« Le service des autres est le curriculum vitæ le plus solide »

Carlos Barrios est médecin traumatologue et professeur universitaire à Valence. Il nous parle de son travail, de quelques initiatives qu’il a organisées avec des étudiants en médecine en faveur des plus pauvres, et de sa passion du vélo qui l’a conduit à être le médecin d’équipes cyclistes. Il est numéraire de l’Opus Dei.

Carlos Barrios, né à Ségovie en 1956, a obtenu son diplôme à la Faculté de Médecine de l’Université Autonome de Madrid avant de poursuivre sa formation, son doctorat, sa spécialité en clinique et dans la recherche, à Pampelune et à Stockholm. En 1993, il s’incorpore à la Faculté de Médecine de l’Université de Valence où il est actuellement professeur titulaire de chirurgie orthopédique et de traumatologie. Il est membre de différents groupes de recherche internationaux. En 2003, il reçoit à Seattle (U.S.A) le prix de la recherche clinique de la Scoliosis Research Society, l’une des récompenses les plus prestigieuses de sa spécialité. Mais la vie du docteur Barrios, qui est numéraire de l’Opus Dei, n’est pas confinée dans un amphi, dans un bloc opératoire ou dans un congrès scientifique. Elle va au-delà.

Qu’est-ce qui a déclenché en vous l’appel de la médecine ?

J’avais des antécédents familiaux, pour parler en termes médicaux. Ils étaient importants et exemplaires. Mon grand-père fut un médecin très apprécié et prestigieux qui commença sa carrière à Ortigosa (en Espagne). Trois de ses enfants, dont mon père, suivirent ses pas et installèrent une clinique chirurgicale à Ségovie. J’ai grandi dans ce milieu et, de fait, j’ai une sœur et un cousin qui sont également médecins. En ce moment, l’une des mes nièces veut prolonger cette tradition familiale.

Lorsque vous êtes en salle d’opération, qu’avez-vous en tête ?

Je fais des interventions sur la colonne vertébrale depuis très longtemps. Elles durent 7 à 8 heures et sont très délicates. La préparation et l’étude sont importantes et le moment venu, je me concentre sur l’opération. Mais, lorsque je vois ce que je dois faire à la personne, je pense aussi à tout ce qu’elle doit souffrir et je souffre avec elle, en un certain sens, j’ai aussi mal qu’elle. Alors, j’offre à Dieu ce travail, ces douleurs, pour sa santé et pour tous mes malades. Et je demande aux anges gardiens de contrôler nos mains, les miennes et celles de tous ceux qui interviennent, pour que nous ne fassions aucun dégât.

Pourquoi êtes-vous parti en Suède, qu’y avez-vous appris ?

En 1985, j’ai achevé ma spécialité à la Clinique Universitaire de Pampelune et je suis allé à l’Institut Karolinska de Stockholm pour travailler dans le domaine de la chirurgie orthopédique oncologique. J’y suis resté cinq ans et j’ai appris beaucoup de choses, surtout une façon de travailler pleine de vertus humaines : l’ordre, l’intensité, la rigueur et ce qui est très important, le calme. De plus, j’ai eu la chance d’être là au début du travail apostolique de l’Opus Dei en Scandinavie. Cela m’a permis de connaître Alvaro del Portillo, le prélat de l’Opus Dei à l’époque. Il venait en Suède au moins une fois par an pour nous encourager.

Que vous disait Mgr del Portillo lors de ses voyages ?

C’était quelqu’un d’extraordinaire, avenant, affectueux et très humble. On se sentait bien à ses côtés. Il connaissait bien le pays et savait qu’il y avait très peu de catholiques. Il nous communiquait sa foi et son optimisme. Nous étions là pour jeter la semence, d’autres moissonneraient à leur tour. Quant aux médecins chercheurs au Karolinska — nous étions quatre à l’époque, un Brésilien, un Argentin et deux Espagnols — il nous disait que dans le domaine performant où nous évoluions, il fallait servir les autres, les aider à leur insu et être toujours souriants.

En 1993, vous êtes revenu et depuis vous êtes à la Faculté de Médecine de l’Université de Valence. Le changement a sans doute été radical…

Pas tellement. Le travail universitaire est aussi performant, le curriculum vitæ est très important et demande beaucoup de recherche et de publications. Par ailleurs, le service désintéressé aux autres a des prénoms et des noms : mes thésards, mes étudiants, les collègues de mes équipes de recherche, etc… Ce souci des autres et l’effort pour la sainteté, au jour le jour, sont le c.v le plus important, le curriculum vitæ qui nous conduit au Ciel.

Que pensez-vous des étudiants d’aujourd’hui ?

Je ne suis pas sociologue, mais j’en ai une expérience très positive. Je vous raconte : En 1992, j’ai assisté à la béatification du fondateur de l’Opus Dei. Dans son homélie, Jean-Paul II a encouragé les membres de l’Œuvre à être très fidèles à leur vocation, pour devenir des témoins de l’Évangile. Cela devait déboucher sur « un dynamisme apostolique plein d’entrain, avec un souci particulier pour les plus pauvres et les plus nécessiteux ». Eh bien, ces paroles ne sont pas tombées dans l’oreille d’un sourd et j’en ai parlé au collègue qui m’accompagnait.

Au retour, nous avons échafaudé un projet d’assistance sanitaire et sociale visant des personnes démunies ou en régime d’exclusion sociale et nous avons crée une association. Actuellement, nous sommes une ONGD (organisation non gouvernementale de développement) qui a plus de 120 associés et collaborateurs, dont une cinquantaine de professionnels de la santé.

Mais revenons à nos moutons. En 2002, nous avons mis en route le projet « Be Solid » afin d’apporter un secours sanitaire aux populations infantiles de certaines zones défavorisées de plusieurs pays en voie de développement. Ce programme concerne nos étudiants de dernière année. Et, que voulez-vous que je vous dise… Il y a toujours foule à la séance d’information annuelle, dans le grand auditorium de la Faculté. Il y a aussi bien des médecins assistants que des étudiants qui s’investissent dans les étapes successives du projet. Il y a donc beaucoup d’étudiants désireux de servir les autres. 

 

Êtes-vous en rapport avec le monde du sport, et concrètement du vélo ?

J’ai un rapport professionnel avec le cyclisme. Depuis 1982, j’ai pratique la Médecine et la traumatologie du Sport auprès des cyclistes professionnels. Mon hobby est devenu presque un métier. J’ai ainsi participé à plusieurs « tours » de France, en tant que médecin des équipes. Le cyclisme est un sport très dur et les sportifs qui le pratiquent sont très sacrifiés. Ils nous apprennent beaucoup de choses utiles pour franchir les cols, les difficultés, de tous les jours.

N’est-ce vraiment qu’un rapport professionnel ?

C’est aussi un hobby de ma jeunesse. J’ai eu une lésion qui m’a empêché de m’y employer plus à fond. Puis, Dieu m’a apporté une compensation, il m’a introduit dans ce monde grâce à ma profession. Je pratique ce sport avec un bon groupe d’amis. Pour tout vous avouer, la performance à laquelle je tiens le plus c’est d’avoir franchi le col du Tourmalet. Je l’avais très souvent fait en voiture, aux côtés des cyclistes, mais il y a quelques années j’ai eu le bonheur de le gravir en pédalant très fort.