mère l’Eglise dans le domaine social et en se servant du gouvernement des peuples. C’est pourquoi Dieu envoie ses enfants – et Il t’envoie, toi ! pour te battre et diffuser la vérité dans ces domaines »11.

Mais comme toujours dans les écrits de Saint la référence est christocentrique ; c’est le Christ plénitude de l’humanité qui est la mesure et le modèle de cette implication sociale et politique du chrétien : « Il serait lamentable que quelqu’un conclue, en voyant les catholiques se comporter dans la vie sociale, qu’ils agissent en gens pusillanimes, comme inhibés. Il n’y a pas lieu d’oublier que notre Maître était – qu’il est – « perfectus homo », un Homme parfait. »12.

Dans sa connaissance très approfondie de l’enseignement pontifical sur les questions sociales et politiques qui transparait dans ses écrits, Saint Josémaria semble souligner tout particulièrement deux aspects: remettre à sa place la sphère du politique en restaurant l’éthique chrétienne comme instance essentielle déterminante du sort individuel et collectif de l’humanité, d’une part; remettre à leur place les acteurs du politique, en leur conférant davantage de responsabilité, limitative pour les gouvernants et participative pour les gouvernés, d’autre part.

2. La place du politique dans la vie humaine : subsidiarite par rapport aux fins dernieres et a l’ethique vecue

a) Politique des Evangiles

Depuis vingt siècles la pensée politique n’a pas manqué de rechercher dans ces quatre récits de la vie du Christ que sont les Evangiles les éléments d’un « politique chrétienne », d’une conception chrétienne de la politique. L’attention s’est principalement focalisée sur quelques brefs passages de la vie du Christ, notamment le « Reddite Caesari »13(le paiement de l’impôt) et le « omnis potestas a Deo »14 (le recours à la peine capitale) au moment de la Passion, avec des interprétations parfois contestables provenant d’auteurs n’ayant pas lu l’ensemble des Evangiles et surtout, n’ayant pas cherché à vivre vraiment leur contenu. Les commentaires de Saint Josémaria sur ces textes reprennent ceux du magistère de l’Eglise15 en y introduisant la spécificité d’une mentalité laïque qui aime le monde passionnément16. Pour ce qui est du « Rendez-donc à César… », l’explication réside dans la non-contradiction entre le service de Dieu et celui des hommes constitués en autorité politique : « Le dilemme , vous le voyez, n’est pas nouveau, et la réponse du Maître est claire et nette. Il n’y a pas, il n’existe pas, d’opposition entre le service de Dieu et le service des hommes ; entre l’exercice de nos devoirs et de nos droits civiques et celui de nos devoirs et nos droits religieux ; entre l’effort pour construire et perfectionner la cité temporelle et la certitude que nous traversons ce monde comme sur un chemin qui nous conduit à la patrie céleste. »17.

Le concept original qui résume le fait que toute la réalité humaine – y compris les structures politiques inventées par les hommes – est issue des mains de Dieu et entretenue dans l’être, est celui « d’unité de vie » : « Ici encore se manifeste cette unité de vie qui, je ne me lasserai pas de le répéter, est une condition essentielle pour ceux qui s’efforcent de se sanctifier au milieu des circonstances ordinaires de leur travail, de leurs relations familiales et sociales… Le choix exclusif de Dieu que fait un chrétien en répondant pleinement à son appel, le pousse à tout orienter vers le Seigneur et, en même temps, à donner à son prochain ce qui lui revient en toute justice. »18.

L’accomplissement des droits et devoirs civiques fait partie du service de Dieu, c’est une partie du tout qui est dû à Dieu et à Dieu seul, aussi bien individuellement que collectivement : « Une certaine mentalité laïque et d’autres formes de pensée que nous pourrions appeler piétistes s’accordent à ne pas voir dans le chrétien un homme entier et complet. Pour les premiers, les exigences de l’Evangile étoufferaient les qualités humaines ; pour les autres, la nature déchue mettrait en danger la pureté de la foi. Le résultat est le même : la méconnaissance de la profondeur de l’Incarnation du Christ, l’ignorance de ce que le Verbe s’est fait chair, homme, et Il a demeuré parmi nous. »19; ce n’est ni le laïcisme qui ignore les droits légitimes de l’Eglise, ni le cléricalisme qui subordonne les droits tout aussi légitimes de l’Etat: « Il n’est pas vrai qu’il y ait opposition entre le fait d’être un bon catholique et celui de servir fidèlement la société civile. Tout comme il n’y a pas de raison pour que l’Eglise et l’Etat entrent en conflit dans l’exercice de leur autorité respective, en vue de la mission que Dieu leur a confiée. Ils mentent (c’est bien cela: ils mentent!) ceux qui affirment le contraire. Ce sont les mêmes qui, au nom d’une fausse liberté, voudraient “gentiment” que les catholiques retournent aux catacombes. »20

Ce refus du dualisme qui impliquerait de placer César au niveau de Dieu nous vaut de Saint Josémaria à la fois une définition de la politique comme service et le rappel de la nécessaire intersection entre le politique et l’éthique dans la définition juridique et sociale des droits fondamentaux de la personne humaine: « Il en va pour la femme comme pour l’homme : lorsqu’elle est amenée à participer à l’activité politique, sa foi chrétienne lui confère la responsabilité d’accomplir un véritable apostolat, c’est-à-dire de rendre un service chrétien à toute la société. Il ne s’agit pas de représenter officiellement ou officieusement l’Eglise dans la vie publique, et encore moins de se servir de l’Eglise pour sa carrière personnelle ou pour les intérêts de son parti. Au contraire, il s’agit de former, en toute liberté, ses propres opinions sur tous les sujets temporels qui sont laissés à la liberté des chrétiens et d’assumer ses responsabilités personnelles en matière de pensée et d’action, en restant conséquent avec la foi que l’on professe. »21

Le commentaire sur la réponse du Christ à Pilate concernant le pouvoir politique qu’il détient, souligne non seulement son origine divine, mais aussi sa bonté ontologique et le caractère sanctifiable de son exercice comme celui de toute activité humaine noble, refusant une fois de plus la tentation dichotomique consistant à confondre le monde en soi et l’attitude mondaine: « Un homme qui sait que le monde – et non seulement l’église – est son lieu de rencontre avec le Christ, aime ce monde, tâche d’acquérir une bonne préparation intellectuelle et professionnelle, établit en toute liberté ses propres jugements sur les problèmes du milieu où il évolue ; et, par conséquent, il prend ses propres décisions, lesquelles, parce qu’elles sont les décisions d’un chrétien, procèdent en outre d’une réflexion personnelle, qui tente humblement de saisir la volonté de Dieu dans les détails, petits et grands, de la vie. »22. A ce texte de 1967 fait écho l’exhortation apostolique « Evangelii nuntiandi » de Paul VI qui confirmera quelques années plus tard, en écho à la Constitution Gaudium et spes 23 de Vatican II, ces « chemins divins de la terre »24 pour l’immense majorité des laïcs : « le champ propre de l’activité évangélisatrice des laïcs, c’est le monde, vaste et compliqué, de la politique, de la réalité sociale, de l’économie ; comme aussi celui de la culture, de la science et des arts, de la vie internationale, des instruments de communication sociale… Plus il y aura de laïcs pénétrés d’esprit évangélique, responsables de ces réalités et explicitement engagés en ces réalités, compétents dans le travail de leur développement et conscients de l’obligation qui leur incombe de développer toute leur capacité chrétienne souvent jusque là tenue cachée et étouffée, alors plus ces réalités, sans rien perdre ni sacrifier de leur coefficient humain, mais révélant une dimension transcendante souvent ignorée, se trouveront au service de l’édification du Royaume de Dieu, et donc du Salut en Jésus-Christ »25.

Par delà ces deux références au paiement de l’impôt et à l’exercice d’une justice de sang, la place conférée au politique par le comportement et les enseignements du Christ relève d’une activité humaine parmi d’autres, dotée d’une certaine importance, mais qui ne doit en aucun cas être sacralisée ou désirée de manière substitutrice à la Divinité. Toute la vie du Christ traduit la volonté divine de la normalité, de suivre les lois physiques, morales et humaines légitimes dont il est lui-même l’auteur, d’épouser la nature humaine en toute chose excepté le péché, de passer inapperçu, à travers une condition sociale humble: la naissance dans la crêche de Bethléem, les trente ans de vie d’enfant et de modeste travailleur manuel en Egypte et à Nazareth. Tout sauf la théâtralité, le spectacle, la quête de notoriété, la puissance et la gloire qui accompagnent habituellement l’exercice du pouvoir politique, pour Lui qui était réellement roi26 mais d’un royaume qui n’est pas de ce monde27 : « Le Christ fut humble de cœur. Tout au long de sa vie, il ne voulut aucune faveur, aucun privilège. Il commença par rester neuf mois dans le sein de sa Mère, comme tous les hommes, de la façon la plus naturelle qui soit… De plus Noël est entouré d’une simplicité admirable : le Seigneur vient sans ostentation, inconnu de tous. Sur terre, seuls Marie et Joseph participent à l’aventure divine ; puis ces bergers, que préviennent les anges ; et plus tard, ces sages d’Orient. Ainsi se réalise l’événement transcendant où le ciel et la terre, Dieu et l’homme se réunissent »28.

b) « Le géant des fausses idéologies »29

La matrice chrétienne qui a forgé l’histoire de la civilisation européenne a connu des périodes de remise en cause et de dénaturation : ce qu’il est convenu d’appeler la « modernité » à partir du XVI°-XVII° siècles a engendré ce phénomène déjà mentionné de « religions séculières »30, d’idolâtrie d’éléments de la vie humaine, aux lieux et places de l’adoration divine. C’est dans le domaine du politique justement que ce projet de transformation de l’homme par lui-même dans un salut collectif31, s’est développé depuis les pensées de Machiavel et de Hobbes jusqu’au dépérissement de ces « idéologies politiques » dans les deux dernières décennies du XX° siècle. La doctrine sociale de l’Eglise, de Pie VI contemporain de la Révolution française à Jean-Paul II contemporain de l’effondrement du communisme, n’a cessé de dénoncer les erreurs et les périls d’une telle démarche ; paradoxalement, un certain humanisme a engendré exactement son contraire, le formidable anti-humanisme des systèmes totalitaires issus des applications de ces idéologies politiques : le thème nietzschéen de la « mort de Dieu »32 annoncé par Feuerbach33, a entraîné celui de la mort de l’homme, dont témoigne la somme difficilement calculable des massacres du XX° siècle.

Saint Josémaria accompagne cette dénonciation des idéologies anti-chrétiennes et anti-humaines en faisant la distinction entre les deux sens habituellement conférés au concept : un sens premier portant sur la construction culturelle d’une représentation du monde qui procède du génie naturel de l’homme34, un sens second qui équivaut a l’idée de « succédané religieux »35 donnant lieu à un « culte idolâtrique »36. C'est pourquoi, dans des écrits qui ont pour objet de fomenter chez le lecteur un zèle intérieur et apostolique il parle des « fausses idéologies » : « les ennemis de Jésus - et certains, qui se disent ses amis -, protégés par l'armure de la science humaine, et empoignant l’épée du pouvoir, se moquent des chrétiens comme le Philistin se moquait de David en le méprisant. Aujourd'hui encore il tombera à terre, le Goliath de la haine, de l'hypocrisie, de la puissance méprisante, du laïcisme, de l'indifférence... ; et alors, une fois que le géant de ces fausses idéologies aura été blessé par les armes, apparemment faibles de l'esprit chrétien - la prière, l'expiation, l'action -, nous le dépouillerons de l'armure de ses doctrines erronées, afin de revêtir nos frères les hommes de la véritable science: la culture et la pratique chrétiennes »37. Ces idéologies politiques qui se sont emparées du champ des fins dernières portent atteinte à la foi en hypertrophiant tel ou tel segment de la réalité sociétale : « ...parce qu'il n'a aucun rapport avec la vérité, le fanatisme des sectaires change à chaque époque de costume; il dresse contre la Sainte Eglise l’épouvantail de simples mots, que leurs actes ont vidés de leur sens: la « liberté », qu'ils enchaînent; le « progrès » qui ramène à la forêt vierge; la « science » qui dissimule l'ignorance... Toujours un pavillon qui cache une vieille marchandise avariée »38. Or ces marchandises avariées ont pour nom marxisme, libéralisme individualiste se transformant de manière contemporaine en hédonisme, progressisme, nationalisme, laïcisme.

Le marxisme et l’hédonisme39, sont en premier lieu profondément négateurs de la personne humaine et de ses droits les plus élémentaires : « Une vague sale et putride - rouge et verte - tend à submerger la terre, crachant son immonde salive sur la Croix du Rédempteur... Et Lui, Il veut que de nos âmes jaillisse une autre vague, une vague immaculée et puissante, comme la main droite de Notre-Seigneur, et qu'elle détruise, par sa pureté, la pourriture de tout matérialisme, qu'elle neutralise la corruption qui a inondé le globe. Et telle est, entre autres, la tâche des enfants de Dieu »40.

L’intransigeance41 à l’égard des doctrines que traduit la force de ces paroles s’accompagne simultanément d’une totale compréhension à l’égard des personnes qui peuvent les professer42.

En conformité avec l’enseignement constant de l’Eglise depuis le milieu du XIX° siècle43, le marxisme est rejeté en raison de son incompatibilité avec la foi chrétienne: « Est-il quelque chose de plus contraire à la foi qu'un système qui cherche en tout à éliminer de l’âme la présence aimante de Dieu? Criez-le très fort, pour qu'on entende distinctement votre voix: nous n'avons absolument pas besoin du marxisme pour pratiquer la justice »44; ce texte date de novembre 1963, à l’apogée du prestige intellectuel du marxisme et de la puissance du communisme mondial. De même en va-t-il pour le nationalisme : « Repousse le nationalisme, qui rend difficile la compréhension et la bonne entente entre les hommes : c’est là une des barrières les plus pernicieuses qui se soient dressées en de nombreux moments de l’histoire45; ...si le patriotisme se transforme en un nationalisme qui porte sur d'autres peuples, sur d'autres nations un regard détaché et méprisant, dénué de charité chrétienne, c'est un péché46. Ce n'est pas du patriotisme que de justifier les crimes... et de méconnaître les droits des autres peuples »47.

Cette dénonciation est a fortiori plus forte encore à l’encontre du nazisme qui est un mélange de racisme et de nationalisme, de la part de celui qui a toujours proclamé qu’ « il n’y a qu’une seule race sur la terre : la race des fils de Dieu »48.

Des idéologies à prétentions moins totalitaires n’en portent pas moins atteinte à la foi et aux droits fondamentaux de la personne humaine puisque c’est dans le Christ que réside la plénitude de l’humanité et que donc, comme nombre de Papes l’ont affirmé, «l’Evangile est la déclaration la plus achevée de tous les droits de l’homme. »49 Il s’agit en premier lieu du progressisme tel que Condorcet ou Auguste Comte50 l’ont promu dans l’ère moderne : « Nous ne pouvons pas nous laisser tromper par le mythe du progrès continuel et irréversible. Le progrès droitement ordonné‚ est bon, et voulu par Dieu. Mais celui dont on parle le plus est ce faux progrès qui aveugle tant d'hommes, car souvent, on ne se rend pas compte que, en certains domaines, l'humanité recule et perd ce qu'elle avait acquis auparavant »51. Ce progressisme rejoint parfois le laïcisme qui cherche à faire croire au nom d’une neutralité anthropocentriste et rationaliste imaginaire, qu’il ne serait pas lui-même un corps de doctrine idéologique tendant à nier la réalité de Dieu et de la religion : « Laïcisme. Neutralité. - Vieux mythes que l'on essaie toujours de rajeunir. As-tu pris la peine de penser à quel point il est absurde de dépouiller sa qualité de catholique, en entrant à l'université ou dans un groupement professionnel, à l'académie ou au parlement, comme on laisse un pardessus au vestiaire »52; l’indifférentisme du siècle des lumières n’y est pas étranger : « ...il est incroyable que des gens s’évertuent encore à tenir la diligence pour un bon moyen de locomotion... - Voilà pour ceux qui exhument un voltairianisme en perruque poudrée ou des libéralismes désuets du XIX° siècle »53.

L’objectif recherché par Saint Josémaria Escrivà en mettant en lumière le caractère illusoire de ces faux messianismes qui ont investi le champ de la vie sociale et politique des sociétés modernes, c’est surtout de recentrer les esprits sur la seule instance vraiment décisive du salut individuel et collectif de l’humanité qu’est la foi chrétienne vécue : « veritas liberabit vos »54.

c) Primauté révolutionnaire du spirituel

La religion en soi est une révolte, « la plus grande révolte de l'homme qui ne tolère pas de vivre comme une bête, qui ne se résigne pas, qui ne s'apaise pas avant de fréquenter et de connaître le Créateur. »55Cette révolte de l’homme naturel devient la révolution du citoyen chrétien: « Si nous les chrétiens, nous vivions vraiment selon notre foi, il se produirait la plus grande révolution de tous les temps... L'efficacité de la co-rédemption dépend aussi de chacun de nous! - Médite-cela. »56. Mais pour cela il ne suffit pas d’être bon, il faut s’engager dans la recherche effective de la sainteté : « L'Eglise n'a que faire de femmes bonnes ou d'hommes bons. - De plus, celui qui se contente d’être presque ...bon, ne l'est jamais suffisamment: ce qu'il faut, c'est être « révolutionnaire » . Face à l'hédonisme, face à la charge de paganisme et de matérialisme qui nous est offerte, le Christ a besoin d'anticonformistes, de rebelles de l'Amour! »57. Comme l’ont pressenti nombres d’auteurs y compris non chrétiens, les révolutions politiques ne sont que des représentations théâtrales collectives et extérieures d’un défaut de conversion et de luttes intérieures, seul champ réel de transformation des hommes et du monde : « J’ai pris note de ce que disait cet ouvrier: après avoir participé à la réunion que tu avais organisée, il faisait ce commentaire enthousiaste: « je n'ai jamais entendu parler, comme on le fait ici, de noblesse, d'honnêteté, d'amabilité, de générosité... » - Et de conclure étonné: « face au matérialisme de gauche ou de droite, c'est çà la véritable révolution! »58. Cette révolution rejette toute violence qui ne « semble apte ni à convaincre ni à vaincre »59; elle repose sur l'exercice d'une liberté‚ personnelle qui « accepte l'idée que la vie sur la terre est un combat », une lutte « comprise comme le Christ nous l'a enseigné: une lutte personnelle contre soi-même, accompagnée de l'effort, sans cesse renouvelé, pour aimer Dieu davantage, pour déraciner l ‘égoïsme, pour servir tous les hommes »60.

L’affirmation récurrente de Saint Josémaria, c’est l’énoncé d’une loi réelle et surnaturelle à la fois, expérimentalement vécue : la portée sociale et politique considérable des actes individuels moralement bons, ou encore, les effets sociaux extérieurs d’une vie chrétienne intérieure authentique : « Inculquez aux âmes l’héroïsme d’accomplir à la perfection les petites choses de chaque jour : comme si le salut du monde dépendait de chacun de ces actes »61.

C’est ce qu’exprime de manière remarquablement synthétique l’un des points les plus célèbres de Chemin : « Un secret. – Un secret à crier sur les toits : ces crises mondiales sont des crises de saints. - Dieu veut une poignée d’hommes « à Lui » dans chaque activité humaine. - Après quoi… pax Christi in regno Christi – la paix du Christ dans le règne du Christ. »62; et l’auteur de confirmer trente ans plus tard ce même diagnostic : « A notre époque de décomposition générale, de capitulations et de découragements, ou de libertinage et d’anarchie, j’estime encore plus actuelle que jamais cette conviction simple et profonde que, dès le début de mon travail sacerdotal et toujours depuis, je brûle d’envie de communiquer à l’humanité tout entière : « Ces crises mondiales sont des crises de saints. »63

Ainsi, la transformation du monde et le perfectionnement de l’humanité sont à la portée de tout un chacun et ne relèvent pas principalement de structures lointaines et inaccessibles au simple citoyen : « Quels ardents désirs de réformes chez tant de gens ! Ne vaudrait-il pas mieux que nous tous, nous nous réformions pour accomplir fidèlement notre devoir ? »64; « les hommes passent leur temps à conclure des traités de paix, et ils restent toujours empêtrés dans des conflits, parce qu’ils ont oublié ces bons conseils : il faut lutter contre soi-même, il faut recourir à l’aide de Dieu, pour que Lui seul triomphe, pour gagner la paix en nous-mêmes, dans notre propre foyer, dans la société et dans le monde. »65 C’est pourquoi le conseil ascétique acquiert une dimension politique au sens large et noble du terme, au sens de l’enseignement social de l’Eglise : « Le fondement de toute notre activité de citoyens – de citoyens catholiques – réside dans une intense vie intérieure : dans le fait d’être des hommes et des femmes qui font vraiment de leur journée un dialogue ininterrompu avec Dieu »66. Ce recentrage de la politique sur la responsabilité spirituelle et morale personnelle des citoyens nous conduit à réexaminer la place et les fonctions respectives des deux grands acteurs du politique : les citoyens gouvernants et les citoyens gouvernés.

3. La place des acteurs du politique : au service de la personne humaine et de sa réalisation par l’exercice d’une liberté responsable

Ce qui frappe le plus dans les enseignements écrits, oraux, comme dans le comportement de Saint Josémaria Escriva, c’est son attachement hors du commun à la liberté de la personne humaine simultanément à une foi vivante au Christ peu commune et dont le zèle brûlant était communicatif : cette fusion entre foi et liberté, entre christianisme intégral et pluralisme fraternel constituent indéniablement un des traits les plus frappants de sa personnalité et en font le précurseur d’une nouvelle chrétienté au sein du pluralisme des sociétés ouvertes et démocratiques. C’est ce qu’exprime cet aveu spontané surgi au sein de sa prédication: « ... pendant toute ma vie, j'ai prêché la liberté personnelle unie à la responsabilité individuelle. Je l'ai cherchée et je la cherche, de par toute la terre, comme Diogène cherchait un homme. Et je l'aime chaque jour davantage, plus que toute autre chose sur la terre, car c'est un trésor que nous n'apprécierons jamais assez. »67 La jouissance de ce trésor dans son versant politique implique là aussi de redéfinir les rôles respectifs des gouvernants et des gouvernés.

a) « Nous détestons la tyrannie qui est contraire à la dignité humaine »68

Les formes tyranniques de l’exercice du pouvoir par les gouvernants politiques sont multiples ; elles concernent aussi bien leur attitude à l’égard des gouvernés que la manière de gérer entre eux le pouvoir. Dans le premier cas la tyrannie peut se présenter sous les formes graduées de l’intolérance, du comportement totalitaire au dogmatisme en matière d’opinion, en passant par la mentalité de parti unique y compris au nom de la foi. Le totalitarisme, réalité contemporaine liée aux phénomènes précédemment décrits des « religions séculières », procède de la volonté d’ériger en vérité absolue ce qui relève de la relativité plurielle du politique et donc, nécessairement, de porter gravement atteinte à l’une des libertés essentielles, celle de croire et de penser selon sa conscience . Des régimes politiques sont visés par cette considération si pleine de foi : « Ces mesures prises par certains gouvernements qui veulent s’assurer que la foi est bien morte dans leurs pays me rappellent les scellés que le Sanhédrin fit apposer sur le Sépulcre de Jésus. – Lui, qui n’était soumis à rien ni personne, Il est ressuscité malgré ces entraves. »69 Saint dans son travail de fondation de l’Oeuvre que Dieu lui avait confiée a du affronter des situations semblables dans l’Espagne des années trente et quarante du XX° siècle ; ce n’est que bien des années plus tard, en répondant à un journaliste new-yorkais, qu’il s’en fit publiquement l’écho : « [L’Oeuvre] était à peine née, qu’elle trouvait sur son chemin l’obstacle dressé par les ennemis de la liberté individuelle et par des gens si férus d’idées traditionnelles qu’ils ne parvenaient pas à comprendre la vie que menaient les membres de l’Opus Dei : citoyens ordinaires, s’efforçant de vivre pleinement leur vocations chrétienne sans quitter le monde. (…) Puis certaines gens qui ne comprennent pas le pluralisme, qui adoptent une attitude de groupe, quand ce n’est pas une mentalité bornée ou totalitaire, et qui se servent de leur qualité de catholiques pour faire de la politique »70.

La défense de la foi chrétienne ne peut elle-même légitimer la création d’un parti unique religieux qui ne ferait que prolonger cette déplorable confusion entre religion et politique et irait à l’encontre de l’attitude même de Dieu à l’égard des hommes de ne jamais exercer la moindre coercition71: « Je ne pense pas que la mission des chrétiens sur la terre soit de donner naissance à un mouvement politico-religieux quand bien même ils le feraient avec l'excellente intention de répandre l'esprit du Christ dans toutes les activités humaines. Ce serait une folie »72, car « rien n'est plus éloigné de la foi chrétienne que le fanatisme qui apparaît dans les étranges unions, sous quelque bannière que ce soit, du profane et du spirituel . »73 C’est donc un rejet de la mentalité de parti unique ou de toute autre forme monolithique d’exercer le pouvoir, que préconise Saint Josémaria Escrivà : « Certains, quels efforts ils font pour tout "massifier"! Ils transforment l'unité en uniformité inerte, et ils étouffent la liberté. »74 Ce sont ceux « qui ont une mentalité de parti unique, dans l'ordre politique ou dans l'ordre spirituel. Ceux qui nourrissent cette mentalité et veulent que tout le monde ait la même opinion qu’eux, éprouvent quelque peine à croire que d’autres soient capables de respecter la liberté d’autrui. »75

L’une des formes contemporaines de la tyrannie procède de la subversion du rapport entre ce qui relève au sens strict du dogme dans le cadre de la religion chrétienne et ce qui relève du champ immense des opinons et des choix libres : dogmatiser en matière d’opinion et relativiser en matière de dogme, introduire « un politiquement correct » et invoquer le « pluralisme » en matière de foi au sein même de l’Eglise. La liberté de tous, et des chrétiens en particulier, est atteinte aussi bien par « ceux qui prétendent imposer comme dogmes leurs opinions temporelles », que par ceux « qui dégradent l'homme en niant la valeur de la foi, qu'ils abandonnent à la merci des erreurs les plus brutales »76.

Très solennellement Saint Josémaria proclame à plusieurs reprises qu’il n’y a pas de dogmes dans les questions temporelles : « Je ne fais pas de politique, ni ne veux ni ne peux en faire ; mais ma mentalité de juriste et de théologien – ma foi chrétienne aussi – me poussent à être toujours du côté de la liberté légitime de tous les hommes. Personne ne peut prétendre imposer, dans les questions temporelles, des dogmes qui, de fait, n’existent point. Devant n’importe quel problème concret, la solution consiste à bien l’étudier et ensuite à agir en conscience, avec une liberté personnelle et avec une responsabilité elle aussi personnelle. »77 Il rappelle pour les chrétiens que « ce n'est qu'en matière de foi et de morale qu'il existe un critère indiscutable: celui de notre Mère l'Eglise »78; et il ajoute : « ...vous les chrétiens, vous jouissez de la plus entière liberté, avec la responsabilité personnelle qui en découle, d'intervenir comme bon vous semble dans les questions d'ordre politique, social, culturel, etc. sans autres limites que celles que le magistère de l'Eglise a fixées. La seule chose qui me préoccuperait, pour le bien de votre âme, ce serait que vous franchissiez ces limites, parce que vous auriez alors créé une nette opposition entre la foi que vous prétendez professer et vos oeuvres, et alors je vous le ferais remarquer clairement... »79 La conséquence pratique en est le respect effectif de la liberté personnelle qui va bien au-delà de la simple tolérance pour rejoindre une bienveillance universelle à l’égard d’autrui : « Le fait que quelqu'un pense autrement que moi - surtout lorsqu'il s'agit de choses qui font l'objet de la liberté d'opinion - ne justifie en aucune façon une attitude d'inimitié personnelle, ni même de froideur ou d'indifférence.... Lorsqu'on comprend à fond la valeur de la liberté, lorsqu'on aime passionnément ce don divin de l'âme, on aime le pluralisme que la liberté implique . »80>

D’où la proclamation de cet engagement personnel exemplaire de la part de Saint Josémaria Escriva : «…je respecterai toujours toute option temporelle que pourrait avoir un homme s’efforçant d’agir conformément à sa conscience. »81

La tyrannie politique peut provenir du mode de gouvernement lui-même ; le pouvoir politique n’est qu’une des modalités du phénomène du pouvoir, ce qui signifie qu’il existe des éléments communs entre les différentes formes de pouvoirs (pouvoir parental, économique, religieux, politique, etc.) ainsi que des éléments spécifiques à chaque type de pouvoir. Les propos de Saint Josémaria Escrivà sur l’importance de la collégialité dans l’exercice du gouvernement visent toutes les formes du pouvoir en rejoignant les leçons les plus anciennes de la philosophie morale et la vertu de prudence : « « C’est une triste chose que d’avoir une mentalité à la César et de ne pas comprendre la liberté des autres citoyens, dans les affaires que Dieu a laissées au jugement des hommes. »82

La collégialité permet de déjouer la tyrannie de la décision solitaire : « Lorsque celui qui commande est négatif et méfiant, il tombe facilement dans la tyrannie »83car il a oublié que le fait d’assumer le pouvoir est un service84. Cette non-collégialité simultanée risque fort d’en entraîner une seconde qui relève du successif : la tyrannie se prolonge et se complique avec le temps : « Si l’autorité se transforme en un autoritarisme dictatorial et que cette situation se prolonge dans le temps, on perd la continuité historique, les personnes qui gouvernent meurent ou vieillissent, des gens sans expérience de direction arrivent à l’âge mûr, et la jeunesse, inexpérimentée et agitée, veut prendre les rênes : combien de maux ! et combien d’offenses à Dieu (celles que l’ont fait siennes et celles d’autrui) retombent sur celui qui fait un si mauvais usage de l’autorité ! »85.

L’exercice du pouvoir exige également un certain savoir, donc une formation, un apprentissage et une transmission du savoir, une collégialité inter-générationnelle : « Il ne suffit pas de désirer travailler au bien commun ; pour que ce désir soit efficace, il faudra former des hommes et des femmes capables, ensuite, de faire participer les autres aux fruits de cette plénitude à laquelle ils sont arrivés. »86.

Le corollaire de cette sagesse pratique consiste à éviter l’impréparation : « Il n’est pas prudent de faire accéder des inconnus à un important poste de direction, pour voir ce que cela donne. – Comme si le bien commun pouvait dépendre d’une pochette surprise ! »87Elle consiste également à distribuer les pouvoirs dans l’espace autour du principe de subsidiarité que le Pape Pie XI a si bien défini88 et que Saint Josémaria Escrivà applique à l’une de ces « matières mixtes » qu’est la liberté de l’enseignement : « La liberté d’enseignement n’est qu’un aspect de la liberté en général. Je considère que la liberté personnelle est nécessaire à tous les hommes pour tout ce qui est moralement licite. Liberté d’enseignement donc, à tous les niveaux et pour toutes les personnes. Ce qui revient à dire que toute personne ou association reconnues capables de fonder des œuvres d’enseignement doivent pouvoir le faire à conditions égales et sans entraves inutiles. (…) L’Etat a des fonctions évidentes de promotion, de contrôle et de surveillance. Et cela exige des chances égales entre l’initiative privée et celle de l’Etat : surveiller ne signifie pas élever des obstacles ni empêcher ou limiter l’exercice de la liberté. »89

b) La question de la démocratie

La doctrine sociale de l’Eglise dans ses développements sur le politique a adopté une position sur le concept de « démocratie » qui mérite d’être précisée. D’une part le magistère pontifical a toujours considéré que « la détermination des régimes politiques, comme la détermination de leurs dirigeants, doivent être laissés à la libre volonté des citoyens. » 90; mais, en même temps , notamment depuis le pontificat de Pie XII91, ce même magistère utilise le concept de « démocratie » dans un sens large qui semble recouvrir les quatre éléments suivants : la garantie de la dignité et des droits fondamentaux de l’homme, la capacité à empêcher les tyrannies et le recours à la violence sociale et politique, la participation active des citoyens et la capacité du peuple à choisir librement son régime politique92.

C’est en ce sens que le Pape Jean-Paul II en 1991 dans l’encyclique Centesimus annus déclare que « l’Eglise apprécie le système démocratique, comme système qui assure la participation des citoyens aux choix politiques et garantit aux gouvernés la possibilité de choisir et de contrôler leurs gouvernants ou de les remplacer de manière pacifique lorsque cela s’avère opportun. »93 Il s’agit donc d’une utilisation du terme dans un sens équivalant à la mise en place de principes et de structures qui ont pour objet de garantir et de promouvoir les droits fondamentaux de la personne humaine en raison de sa dignité de fils de Dieu racheté par le sang du Christ sur la Croix94; dans le droit fil des louanges du magistère de l’Eglise à l’égard des textes juridiques internationaux proclamant et protégeant les droits fondamentaux de la personne humaine95, il ne s’agit nullement d’imposer telle ou telle forme de régime politique mais de conforter des systèmes respectueux des critères d’une anthropologie chrétienne.

Les enseignements du fondateur de l’Opus Dei manifestent avec surabondance son attachement à ce premier sens contemporain du mot “démocratie” en consonance avec le magistère pontifical; même si nous l’avons déjà en partie énoncé dans les lignes qui précèdent, rappelons en premier lieu son attachement, rarement autant affirmé chez un auteur spirituel de son envergure, à une conception laïque et responsable de la liberté en affirmant d’elle qu’il « l'aime chaque jour davantage, plus que toute autre chose sur la terre, car c'est un trésor que nous n'apprécierons jamais assez. » 96 ; c’est pourquoi, il conseillait : « Pensez … ce que vous voudrez dans les matières que la Providence a laissées à la discussion libre et légitime des hommes. »97

Evidemment sous sa plume, cet hymne à la liberté s’accompagne d’un appel tous aussi fort à la responsabilité qui prend la forme d’une expression inédite dans la culture contemporaine des hommes d’Eglise, celle de « citoyen chrétien »98 ou de « citoyen catholique »99. Tout le chapitre « citoyenneté » de Sillon reflète cet esprit éminemment laïc au cœur même de considérations de haute vie intérieure. Quant à la défense de la dignité de la personne humaine et de ces droits fondamentaux, il serait fastidieux de tenter d’énumérer les références tant elles sont nombreuses concernant aussi bien l’affirmation de l’incorporation de tout être humain au Christ plénitude et sommet de l’humanité, de l’égale dignité de l’homme et de la femme et de sa mise en œuvre, du respect de la personne et de sa liberté, de la liberté religieuse, de la reconnaissance des droits économiques, sociaux et culturels : « Nous devons défendre le droit de tout homme à vivre, à posséder ce dont il a besoin pour mener une existence digne, le droit à travailler et à se reposer, à choisir un état, à fonder un foyer, à mettre des enfants au monde dans le mariage et à pouvoir les élever, à traverser avec sérénité les périodes de maladie et la vieillesse; à accéder à la culture, à s'associer aux autres citoyens pour parvenir à des fins licites et, au premier chef, le droit à connaître et à aimer Dieu en toute liberté, car la conscience - si elle est droite - découvrira les traces du Créateur en toute chose. »100

Répondant en 1967 à une question posée par le journaliste d’une revue universitaire, sur le point de savoir si l’Université peut admettre en son sein une activité politique, Saint Josémaria faisait apparaître une distinction entre deux sens du mot “politique”; après avoir précisé qu’il développait là une « manière personnelle d’envisager cette question et non celle de l’Opus Dei qui, dans tout ce qui est temporel et de libre opinion, ne veut ni ne peut manifester aucun choix », il ajoutait: « il me semble qu’il faudrait avant tout se mettre d’accord sur la signification du terme “politique”. Si par “politique” on entend s’intéresser et travailler à la paix, à la justice sociale, à la liberté de tous, en ce cas chacun à l’Université, et l’Université en tant qu’association à vocation enseignante, est dans l’obligation de faire siens ces idéaux et de favoriser la préoccupation qui permet de résoudre les grands problèmes de la vie humaine. Si au contraire on entend par “politique” la solution concrète d’un problème donné à côté d’autres solutions légitimes et possibles, ainsi s’opposant à ceux qui soutiennent le contraire, j’estime alors que l’Université n’est pas l’endroit où il faut décider de ce genre de choses. »101

Le concept de “démocratie” comporte lui aussi cette dualité de sens, le second d’entre eux relevant du démocratisme ou de l’idéologie démocratique ; la loi de majorité devient alors le seul critère de détermination non seulement de l’agir mais aussi de l’être de l’homme, notamment ses droits fondamentaux, selon la conception matérialiste implicite du positivisme sociologique102. Comme l’écrit en 1972 Saint Josémaria, « les vérités de foi ou de morale ne se déterminent pas à la majorité des voix .»103

En effet, les deux problèmes principaux posés par la mise en œuvre d’une démocratie véritable, à savoir le respect des droits fondamentaux de la personne humaine et l’objectif consistant à faire en sorte que d’une certaine manière les gouvernés deviennent des gouvernants, se heurtent à des pratiques régressives dans la plupart des Etats contemporains. Comme l’a toujours souligné le magistère de l’Eglise, le principe démocratique doit se soumettre à la vérité essentielle ontologique et morale sur l’homme : autrement dit la démocratie doit être subordonnée aux droits de l’homme et non l’inverse ; or, nos sociétés contemporaines multiplient la référence aux droits humains ainsi que leur extension sous des formes juridiques perfectionnées comme mode de légitimation de leur action politique, tout en portant atteinte à certains de ces droits, comme le respect de la vie humaine et la dignité de la personne: « On en arrive ainsi à un tournant aux conséquences tragiques dans un long processus historique qui, après la découverte de l'idée des « droits humains » — comme droits innés de toute personne, antérieurs à toute constitution et à toute législation des États —, se trouve aujourd'hui devant une contradiction surprenante: en un temps où l'on proclame solennellement les droits inviolables de la personne et où l'on affirme publiquement la valeur de la vie, le droit à la vie lui-même est pratiquement dénié et violé, spécialement à ces moments les plus significatifs de l'existence que sont la naissance et la mort. »104

Cette analyse de la réalité éthique et politique contemporaine réalisée en 1995 par le pape Jean-Paul II se termine par la mise en évidence de la contradiction entre les deux conceptions de la démocratie: « C'est le résultat néfaste d'un relativisme qui règne sans rencontrer d'opposition: le « droit » cesse d'en être un parce qu'il n'est plus fermement fondé sur la dignité inviolable de la personne mais qu'on le fait dépendre de la volonté du plus fort. Ainsi la démocratie, en dépit de ses principes, s'achemine vers un totalitarisme caractérisé. L'État n'est plus la « maison commune » où tous peuvent vivre selon les principes de l'égalité fondamentale, mais il se transforme en État tyran qui prétend pouvoir disposer de la vie des plus faibles et des êtres sans défense, depuis l'enfant non encore né jusqu'au vieillard, au nom d'une utilité publique qui n'est rien d'autre, en réalité, que l'intérêt de quelques-uns. » 105 Ainsi, l’autre objectif de la démocratie n’est pas davantage atteint, à savoir la participation la plus active possible des citoyens gouvernés à la responsabilité du politique.

c) La responsabilité libre et active des citoyens

En effet, la vraie démocratie n’a jamais été tant un problème de structures extérieures que bien plutôt de motivation et de mobilisation intérieure des citoyens. Or la préoccupation majeure de Saint Josémaria Escriva sur ce point concerne le comportement des catholiques dans la vie publique, en tant que citoyens. C’est ce qui l’a conduit à multiplier dans ses écrits, la plupart bien antérieurs au Concile Vatican II, des exhortations s’adressant principalement aux laïcs chrétiens pour leur faire ressentir la responsabilité active qu’il doivent assumer dans la vie sociale et politique, comme élément fondamental de la foi et de la morale qu’ils professent :« Exerce tous tes devoirs civiques, sans vouloir te soustraire à l’accomplissement d’aucune obligation. Et exerce aussi tout tes droits, pour le bien de la collectivité, sans en omettre aucun par imprudence. – Dans ce domaine aussi tu dois porter un témoignage chrétien. »106 ; « toi qui es chrétien, tu as l’obligation de mener une vie exemplaire sur tous les plans. Y compris en tant que citoyen, quand il s’agit d’observer les lois qui visent au bien commun. »107

Au rappel de l’exemplarité face aux hommes, il joint les obligations face à Dieu : « En tant que chrétien, ton devoir est d’agir, et non de t’abstenir ; tout en exerçant ta liberté personnelle, tu dois apporter ta collaboration à ce qui peut convenir loyalement au bien commun. »108 ; « nous autres, enfants de Dieu, citoyens de la même catégorie que les autres, nous devons participer « sans peur » à toutes les entreprises et à tous les organismes honnêtes des hommes, afin que le Christ soit présent là aussi. Notre-Seigneur nous demandera des comptes si, par négligence ou par facilité, chacun d’entre nous ne s’efforce pas d’intervenir librement dans les œuvres et dans les décisions humaines, dont dépendent le présent et l’avenir de la société. »109

Cette action citoyenne ne se limite pas à une participation active consistant à prêter concours au fonctionnement des institutions politiques, à la confection des normes publiques et de leur diffusion ; elle peut aussi exiger de s’opposer par les moyens légitimes à des lois contraires à la morale naturelle et chrétienne 110 tout en faisant bien la distinction entre le vaste champ des opinions et celui des vérités fondamentales : « N'oublie pas que, dans les affaires humaines, les autres aussi peuvent avoir raison: ils voient la même affaire que toi, mais d'un point de vue différent, sous une autre lumière, une autre ombre, un autre contour. - Ce n'est qu'en matière de foi et de morale qu'il existe un critère indiscutable: celui de notre Mère l’Eglise »111.

Faisant écho à ces textes du fondateur de l’Opus Dei, un passage célèbre de la Constitution pastorale Gaudium et spes du Concile Vatican II dénonce chez certains chrétiens « le divorce entre la foi dont ils se réclament et le comportement quotidien d’un grand nombre » constituant une des « plus graves erreurs de notre temps » : « Ils s’éloignent de la vérité ceux qui, sachant que nous n’avons point ici-bas de cité permanente, mais que nous marchons vers la cité future, croient pouvoir, pour cela négliger leurs tâches humaines, sans s’apercevoir que la foi même, compte tenu de la vocation de chacun, leur en fait un devoir plus pressant. Mais ils ne se trompent pas moins ceux qui, à l’inverse, croient pouvoir se livrer entièrement à des activités terrestres comme si elles étaient tout à fait étrangères à leur vie religieuse – celle-ci se limitant alors pour eux à l’exercice du culte et à quelques obligations morales déterminées. »112

Ces devoirs moraux ne sont pas uniquement des obligations mais comportent aussi un attrait naturel qui permettent à l’homme de rendre gloire à Dieu : « Le Seigneur a voulu que nous qui sommes ses enfants et avons reçu le don de la foi, nous manifestions notre vision optimiste et originale de la création, cet « amour du monde » qui est au cœur du christianisme. -L’enthousiasme ne doit donc jamais te manquer dans ton travail professionnel, ni dans ton souci de construire la cité temporelle »113 ; cet enthousiasme est également surnaturel du fait de vouloir participer à la rédemption de toutes les réalités terrestres :« Bien des réalités matérielles, techniques, économiques, sociales, politiques, culturelles… livrées à elles-mêmes, ou aux mains de ceux qui n’ont pas la lumière de la foi, deviennent des obstacles formidables pour la vie surnaturelle : elles constituent une sorte de chasse gardée, fermée, hostile à l’Eglise. Toi (chercheur, homme de lettres, homme de science, homme politique, travailleur…) parce que tu es chrétien, tu as le devoir de sanctifier ces réalités. Rappelle-toi que l’univers entier, écrit l’Apôtre, gémit comme dans les douleurs de l’enfantement, attendant la délivrance des enfants de Dieu. »114

Ce citoyen chrétien « n’est pas un apatride »115 ; comme les autres hommes, il appartient à une patrie terrestre dans sa dimension politique qu’il doit aimer, car c’est accomplir là une vertu chrétienne116 sans tomber dans l’excès déjà dénoncé du nationalisme: Etre « catholique », c’est aimer sa Patrie, sans céder à quiconque dans cet amour. Mais c’est aussi faire siennes les belles aspirations de tous les pays. (…) Catholique : grand cœur, esprit ouvert ! »117.

Cette fraternité au sein de la patrie ne saurait s’y enfermer ; elle embrasse l’humanité tout entière pour exprimer l’appartenance à une famille d’un même père qui est Dieu : « Ce n’est pas en vain qu’il existe au fond de notre âme une forte aspiration à la paix, à l’union avec nos semblables, au respect mutuel des droits de la personne, de sorte que tous ces égards se transforment en fraternité. C’est le reflet de ce qu’il a de plus précieux dans notre condition humaine ; si nous sommes tous enfants de Dieu, la fraternité ne se réduit pas à un lieu commun ; elle n’est pas non plus un idéal illusoire. Elle apparaît comme un but difficile mais réel. »118

Conclusion

« En réalité le mystère de l’homme ne s’éclaire vraiment que dans le mystère du Verbe incarné. Adam, en effet, le premier homme, était la figure de Celui qui devait venir, le Christ Seigneur. Nouvel Adam, le Christ, dans la révélation même du mystère du Père et de son amour, manifeste pleinement l’homme à lui-même et lui découvre la sublimité de sa vocation (…) Image du Dieu invisible (Col. 1, 15), Il est l’Homme parfait qui a restauré dans la descendance d’Adam la ressemblance divine, altérée dès le premier péché. Parce qu’en Lui la nature humaine a été assumée, non absorbée, par le fait même, cette nature a été élevée en nous aussi à une dignité sans égale. Car, par son Incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni Lui-même à tout homme. (…)119 Ce passage de Gaudium et spes si cher à Jean-Paul II par son Christocentrisme éclaire bien l’approche de l’agir social et politique de l’homme selon Saint Josémaria Escriva : il ne s’agit pas tant de multiplier un activisme structurel, mais bien plutôt d’opérer un renversement de l’approche du politique. Il s’agit de revenir à une révolution intérieure – celle des premiers chrétiens - qui ne peut être animée que par la rencontre de la liberté humaine et de la grâce divine ; il s’agit de placer le Christ au sommet des activités humaines120 pour transformer la société, car, c’est d’une vie chrétienne authentique qu’il faut rechercher les effets sociaux attendus : « Le fondement de toute notre activité de citoyens – de citoyens catholiques – réside dans une intense vie intérieure : dans le fait d’être des hommes et des femmes qui font vraiment de leur journée un dialogue ininterrompu avec Dieu. »121

Si, comme le disait Paul VI, « pour connaître l’homme, l’homme vrai, l’homme intégral, il faut connaître Dieu »122, alors l’objectif de la promotion de chaque homme et de tous les hommes qui constitue la finalité du bien commun passe par l’extension libre, progressive et pacifique d’une conception chrétienne de la vie à l’échelle de l’humanité : « Fais en sorte que les institutions et les structures humaines, dans lesquelles tu travailles et tu agis en tant que citoyen de plein droit, se conforment aux principes qui président à une conception chrétienne de la vie. C’est ainsi, n’en doute pas, que tu fourniras aux hommes les moyens de vivre selon leur dignité, et tu permettras à de nombreuses âmes de répondre personnellement, avec la grâce de Dieu à leur vocation chrétienne. »123 Voilà qui ressemble fort à la « civilisation de l’amour » annoncée par Jean-Paul II.

Jean-Luc CHABOT, Professeur de Science Politique - Université Pierre Mendès France (Grenoble 2 France)

Notes

1. J. ESCRIVA, Entretiens, Le Laurier, Paris, 1987, n. 28, réponse à la question posée par Peter Forbath, correspondant du Time (New-York, 15 avril 1967) et n. 39, réponse à Jacques Guillemé-Brûlon, Le Figaro (Paris, 16 mai 1966).

2. A. DEL PORTILLO, Entretien sur le fondateur de l’Opus Dei, Le Laurier, Paris, 1993, p. 34-35 : « ... les activités et les buts de l’Opus Dei sont exclusivement spirituels, et la mission et le ministère sacerdotal de son fondateur le sont tout autant. Le gouvernement d’un pays – quel qu’il soit – et l’Opus Dei sont deux réalités qui agissent sur deux plans radicalement différents. La Prélature pousse ses membres à exercer et à accomplir avec diligence leurs devoirs, en tant que chrétiens cohérents, mais elle leur laisse la liberté la plus complète pour leurs choix concrets dans les questions temporelles. Qui plus est, elle les stimule en ce sens : le seul critère qu’elle indique à cet égard est de suivre les orientations que la hiérarchie catholique a pu donner dans ce domaine ».

3. Le 16 juin 1950, fête du Sacré-Cœur de Jésus, Pie XII accorde l’approbation définitive de l’Opus Dei.

4. Le concept de « religions séculières » a été forgé par Raymond ARON dès 1945 dans son ouvrage « L’Age des empires et l’avenir de la France » dans les termes suivants : « Je propose d’appeler « religions séculières » les doctrines qui prennent dans les âmes de nos contemporains la place de la foi évanouie et situent ici-bas, dans le lointain de l’avenir, sous la forme d’un ordre social à créer, le salut de l’humanité ».

5. ACTES, I, 1.

6. Sur la formation doctrinale et intellectuelle du jeune Josémaria voir Andrès VAZQUEZ DE PRADA, Le Fondateur de l’Opus Dei, Vie de Josémaria Escriva, Volume 1. Le Laurier-Paris/Wilson & Lafleur-Montréal, 2001.

7. J. ESCRIVA, Forge, Le Laurier, Paris, 1988, n. 633 : « La fidélité au Souverain Pontife implique une obligation claire et déterminée: connaître la pensée du pape, telle qu'elle se manifeste dans les encycliques ou dans d'autres documents, et faire tout ce qui est en notre pouvoir pour que tous les catholiques écoutent le magistère du Saint-Père et qu'ils ajustent leur manière de vivre à ces enseignements. » ; cette citation illustre fort bien ce que Saint Josémaria avait pratiqué lui-même depuis son enfance.

8. CONGREGATION POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Instruction « Libertatis conscientia », 22 mars 1986, n. 72.

9. Voir notamment la thèse récente d’ E. GOYON, Le politique dans le discours pontifical de l’Eglise Catholique, Grenoble, 2000.

10 J. ESCRIVA, Sillon, Le Laurier, Paris, 1987, n. 310.

11. J. ESCRIVA, Forge, Le Laurier, Paris, 1988, n. 722.

12. J. ESCRIVA, Sillon, Le Laurier, Paris, 1987, n. 421.

13. S. MATTHIEU, XXII, 21 : « Reddite ergo, quae sunt Caesaris, Caesari, et, quae sunt Dei, Deo ».

14. S. JEAN, XIX, 11 : « Respondit Iesus : « Non haberes potestatem adversus me ullam, nisi tibi esset datum desuper ».

15. Le magistère de l’Eglise a dégagé au fil des siècles, au gré des circonstances qui se présentaient, des considérations ontologiques, théologiques et éthiques sur le politique et dans l’histoire contemporaine, l’effort de synthèse est représenté par trois encycliques de Léon XIII (Diuturnum, 1881 ; Immortale Dei, 1885 ; Libertas praestantissimum, 1888) et par la Constitution Gaudium et spes, déjà citée, du Concile Vatican II.

16. J. ESCRIVA, Sillon, Le Laurier, Paris, 1987, n. 290.

17. J. ESCRIVA, Amis de Dieu, Le Laurier, Paris, 2000, 3° ed., n. 165

18. J. ESCRIVA, Id.

19. J. ESCRIVA, Amis de Dieu, op. cit., n. 74 ; voir aussi Quand le Christ passe, Le Laurier, Paris, 1989, n. 98.

20. J. ESCRIVA, Sillon, Le Laurier, Paris, 1987, n. 301.

21. J. ESCRIVA, Entretiens, Le Laurier, Paris, 1987, n. 90.

22. J. ESCRIVA, Entretiens, Le Laurier, Paris, 1987, n. 116.

23. CONCILE VATICAN II, Gaudium et spes, n. 43 et 75.

24. J. ESCRIVA, Entretiens, n. 26 : « Dès le début de l’Oeuvre, en 1928, j’ai prêché que la sainteté n’est pas réservée à des privilégiés, mais que tous les chemins de la terre peuvent être divins. »

25. PAUL VI, Exhortation apostolique Evangelii nuntiandi, (1976), n. 70 ; cité ultérieurement par JEAN-PAUL II dans l’exhortation apostolique Christfideles laici, (1988), n. 23.

26. Jean, 18, 37.

27. Jean, 18, 36.

28. J. ESCRIVA, Quand le Christ passe, Téqui, Paris, 1975, n. 18.

29. J. ESCRIVA, Forge, Le Laurier, Paris, 1988, n. 974.

30. L’expression de Raymond ARON est reprise par JEAN-PAUL II dans Centesimus annus, n. 25 : « La politique devient alors une « religion séculière » qui croit bâtir le paradis en ce monde. Mais aucune société politique, qui possède sa propre autonomie et ses propres lois, ne pourra jamais être confondue avec le royaume de Dieu ».

31. K. MARX, Le capital, Livre I, Œuvres, Gallimard, Coll. La Pléiade, 1982 : « Le processus de production constitue le processus de création et de reproduction de la vie humaine ».

32. F. NIETZSCHE, Le gai savoir, trad. P. Klossowski, Œuvres philosophiques complètes, Gallimard, Paris, 1967.

33. L. FEUERBACH, L’essence du christianisme, 1840, trad. Joseph Roy, 1864, p 27 : « C’est l’essence de l’homme qui est l’être suprême… Le tournant de l’histoire sera le moment où l’homme prendra conscience que le seul Dieu de l’homme est l’homme même. Homo homini Deus ! » .

34. J. ESCRIVA, Aimer l’Eglise, Le Laurier, Paris, 1993, pp. 70 et 71 : « Il arrivera fréquemment que la part de vérité défendue par toute idéologie humaine trouve un écho ou un fondement dans l’enseignement traditionnel de l’Eglise… L’Eglise n’est ni un parti politique, ni une idéologie sociale, ni une organisation mondiale pour la concorde ou le progrès matériel, même si ces activités et d’autres du même genre ont leur noblesse ». Le magistère de l’Eglise fait également cette même distinction : PAUL VI dans Octogesima adveniens (1971) parle de l’idéologie comme pouvant reposer sur « une doctrine vraie et organique » tandis que JEAN XXIII, quelques années plus tôt semble utiliser pour la première fois dans Mater et Magistra (1961) le terme dans son sens « lourd » de doctrine ayant la prétention à sauver l’homme sans Dieu .

35. PIE XII, Radio-message de Noël 1941.

36. PIE XI, Mit brennender sorge, 14 mars 1937.

37. J. ESCRIVA, Forge, n. 974.

38. J. ESCRIVA, Sillon, n. 933.

39. J. ESCRIVA, Entretiens, Le Laurier, Paris, 1987, n. 94 : L’hédonisme inspire aujourd’hui « les théories qui font de la limitation des naissances un idéal ou un devoir universel ou simplement général », théories que l'auteur n’hésite pas à qualifier de « criminelles, anti-chrétiennes et infra-humaines… On en arrive à ce paradoxe, que les pays où l’on fait le plus de propagande en faveur du contrôle des naissances - et d'où l'on impose cette pratique à d'autres pays - sont précisément ceux qui ont atteint le niveau de vie le plus élevé », ce que Saint Escrivà n’hésite pas à qualifier de « néocolonialisme démographique".

40. J. ESCRIVA, Forge, n. 23.

41. J. ESCRIVA, Chemin, n. 395 : « Un homme de Dieu, trempé par la lutte, raisonnait ainsi : « Je ne transige pas ? Bien sûr, parce que je suis convaincu de la vérité de mon idéal. Mais vous, vous transigez facilement… ; croyez-vous que deux et deux fassent trois et demi ? – Non ?…, vous ne cédez pas, même par amitié, sur si peu de chose ?

- C’est que pour la première fois, vous êtes persuadé de détenir la vérité… et vous voici alors passé de mon côté. »

42. J. ESCRIVA, Chemin, n. 463 : « Plus qu’à « donner » la charité consiste à « comprendre ». – C’est pourquoi, si tu es tenu de juger, cherche une excuse à ton prochain : il y en a toujours. »

43. J-L. CHABOT, Marxisme et papauté, in Dictionnaire historique de la papauté sous la dir. De Philippe LEVILLAIN, Fayard, Paris, 1994.

44. J. ESCRIVA, Amis de Dieu, n. 171.

45. J. ESCRIVA, Forge, n. 879.

46. J. ESCRIVA, Sillon, n. 315.

47. J. ESCRIVA, Sillon, n. 316.

48. J. ESCRIVA, Quand le Christ passe, n. 13 ; voir aussi l’universalité de la charité dans Amis de Dieu, n. 230 : « L’amour dont nous parlons n’a rien à voir avec une attitude sentimentale ni avec la simple camaraderie, ou avec l’intention quelque peu ambiguë d’aider les autres pour nous prouver à nous-mêmes que nous leurs sommes supérieurs. Il consiste à vivre avec notre prochain, à vénérer, j’insiste, l’image de Dieu qui se trouve en chaque homme, l’aidant à la contempler lui-même, pour qu’à son tour il sache s’adresser au Christ ».

49. JEAN-PAUL II, Entrez dans l’espérance, Plon/Mame, Pocket, 1994, pp. 287-288.

50. H. DE LUBAC, Le drame de l’humanisme athée, Ed. Spes, Paris, 1945 : notamment la 2° partie intitulée « Auguste Comte et le christianisme ». Voir aussi les chapitres XI et XII de J. MARITAIN, La philosophie morale, Examen historique et critique des grands systèmes, Gallimard, Paris, 1960. Une réflexion philosophique profonde sur la pensée du marquis de Condorcet peut être trouvée dans J-A. RIESTRA, Condorcet : Esbozo de un cuadro historico de los progresos del espiritu humano, E.M.E.S.A., Madrid, 1978.

51. J. ESCRIVA, Quand le Christ passe, n. 123.

52. J. ESCRIVA, Chemin, n. 353.

53. J. ESCRIVA, Chemin, n. 849.

54. S. JEAN, 8, 32.

55. J. ESCRIVA, Amis de Dieu, n. 38 ; voir aussi dans une formulation identique Entretiens n. 73 : « d’où il s’en suit que l’étude de la religion est une nécessité fondamentale. Un homme qui n’aurait pas de formation religieuse serait incomplètement formé ».

56. J. ESCRIVA, Sillon, n. 945.

57. J. ESCRIVA, Sillon, n. 128.

58. J. ESCRIVA, Sillon, n. 754.

59. J. ESCRIVA, Entretiens, n. 44.

60. J. ESCRIVA, Quand le Christ passe, n. 74.

61. J. ESCRIVA, Forge, n. 85.

62. J. ESCRIVA, Chemin, n. 301.

63. J. ESCRIVA, Amis de Dieu, n. 4.

64. J. ESCRIVA, Sillon, n. 131.

65. J. ESCRIVA, Forge, n. 102.

66. J. ESCRIVA, Forge, n. 572.

67. J. ESCRIVA, Quand le Christ passe, n. 184.

68. J. ESCRIVA, Entretiens, n. 53.

69. J. ESCRIVA, Forge, n. 259.

70. J. ESCRIVA, Entretiens, n. 33.

71. CONCILE VATICAN II, Gaudium et spes, n. 17 : « …la vraie liberté est en l’homme un signe privilégié de l’image divine. Car Dieu a voulu le « laisser à son propre conseil » (Si 15, 14) pour qu’il puisse de lui-même chercher son Créateur et, en adhérant librement à Lui, s’achever dans une bienheureuse plénitude. » Voir aussi JEAN-PAUL II, Veritatis splendor, n. 38.

72. J. ESCRIVA, Quand le Christ passe, n. 183.

73. J. ESCRIVA, Quand le Christ passe, n. 74.

74. J. ESCRIVA, Sillon, n. 401.

75. J. ESCRIVA, Entretiens, n. 50.

76. J. ESCRIVA, Amis de Dieu, n. 11.

77. J. ESCRIVA, Entretiens, n. 77.

78. J. ESCRIVA, Sillon, n. 275.

79. J. ESCRIVA, Amis de Dieu, n. 11.

80. J. ESCRIVA, Entretiens, n. 98.

81. J. ESCRIVA, Entretiens, n. 48.

82. J. ESCRIVA, Sillon, n. 313.

83. J. ESCRIVA, Sillon, n. 398.

84. J. ESCRIVA, Forge, n. 1045: « Il n’est pas de meilleure souveraineté que de se savoir au service de quelqu’un : au service volontaire de toutes âmes ! – C’est ainsi que s’obtiennent les grands honneurs : ceux de la terre et ceux du Ciel. »

85. J. ESCRIVA, Sillon, n. 397.

86. J. ESCRIVA, Entretiens, n. 73.

87. J. ESCRIVA, Sillon, n. 969.

88. PIE XI, Quadragesimo anno (1931) : « de même qu’on ne peut enlever aux particuliers, pour les transférer à la communauté, les attributions dont ils sont capables de s’acquitter de leur seule initiative et par leurs propres moyens, ainsi ce serait commettre une injustice, en même temps que troubler de manière très dommageable l’ordre social, que de retirer aux groupements d’ordre inférieur, pour les confier à une collectivité plus vaste et d’un rang plus élevé, les fonctions qu’ils sont en mesure de remplir eux-mêmes. »

89. J. ESCRIVA, Entretiens, n. 79.

90. CONCILE VATICAN II, Gaudium et spes, n. 74 ; cité également dans le Catéchisme de l’Eglise Catholique, n. 1901. De même LEON XIII, Diuturnum illud ou PIE XII, Discours de Noël 1940.

91. De PIE XII, Radio-message du 24 décembre 1944 à JEAN-PAUL II, entre autres références : Discours à des parlementaires pèlerins de l’année sainte, 10-XI-1983, Allocution aux présidents des Parlements de la Communauté européenne, 26-XI-1983 ou encore,Allocution devant la Cour européenne des droits de l’homme, Strasbourg, 8-X-1988.

92. J-L. CHABOT, Le problème de la démocratie selon la Doctrine Sociale de l’Eglise, in Pontificia Università della Santa Croce, Dottrina sociale e testimonianza cristiana, a cura di E. COLOM, Libreria editrice Vaticana, 1999, p. 226.

93. JEAN-PAUL II, Centesimus annus, n. 46.

94. J. ESCRIVA, Chemin de Croix, Le Laurier, Paris, 1983 : « … pour que nous, qui ne sommes faits que d’un peu de boue, puissions enfin vivre in libertatem gloriae filiorum Dei, dans la liberté et la gloire des enfants de Dieu » , Prologue, p. 17.

95. IL s’agit surtout de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1’O.N.U. de 1948 et de la Convention européenne des droits de l’homme de 1950 : pour plus de détail voir J-L. CHABOT, La doctrine sociale de l’Eglise et les droits de l’homme, Annales Theologici, Vol. 13, anno 1999, fasc. 1. p. 189 et s.

96. J. ESCRIVA, Quand le Christ passe, n. 184.

97. J. ESCRIVA, Amis de Dieu, n. 170.

98. Par exemple, J. ESCRIVA, Sillon, n. 302.

99. Par exemple, J. ESCRIVA, Forge, n. 152.

100. J. ESCRIVA, Amis de Dieu, n. 171.

101. J. ESCRIVA, Entretiens, n. 76.

102. Par « positivisme sociologique » on entend la conception de l’homme et de la société selon laquelle l’évolutionnisme présiderait à tous les ordres de la vie humaine, y compris la morale, et les lois de la société devraient s’adapter constamment à cette évolution des mœurs, légitimée par le simple écoulement chronologique du temps selon une perspective de progrès indéfini et régulier.

103. J. ESCRIVA, Aimer l’Eglise, Le Laurier, Paris, 1993.

104. JEAN-PAUL II, Lettre encyclique Evangelium vitae, n. 18.

105. JEAN-PAUL II, Evangelium vitae, n. 20.

106. J. ESCRIVA, Forge, n. 697.

107. J. ESCRIVA, Forge, n. 695.

108. J. ESCRIVA, Forge, n. 714.

109. J. ESCRIVA, Forge, n. 715.

110. J. ESCRIVA, Forge, n. 465 : « Voici un commentaire qui m’a beaucoup fait souffrir, et qui te fera penser aussi à toi : « je m’explique très bien le manque de résistance à des lois infâmes, voire l’inefficacité de cette résistance, parce qu’il y a, tout en haut, et tout en bas, et au milieu beaucoup – vraiment beaucoup! – de moutons de Panurge. »

111. J. ESCRIVA, Sillon, n. 275.

112. CONCILE VATICAN II, Gaudium et spes, n. 43.

113. J. ESCRIVA, Forge, n. 703.

114. J. ESCRIVA, Sillon, n. 311.

115. J. ESCRIVA, Quand le Christ passe, n. 99.

116. J. ESCRIVA, Sillon, n. 315: « Aime ta patrie : le patriotisme est une vertu chrétienne. »

117. J. ESCRIVA, Chemin, n. 525.

118. J. ESCRIVA, Amis de Dieu, n. 233.

119. CONCILE VATICAN II, Gaudium et spes, n. 22.

120. J. ESCRIVA, Amis de Dieu, n. 58.

121. J. ESCRIVA, Forge, n. 572.

122. Citation de PAUL VI reprise par JEAN-PAUL II dans Centesimus annus, n . 55.

123. J. ESCRIVA, Forge, n. 718.

Atti del Congresso internazionale "La grandezza della vita quotidiana", Vol. III La dignità della persona umana, EDUSC, 2003.