Ce soir nous nous retrouvons dans cette Cathédrale Notre-Dame-Des-Victoires de Yaoundé pour célébrer la Messe en commémoration de Saint Josémaria Escriva, le « saint de l’ordinaire », comme le Bienheureux Jean Paul II le qualifia le lendemain de sa canonisation(Bienheureux Jean Paul II, Audience avec les pèlerins venus à la Canonisation de Josémaria Escriva, 7-X-2002).
Josémaria Escriva, par sa vie et par son témoignage, a été reconnu par l’Eglise comme un modèle de sainteté, modèle de perfection chrétienne que nous tous pouvons imiter.
Cette heureuse commémoration nous ouvre l’occasion de comprendre en profondeur le message que l’Eglise a adressé à nous tous fidèles, peuple de Dieu.
Dans la constitution dogmatique Lumen Gentium, « Lumière des Nations », les Pères de l’Eglise nous enseignent : « Il est donc bien évident pour tous que l’appel à la plénitude de la vie chrétienne et à la perfection de la charité s’adresse à tous ceux qui croient au Christ, quel que soit leur état ou leur forme de vie ; dans la société terrestre elle-même, cette sainteté contribue à promouvoir plus d’humanité dans les conditions d’existence. Les fidèles doivent s’appliquer de toutes leurs forces, dans la mesure du don du Christ, à obtenir cette perfection, afin que, marchant sur ses traces et se conformant à son image, accomplissant en tout la volonté du Père, ils soient avec toute leur âme Voués à la gloire de Dieu et au service du prochain. Ainsi la sainteté du Peuple de Dieu s’épanouira en fruits abondants, comme l’histoire de l’Eglise le montre de façon éclatante à travers la vie de tant de saints. » (LG, n° 40).
Et Saint Josémaria a répondu à cet appel de l’Esprit, dont nous parlent les Pères de l’Eglise, en toute simplicité, en faisant des actions ordinaires, mais en les faisant toutes pour l’amour de Dieu : un véritable saint de l’ordinaire.
Bien-Aimés de Dieu ! Chers Frères et Sœurs !
Dans la deuxième lecture de la Liturgie de la Parole, Saint Paul affirme la réalité de notre être chrétien. L’Apôtre explique ce que signifie être fils de Dieu :« Tous ceux qui se laissent conduire par l’Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu. […] C’est un Esprit qui fait de vous des fils ».
Par conséquent, nous entrons dans une vraie réalité profonde : la paternité de Dieu. Nous pouvons donc crier vers le Père « en l’appelant "Abba" ».
C’est dans cet Esprit que Notre Seigneur Jésus Christ, en s’adressant à ses disciples et à tous ceux qui l’écoutent, proclame : « Vous donc, soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait » (Mt 5, 48).
La sainteté, ou la perfection chrétienne, consiste dans l’accomplissement de la volonté de Dieu, ce que Saint Paul dit à la communauté des Thessaloniciens : « et voici quelle est la volonté de Dieu : c’est votre sanctification » (1 Th. 4, 3).
Cet appel à la perfection nous demande d’œuvrer et de vivre avec amour et poussés par l’Esprit de Dieu : « Et en effet – comme dit le Concile Vatican II – a tous il a envoyé son Esprit pour les mouvoir de l’intérieur à aimer Dieu de tout leur cœur, de toute leur âme, de toute leur intelligence et de toutes les forces (cf. Mc 12, 30), et aussi à s’aimer mutuellement comme le Christ les a aimés (cf. Jn 13, 34 ; 15, 12) ».
Josémaria Escriva, par sa vie et par son témoignage, a été reconnu par l’Eglise comme un modèle de sainteté, modèle de perfection chrétienne que nous tous pouvons émuler. Peut être que quelquefois la perfection chrétienne devient pour nous comme une condition éthérée, presque impossible à rejoindre. Le Pape Benoit XVI nous conseille de nous mettre « A l’écoute de qui a véritablement vécu la Parole de Dieu, c’est-à-dire les saints ».
Saint Josémaria nous montre comment y arriver avec les moyens très ordinaires, en élevant toujours notre cœur vers Dieu : « Le véritable champ de notre existence chrétienne, est la vie ordinaire. » (…) « Vous devez maintenant comprendre – avec une clarté nouvelle – que Dieu vous appelle à le servir dans et à partir des tâches civiles, matérielles, séculières de la vie humaine : c’est dans un laboratoire, dans la salle d’opération d’un hôpital, à la caserne, dans une chaire d’université, à l’usine, à l’atelier, aux champs, dans le foyer familial et au sein de l’immense panorama du travail, c’est là que Dieu nous attend chaque jour. Sachez-le bien : il y a quelque chose de saint, de divin, qui se cache dans les situations les plus ordinaires et c’est à chacun d’entre vous qu’il appartient de le découvrir. » (Saint Josémaria, Entretiens avec le Fondateur de l’Opus Dei, 113-114)
Dear Brothers and Sisters ! Beloved of God !
The saint we honor today, Saint Josemaria Escriva, had a great sense of the value of each person’s work. Through it, their baptismal calling to be the Lord’s apostles in the world takes a concrete shape and by the skill and dedication, others will be influenced by the witness.
Saint Josemaria Escriva said : «Professional work, whatever it is, becomes a lamp to enlighten colleagues and friends. That is why I usually tell those who become members of Opus Dei, and the same applies to all of you now listening to me : "What is the use in telling me that so and so is a good son of mine – a good Christian – but a bad shoemaker ?"If he doesn’t try to learn his trade well, or doesn’t give his full attention to it, he wouldn’t be able to sanctify it or offer it to Our Lord. The sanctification of ordinary work is, as it were, the hinge of true spirituality for people who, like us, have decided to come close to God while at the same time being fully involved in temporal affairs » (Friends of God, 61).
Doing our daily work to the best of our ability is our daily offering to God, and it is also an opportunity to give ourselves to others – by example we can reveal Christ to them and lead them to God the Father, knowing that the Holy Spirit works in and through us, especially when we offer charity and compassion to those in need. We are conscious also that as well as earthly bread to sustain human life we need bread from heaven to enlighten our own minds and inflame our hearts, and through our contact with others in work, and in our professional lives, we have opportunities to conversations and dealings with others to bring the words, the presence of the Lord to them.
By « work » Saint Josemaria means « Every job that is not opposed to the divine law, for every job of this kind is good and noble, and capable of being raised to the supernatural plane, that is inserted into the constant flow of love which defines the life of a child of God » (Friends of God, n° 60).
In fact, as Saint Josemaria rightly insisted, « It is time for us Christians to shout from the rooftops that work is a gift from God and that it makes no sense to classify men differently, according to their occupation, as if some jobs were nobler than others. Work, all work, bears witness to the dignity of man, to his dominion over creation. It is an opportunity to develop one’s personality. It is a bond of union with others, the way to support one’s family, a means of aiding in the improvement of the society in which we live and in the progress of all humanity » (Christ is passing by, N° 47).
It is evidence that what makes work of such importance in the mind of Saint Josémaria is the fact that it is the free, responsible activity of the human person as the one who is called by God to participate in both his creative and redemptive activity.
Bien-Aimés de Dieu ! Chers Frères et Sœurs !
Dans la première lecture, après l’avoir créé, Dieu voulait faire participer l’homme à son œuvre de création. Dans le dessein de Dieu, l’homme est appelé à soutenir et à continuer cette perfection, qui se trouve dans tout ce que Dieu a fait. On vient d’écouter ces paroles dans le livre de la Genèse : « Le Seigneur Dieu prit l’homme et le conduisit dans le jardin d’Eden pour qu’il le travaille et le garde ».
Alors l’homme est appelé par Dieu à vivre son existence, à travailler et à garder la perfection qu’il a reçue par Dieu, son Créateur.
On se souvient des paroles de Saint Irénée, le Père de l’Eglise qui disait : « La gloire de Dieu c’est l’homme pleinement vivant ». C’est vrai ! La gloire de Dieu se manifeste dans la perfection de l’homme, dans sa sainteté, comme l’Eglise nous montre à travers les vies des saints. La sainteté, ou la perfection chrétienne, consiste dans l’accomplissement de la volonté de Dieu.
Le 06 octobre 2002, dans l’homélie de la Messe de canonisation de Josémaria Escriva, le Bienheureux Jean Paul II nous rappelait : « Le travail, et toute autre activité, menée à bien avec l’aide de la Grâce, se convertissent en instruments de sanctification quotidienne. »
Dans l’Evangile d’aujourd’hui, Luc conclue l’épisode de la pêche, en écrivant : « Alors ils ramenèrent les barques au rivage et, laissant tout, ils le suivirent. »
Cet épisode de l’Evangile nous révèle comment en tout ce que nous faisons, dans toutes nos activités quotidiennes et professionnelles, dans toutes nos épreuves, il y a une constante : le Christ qui nous appelle à Le suivre. Les disciples de Jésus comprirent ce message et laissèrent tout pour Le suivre.
Mais Jésus s’adresse personnellement aujourd’hui à chacun et chacune de nous et il nous indique ce que nous devrions apprendre par Lui : « Chargez-vous de mon joug et mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez soulagement pour vos âmes ».
Dans l’audience générale du 16 février courant, Notre Saint Père Benoît XVI nous aide à comprendre comment ce joug et ce fardeau du Christ nous amènent à la véritable perfection : « … nous pouvons comprendre que le chemin avec le Christ, aller avec le Christ, « le Chemin », n’est pas un poids ajouté au fardeau déjà assez difficile de notre vie, ce n’est pas quelque chose qui rendrait encore plus lourd ce fardeau, mais il s’agit d’une chose totalement différente, c’est une lumière, une force, qui nous aide à porter ce fardeau. Si un homme porte en lui un grand amour, cet amour lui donne presque des ailes, et il supporte plus facilement toutes les épreuves de la vie, car il porte en lui cette grande lumière ; telle est la foi : être aimé par Dieu et se laisser aimer par Dieu en Jésus Christ. Se laisser aimer est la lumière qui nous aide à porter le fardeau de chaque jour. Et la sainteté n’est pas notre œuvre, très difficile, mais elle est précisément cette « ouverture » : ouvrir les fenêtres de notre âme pour que la lumière de Dieu puisse entrer, ne pas oublier Dieu car c’est précisément dans l’ouverture à sa lumière que se trouve la force, la joie des rachetés. Prions le Seigneur afin qu’il nous aide à trouver cette sainteté, à nous laisser aimer par Dieu, qui est notre vocation à tous. »
La fidélité au Christ nous ouvre le chemin vers le Père. L’amour pour le Christ nous fait reconnaître que nous sommes des véritables fils de Dieu, qui est amour.
Remercions Dieu qui nous a donné Josémaria Escriva. Maintenant nous pouvons imiter ce saint, nous identifier à lui dans notre chemin pour arriver à la sainteté. Etre disciples du Christ c’est acheminer dans sa même voie, qui est tracée par l’amour du Père pour nous : c’est la perfection, la sainteté, la perfection chrétienne, l’amour du Christ pour nous.
Par cet amour on peut comprendre comment les disciples, qui après toute la nuit n’avaient pas pris de poissons, après un moment en croyant dans les paroles puissantes de Christ, jettent encore les filets et ils trouvent les poissons.
Il est important de se tourner sans cesse vers le Christ, de remettre nos vies entre ses mains, de rechercher la volonté de Dieu, de mettre nos pas dans les pas du Seigneur ; en fait, d’entrer dans la relation filiale du Christ. Au moment de la mort de Jésus, saint Luc rapporte cette parole du Christ sur la croix :
« Père, entre tes mains je remets mon esprit ». Si Jésus, à ce moment décisif, dit cette prière, c’est parce qu’elle résume tout ce qu’a été l’attitude de Jésus, sa relation filiale, tout au long de sa vie. Il est celui qui est venu faire la mission du Père, celui qui est venu faire au jour le jour non pas sa volonté mais la volonté du Père. « Ma nourriture, dit Jésus, c’est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé et d’accomplir son œuvre ». Et il faut que les différentes composante de nos vies soient, elles aussi, vécues dans la logique de l’Evangile. Saint Josémaria parle d’ailleurs à ce propos de la nécessité de cultiver les différentes vertus naturelles. Il écrit : « Ils sont nombreux les chrétiens qui suivent le Christ, tout éblouis par sa divinité, mais ils l’oublient, lui, en tant qu’homme. Ils échouent dans la pratique des vertus surnaturelles, malgré tout un attirail extérieur de piété, parce qu’ils ne font rien pour acquérir les vertus humaines. » Et ce qui me frappe, c’est que dans son enseignement, dans les conseils qu’il donne, les conseils spirituels de sagesse parfois toute simple, Josémaria Escriva ne méprise pas ces vertus toutes simples du quotidien.
Il méditera aussi bien sur la générosité, la joie, l’audace, l’humilité, la sincérité, la loyauté, la véracité, l’amitié, la responsabilité, la pénitence.
Cet amour du Seigneur et cette sanctification de notre vie ne sont pas choses acquises une fois pour toutes, comme si tout cela n’était qu’un passé sur lequel nous pouvons nous reposer. Bien sûr, l’Esprit Saint nous a fait parcourir tout un chemin à la suite du Christ ; nous avons découvert un certain nombre de choses ; nous ne sommes plus exactement aux premiers pas de notre vie chrétienne, mais en même temps nous savons que nous ne pouvons jamais nous installer dans l’aujourd’hui ; que cet amour du Seigneur est quelque chose de vivant : ou bien cela augmente, ou bien cela diminue ; que cette sanctification de la vie, c’est toujours quelque chose à reprendre, c’est toujours quelque chose qui doit nous irriguer, et cette irrigation, jusqu’à notre mort, n’est jamais achevée : il faut sans cesse reprendre le travail et l’approfondir. Donc, au cours de cette messe, nous pouvons nous demander où nous en sommes : est-ce que tout va parfaitement bien ? Ou bien, quels sont pour nous, encore, aujourd’hui, les points de conversion que le Seigneur nous donne à voir, grâce à son esprit, plus clairement.
Il faut pourtant ajouter tout de suite quelque chose, que nous rappellent les saints : c’est que la sanctification de la vie ne vient pas de nous seuls, elle est un don du Seigneur, que nous avons à demander quotidiennement.
Certes, c’est un don qui fait appel à notre responsabilité, à notre liberté, à note collaboration, mais cela reste toujours un don de Dieu, à demander, comme des pauvres et des mendiants, dans la prière. Et je crois que s’il y a un lieu où ce don nous est particulièrement manifesté, c’est l’Eucharistie. L’Eucharistie est ce lieu, tout d’abord, où le Seigneur vient à notre rencontre, nous donne rendez-vous. Nous voulons donc rejoindre le Seigneur, aller à sa rencontre ; recevoir le Seigneur et être reçu par Lui ; accueillir le Seigneur et être accueilli par Lui. Seigneur, à qui irions-nous ? C’est toi qui a les paroles de la vie.
L’Eucharistie est aussi ce lieu où le Seigneur vient à nous avec sa parole, et donc c’est le moment de vérifier notre qualité d’écoute du Seigneur, la qualité de veille, d’attention, de vigilance. Comment la présence du Seigneur nous habite-t-elle dans notre vie quotidienne ?
Comment sa parole, la recherche de sa volonté, va éclairer notre vie de tous les jours, les paroles que nous avons à dire, les actes que nous avons à poser, les relations que nous avons à vivre ? Et puis, dans l’Eucharistie, est offert au Père, par nos mains, les sacrifices même de Jésus, celui qui se donne au Père pour le salut de tous les hommes.
Et nous sommes invités nous-mêmes, au cœur même de la prière eucharistique, à nous associer à ce sacrifice du Christ, à nous donner nous-mêmes en sacrifice, à donner notre vie, à livrer notre vie. Je pense à ce que Saint Paul disait aux Chrétiens de Rome : Je vous exhorte donc, frères, au nom de la miséricorde de Dieu, à vous offrir vous-mêmes en sacrifice vivant saint et agréable à Dieu. Ce sera là votre culte spirituel. Ne vous conformez pas au monde présent, mais soyez transformés par le renouvellement de votre intelligence, pour discerner quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bien, ce qui lui est agréable, ce qui est parfait. Et donc l’offrande de notre vie avec le Christ, notre participation avec le Christ à son sacrifice, nous invite ensuite à vivre cette offrande, ce sacrifice, ce don de nous-mêmes, cette recherche de la volonté de Dieu, dans ce qui fait le quotidien de nos journées. Le Pape Jean-Paul II disait dans sa lettre sur l’Eucharistie, Mane Nobiscum Domine : « Ce que nous vivons dans notre vie quotidienne est la vérité de nos célébrations ».
Il y a un test de la vérité de nos célébrations, c’est de voir comment ce sacrifice du Christ auquel nous nous unissons devient notre logique de vie, dans la vie de tous les jours. Car au cœur de la prière eucharistique, au moment même où nous nous unissons au sacrifice du Christ, le Seigneur Jésus fait de nous les membres de son Corps.
C’est pour cela que dans la prière eucharistique nous prions pour l’Eglise, c’est-à-dire pour qu’elle soit véritablement ce Corps que le Seigneur ressuscité se donne aujourd’hui dans le monde. Et c’est pour cela qu’il y a un lien entre la communion que l’on reçoit et l’envoi final. Saint Augustin avait une très belle formule, en disant : « Soyez maintenant, dans votre vie de tous les jours, ce que vous avez reçu. Au moment où tu es venu communier, on t’a dit : « Le Corps du Christ » ; eh bien, sois un membre du Corps du Christ dans ta vie quotidienne pour que ton « amen » soit vrai ». C’est là justement que nous aurons à vivre cette participation à la rédemption dont parlait l’oraison de ce jour, et en même temps, la réponse à cet appel à l’apostolat, avec toute l’Eglise.
Remercions Dieu qui nous a donné Josémaria Escriva. Maintenant nous pouvons imiter ce saint, nous identifier à lui dans notre chemin pour arriver à la sainteté.
Dans cette célébration eucharistique élevons nos cœurs à Notre Mère, Mère de l’Eglise, à la Vierge Marie qui – avec son fiat et son accomplissement de volonté de Dieu, la Parole – est le modèle par excellence de la perfection : qu’elle nous accompagne jusqu’à atteindre cette perfection, la sainteté de vie, à laquelle nous tous sommes appelés.
LOUE SOIT JESUS CHRIST !