Mère de l’espérance sainte

Voici un commentaire à l'invocation de la Sainte Vierge, "Mère de l'Espérance", que le Pape François propose d'ajouter aux litanies de Lorette.

Depuis le moyen âge, Notre Dame de l’Espérance est honorée partout en France ; parmi les basiliques récentes on peut signaler celle de Pontmain (Mayenne). La nouvelle invocation des litanies, dans un temps de crise sanitaire, rehausse l’actualité du vocable.

Après l’effondrement du Mans, le 12 janvier 1871, la percée prussienne sur le front de la Loire, présageait la débâcle ; aux ordres du général Chanzy, les troupes, mal armées, s’étaient repliées sur Laval, derrière la protection dérisoire du cours de la Mayenne, tandis que les Prussiens campaient dans les hauteurs.

Un renfort parvint d’En-Haut, le 17 janvier, à 50 km de la ville exsangue : une apparition mariale à Pontmain donna à quatre enfants la certitude de « Notre Dame d’espérance ». L’ennemi se replia aussitôt ; avant la fin du mois, l’armistice entrait en vigueur. Le roucoulement plaintif de la Colombe avait repoussé le cri hargneux du Faucon.

L’évêque reconnut sitôt l’origine surnaturelle et promut la dévotion. La basilique Notre Dame de l’Espérance de Pontmain, due à Eugène Hawke (1874), est enfin consacrée en 1900 ; la dévotion rayonne sur plusieurs continents. La fabrique néogothique est en granite ; les flèches sont visibles à 10 kilomètres. Les hauts vitraux, rehaussés par des nuances en bleu, sont un joyau de perfection. Dans les statues (vers 1890), Notre Dame porte le Crucifié, l’unique ancre du salut ; la légende reprend les paroles de l’apparition : « mon Fils vous exaucera, Il se laisse toucher ».

« Mère de la sainte espérance » (Ben-Sirac 24, 17) est une épithète audacieuse de la Sagesse divine, présente dans certains témoins du texte sacré. La Sagesse aimante agit avec ferme douceur ; son souffle de vie garantit le pardon, la grâce et la gloire. La Sagesse engendre l’espérance, soutient le parcours. La Liturgie n’a pas hésité à appliquer telle fonction à Marie : elle avait incarné l’espérance d’Israël dans son cœur, avant de prêter chair à l’Espéré des nations.

Les justes attendaient la délivrance d’Israël ; Marie, bien ancrée dans ces traditions juives, traduisait les désirs en prières ; son attente, « contre toute espérance » (Romains 4, 18), n’a pas défailli. Le Roc d’Israël ne déçoit jamais. Ceux qui ont fait l’expérience de la sagesse sont aussi des témoins et des instruments d’espérance pour les autres. Si Notre Dame a reçu le don de l’espérance à un niveau exceptionnel, par la suite elle a grandi en espérance : devant son époux, en attendant qu’il soit renseigné sur le mystère ; devant la famille de Zacharie, émue devant l’onction du Précurseur ; en écoutant les sombres présages de Siméon au Temple ; en Égypte et, à nouveau dans le Temple, pendant la recherche empressée du Bien-Aimé.

Marie a cultivé l’espérance durant la Passion. « L'épée de douleur transperça ton cœur. L'espérance était-elle morte?… Probablement, au plus intime de toi-même, tu auras écouté de nouveau ‘Sois sans crainte, Marie!’ (Luc 1, 30) » (Benoît XVI, Sauvés par l’espérance §50). Le Samedi Saint, l’espérance humiliée a persévéré dans l’attente de Pâque ; encore, à partir de la Pentecôte, son espérance féconde a suivi les vicissitudes de l’Église naissante.

Entre autre, l’antienne Salve Regina, admire en Marie le don de l’espérance et son élan pour la transmettre. Dans « la vallée de larmes », Notre Dame corrige présomption et essoufflements, pour faire entrer dans l’idéal de la fidélité et de la gloire : elle « veut nous brûler du désir d’habiter ensemble dans la maison du Père » (St Josémaria, Amis de Dieu §221). Dans les moments de détresse, l’espérance divine peut nous fortifier par les caresses chaleureuses de la Mère.

Saint Bernard invite à regarder la Mère de Dieu ; celle qui a parcouru le pèlerinage de la foi, est en mesure de briller comme étoile d’espérance, de marquer sans détours le cap du salut ; les difficultés intérieures, les attaques extérieures, les aléas de la vie sociale, les pandémies peuvent être surmontés par l’espérance dans le mystère de sagesse. Au milieu de ces tiraillements la Mère Fidèle apaise. Son regard aide à comprendre que l’espérance n’est pas le résultat de nos compétences, mais un don du ciel ; la Mère de l’espérance divine nous rend ainsi compréhensifs avec les vacillations des frères.

Abbé Antoine Fernandez