Jubiler sur les vagues

Le Vatican a dévoilé le logo officiel de l'Année jubilaire qui se tiendra en 2025 sur le thème "Pèlerins de l'espérance". L'auteur de cet article nous en explique le symbolisme.

Avec trois ans d’avance, le jubilé de l’année 2025 affiche son logo. Les jubilés ordinaires précédents avaient été ponctués par la royauté du Christ, l’Assomption de Marie, la joie de la foi et la Miséricorde divine ; celui-ci met l’accent sur l’itinéraire de la foi vivante.

L’image choisie (conçue par G. Travisani, 2022) exprime le dynamisme de la Croix rédemptrice ; la légende désigne les « pèlerins de l’espérance ». Des gens des quatre coins du monde avancent sur les eaux troubles de l’histoire. Les navigants restent unis dans la cohésion fraternelle. Ils sont attachés à la Croix qui, comme le mât du navire, se dresse pour accueillir le souffle de l’Esprit Saint. L’ensemble est assuré par « l’ancre de l’espérance », qui dispose à la grâce et conduit à la gloire ; la Croix se penche sur l’humanité, en offrant le soutien du seul « Précurseur » qui fait rentrer dans le Saint des Saints (Hébreux 6, 18-20).

Dans la Première Alliance, deux fois par siècle, une période de délivrance était annoncée par un signal retentissant. Des instruments, comme les cornes de bélier, utilisés dans la guerre, ou les trompettes d’argent, ont été adoptés ensuite dans les cérémonies d’intronisation royale, dans la fête de la nouvelle lune et dans le culte officiel du Temple ; le cor devance le tutti orchestral du psautier (Psaume 150, 1).

« Ce sera pour vous un signal » (Lévitique 25, 10) : le terme hébreu yôbel (signal d’ordre) a été transcrit, par ressemblance avec le latin iubilare (crier de joie), par jubilé, qui signifie le signal vibrant, ainsi que l’instrument ou la fête proclamée : « Au jour du Grand Pardon vous ferez retentir le cor dans tout votre pays. Vous proclamerez la libération pour tous les habitants ; chacun de vous retournera dans sa propriété » (Lévitique 25, 9-10). Durant l’année, les esclaves recouvraient la liberté ; les héritages, perdus par les dettes, étaient récupérés.

Depuis sept siècles, en s’inspirant de la vénérable tradition juive, l’Église convoque régulièrement les fidèles à la conversion purificatrice : « Hausse ta voix comme le son du cor » (Isaïe 58, 1). Pour sanctifier le peuple, l’Épouse du Christ invite à revenir à la droiture de cœur et au sacrement de pénitence ; le pape accorde l’indulgence plénière, qui comporte l’effacement total de la peine encourue par les péchés. Prière, jeûne, pèlerinage à Rome, œuvres de miséricorde : tout contribue, par les mérites du Christ et, secondairement, par l’influence de la communion des saints, à renouveler l’âme, en nous configurant au Sauveur.

L’ancre de l’espérance, dans la communion fraternelle, soutient chacun dans son «pèlerinage de la foi»

Les péchés blessent ; les tentations secouent ; parfois les événements déstabilisent. L’ancre de l’espérance, dans la communion fraternelle, soutient chacun dans son « pèlerinage de la foi », qui « désigne l'histoire intérieure des âmes » (Jean-Paul II, enc. La Mère du Rédempteur §6) et, plus largement, l’ensemble de l’histoire du salut. Notre Dame, fidèle au mystère pascal et désormais glorieuse, « brille déjà devant le Peuple de Dieu en pèlerinage comme un signe d’espérance assurée et de consolation » (Lumen Gentium §68).

La foi soutient le croyant dans le clair-obscur du chemin. Devant l’énigme de la liberté et de la complexité de l’histoire humaine, la «grande espérance», basée en la fidélité et la miséricorde divine, « ne peut être détruite ni par des échecs dans les petites choses ni par l'effondrement dans des affaires de portée historique » (Benoît XVI, enc. Sauvés par l’espérance §35). La charité donne l’énergie pour avancer et pour surmonter les obstacles du Malin, père de la haine.

La peur, plus que les eaux, risque de faire sombrer (...) Mais le Maître des éléments et de l’histoire, est toujours proche. Il suffit de se rapprocher de lui : c’est le but du jubilé.

Comme sur la barque des disciples, les vagues, tels des sbires de Satan, se déchaînent, amères ; le ciel s’assombrit ; le Sauveur semble absent (Matthieu 8, 24). La peur, plus que les eaux, risque de faire sombrer la foi, la morale naturelle, le culte. Mais le Maître des éléments et de l’histoire, est toujours proche. Il suffit de se rapprocher de lui: c’est le but du jubilé. La désunion, l’arrogance, le désespoir sont comme une houle menaçante pour le chrétien, plus dangereuses que les bêtes de la mer et de la terre (Apocalypse 13, 1 et 11). Elles ont été maîtrisées par l’Agneau sacrifié. Les guerres, le terrorisme, les fanatismes, ainsi que les discordes familiales ou l’indifférence, sont aussi des épreuves ou des chaînes asservissantes. Nous rejetons toute complicité avec cela, tout en faisant pénitence pour nous-mêmes et à la place des autres. Le jubilé propose la conversion confiante ; même au milieu des tempêtes, le chrétien a le droit de jubiler près de la Croix victorieuse.

Le jubilé propose la conversion confiante

La vie « comporte aussi ses chutes et ses déroutes. Il en a toujours été ainsi du pèlerinage sur terre des chrétiens, y compris de ceux que nous vénérons sur les autels : ils luttaient et gagnaient, puis luttaient et perdaient. Et alors, pleins de repentir, ils repartaient pour le combat » (St Josémaria, Quand le Christ passe §76). Les déceptions et les privations ne manqueront pas, mais on peut, comme Pierre, se faire petit, en s’agenouillant devant le Christ (Luc 5, 8) « pour demander pardon, pour plier notre orgueil, pour remettre à Dieu nos larmes, pour implorer son intervention » (pape François, lettre J’ai désiré d’un grand désir, 2022 §53).

Miracle de la tempête apaisée – Détail du vitrail de l’église St-Sulpice d’Ossé (35) – Photo : GO69 / CC BY-SA (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0) / Wikimedia Commons / image modifiée.


Abbé Fernandez