La Trinité chez nous

L’art a su représenter la Trinité avec la Croix : le motif médiéval du « Trône de grâce ». Le visage du Dieu vivant est désormais accessible. Nous croyons et espérons en cet amour d’un Dieu «Unique mais non pas solitaire»

Une sarabande céleste entoure la théophanie souveraine. Dans le sanctuaire du Dieu vivant d’Israël, Isaïe découvre sa mission de prophète. Il ne voit pas de visage, mais il est fasciné par la majesté de la lumière et par le chœur de séraphins qui, enflammé, exprime la gloire sans limite : « Saint, Saint, Saint, le Seigneur, Dieu de l’univers » (Isaïe 6,3). Les pieux lecteurs de la bible hébraïque chantent cette phrase avec joie.

Des siècles plus tard, l’apôtre bien-aimé est saisi d’une admiration pareille : «Saint, saint, saint, le Seigneur, le Dieu tout-puissant, celui qui était, qui est et qui vient !» (Apocalypse 4, 8). Chaque jour, l’assemblée eucharistique s’associe à ce « trois fois saint » superlatif, qui adore la Trinité salutaire.

Le chrétien est familier de ce trésor suprême, qui est son centre vital : «loin d'être une vérité aride délivrée à l'intelligence, est la vie qui nous habite et nous soutient » (Saint Jean-Paul II, Audience, 19/01/2000).

La prière publique et privée de l’Église l’atteste dès la première heure. Le signe de croix, au seul Nom des Trois, marque les étapes ; avec la bénédiction finale, il encadre le sacrifice éternel de la messe sous le regard trinitaire. Les doxologies scandent les pas du peuple de Dieu et reviennent à la fin de chaque psaume. La liturgie d’Orient, depuis le 5e siècle, module encore, en l’honneur du Sauveur, le «trisagium » sublime : « Saint Dieu, Saint Fort, Saint Immortel, aie pitié de nous ». Dans l’office du Vendredi Saint, la liturgie romaine, dès le 6esiècle, l’a associé aux reproches du Christ.

L’ordre des Trinitaires ou « mathurins » (fondé en 1198 par saint Jean de Matha) a élaboré une prière litanique en l’honneur de la très sainte et indivisible Trinité ; le texte réunit l’un et l’autre trisagium, trinitaire et christique, en alternance avec d’autres invocations, et se développe en trois séries de 9 éléments, en souvenir du nombre de chœurs angéliques.

Dieu révèle son intimité par ses œuvres, tout au long de l’histoire du salut. L’archange Gabriel l’a annoncé à Marie ; après les étincelles du baptême et la nuée de la transfiguration, le Christ l’a énoncé en des termes touchants : « Le Père aime le Fils » (Jean 3,35). Nous croyons et espérons en cet amour d’un Dieu « Unique mais non pas solitaire » (Catéchisme §254).

La Trinité œuvre l’alliance d’amour avec l’Église sur terre et la garantit pour l’éternité. Le Consolateur nous configure à l’image du Fils et, avec lui, nous fait chercher la gloire du Père. « Par la grâce du baptême… nous sommes appelés à partager la vie de la Bienheureuse Trinité, ici-bas dans l’obscurité de la foi, et au-delà de la mort, dans la lumière éternelle » (Catéchisme §265).

En heureux retour, le mystère éclaire notre démarche. Le Père, touché par l’obéissance du Fils, déverse aussitôt leur Don mutuel sur les hommes. L’art a su représenter la Trinité avec la Croix, sceau immarcescible du salut : le motif médiéval du « Trône de grâce » a inspiré le tableau flamand de Colijn de Coter (1515, au musée du Louvre-Lens). Le visage du Dieu vivant est désormais accessible.

« Personne n’arrive à saisir / de quelle insigne manière / ta vie sans fin se déploie » (Liturgie des heures, hymne latine). L’expérience des contemplatifs le confirme. « O mon Dieu, Trinité que j’adore. Pacifiez mon âme. Faites-en votre ciel, votre demeure aimée et le lieu de votre repos » (Sainte Élisabeth de la Trinité, Prière). Si le fidèle se laisse purifier par le suave cautère de l’Amour, il ressent le besoin « de distinguer et d’adorer chacune des Personnes divines. L’âme fait en quelque sorte une découverte dans la vie surnaturelle, comme une créature qui ouvre peu à peu les yeux à l’existence » (saint Josémaria, Amis de Dieu, §306).

« Que vos louanges exaltent le Seigneur, selon votre pouvoir » (Siracide 43, 30). Jamais excessifs, les chœurs du ciel s’adonnent inlassablement à la tâche : « Amen ! Louange, gloire, sagesse, action de grâce, honneur, puissance et force à notre Dieu pour les siècles des siècles ! Amen ! » (Apocalypse 7, 12).

Abbé Fernandez


Antoine Fernandez//La Sainte Trinité, avec Dieu le Père soutenant le Christ, Photo : Par Jamain — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=58803964