L'Agneau pasteur
Pilate, après avoir accordé la condamnation de Jésus, cherche à humilier les Juifs, en affichant un titre sarcastique sur la croix : voici « le roi des Juifs » (Marc 15, 26). Prophète malgré lui, comme jadis Caïphe, son arrêt intronise le Chef de « l’Israël de Dieu » (Galates 6, 16) : une multitude de toute langue, peuple et nation (Apocalypse 7, 9).
Le Fils unique « règne sur le bois » (saint Léon, Sermon 55 §2), devenu « le trône de son pouvoir miséricordieux » (idem, Sermon 53 §1). « Le plus fort » (Luc 11, 21) a dépouillé les puissances de Satan, « les traînant dans son cortège triomphal » (Colossiens 2, 15). L’arbre de la croix devient, dans le mystère pascal, « trophée du vainqueur » (saint Ambroise, Traité sur Luc, 23).
La Croix définit « une royauté paradoxale : la participation à la seigneurie du Christ ne se vérifie que dans le partage de son abaissement, de sa Croix » (Benoît XVI, Homélie 21/11/2010). Jésus, après avoir été montré du doigt par Jean comme l’Agneau envoyé par Dieu, a été reconnu comme Seigneur et roi universel. Abraham avait sacrifié un bélier sur la montagne ; Moïse avait immolé l’agneau de la pâque ; dans des éclairs prophétiques, Isaïe comparaît le Messie à la brebis obéissante. Enfin, au Calvaire, « l’Agneau est élevé pour le sacrifice » (Venance Fortunat, hymne Crux fidelis).
L’Agneau accepte l’holocauste filial dans l’amour obéissant ; son sacrifice monte « en odeur de suavité » (Genèse 8, 21) pour effacer les péchés de ses frères et leur accorder la grâce et la gloire. Par la résurrection, il sera institué « grand pasteur des brebis » (Hébreux 13, 20), qui chantent « le cantique de l’Agneau, Roi des nations » (Apocalypse 15, 3). Le bon Pasteur préside l’alliance éternelle.
Le Christ Roi nous invite à partager, à la fois, le dépouillement de « l’Agneau sans tache » (1 Pierre 1, 19) et « la gloire immarcescible du Prince des pasteurs » (1 Pierre 5, 4). « Notre mission de chrétiens est de proclamer cette Royauté du Christ, par nos paroles et par nos œuvres » (saint Josémaria, Quand le Christ passe §105). c'est le signe distinctif du chrétien ; sa condition de croissance, « l’humilité et la sobriété heureuse » (Pape François, encyclique Loué sois-tu §224), qui refusent la logique de la domination irresponsable. Le fidèle est appelé à renouveler le monde et la création entière, que l’Agneau Roi « oriente vers un destin de plénitude » (ibidem §100).
Dans un portrait éloquent, Le Gréco offre Le dépouillement du Christ au Calvaire (cathédrale Sainte-Marie, Tolède, 1579) ; la composition est centrée sur sa majesté paisible : le Rédempteur, la main sur le cœur, les yeux vers le ciel, est conscient de la portée de son sacrifice. Près de lui, Notre Dame est déjà transpercée par la vue de la croix.