Méditation : dimanche de la 15ème semaine du Temps ordinaire (cycle C)

Les thèmes proposés pour la méditation sont : « Le commandement est dans ta bouche et dans ton cœur » ; nous sommes frères et sœurs dans le Christ ; une vraie compassion.


UN PHARISIEN tente de provoquer Jésus en lui posant une question difficile : quel est le cœur de la Loi et des prophètes ? Le Maître lui retourne la question pour qu’il y réponde lui-même. Son interlocuteur tombe juste en citant une phrase du Deutéronome : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ton intelligence, et ton prochain comme toi-même » (Lc 10, 27).

Ce passage du Deutéronome appartient à une scène que l’Église reprend dans la première lecture de la messe d’aujourd’hui. Moïse exhorte le peuple à aimer Dieu par-dessus tout. Il l’y encourage en lui disant qu’aimer n’est pas aussi difficile qu’on le croit. Il lui fait ce raisonnement : « Car cette loi que je te prescris aujourd’hui n’est pas au-dessus de tes forces ni hors de ton atteinte. Elle n’est pas dans les cieux, pour que tu dises : “Qui montera aux cieux nous la chercher ? Qui nous la fera entendre, afin que nous la mettions en pratique ?” Elle n’est pas au-delà des mers, pour que tu dises : “Qui se rendra au-delà des mers nous la chercher ? Qui nous la fera entendre, afin que nous la mettions en pratique ?” Elle est tout près de toi, cette Parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur, afin que tu la mettes en pratique » ( Dt 30, 11-14).

À quoi renvoie ce texte qui dit que le commandement de l’amour est plus proche que les hauteurs du firmament ou que les terres d’au-delà des mers ? On devine que la réponse se trouve dans la parabole du bon Samaritain qu’on va lire dans l’Évangile. On y voit un homme qui en sauve un autre et devient, de ce fait même, son prochain. On comprend que l’amour de Dieu se traduit dans l’amour de celui qui nous est proche. Et l’on entrevoit alors ce mystère de l’union entre les deux amours. Comme le disait saint Josémaria : « Dans tout acte de fraternité, l’intelligence et le cœur ne peuvent distinguer le plus souvent s’il s’agit d’un service rendu à Dieu ou d’un service rendu à des frères : car, dans le second cas, ce que nous faisons, c’est de servir Dieu deux fois »[1].


AIMER LE PROCHAIN est aussi une façon d’aimer Dieu, de même qu’un professeur qui enseigne bien sa matière et facilite l’apprentissage de ses élèves peut être remercié tant par les élèves que par leurs parents. Quand nous nous mettons au service d’une autre personne, Dieu nous manifeste sa gratitude. Le fondement de cette explication, qui nous fera mieux comprendre la parabole, se trouve dans la seconde lecture de la messe.

Jésus Christ a uni les hommes entre eux par son propre sacrifice. Depuis lors, les baptisés sont frères dans le Christ et, par conséquent, enfants d’un même Père. Cette réalité, mystérieuse et sublime, est formulée par saint Paul dans sa lettre aux Colossiens. Il y explique que le Christ est le commencement, le premier-né d’entre les morts, la tête de l’Église ; son sang a rétabli la paix parmi les créatures de la terre comme de celles du ciel (cf. Col 1, 17-20). En nous unissant à lui par son sang, Jésus a fait de nos voisins des prochains, des frères qui méritent notre compassion. C’est pourquoi saint Josémaria avait un cœur si universel : le bien et le salut de tous les hommes lui importaient ; il voyait bouillir en eux « tout le sang du Christ »[2].

Les saints ont reçu des lumières divines pour mieux saisir cette vérité. Nombre d’entre eux ont créé des œuvres d’apostolat, car ils avaient compris que se soucier des autres revient à s’occuper du Christ. On raconte, par exemple, qu’une personne s’était exclamée, en visitant un mouroir tenu par des religieuses : « Vous faites un travail vraiment admirable ! Je ne le ferai pas pour un million de dollars ». Une religieuse lui répondit tout simplement : « Nous non plus ».


LE MAÎTRE de la loi demande à Jésus quelle est la véritable signification du mot « prochain ». Le Seigneur répond par une parabole. Un homme descend de Jérusalem, située à quelque 750 mètres au-dessous du niveau de la mer, à Jéricho, située 250 mètres plus bas encore. Le voyageur doit donc descendre plus de 1000 mètres, au long de quelque vingt-cinq kilomètres d’un chemin désert et escarpé. Tout cela confère une atmosphère de danger au récit. D’ailleurs, le voyageur est attaqué et blessé, abandonné au bord de la route. Un prêtre, un lévite passent leur chemin, bien qu’ils desservent le Temple de Jérusalem. Ils ont peur d’intervenir. C’est un Samaritain, un hérétique aux yeux des juifs (cf. 2 R 17) qui s’arrête, soigne les blessures de la victime et l’emmène dans une auberge pour que l’on prenne soin d’elle pendant sa convalescence. Jésus demande alors au pharisien : « “Lequel des trois te semble avoir été le prochain de celui qui est tombé aux mains des bandits ?” Celui-ci lui répondit : “Celui qui a eu pitié de lui”. “Eh bien, lui dit Jésus, va et fais de même” » (Lc 10, 36-37).

« La vie est faite de rencontres, et dans ces rencontres, nous nous révélons tels que nous sommes. Nous nous trouvons face à l’autre, face à sa fragilité et à sa faiblesse, et nous pouvons décider de ce que nous allons faire : nous occuper de lui ou faire comme si de rien n’était »[3]. Nous trouverons inévitablement sur notre chemin des personnes qui, comme le voyageur de la parabole, auront besoin de notre aide : un sans-abri, une vieille femme infirme, un malade isolé… Jésus nous enseigne, dans cette parabole, que « la compassion s’exprime par des gestes concrets. L’évangéliste Luc s’attarde sur les actions du Samaritain, que nous appelons “bon”, mais qui, dans le texte, est simplement une personne : le Samaritain se fait proche, parce que si l’on veut aider quelqu’un, on ne peut pas penser à se tenir à distance, il faut s’impliquer, se salir, peut-être se contaminer ; il panse ses blessures après les avoir nettoyées avec de l’huile et du vin ; il le charge sur sa monture, c’est-à-dire qu’il le prend en charge, parce qu’on aide vraiment si l’on est prêt à sentir le poids de la douleur de l’autre ; il l’emmène à l’hôtel où il dépense de l’argent, “deux deniers”, plus ou moins deux jours de travail ; et il s’engage à revenir et éventuellement à payer à nouveau, parce que l’autre n’est pas un colis à livrer, mais quelqu’un dont il faut prendre soin »[4]. Demandons à la Sainte Vierge de nous donner un cœur de mère comme le sien qui nous fasse éprouver une authentique compassion pour notre prochain.


[1] Saint Josémaria, Instruction, mai 1935 — septembre 1950, no 75.

[2] Saint Josémaria, Quand le Christ passe, no 80.

[3] Léon XIV, Audience, 28 mai 2025.

[4] Ibid.