Sourire et joie

Sourire parce que Dieu sourit, sourire parce que je suis risible avec mes défauts, sourire parce que les autres en ont besoin. Tels sont les trois sourires qui doivent caractériser un chrétien.

Article de Carlo de Marchi, Vicaire de l’Opus Dei pour le Centre-Sud de l’Italie.

« On ne peut annoncer l’Evangile avec une tête d’enterrement ». Cette provocation du Pape François n’est pas une plaisanterie fortuite et l’idée que les chrétiens ne doivent pas se montrer tristes n’est pas nouvelle. Nietzsche disait : « Ils devraient chanter mieux pour que je me décide à croire en leur Sauveur ! Il faudrait que ses disciples aient plus des têtes de sauvés ! »

Mais comment arriver à sourire alors que les préoccupations, les soucis du travail, les petits contretemps et les grandes douleurs sont si fréquents dans la vie ?

Le premier sourire est fondamental : « Celui qui règne dans les Cieux s’en amuse » dit la Bible [1]. Et aussi : « La joie du Seigneur est votre rempart »[2]. C’est le sourire de Dieu. La joie avec laquelle le Créateur contemple chacune de ses créatures doit être le fondement solide de la sérénité et de la paix pour chacun de nous.

Mais ne serait-ce pas un manque de révérence que de penser que Dieu, le Seigneur de l’Univers, peut sourire ? « Dieu doit d’autant plus nous aimer que nous le faisons plus rire », dit un personnage de Ray Bradbury. « Personne n’a jamais imaginé Dieu comme un humoriste », lui répond-on. Et sa réplique immédiate : « Celui qui a créé l’ornithorynque, le chameau, l’autruche ou l’homme ? Allons-donc ! »

Le deuxième sourire est celui qui vient quand je me regarde. Sans perdre de vue mon humanité, mes limites, qui ne sont pas forcément des défauts et ne doivent pas être pris trop au sérieux. Mon Créateur m’a voulu ainsi, tel que je suis, car s’Il m’avait voulu différent, Il m’aurait fait différent.

Benoît XVI a dit un jour[3] : « Je trouve qu'il est très important de savoir cueillir les côtés amusants de la vie avec leur dimension joyeuse, et de ne pas tout prendre de façon tragique, et je dirais que cela est même nécessaire pour mon ministère. Un écrivain a dit que les anges pouvaient voler parce qu'ils ne se prennent pas trop au sérieux. Et nous, nous pourrions peut-être voler un peu plus, si nous ne nous donnions pas toujours de grands airs.

Sourire est un acte d’humilité ; cela veut dire que je m’accepte moi-même, avec ma manière d’être, en restant là où je suis, dans la paix. Sans trop me prendre au sérieux, car « la gravité n’est pas une vertu. Ce serait peut-être une hérésie, mais une hérésie beaucoup plus sensée que celle de dire que la gravité est un vice. C’est un penchant ou un travers des plus naturels que se prendre au sérieux, car il n’y a rien de plus aisé… La solennité jaillit naturellement de l’homme alors que le rire est un bond. Il est facile d’être grave, difficile d’être léger. Satan est tombé par la force de gravité » a écrit Chesterton [4].

Le troisième sourire est la conséquence des deux précédents. C’est celui avec lequel j’accueille les autres, surtout ceux avec lesquels je vis et je travaille, en leur manifestant de l’affection et sans donner trop d’importance aux éventuelles erreurs ou frictions. Mère Térésa de Calcutta, recevant le Prix Nobel, surprit son auditoire lorsque, d’un air joyeux, elle leur fit cette suggestion : « Souriez-vous les uns aux autres, prenez du temps pour être auprès de vos familles. Souriez-vous mutuellement ».

« La manière dont quelqu’un s’habille, sa façon de rire et sa démarche révèlent ce qu’il est » dit le Livre de Ben Sirac le Sage[5].

Le sourire peut être véritablement le signe qui permet à autrui de reconnaître un chrétien.


[1] Ps 2, 4

[2] Neh 8, 10

[3] Entretien 5 août 2006

[4] Orthodoxie, Ed. Flammarion, 2010

[5] Si, 19, 30