lettre du prélat de l'Opus Dei sur la famille

Au début de l'année 2006, Mgr Xavier Echevarria a écrit une lettre pastorale aux membres de l'Opus Dei et aux coopérateurs. Nous vous transmettons les paragraphes qui parlent tout spécialement de la famille.

Très chers, que Jésus garde mes filles et mes fils !

En ce temps de Noël, la Sainte Famille occupe de manière particulière le centre de nos attentions. C'est pourquoi, il est logique qu'en contemplant la trinité de la terre, en même temps que la gratitude et l'adoration, ce soit la prière de demande qui vienne à notre cœur pour que partout l'on respecte et l'on défende la véritable nature et la dignité de l'institution familiale ; et pour que les familles chrétiennes tout spécialement soient un reflet du foyer de Nazareth. C'est ce que nous lisions dans la prière que la Liturgie plaçait sur nos lèvres le 30 décembre dernier en la fête de la Sainte Famille de Jésus, Marie et Joseph, nous invitant à prier ainsi: Tu as voulu, Seigneur, que la Sainte Famille nous soit donnée en exemple ; accorde-nous la grâce de pratiquer, comme elle, les vertus familiales et d'être unis par les liens de ton amour, avant de nous retrouver pour l'éternité dans la joie de ta maison .

Comme tous les ans, nous avons renouvelé la consécration des familles de chacune, de chacun, à la Sainte Famille. Nous avons prié avec plus de ferveur pour celles qui ont le plus besoin de l'aide divine ; et pour tous nous avons supplié le Seigneur reprenant les paroles écrites par notre fondateur en 1951 ; comble nos parents, nos frères et nos sœurs de tes bénédictions ; augmente ta grâce en leur âme et fais qu'à tout moment ils suivent le chemin de tes commandements .

Lorsque, pour la première fois, saint Josémaria s'est adressé au ciel avec cette consécration, l'institution familiale paraissait alors plus solide qu'elle ne l'est maintenant dans de nombreux pays. Certes, la famille et le mariage ont toujours subi les attaques de ceux qui prétendent les couper de la loi naturelle, contrariant ainsi le dessein divin sur l'humanité. Mais, durant ces dernières décennies, ces attaques ont été, sans aucun doute, plus franches et plus fréquentes, au point qu'en de nombreux endroits les lois qui auparavant protégeaient la famille, non seulement sont devenues lettre morte, mais se voient supplantées par des normes injustes ; celles-ci, en minant les bases de la société, accélèrent sa décomposition.

Dans sa dernière intervention publique sur ce thème, alors que la fin de ses jours approchait, le saint-père Jean Paul II rappelait que « c'est justement en contemplant le mystère de Dieu qui se fait homme et qui est accueilli dans une famille humaine que nous pouvons pleinement comprendre la valeur et la beauté de la famille ». En effet, poursuivait le pape, « La famille n'est pas seulement au cœur de la vie chrétienne ; elle est également le fondement de la vie sociale et civile, c'est pourquoi elle représente un chapitre central de l'enseignement social chrétien » .

Benoît XVI insiste également sur l'importance de saisir en profondeur la signification du mariage et de la famille dans le dessein divin, face à ceux qui s'obstinent à les réduire à de simples constructions humaines et, par conséquent, susceptibles de réformes arbitraires au fil du temps. Mariage et famille, signale le pape, ne sont pas en réalité une construction sociologique due au hasard, et fruit de situations historiques et économiques particulières. Au contraire, la question du juste rapport entre l'homme et la femme plonge ses racines dans l'essence la plus profonde de l'être humain et ne peut trouver sa réponse qu'à partir de là. C'est-à-dire qu'elle ne peut être séparée de la question ancienne et toujours nouvelle de l'homme sur lui-même : qui suis-je ? Qu'est-ce que l'homme ? Et cette question, à son tour, ne peut être séparée de l'interrogation sur Dieu : Dieu existe-t-il ? Et qui est Dieu ? Quel est son vrai visage ?

Mes filles et mes fils, nous devons parvenir à ce que beaucoup de vos amis et connaissances se posent ces questions, et vous devez les aider à y répondre de façon adéquate. En suscitant ces questions, le pape rappelle certains principes fondamentaux de la Sainte Écriture ; et parmi ceux-ci, l'homme est créé à l'image de Dieu, et Dieu lui-même est amour. C'est pourquoi la vocation à l'amour est ce qui fait de l'homme l'authentique image de Dieu : il devient semblable à Dieu dans la mesure où il devient quelqu'un qui aime . Et l'amour, nous le savons bien, s'oppose radicalement à l'égoïsme.

Saint Josémaria nous a répété que notre foi ne méconnaît rien de ce qu'il y a de beau, de généreux, d'authentiquement humain ici-bas. Elle nous apprend [la foi] que la règle de notre vie ne doit pas être la recherche égoïste du plaisir, car seuls le renoncement et le sacrifice conduisent au véritable amour. Dieu nous a aimés ; il nous invite à l'aimer et à aimer les autres avec la vérité et l'authenticité avec lesquelles il nous aime . Ce n'est qu'à partir de cette conviction, appliquée jour après jour à notre conduite personnelle, dans notre lieu de travail, etc., que l'on pourra réfuter avec efficacité — avec l'aide de la grâce — les idées erronées et parvenir à ce que les personnes qui soutiennent ces idées reviennent à Dieu.

L'une des conséquences immédiates de cette vocation originelle à l'amour réside dans le fait que personne ne s'appartient en propre et de manière exclusive. Nous sommes tous fermement unis les uns aux autres par les liens d'une même origine et d'une même fin, et dont le fondement est en Dieu. Nous sommes tous appelés à assumer notre responsabilité personnelle pour le bien de la société, chacun selon ses propres circonstances. Dans le cas de la famille et du mariage, il est clair que les lois qui régissent ces institutions — tant les lois de l'Église que celles de n'importe quelle société qui cherche droitement le bien commun — ne sont pas simplement une forme imposée de l'extérieur mais une exigence intrinsèque du pacte de l'amour conjugal et de la profondeur de la personne humaine. Les diverses formes actuelles de dissolution du mariage, comme les unions libres et le “mariage à l'essai”, jusqu'au pseudo-mariage entre personnes du même sexe, sont au contraire l'expression d'une liberté anarchique, qui se fait passer à tort pour une libération de l'homme. Une telle pseudo-liberté repose sur une banalisation du corps, qui inclut inévitablement une banalisation de l'homme. Son présupposé est que l'homme peut faire ce qu'il veut de lui-même : son corps devient ainsi une chose secondaire, manipulable du point de vue humain, qui peut être utilisé comme bon lui semble. Le libertinage, qui se fait passer pour la découverte du corps et de sa valeur, est en réalité un dualisme qui rend le corps méprisable, le plaçant pour ainsi dire en dehors de l'être authentique et de la dignité de la personne . Comme citoyens d'abord et chrétiens responsables ensuite, nous devons faire tout notre possible pour défendre et promouvoir les valeurs auxquelles on ne peut renoncer dans ce domaine fondamental pour la vie de l'Église et, ne l'oublions pas, pour la société civile. C'est là l'une des tâches les plus urgentes de la nouvelle évangélisation. Dans la Lettre du 28 novembre 2002, j'écrivais que « les surnuméraires et les coopérateurs jouent un rôle irremplaçable dans cette action » ; mais je désire insister sur le fait que c'est notre obligation à tous de répandre une saine doctrine sur le mariage et la famille. Les fêtes de ces jours doivent constituer pour nous un exemple parlant et doivent nous pousser à ne pas nous endormir d'une part et à réveiller d'autre part un grand nombre d'autres personnes endormies d'un mauvais sommeil.

Un juste concept de la liberté est un préalable nécessaire pour entreprendre cette tâche. Beaucoup l'identifient de façon erronée à la simple capacité de choisir ce qui plaît le plus à tout moment, ce qui satisfait le caprice ou la commodité, sans considérer le lien intime de la liberté avec la vérité. Notre Père, justement parce qu'il se savait et se sentait pleinement fils de Dieu — filiation qui est la vérité la plus intime de l'homme et de la femme —, avait atteint une compréhension particulièrement profonde de la véritable liberté et il mît en garde les chrétiens contre l'erreur de ceux qui se contentent d'une triste vocifération : liberté ! liberté ! Souvent, prévenait-il, ce qui se cache derrière cette clameur, c'est une tragique servitude : car un choix qui préfère l'erreur ne libère pas ; le Christ seul libère (cf. Ga 4, 31), puisque lui seul est le Chemin, la Vérité et la Vie (cf. Jn 14, 6) .Et il ajoutait : Voyez-vous ce que je veux dire ? La liberté acquiert son sens authentique lorsqu'on l'exerce au service de la vérité qui rachète, lorsqu'on en use pour rechercher l'Amour infini d'un Dieu qui nous libère de toutes les servitudes .

Je ne veux pas terminer sans une mention particulière adressée aux familles nombreuses, pour lesquelles le fondateur de l'Opus Dei avait tant d'estime. Je suis très ami des familles nombreuses, mais je suis aussi ami des familles qui ont moins d'enfants, ou qui n'en n'ont aucun, parce que Dieu ne leur en a pas donné , nous a-t-il dit à de multiples reprises. De plus, comme fruit de sa longue expérience, il avait l'habitude de commenter : j'ai vu un bon nombre de ménages qui, alors que le Seigneur ne leur a donné qu'un enfant, ont aussi la générosité de le donner à Dieu. Mais ils ne sont pas nombreux ceux qui agissent ainsi. Dans les familles nombreuses, il est plus facile de comprendre la grandeur de la vocation divine et, parmi les enfants, il y en a pour tout. Mais j'ai aussi constaté, ce n'est pas rare, et j'en ai rendu grâce au Seigneur, que d'autres, à qui le Seigneur ne donne pas de famille, alors que ce sont des couples exemplaires, savent accepter avec joie la sainte volonté de Dieu et consacrent davantage de temps à la charité envers le prochain .

À l'instar de saint Josémaria, toute mon affection, ainsi que la vôtre, s'adresse aussi aux ménages auxquels le Seigneur n'a pas voulu accorder d'enfants. J'ai vu très souvent s'accomplir à la lettre ce que notre fondateur affirmait : ces familles peuvent non seulement sanctifier eux aussi leur foyer, mais en plus ils disposent de plus de temps pour s'occuper des enfants des autres, et nombreux sont ceux qui le font déjà avec une abnégation émouvante , vivant de façon effective une paternité et une maternité très fécondes. Je me réjouis à la pensée que beaucoup de fidèles sont venus à l'Œuvre grâce à l'action généreuse de ces “pères et mères”.

Le pape Benoît XVI a récemment affirmé que dans le contexte social actuel le noyau familial avec de nombreux enfants constituent un témoignage de foi, de courage et d'optimisme, car sans enfants il n'y a pas de futur. Et il ajoutait : je formule le souhait que soient promues de nouvelles initiatives législatives et sociales adéquates protégeant et soutenant les familles plus nombreuses, qui constituent une richesse et une espérance pour tout le pays . Que ces paroles du saint-père nous encouragent à poursuivre notre effort pour qu'en tous lieux, on aide vraiment les familles à accomplir leur mission, surnaturelle et humaine, indispensable au futur de la société.

Revenons à la contemplation du mystère de Noël, qui d'une certaine manière se réitère chaque jour parce que Jésus-Christ vient tous les jours sur nos autels et il naît et renaît quotidiennement dans nos âmes par la grâce. Ayons fréquemment recours au Bethléem permanent qu'est le tabernacle pour lui demander ses lumières et apprendre de lui.

+ Xavier

1er janvier 2006