S’intéresser à chaque patient

Suite du témoignage de Céline Tendobi, médecin congolais qui essaie de mettre son art au service des plus démunis, pour les aider à vivre une vie plus humaine.

Kinshasa

Quelques années plus tard, ayant fini mes études de médecine, je décidais de me consacrer professionnellement à l’attention sanitaire de cette population ; actuellement, nous avons un dispensaire, dans lequel nous accordons une place toute particulière à l’éducation des mères, surtout lorsqu’elles viennent pour des consultations prénatales ou de pédiatrie.

Ce ne sont pas simplement des « consultations », parce qu’il ne s’agit pas seulement d’écouter la patiente, de lui remettre une ordonnance, et de lui dire au revoir, comme cela arrive en beaucoup d’endroits.

A Monkole, nous nous proposons d’aider chaque patiente, chaque personne, à résoudre ses difficultés, distinctes dans chaque cas. Fréquemment ce sont des mères très jeunes avec des enfants malades, qui ne savent pas quoi faire avec eux, parce que personne ne le leur a expliqué. En plus de leur remettre des médicaments concrets et de leur indiquer le traitement à suivre, il faut parler avec elles, s’intéresser à leurs problèmes, offrir quelques pistes de conduite personnelle, orienter, répondre aux questions, expliquer – de manière compréhensible – comment elles peuvent agir dans telle ou telle situation, à qui elles peuvent avoir recours lorsqu’il leur arrive ceci ou cela… Ce n’est pas facile !

Le médecin, dans ces situations, doit être, en même temps, un éducateur social, un promoteur de santé, un conseiller familial et un ami à qui on peut se confier pleinement.

Si l’on méconnaît la mentalité et la façon particulière d’affronter et de résoudre les problèmes, il est difficile d’aider efficacement ces femmes, parce que très souvent, elles ne comprennent pas exactement la question qu’on leur pose. Il faut adapter le langage à leur mentalité, car souvent elles ne saisissent pas la portée médicale des réponses qu’on leur donne.

Par exemple, il y a peu de temps, j’ai demandé à une jeune femme enceinte si elle connaissait son groupe sanguin et son Rhésus : A positif ? A négatif ? B positif ? B négatif ? O positif ?  O négatif ?

-                     Sais-tu lequel ? lui demandai-je.

-                     Bien sûr que je le sais, me répondit-elle, c’est le O positif.

Je le notais et je continuais à lui poser d’autres questions qui me permirent de déduire qu’elle n’avait jamais eu d’analyse de sang.

-                     Alors…, comment sais-tu que tu es du groupe O positif ?

-                     Parce que je l’ai choisi moi-même. C’est le chiffre le plus beau de tous ceux que tu m’as cités !

 A partir de Monkole, nous soutenons de nombreux programmes de lutte contre la malnutrition qui nous ont permis d’aider d’autres familles.

Nous avons réussi à ce qu’elles augmentent le nombre de repas quotidiens, passant de un repas à trois par jour. Nous avons également pu assurer la scolarisation des enfants et un suivi médical régulier. Pour cela, nous avons réalisé une étude des paramètres anthropométriques et des besoins les plus urgents de la population infantile. Nous avons aussi mis en marche des projets de pisciculture pour aider ces familles à avoir un régime alimentaire plus équilibré.

Une patiente au Centre Médical Monkolé

Les enfants abandonnés et orphelins constituent un chapitre à part ; pendant deux ans, nous avons organisé des activités variées et des projets spécifiques pour eux, avec des notions élémentaires d’hygiène et de nutrition. Ceci exige de bien connaître les situations dans lesquelles ils vivent et les caractéristiques de leur entourage.

Nous avons besoin de collaboration pour mener de l’avant ces projets, parce que nous sommes parfois obligés de les suspendre temporairement – comme c’est le cas pour celui-ci – le temps de récolter de nouvelles aides économiques.

la lutte contre le SIDA, un autre aspect de notre travail.

Nous encourageons, avec le suivi médical et personnel, les codes de conduite qui ont montré leur efficacité dans d’autres pays africains pour combattre cette maladie.

On a démontré que la meilleure voie pour obtenir des résultats tangibles dans la prévention de cette maladie consiste à favoriser l’assiduité au travail, le sens des responsabilités et les vertus de la fidélité et la continence.

Nous faisons également un suivi gratuit des femmes enceintes, en favorisant l’assistance médicale durant l’accouchement, parce que lorsque surgissent des complications – que ce soit par manque de moyens ou par ignorance – peu de femmes se rendent dans un hôpital ou demandent une assistance sanitaire.

En résumé : depuis les premiers cours dispensés sous les arbres brusquement interrompus par la pluie, nous avons fait des pas importants dans la promotion humaine, médicale, professionnelle et spirituelles de ces gens.

A cette époque, j’étais seulement une étudiante en médecine sans expérience et pleine d’enthousiasme. Mais il nous reste encore un long chemin à parcourir. C’est un chemin difficile et plein d’espoir, pour lequel nous comptons sur la générosité de personnes du monde entier, grâce aux projets comme Harambee, qui nous permettent d’aider la population locale des environ de Kinshasa.