La foi et l’unité, des forces de l’Église à l’orée du 21ème siècle

Voici un article du prélat de l’Opus Dei sur le Saint-Père, publié au début du mois de mai dans « la Gaceta de los negocios » (La gazette des affaires).

L’après-midi du 19 avril dernier, lorsque la « fumée blanche » annonça qu’un nouveau pape avait été élu, l’applaudissement irrépressible des gens qui remplissaient la place Saint-Pierre retentit avec force. On sait aussi que ce fut partout pareil, dans de très nombreux pays, dans d’innombrables villes. Personne ne savait qui c’était. Cette liesse n’était provoquée ni par un tel, ni par tel autre. Elle s’adressait déjà au Successeur de Pierre, le Vicaire du Christ sur la terre. On a vérifié encore une fois ce que Saint Ambroise écrivit il y a des siècles : « Ubi Petrus, ibi Ecclesia ». Dès cet instant, l’Église, avec tous ses enfants, se réjouissait d’avoir un nouveau Souverain Pontife. Nous avons appris, au bout de presque une heure, que c’était Benoît XVI et nous avons reçu sa bénédiction apostolique.

Nous étions bouleversés de voir, encore une fois, que le Successeur de Pierre est avec toute l’Église et que l’Église exulte en sa présence.

Le temps s’est écoulé, et on est à l’heure des considérations sur ces moments vécus dans la joie. La brièveté du Conclave, 24 heures à peine, a été l’objet de pas mal de commentaires. Dans notre unique mère l’Église, il y a des langues, des mentalités, des expériences différentes, toutes légitimes. Mais le Saint-Esprit fait qu’elles se retrouvent lorsque l’on cherche celui qui peut le mieux conduire l’Église face aux défis lancés par notre époque, à la suite dynamique et créatrice de notre très cher et inoubliable Jean-Paul II.

La dernière homélie prononcée avant son élection à la Chaire de Saint-Pierre, et le premier message de Benoît XVI, le 20 avril, permettent de dresser les lignes synthétiques des défis à relever et que le Pape ne laissera pas sans réponse. La foi en Jésus-Christ, notre Seigneur et Rédempteur, est le centre de convergence des défis de notre temps dont est issue aussi la réponse appropriée. C’est de cette prise de conscience que jaillit la prière de la Liturgie que le Ciel a écoutée : « que Dieu nous donne à nouveau un pasteur selon son cœur, un pasteur qui nous guide à la connaissance du Christ, à son amour, à la joie véritable. »

Atteindre « la construction du Corps du Christ, au terme de laquelle nous devons parvenir, tous ensemble, à ne faire plus qu’un dans la foi et la connaissance du Fils de Dieu, et à constituer cet Homme parfait, dans la force de l’âge, qui réalise la plénitude du Christ.(Ep 4, 13) », est donc la mission que toute nouvelle génération chrétienne est tenue de réaliser. De nos jours, celui qui entreprend l’itinéraire de la foi est ballotté au gré de beaucoup de courants idéologiques et de modes intellectuelles.

C’est par la foi que nous ouvrons notre cœur à la miséricorde salvifique de Dieu. La miséricorde de Dieu est une affirmation joyeuse, une réalité positive qui ne saurait heurter personne et qui remplit tout le monde de paix et d’espérance. Mais la divine miséricorde met une limite au mal, comme le disait Jean-Paul II. Et le «père du mensonge » (Jn 8, 44) se sent blessé et cherche continuellement de nouvelles formes de résistance, afin de nous écarter de la foi au Credo de l’Église en nous leurrant subtilement lorsqu’il nous fait croire que, pour être à la hauteur des temps modernes, il faut se laisser « ballotter et emporter à tout vent de la doctrine (Ep 4, 14) ». D’aucuns, qui n’interprètent que superficiellement ces aspects de notre culture et bien d’autres événements de notre temps, sont en droit de penser ici que nous exagérons.

Fort heureusement, il ne s’agit que d’un secteur qui fait du bruit et qui nous attriste, mais qui n’est que réduit. Benoît XVI nous rappelle un fait, à la vue de tous : « Nous pouvons le dire, les funérailles de Jean-Paul II ont été une expérience vraiment extraordinaire au cours de laquelle on a perçu la puissance de Dieu qui, à travers son Église, veut faire de tous les peuples une grande famille, par la force unificatrice de la Vérité et de l’Amour »

Tous ceux qui ont spontanément afflué vers Rome, catholiques, non catholiques, voire incroyants, ont fait face à des files d’attente, à des incommodités, afin de rendre un dernier hommage ému à celui qui, durant presque trois décennies, nous a guidés sur le chemin de la foi. Ils étaient le fruit, rendu généreusement par la terre, à celui qui l’a labourée de toutes ses forces et sur toute son étendue, et qui est allé jusqu’à livrer son dernier soupir à la vue de tous. L’exemple clair d’une sainteté qui nous enjoint de livrer généreusement notre vie pour porter le Christ aux derniers coins du monde est devant nos yeux. « Nous devons être animés par une sainte préoccupation : le souci de porter à tous le don de la foi, de l’amitié avec le Christ. En vérité, l’amour, l’amitié de Dieu nous a été donnée pour qu’elle arrive également aux autres » nous disait le Cardinal Ratzinger dans son homélie du lundi 18. Et, avec cette foi, nous devons aussi offrir notre disponibilité pour coopérer, dans un dialogue franchement ouvert, à la construction d’un véritable développement social, dans la justice, la liberté et la paix.

Benoît XVI a brossé les grands traits du programme de son pontificat. L’Église doit poursuivre sa route, en ce troisième millénaire, en éclairant la vie humaine de la lumière de l’Évangile, appliqué à notre temps, avec l’aide du Saint-Esprit, par le Concile Vatican II, dont il faut poursuivre l’action. C’est tout particulièrement en cette année que l’Eucharistie, cœur de la vie de l’Église et source de sa mission évangélisatrice, sera le centre permanent du ministère pétrinien auquel le nouveau pontife romain a été appelé. Avec la force de l’Eucharistie et dans un attachement efficace à l’unique vérité, l’on cherchera la pleine unité entre tous ceux qui croient au Christ, l’on donnera un élan au dialogue théologique et l’on fera des pas concrets qui encourageront les cœurs à l’union. Il est surtout nécessaire de procéder à une conversion intérieure, préalable nécessaire au véritable progrès sur la voie de l’œcuménisme. On n’épargnera aucun effort à promouvoir le dialogue entre les cultures et la paix, afin que, de cette compréhension mutuelle, jaillissent les conditions d’un avenir meilleur pour tous. Benoît XVI veillera toujours attentivement, comme le fit Jean-Paul II, sur les jeunes, parce qu’ils sont le futur et l’espoir de l’Église et de l’humanité. Et, avant tout, le Saint-Père déclare que sa tâche va consister à faire resplendir la lumière du Christ, devant les hommes et les femmes d’aujourd’hui. C’est avec cette volonté qu’il s’adresse ouvertement à chacun, à ceux qui suivent d’autres religions aussi, ainsi qu’à tous ceux qui ne cherchent qu’une réponse aux problèmes fondamentaux de l’existence humaine.

Benoît XVI s’apprête à entreprendre ces tâches comptant sur l’aide de Dieu, sur nos prières et sur notre fidélité au Christ. Il met entièrement au service de sa noble mission les nombreux dons que Dieu lui a accordés. Son intelligence théologique profonde et sa piété, non moins profonde, l’expérience acquise durant tant d’années au service de l’Église en étroite collaboration avec Jean-Paul II, sa perception aigue du drame de la sécularisation et du relativisme, la délicatesse et la sensibilité que connaissent bien tous ceux qui l’ont fréquenté de près, — et qui sont si loin des lieux communs diffusés par la malveillance de certains —, sa capacité à écouter et à apprécier l’avis des autres, sa largesse d’esprit, qui a conduit certains des intellectuels européens les plus importants de notre temps à vouloir dialoguer publiquement avec lui. (note du traducteur : cf. « Les fondements pré-politiques de la démocratie » débat en 2004 du Cardinal Ratzinger avec Junger Habermas, publié par la revue Esprit n° juillet 2004)

En ces débuts de son pontificat, il a, plus d’une fois, parlé de lui-même en faisant allusion à la fragilité des instruments insuffisants que le Seigneur daigne utiliser. Les hommes éprouvent leur insuffisance lorsque Dieu s’approche d’eux pour leur confier une mission. Quant à nous, fils de Dieu et de l’Église, nous savons que l’heure de l’unité, dont le Successeur de Pierre est le principe et le fondement visible, a sonné. Il mérite, dès maintenant, l’adhésion affectueuse et la reconnaissance de tous pour son dévouement vigilant à l’exercice du ministère universel qu’il entreprend. Personnellement, je répète très souvent, et je la conseille à d’autres, une courte prière, tant et tant de fois entendue de saint Josémaria Escriva : « Omnes cum Petro ad Iesum per Mariam. »