« Le dernier rivage »

En partant d’une fiction imaginant un conflit atomique ravageant la terre, l’abbé Pégourier propose dans cet article une réflexion sur la mort et les âmes du Purgatoire.

C'est le titre d'une fiction portée à l'écran par les angoisses de la Guerre froide. Elle imagine un conflit atomique qui ravage la terre et dont les radiations inexorablement s'allongent aux quatre coins du monde... Et des réfugiés sur l'ultime littoral océanique non encore contaminé. Tout ce qui faisait leur vie est anéanti.... Il ne leur reste que l'espoir.

Ce temps de pandémie nous fait entrer dans le voisinage de la mort. Mais, centrés sur la tristesse du jour et les inquiétudes de demain, avons-nous encore le souci de ceux qui déjà ont franchi le pas de l'au-delà ? De ces âmes séparées de leurs attaches, de leurs affections, de leurs sécurités fragiles d'alors ? Particulièrement des âmes du purgatoire ? Quel dommage ce serait si notre attention à leur égard se limitait au seul mois de novembre, alors que les circonstances du moment nous réclament une générosité renouvelée, « un geste de tendresse pour ceux qui souffrent » (Pape François, Vendredi saint)

Ne les oublions pas, lasses qu'elles sont de patienter derrière la porte du ciel et de la fête ; lasses de rester confinées dans la conscience de leur indignité ; certes portées par l'espérance du jour radieux où elles jouiront de Dieu, mais lassées d'endurer, elles qui, comme nous, sont nées pour la félicité.

Par une faveur du ciel, saint Josémaria fit l'expérience de leur proximité : jeune prêtre, au début de la sainte messe, il se voyait entouré par une « armée des ombres » qui l'escortait sur le chemin de l'autel, lieu le plus manifeste de leur salut ; elles semblaient le tirer par la soutane pour qu'il prie pour elles et se recommande à leur intercession. Aussi lui plaisait-il de les nommer « mes bonnes amies, les âmes du purgatoire » !

Aujourd'hui où l'épidémie nous rend plus sensibles à la réalité invisible de l'univers, ouvrons plus grand les yeux de notre âme. Cherchons à voir plus loin. Prêtons l'oreille de notre cœur à ces voix d'outre tombe – celles de proches, d'autres connues et d'autres encore – qui nous appellent sur une fréquence surnaturelle. Elles nous hèlent de leur dernier rivage, heureuses de souffrir pour réparer les écarts de leur vie passée, et d'apprendre à vivre d'amour vrai ; plus heureuses encore de pouvoir un jour entrer dans la danse des élus. Comme des aînés, désireux que ceux qui viennent après eux réussissent mieux qu'eux, elles offrent leurs dolences pour notre amendement et intercèdent – collectivement – pour nous obtenir la grâce d'un sincère repentir. Préparons donc avec elles des temps meilleurs !

Et donnons-leur accès à ce trésor d'indulgence mis en ces jours à notre portée par le siège de Pierre !

Aujourd'hui, n'endurcissez pas votre cœur, mais écoutez la voix du Seigneur...qui cherche en chacun un relais de sa miséricorde.

Abbé Pégourier