FRANCE

1. Sources littéraires françaises. 2. Les débuts du travail apostolique. 3. L’intercession de saints français. 4. Voyages de Saint Josémaria.

1. Sources littéraires françaises.
2. Les débuts du travail apostolique. 
3. L’intercession de saints français.
4. Voyages de Saint Josémaria. 

Saint Josémaria a écrit dans Chemin : « Être “ catholique ”, c’est aimer la Patrie, sans céder à quiconque dans cet amour. Mais c’est aussi faire miennes les belles aspirations de tous les pays. Que de gloires françaises sont aussi mes gloires ! Et de même, beaucoup de motifs de fierté des Allemands, des Italiens, des Anglais…, des Américains, des Asiatiques et des Africains sont aussi ma fierté ! — Catholique : grand cœur, esprit ouvert !» (C 525).

Il avait l’habitude de dire que lorsqu’il était jeune, il s’était proposé d’aimer la France d’une manière particulière pour compenser la haine que certains de ses professeurs de Barbastro étaient venus susciter chez les élèves en rappelant les atrocités commises par les troupes du maréchal Jean Lannes (1769-1809) en Aragon en 1808 et 1809. Il aimait aussi répéter avec humour à ses enfants de France qu’il avait probablement hérité de ses ancêtres français leur passion pour la liberté, puisqu’il avait un quart de sang Français par une de ses grands-mères maternelles, Florencia Blanc, et parce qu’aussi, dans l’ascendance de son père, José Escrivá, il y avait, au XIIe siècle, un homme originaire de la ville française de Narbonne proche de la frontière espagnole (cf. AVP, I, pp. 18 et 21).

1. Français sources littéraires

Saint Josémaria disait qu’il avait parlé le français jusqu’à l’âge de douze ans. Il avait lu plusieurs romans de Jules Verne, et Tartarin de Tarascon d’Alphonse Daudet (1840-1897) où le héros, caché derrière les arbres de son jardin, s’apprête à tirer sur « tout ce qui mord, tout ce qui gratte, tout ce qui arrache les cheveux, tout ce qui hurle, tout ce qui rugit... ». Lorsqu’il invitait à sanctifier la vie ordinaire, sans recourir à des situations imaginaires, Escrivá faisait allusion, par contraste, à ce prototype du méridional exalté et vantard qui prétendait « chasser les lions dans les couloirs de sa maison » (AD 8 ; cf. QCP 36).

En bon connaisseur des auteurs spirituels français, il appréciait particulièrement saint François de Sales et sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. Parfois, lorsqu’il parlait d’humilité personnelle, il mentionnait de mémoire une phrase d’un certain écrivain savoyard du XIXe siècle : « J’ai regardé dans le cœur d’un homme bon et j’ai eu peur ». Le penseur Français Joseph de Maistre (1753-1821) écrivit une phrase similaire dans l’une de ses lettres : « Je ne sais pas ce qu’est la vie d’un voleur (je ne l’ai jamais été), mais celle d’un honnête homme est abominable ». Saint Josémaria l’aura probablement lu dans une anthologie ou dans un autre texte littéraire car, bien que l’expression soit connue, le livre ne l’est pas autant.

De manière également indirecte, une autre source littéraire française de saint Josémaria était La légende du jongleur de Notre-Dame, qui a son origine dans la Picardie du XIIe siècle et dont on trouve des échos dans certains textes de saint Josémaria : « Qu’il est beau d’être le jongleur de Dieu ! » (AD 152 ; F 485).

2. Les débuts de l’œuvre apostolique

Paris fut, avec Valence, l’une des deux premières villes où le fondateur de l’Opus Dei voulut étendre le travail apostolique de l’Opus Dei. Il a écrit dans ses Notes intimes de février 1936 : « Jésus veut que nous allions à Valence et à Paris (...). Une campagne de prière et de sacrifice est déjà en cours : qu’elle soit le fondement de ces deux Maisons » (Notes intimes, nos 1315 (13-II-36) et 1318 (28-II-36) : AVP, I, pp. 579-580).

En 1957, il s’adresse à un groupe de femmes de l’Œuvre qui préparent leur voyage à Paris, prévu pour 1958 : « La France peut et doit jouer un grand rôle dans le monde pour défendre la doctrine de Jésus-Christ. Le travail apostolique en France présente un intérêt à bien des égards pour le bien de toutes les âmes ». Certes, dans les premières décennies du XXe siècle, d’illustres écrivains français ont prospéré, certains d’entre eux convertis ou revenus au catholicisme ; et le champ théologique, liturgique et pastoral a été renouvelé. Beaucoup d’idées, de tendances culturelles et artistiques, ou de mode, à la fois bonnes et nuisibles, se répandent de Paris dans le monde entier. Il est facile d’imaginer que saint Josémaria qui nourrissait tant de désirs d’imprégner d’esprit chrétien le monde de la culture et les coutumes, voyait en France des possibilités apostoliques très favorables. Dès le début de l’année 1936, certains membres de l’Opus Dei se préparaient à s’installer dans la capitale française. La guerre civile espagnole (1936-1939), et plus tard la Seconde Guerre mondiale (1939-1945) allaient empêcher ces projets pendant un temps.

Les premiers membres de l’Opus Dei arrivèrent en France en 1947. En octobre et novembre de la même année, Álvaro Calleja, Fernando Maycas et Julián Urbistondo s’installèrent au collège d’Espagne de la Cité Universitaire de Paris et approfondirent leurs études à la Sorbonne et à la Faculté de Droit. Après avoir passé l’été en Espagne, Fernando et Álvaro revinrent lorsque l’année universitaire reprit, en octobre 1948 et y restèrent jusqu’à l’été 1949. En août de cette année, à Bordeaux, une étudiante universitaire, Catherine Bardinet, demanda à être admise à l’Opus Dei, devenant ainsi la première Française de l’Œuvre.

Saint Josémaria leur écrivait fréquemment pour les encourager dans leur apostolat. Le 19 janvier 1948, il leur disait : « Chers Parisiens : vos lettres n’arrivent pas – si jamais vous en envoyez – ou elles arrivent avec un retard inexplicable malgré leur envoi par avion. Et moi je me dis seulement : oh, la liberté ! Ici, toute cette famille travaille vraiment et veut que vous preniez racine, tout comme eux prennent fermement racine. Je suppose que vous avez de l’optimisme et de la bonne humeur – la grâce de Dieu et la bonne humeur ! – pour résoudre avec élégance et joie les petits ennuis qui se présentent (...). Est-ce que vous étudiez ? Beaucoup? Et cet accent parisien de votre français, comment va-t-il ? Avez-vous de bons amis ? Si cela vous manque, écrivez à la maison, à Diego de León, pour que vos frères aillent vous voir ». Le 16 février 1949, il leur écrit à nouveau : « Que Jésus me garde ces enfants à moi. J’ai très envie de vous voir, et de vous voir là-bas. Il faut que vous soyez heureux : labourer est une chose très lourde (...). J’ai de grands projets : un peu de patience… Votre Père qui vous aime, vous embrasse et vous bénit. ». Le 30 mai 1949, il leur envoie une autre lettre : « Très chers : nous attendons beaucoup de la France, en particulier de Paris. C’est une bonne chose que d’attendre, et d’autant plus si vous maniez bien le soc de la charrue ».

Le travail apostolique stable à Paris, interrompu en 1949, recommence en 1952, d’abord dans une pension de famille et ensuite à la Cité Universitaire. Le Père écrit à ses enfants pour les encourager à trouver un appartement où s’installer. Le 29 septembre de la même année, il leur transmet les prières de tous « pour qu’un sillon fructueux, profond et large s’ouvre bientôt dans la douce France ». L’expression « douce France » est une très ancienne référence littéraire de ce pays (Joachim du Bellay, 1522-1560)popularisée alors par une chanson de Charles Trenet, Douce France, largement diffusée à la radio à partir de 1943.

Le 2 février 1953, les membres de l’Opus Dei s’installent rue du Docteur Blanche, près du bois de Boulogne. Six mois plus tard, ils emménagent dans un autre appartement en location, meilleur marché, au 11 rue de Bourgogne, central et assez proche du Quartier Latin, le quartier des étudiants. Début juillet, Fernando Maycas, qui avait été ordonné prêtre le 1er juillet 1951, revient, cette fois pour y rester.

Dans les lettres que saint Josémaria leur écrivait de Rome, on peut voir de manière tangible son affection envers eux. Le 28 juillet 1953, il leur dit : « Le Seigneur fera bientôt se multiplier notre travail à Paris et dans toute la France : j’en suis sûr. Il nous suffira d’être fidèles », et le 2 mars 1954 : « Que la Mère du Ciel fasse fructifier le travail dans la douce France ». Le 22 du même mois, il écrit à nouveau : « Je suis enthousiasmé par les bénédictions que le Seigneur et sa Sainte Mère vont déverser sur la France par votre travail ». Le 6 novembre 1954, il leur demande : « Labourez avec joie, que les champs de France soient féconds » et le 18 décembre 1954, il les fait beaucoup prier pour la France, sûr que « cette grande nation portera du fruit ». Le 18 avril 1956, il leur dit : « Je prie spécialement pour vous tous les jours et je suis plein d’espoir pour le travail qui nous attend ».

À partir de 1959, quand plus de personnes, hommes et femmes, arrivent à l’Opus Dei, le travail apostolique stable en France s’étend de Paris à Grenoble (1962), Marseille (1963), Toulouse (1973). Des voyages sont effectués dans d’autres villes. Un an après le départ du Fondateur vers le Ciel, un Centre de l’Opus Dei s’ouvre à Aix-en-Provence (1976).

Au début du XXIe siècle, l’apostolat de l’Opus Dei s’effectue principalement dans dix villes importantes (Paris, Lyon, Marseille, Strasbourg, Grenoble, Aix-en Provence, Toulouse, Nantes, Rennes, Versailles) d’où il s’étend à quelques dizaines d’autres grandes villes (comme Bordeaux, Nice, Lille, Nancy, Metz, Avignon, Montpellier, Clermont-Ferrand, Angers, Rouen, Tours, Orléans) et à des lieux qui couvrent la géographie de la France.

Près de Soissons, le Centre International de Rencontres de Couvrelles, avec l’école hôtelière Dosnon, accueille des activités de formation spirituelle et chrétienne tout au long de l’année. Un autre centre similaire a ouvert ses portes dans les Alpes, près de Grenoble.

Plusieurs centres culturels et résidences d’étudiants, ainsi que des clubs pour les lycéens fonctionnent depuis des années à París et dans d’autres grandes villes. En outre, les fidèles de l’Opus Dei dirigent deux écoles secondaires et une école primaire en région parisienne.

3. L’intercession des saints Français

Saint Josémaria avait une grande dévotion à une sainte française déjà mentionnée, Thérèse de l’Enfant Jésus canonisée en 1925 par Pie XI. Pedro Rodríguez soutient que le soin des « petites choses » et la « vie d’enfance » chez Saint-Josémaria comporte un certain parallélisme avec les écrits de la religieuse de Lisieux (cf. CECH, pp. 883-895, 929-943) et avec plusieurs de ses dévotions (cf. Illanes, « La vie ordinaire entre insignifiance et héroïsme », dans GVQ, IV, p. 28 à 30).

Il a également pris connaissance du mouvement de renouveau liturgique initié dans l’abbaye bénédictine de Solesmes, sous l’impulsion de Dom Guéranger (1805-1875), un mouvement très familier à Thérèse de l’Enfant Jésus et à ses sœurs.

Lorsqu’il chercha de saints intercesseurs à qui confier le travail apostolique des membres de l’Opus Dei, il confia à un Français, Jean-Baptiste-Marie Vianney (« le saint curé d’Ars », 1786-1859), les relations de l’Œuvre avec la Hiérarchie diocésaine. Cette dévotion de saint Josémaria s’est matérialisée dans une sculpture du sculpteur Sciancalepore qui se trouve dans l’oratoire du Saint Curé d’Ars dans de la Curie prélatice de l’Opus Dei à Rome, et dans une relique placée à côté de celles des autres intercesseurs de l’Opus Dei dans l’oratoire de la Sainte Trinité où le Prélat célèbre habituellement la Sainte Messe.

4. Voyages de Saint Josémaria

Au cours de ses courses à travers l’Europe pendant lesquelles il priait pour le travail apostolique dans de nouveaux pays, saint Josémaria a traversé la France à de nombreuses reprises : on en connaît au total 36. Logiquement, à partir de 1955, il s’arrêtait dans les villes où résidaient ses filles et ses fils.

Déjà en 1937, pendant la guerre civile espagnole, fuyant la zone républicaine espagnole pour le territoire français, il traversa les Pyrénées et se rendit à Lourdes, où il célébra la messe dans la basilique et pria dans la grotte. Le 7 octobre 1951, quatorze ans plus tard, il prie à nouveau dans la grotte de Lourdes et célèbre la messe dans la basilique. Le 24 octobre 1953, il rend visite à ses enfants parisiens rue de Bourgogne. En 1955, il passe avec eux les 21, 22 et 23 novembre dans leur nouvel appartement du boulevard Saint-Germain qui sera le premier Centre de l’œuvre à avoir un oratoire à Paris.

Le 28 juin 1956, le Père y dit la messe pour la première fois. Alors qu’il se rendait à la salle à manger pour le petit-déjeuner, il se rendit compte qu’ils avaient essayé de dissimuler une tasse ébréchée en la recouvrant d’une serviette : il tomba dessus malgré les efforts qu’on faisait pour qu’il s’assoie à une autre place. Il fût ému par ce détail qui reflétait la pauvreté dans laquelle ils vivaient alors. Il leur dit affectueusement que, plus tard, employer cette tasse aurait signifié un manque de soin, mais qu’en ces premiers temps c’était une manifestation de leur pauvreté. Comme souvenir de famille, on emporta cette tasse à la Villa Tevere, puis à Castelgandolfo où elle est conservée dans une vitrine. Le lendemain, après avoir mangé, le Père s’est mis un tablier et a lavé la vaisselle avec ses enfants.

En juillet 1958, il célèbre la messe à Rouvray, premier Centre que les femmes de l’Œuvre, nouvellement arrivées en France, avaient ouvert en juin. Il revient à Paris en octobre 1960, où il reste les 28, 29 et 30 en revenant de Pampelune où s’était tenue l’Assemblée des Amis de l’Université de Navarre. À Paris, il apprend avec une grande tristesse la mort de trois de ses enfants dans un accident de voiture en Andalousie alors qu’ils revenaient de cette Assemblée. Il pria pour eux une absoute et rédigea un document pour que tous ses fils et filles prennent des mesures de précautions lorsqu’ils devraient voyager en voiture.

Du 7 au 9 septembre 1962, il revint dans la capitale française. De là, il se dirigea vers Barcelone, revenant ensuite à Rome via Avignon et Grenoble où il passa du temps avec ceux qui y installaient le premier Centre, L’Île verte. Il revint dans cette ville en novembre 1964, de retour de Suisse. Le 9 août 1963, on l’emmène au village de Couvrelles, en Picardie, non loin de Paris, pour lui montrer une propriété qui deviendra un centre de rencontres l’année suivante.

Du 22 août au 20 septembre 1966, Saint Josémaria réside dans une maison à Avrainville (Essonne), à 35 kilomètres de Paris. Les 30 août et 6 septembre, il rencontre à Couvrelles une cinquantaine de numéraires de l’Opus Dei de divers pays, et consacre deux autels de la chapelle nouvellement installée.

Saint Josémaria a fait ses derniers voyages en France en 1972. Il est passé par Lourdes pour prier la Vierge les 4 et 5 avril, et aussi le 3 octobre, cette fois pour prier pour le voyage de catéchèse qu’il effectua pendant deux mois dans plusieurs villes d’Espagne et du Portugal.

A l’occasion de ces voyages, saint Josémaria a prié très souvent dans des églises et autres lieux de prière : dans la grotte de Lourdes ; à Paris (cathédrale Notre-Dame ; basilique du Sacré-Cœur ; chapelle de la Médaille Miraculeuse rue du Bac, lieu des apparitions de la Vierge à Catherine Labouré) ; dans les basiliques de Lisieux, Ars, Lyon (Fourvière), Marseille (Notre-Dame-de-la-Garde), la cathédrale de Chartres, et les églises de Calais, Dijon, Amiens, Lille, Rouen, Aix-en-Provence, Arles, Avignon, Montpellier, Bordeaux, Toulouse, Bayonne, etc. Certaines de ces visites ont été matérialisées dans la pierre ; dans une chapelle latérale de la basilique du Sacré-Cœur à Marseille, on peut voir une statue de saint Josémaria ; les églises paroissiales de Toulon, Saint-Tropez, La Cadière d’Azur (Var), Chamonix et La Napoule (Alpes-Maritimes) abritent des bas-reliefs représentant le saint, entourés de personnages et d’objets faisant allusion à sa vie.

Thèmes connexes : Sanctuaires et lieux mariaux, Pèlerinages de Saint-Josémaria à ; Voyages apostoliques.

Bibliographie : Gérard Cholvy - Yves Marie Hilaire Histoire religieuse de la France contemporaine, Toulouse, Privat, 1989 ; François Gondrand Au pas de Dieu. Josémaría Escrivá de Balaguer, Fondateur de l’Opus Dei Madrid, Rialp, 1992 ampl. et rév; José Luis Illanes, La vie ordinaire entre insignifiance et héroïsme », dans GVQ, IV, pp. 19-37.

François Gondrand