- Faire nôtre le cri des lépreux
- La guérison la plus profonde vient d'une foi reconnaissance
- Rendre grâce toujours et partout
« JÉSUS, MAÎTRE, prends pitié de nous ! ». C’est le cri d’un groupe de lépreux qui sont parvenus jusqu’au Seigneur, après avoir surmonté certains obstacles. À l’époque, la lèpre était un grand malheur. D’abord la souffrance physique du lépreux était très grande, à tel point que les Juifs utilisaient une expression qui signifie littéralement « coup de fouet » pour nommer cette maladie. Aux douleurs corporelles s'ajoutait la souffrance morale : en effet, considérée comme très contagieuse, cette maladie provoquait la terreur. C’est pourquoi il y avait une réglementation très précise concernant le diagnostic et l’éloignement du malade qui l’aurait contractée. L'attestation de la guérison était également très réglementée, et cette tâche revenait aux prêtres. De plus, la maladie était attribuée aux péchés commis par le malade.
Nous pouvons alors mieux comprendre la souffrance et la tristesse des dix lépreux que Jésus a rencontrés sur la route. Ils vivaient à la périphérie d’un village. Des parents, des amis et d’autres personnes compatissantes leur apportaient de la nourriture tous les jours. C’est probablement par eux qu’ils avaient entendu parler de Jésus : un rabbin, un maître, qui prêchait avec autorité et faisait des miracles. Lorsque le Seigneur s’est approché du village, quelqu’un a dû les prévenir de sa présence et ils sont venus le saluer de loin, espérant qu’il pourrait les guérir. « Ils se tenaient à distance, dit un saint médiéval, car compte tenu de leur état ils n’osaient pas s’approcher. Il en va de même pour nous : nous nous tenons à distance lorsque nous nous obstinons dans le péché. Pour être guéris, surtout de la lèpre de nos péchés, crions à haute voix et disons : “Jésus, Maître, aie pitié de nous”. Mais ne crions pas avec notre bouche, plutôt avec notre cœur. Le cri du cœur est plus aigü. Le cri du cœur pénètre les cieux et s’élève plus sublime devant le trône de Dieu » [1]
LES LÉPREUX CRIENT pour que Jésus les guérisse. Le Seigneur leur demande d’aller se présenter aux prêtres, désignés par la loi pour faire le constat d’une guérison. En se mettant en route pour obéir au Maître, ils manifestent leur foi. Chemin faisant, ils se rendent compte qu’ils sont guéris. Cependant, un seul parmi eux, un Samaritain, fait demi-tour à la recherche de Jésus : « L’un d’eux, voyant qu’il était guéri, revint sur ses pas, en glorifiant Dieu à pleine voix. Il se jeta face contre terre aux pieds de Jésus en lui rendant grâce » (Lc 17, 15-16). Le Seigneur se plaint que les autres ne soient pas revenus pour rendre gloire à Dieu, et le remercier d'avoir été guéris. Il dit au Samaritain : « Relève-toi et va : ta foi t’a sauvé » (Lc 17, 19).
En méditant sur l’évangile d’aujourd’hui, nous pouvons distinguer « deux niveaux de guérison : l’un, plus superficiel, concerne le corps ; l’autre, plus profond, touche l’être intime de la personne, ce que la Bible appelle le « cœur » et, à partir de là, rayonne dans l’existence tout entière. La guérison complète et radicale est le « salut ». Le langage commun lui-même, en distinguant entre « santé » et « salut" » nous aide à comprendre que le salut est bien plus que la santé. Il est, en effet, une vie nouvelle, pleine, définitive. En outre, Jésus, comme en d’autres circonstances, prononce ici l’expression: « Ta foi t’a sauvé ». C’est la foi qui sauve l’homme, en le rétablissant dans sa relation profonde avec Dieu, avec lui-même et avec les autres ; et la foi s’exprime dans la reconnaissance » [2]. Nous ne savons pas ce que les autres lépreux sont devenus. Certes, nous savons qu’ils ont été guéris de leur maladie physique. Mais, selon l’Évangile, Jésus ne constate que la guérison spirituelle du Samaritain, celui qui, à première vue, était le plus éloigné de la foi du peuple élu.
« Celui qui, comme le Samaritain guéri, sait remercier, démontre qu’il ne considère pas toute chose comme un dû, mais comme un don qui, même lorsqu’il parvient par l’intermédiaire des hommes ou de la nature, provient en fin de compte de Dieu. La foi comporte alors l’ouverture de l’homme à la grâce du Seigneur, reconnaître que tout est don, tout est grâce. Ce trésor est caché dans un petit mot : “merci” ! » [3]
« RENDEZ GRÂCE en toute circonstance : c’est la volonté de Dieu à votre égard dans le Christ Jésus » (1 Th 5, 18). L’antienne de la messe d’aujourd’hui, empruntée aux enseignements de saint Paul, nous invite à manifester souvent au Seigneur notre gratitude. Certes, chaque jour, au réveil, nous pouvons le remercier même pour les choses qui nous semblent aller de soi mais qui nous manqueraient si nous en étions privés : respirer, sentir, voir, marcher ; la beauté de la nature, la lumière et la chaleur du soleil, avoir une famille, la capacité d’aimer et d’être aimé… Nous chrétiens, nous remercions le Seigneur pour les merveilles de sa grâce, pour tout ce que nous avons reçu, et continuons de recevoir chaque jour, sans aucun mérite de notre part, pour avancer sur le chemin de la sainteté.
Saint François de Sales écrivait : « Considérez que tant d’années avant, vous n’étiez point au monde. Dieu vous a fait éclore de ce rien, pour vous rendre ce que vous êtes sans qu’il eût besoin de vous, mais par sa seule bonté. Considérez l’être que Dieu vous a donné ; car c’est le premier être du monde visible, capable de vivre éternellement et de s’unir parfaitement à sa divine Majesté. […] Dieu ne vous a pas mis en ce monde pour aucun besoin qu’il eût de vous, qui lui êtes complètement inutile, mais seulement afin d’exercer en vous sa bonté, vous donnant sa grâce et sa gloire. Et pour cela il vous a donné l’entendement pour le connaître, la mémoire pour vous souvenir de lui, la volonté pour l’aimer, l’imagination pour vous représenter ses bienfaits, les yeux pour voir les merveilles de ses ouvrages, la langue pour le louer… Il vous a fait à son image […] Considérez tout ce que Dieu vous a donné dans le domaine de l’esprit, du corps, de l’âme ; il vous a donné la santé, le bien-être, de bons amis… Il vous nourrit avec ses sacrements, il vous éclaire avec ses lumières, il vous a pardonné tant de fois » [4].
« Que c’est beau ce que nous disons chaque jour dans les Preces ! disait saint Josémaria. Vous pouvez vous en servir comme oraison jaculatoire : Gratias tibi, Deus, gratias tibi ! Car si nous rendons grâce, Dieu nous en donnera davantage ; mais si notre orgueil s’approprie ce qui n’est pas à nous, nous nous fermons à l’aide de notre Seigneur » [5] Tournons-nous vers Marie qui, par son humilité, parce qu’elle était reconnaissante et voyait tout comme un don de Dieu, a reçu des dons qu’elle ne pouvait même pas imaginer.
[1]. Saint Bruno de Segni, Sur l’Évangile selon saint Luc, n° 2, 40.
[2]. Benoît XVI, Angélus, 14 octobre 2007.
[3].Ibidem.
[4]. Saint François de Sales, Introduction à la vie dévote, 1ère partie, ch. 9 et suiv. III, 34.
[5]. Saint Josémaria, notes prises lors d’une réunion de famille, 19 mars 1971.
