Benoît XVI en avril

Nous avons choisi deux extraits de discours de Benoît XVI prononcés en avril, moins connus que les homélies de la Semaine Sainte.

Le confessionnal peut être un réel « lieu » de sanctification pour les prêtres et les pénitents

« Je désire m'arrêter avec vous sur un aspect qui parfois, n'est pas suffisamment pris en considération, mais qui est d'une grande importance spirituelle et pastorale: la valeur pédagogique de la confession sacramentelle. S'il est vrai qu'il est toujours nécessaire de sauvegarder l'objectivité des effets du sacrement et sa correcte célébration selon les normes du Rite de la pénitence, il n'est pas hors de propos de réfléchir sur la façon dont celui-ci peut éduquer à la foi, aussi bien du ministre que du pénitent. La disponibilité fidèle et généreuse des prêtres à l'écoute des confessions, selon l'exemple des grands saints de l'histoire, de saint Jean-Marie Vianney à saint Jean Bosco, de saint Josemaría Escrivá à saint Pio da Pietrelcina, de saint Giuseppe Cafasso à saint Leopold Mandi, nous fait voir à tous que le confessionnal peut être un réel « lieu » de sanctification.

De quelle manière le sacrement de la pénitence éduque-t-il ? En quoi sa célébration possède-t-elle une valeur pédagogique, tout d'abord pour les ministres ? Nous pourrions partir de la reconnaissance du fait que la mission sacerdotale constitue un point d'observation unique et privilégié, à partir duquel, quotidiennement, il nous est donné de contempler la splendeur de la Miséricorde divine. Combien de fois dans la célébration du sacrement de la pénitence, le prêtre assiste-t-il à de véritables miracles de conversion, qui, en renouvelant « la rencontre avec un événement, une Personne » ( Lett. enc. Deus caritas est, n. 1 ) renforcent sa foi elle-même. Au fond, confesser signifie assister à autant de professiones fidei qu'il y a de pénitents, et contempler l'action de Dieu miséricordieux dans l'histoire, toucher du doigt les effets salvifiques de la Croix et de la Résurrection du Christ, à chaque époque et pour chaque homme.

Il n'est pas rare que nous nous trouvions devant de véritables drames existentiels et spirituels, qui ne trouvent pas de réponses dans les paroles des hommes, mais qui sont compris et assumés par l'Amour divin, qui pardonne et transforme: « Quand vos péchés seraient comme l'écarlate, comme neige ils blanchiront »  (Is 1, 18). D'un côté, si connaître et, d'une certaine façon, se pencher sur l'abîme du cœur humain, même dans ses aspects obscurs, met l'humanité et la foi du prêtre à l'épreuve, de l'autre, elle nourrit en lui la certitude que le dernier mot sur le mal de l'homme et de l'histoire revient à Dieu, revient à sa Miséricorde, capables de rendre toutes choses nouvelles (cf. Ap 21, 5). Combien le prêtre peut-il ensuite apprendre des pénitents exemplaires dans leur vie spirituelle, dans le sérieux avec lequel ils conduisent leur examen de conscience, dans la transparence avec laquelle ils reconnaissent leur propre péché et dans leur docilité à l'égard de l'enseignement de l'Eglise et les orientations du confesseur.

De l'administration du sacrement de la pénitence, nous pouvons recevoir de profondes leçons d'humilité et de foi! Il s'agit d'un rappel très fort pour chaque prêtre à la conscience de sa propre identité. Jamais nous ne pourrions écouter les confessions de nos frères uniquement en vertu de notre humanité! Si ceux-ci s'approchent de nous, c'est uniquement parce nous sommes des prêtres, configurés au Christ souverain et éternel Prêtre, et rendus capables d'agir en son Nom et en sa Personne, de rendre réellement présent Dieu qui pardonne, renouvelle et transforme. La célébration du sacrement de la pénitence possède une valeur pédagogique pour le prêtre, en ce qui concerne sa foi, la vérité et la pauvreté de sa personne, et elle nourrit en lui la conscience de l'identité sacramentelle…. »

« Quelle est la valeur pédagogique du sacrement de la pénitence pour les pénitents? Nous devons tout d'abord dire que celle-ci dépend de l'action de la Grâce et des effets objectifs du sacrement dans l'âme du fidèle. La réconciliation sacramentelle est assurément l'un des moments où la liberté personnelle et la conscience de soi sont appelées à s'exprimer de manière particulièrement évidente. C'est peut-être également pour cela que, à une époque de relativisme et d'une conscience atténuée de l'être qui en est la conséquence, la pratique sacramentelle apparaît elle aussi affaiblie. L'examen de conscience possède une importante valeur pédagogique: il éduque à considérer avec sincérité sa propre existence, à la confronter avec la vérité de l'Evangile et à l'évaluer avec des paramètres pas seulement humains, mais provenant de la Révélation divine . La confrontation avec les commandements, avec les béatitudes et, surtout, avec le précepte de l'amour, constitue la première grande « école pénitentielle » .

A notre époque, caractérisée par le bruit, par la distraction et par la solitude, le dialogue du pénitent avec le confesseur peut représenter l'une des rares occasions, si ce n'est l'unique, pour être véritablement écouté en profondeur. Chers prêtres, ne négligez pas de ménager une place opportune à l'exercice du ministère de la pénitence dans le confessionnal: être accueillis et écoutés constitue également un signe humain de l'accueil et de la bonté de Dieu envers ses fils. La confession honnête des péchés éduque ensuite le pénitent à l'humilité, à la reconnaissance de sa propre fragilité et, dans le même temps, à la conscience de la nécessité du pardon de Dieu et à la confiance que la Grâce divine peut transformer la vie. De la même manière, l'écoute des avertissements et des conseils du confesseur est importante pour le jugement des actes, pour le chemin spirituel et pour la guérison intérieure du pénitent. N'oublions pas combien de conversions et combien d'existences réellement saintes ont commencé dans un confessionnal! Accueillir la pénitence et écouter les paroles: « Je t'absous de tes péchés » représentent, pour finir, une véritable école d'amour et d'espérance, qui guide vers la pleine confiance dans le Dieu Amour révélé en Jésus Christ, vers la responsabilité et l'engagement de la conversion permanente. » ( Extrait de l’Allocution de Benoît XVI aux participants à un cours organisé par la Pénitencerie Apostolique )

La sainteté est aussi possible pour les personnes « normales »

« Que veut dire être saint ? Qui est appelé à être saint ? On est souvent porté encore à penser que la sainteté est une destination réservée à de rares élus. Saint Paul, en revanche, parle du grand dessein de Dieu et affirme : « C'est ainsi qu'Il (Dieu) nous a élus en lui (le Christ), dès avant la fondation du monde, pour être saints et immaculés en sa présence, dans l'amour » (Ep 1, 4). Et il parle de nous tous. Au centre du dessein divin, il y a le Christ, dans lequel Dieu montre son Visage : le Mystère caché dans les siècles s'est révélé en plénitude dans le Verbe qui s'est fait chair. Et Paul dit ensuite : « Car Dieu s'est plu à faire habiter en lui toute la plénitude » (Col 1, 19). En Christ, le Dieu vivant s'est fait proche, visible, touchable, il s'est fait entendre, afin que chacun puisse puiser de sa plénitude de grâce et de vérité (cf. Jn 1, 14-16). C'est pourquoi toute l'existence chrétienne connaît une unique loi suprême, celle que saint Paul exprime dans une formule qui revient dans tous ses écrits : en Jésus Christ. La sainteté, la plénitude de la vie chrétienne ne consiste pas à accomplir des entreprises extraordinaires, mais à s'unir au Christ, à vivre ses mystères, à faire nôtres ses attitudes, ses pensées, ses comportements. La mesure de la sainteté est donnée par la stature que le Christ atteint en nous, par la mesure dans laquelle, avec la force de l'Esprit Saint, nous modelons toute notre vie sur la sienne. C'est être conforme à Jésus, comme affirme saint Paul : « Car ceux que d'avance il a discernés, il les a aussi prédestinés à reproduire l'image de son Fils » (Rm 8, 29). Et saint Augustin s'exclame : « Ma vie sera vivante toute pleine de Toi » (Confessions, 10, 28). Le Concile Vatican II, dans la Constitution sur l'Eglise, parle avec clarté de l'appel universel à la sainteté, en affirmant que personne n'en est exclu : « A travers les formes diverses de vie et les charges différentes, il n'y a qu'une seule sainteté cultivée par tous ceux que conduit l'Esprit de Dieu et qui... marchent à la suite du Christ pauvre, humble et chargé de sa croix, pour mériter de devenir participants de sa gloire » (n. 41).

'Tous appelés à la sainteté'

« Sans doute pourrions-nous nous demander : pouvons-nous, avec nos limites, avec notre faiblesse, tendre à des sommets si élevés ? Au cours de l'Année liturgique, l'Eglise nous invite à faire mémoire d'une foule de saints, c'est-à-dire de ceux qui ont vécu pleinement la charité, qui ont su aimer et suivre le Christ dans leur vie quotidienne. Ils nous disent qu'il est possible pour tous de parcourir cette voie. A toute époque de l'histoire de l'Eglise, à toute latitude de la géographie du monde, les saints appartiennent à tous les âges et à tous les états de vie, ils ont le visage concret de chaque peuple, langue et nation. Et ils sont de types très divers. En réalité, je dois dire qu'en ce qui concerne ma foi personnelle également, de nombreux saints, pas tous, sont de véritables étoiles dans le firmament de l'histoire. Et je voudrais ajouter que pour moi, il n'y a pas que certains grands saints que j'aime et que je connais bien qui « indiquent la voie », mais aussi les saints simples, c'est-à-dire les personnes bonnes que je vois dans ma vie, qui ne seront jamais canonisées. Ce sont des personnes normales, pour ainsi dire, sans héroïsme visible, mais dans leur bonté quotidienne, je vois la vérité de la foi. Cette bonté, qu'elles ont mûrie dans la foi de l'Eglise, est pour moi la plus sûre apologie du christianisme et le signe qui montre où se trouve la vérité.

Dans la communion des saints, canonisés et non canonisés, que l'Eglise vit grâce au Christ dans tous ses membres, nous jouissons de leur présence et de leur compagnie et nous cultivons la ferme espérance de pouvoir imiter leur chemin et partager un jour la même vie bienheureuse, la vie éternelle.

Chers amis, comme la vocation chrétienne est grande et belle, et également simple, vue sous cette lumière ! Nous sommes tous appelés à la sainteté : elle est la mesure même de la vie chrétienne. Encore une fois, saint Paul l'exprime avec une grande intensité, lorsqu'il écrit : « Chacun de nous a reçu sa part de la faveur divine selon que le Christ a mesuré ses dons... C'est lui encore qui "a donné" aux uns d'être apôtres, à d'autres d'être prophètes, ou encore évangélistes, ou bien pasteurs et docteurs, organisant ainsi les saints pour l'œuvre du ministère, en vue de la construction du Corps du Christ, au terme de laquelle nous devons parvenir, tous ensemble, à ne faire plus qu'un dans la foi et la connaissance du Fils de Dieu, et à constituer cet Homme parfait, dans la force de l'âge, qui réalise la plénitude du Christ » (Ep 4, 7. 11-13). Je voudrais inviter chacun à s'ouvrir à l'action de l'Esprit Saint, qui transforme notre vie, pour être nous aussi comme des pièces de la grande mosaïque de sainteté que Dieu crée dans l'histoire, afin que le visage du Christ resplendisse dans tout son éclat. N'ayons pas peur de tendre vers le haut, vers les sommets de Dieu ; n'ayons pas peur que Dieu nous demande trop, mais laissons-nous guider dans chacune de nos actions quotidiennes par sa Parole, même si nous nous sentons pauvres, inadéquats, pêcheurs : c'est Lui qui nous transformera selon son amour. Merci » (Extrait de l’Audience générale du 13 avril 2011 )