Un saint en trois mots

A l’occasion du 40e anniversaire de la mort de Josémaria Escriva, nous vous présentons ce saint de manière originale…

A. de la Herran - Ch. Piasecki, Triptyque de saint Josémaria (2002), église paroissiale Notre-Dame-de-l'Assomption, Saint-Tropez (Var)

Escriva, le citoyen

Le maire de Barbastro lui impose la médaille d'or de sa ville natale (1975)

Les ailes de la foi portent au-delà du temps et des lieux, sans couper ces racines. Saint Josémaria Escriva, paladin de la foi, portait avec élégance son histoire : l’échiquier des aïeux dans les armoiries ; la souche narbonnaise, du côté de sa mère ; du côté paternel l’attachement à Balaguer, ville catalane bien connue par la Chanson de Roland ; les traditions universitaires. Il savait aussi relativiser les partis pris du passé : pour son doctorat en Droit à Madrid (1939), sa recherche historique mit en évidence les droits de la femme. Ses liens géographiques étaient vastes : Barbastro, son berceau aragonais ; sa nationalité espagnole ; la Ville Éternelle qui l’accueillit pendant la moitié de sa vie ; l’Europe occidentale qu’il parcourut en évangélisateur, après la guerre ; et l’Amérique Latine qu’il visita, du Mexique au Brésil, depuis 1970.

Escriva devint prêtre du Christ sans abdiquer de sa condition de citoyen. Il fut sensible à la solidarité sociale, à la culture qui rend libre. Il garda des contacts avec Barbastro et plaida pour que la ville garde son ancien siège épiscopal, datant de 1101. La municipalité lui accordera la distinction de « fils illustre » (1947) et la médaille d’or de la ville (1975) : à travers les initiatives pastorales, comme le Sanctuaire de Torreciudad, il a œuvré pour le développement local.

Pendant l’année académique 1940-1941, il enseigna l’éthique professionnelle à l’école de journalisme de Madrid. Les élèves rappellent ses phrases, qui choquaient avec la censure du régime : « Sans liberté, il n’y pas de journalisme, mais que de la propagande ». En 1959, l’anglais Tom Burns présentait dans The Times plusieurs personnalités de relief international ;

La faculté de Lettres de l'Université de Saragosse l'accueille comme docteur honoris causa (1960)

dans le profil d’Escriva, Burns soulignait la « normalité » : rien de fanatique, mais la souplesse et le bonheur ; « très humain » tel que Thomas More, concluait l’écrivain.

En 1952 il lança un début d’université en Navarre, sous la tutelle de l’académie de Saragosse, qui lui décernera ensuite le doctorat honoris causa (1960). Les villes de Pampelune (1960) et de Barcelone (1966) lui offrent le titre de « fils adoptif », en raison de ses initiatives culturelles et sociales. L’Université de Navarre surmonta, avec le soutien de l’épiscopat, le monopole étatique ;

Discours académique à l'Université de Navarre, en tant que Grand Chancelier (1967)

dans une intervention mémorable (1967), il n’hésita pas à réclamer à l’État une attitude équitable à l’égard de l’université libre (Entretiens §121). Par une série de cinq décorations, les pouvoirs publics honorèrent ses mérites dans la culture, le Droit, l’éducation, la solidarité et le rayonnement international. Escriva, homme de foi, n’a pas oublié la cité des hommes.

Escriva, l’évangélisateur

Comme un message silencieux, des empreintes de pas dans un matin enneigé éveillèrent un appel au sacerdoce. Canonisé presque un siècle plus tard (2002), saint Josémaria Escriva fait figure de maître d’évangélisation sur les chemins du monde.

Prêtre à Saragosse (1925) et à Madrid (1927), son dévouement à la pastorale rurale, hospitalière et sociale ne l’éloigna pas de son cursus académique en Droit. Tous les domaines étaient aptes pour annoncer la vérité qui rend libre.

Prêchant l'homélie lors d'une messe sur le campus de l'Université de Navarre (Pampelune, 1967)

Vibrant au diapason de la Parole suprême, sa prédication était convaincante. Le baiser rituel de l’évangéliaire, dans la liturgie de la Parole, était le prélude brûlant de ses homélies (P. Rodriguez, L’homélie du campus [1967], 18/01/2003). Il assimilait la Parole dans sa vie et la proposait pour être vécue à son tour.

Bon connaisseur de l’Écriture et de la Tradition, Mgr Escriva plongeait surtout dans les évangiles, pour chercher le contact vital avec le Sauveur « qui passe » tout près. L’Esprit l’éclairait ; la Parole configurait son être et ses amours. « L’interprétation la plus profonde de l’Écriture vient de ceux qui se sont laissés modeler par la Parole de Dieu » (Benoît XVI, La Parole du Seigneur §48).

Saint Josemaria adresse un geste chaleureux à l'un de ses interlocuteurs, Buenos Aires (1974)

De consonance catalane, son nom de famille lui permettait de plaisanter sur sa qualité d’« écrivain » ; de fait, à la fin de sa vie, il léguait une somme de textes décisifs. Mais ses pages ne sont pas nées dans une chaire académique ou dans la pénombre des bibliothèques. Avant d’écrire, Escriva parlait avec Dieu et avec ses frères. Les enregistrements conservés, même de réunions informelles en Europe et en Amérique, attestent une capacité de communication qui dépasse la rhétorique normative. L’amour donnait force et fruit à son message sacerdotal.

Vitrail "Triptyque des Saints du XX° siècle (2011), A. de Chateauvieux, église du Sacré-Coeur, Saint-Leu (Ile de la Réunion)

En 2008, un synode réfléchit sur la Parole de Dieu dans l’Église. Mgr Echevarria, prélat de l’Opus Dei, rappela que le fondateur, en tant que lecteur et prédicateur, entrait « comme un personnage de plus » dans les récits et dialogues, pour se greffer dans l’événement de salut. Ce témoignage laissa une trace. L’exhortation pontificale signalerait pour la première fois, parmi ceux qui reflètent l’authenticité de la Parole, « saint Josémaria Escriva, dans sa prédication sur l’appel universel à la sainteté » (ibidem). Ces rayons de lumière nous rapprochent de l’unique Source.


Escriva, le pasteur

Sa bénédiction finale de la messe

Si la famille chrétienne est comme le modèle en miniature de l’Église, saint Josémaria comprit l’Église depuis son enfance, par les prières et la catéchèse spontanée, par l’amour au sein du foyer et l’ouverture aux pauvres.

La famille Escriva était établie à Barbastro, ancien siège épiscopal, situé près des Pyrénées. Josémaria y reçut les sacrements de l’initiation chrétienne ; il fréquenta la cathédrale de style Renaissance, où il admirait les sculptures du Crucifié et de la Dormition. Il suivit les études pour le sacerdoce à Saragosse, où il fut incardiné comme prêtre ; le diocèse avait perdu son archevêque sous la furie anarchiste en 1923. Il apprit déjà à pardonner, ainsi qu’il le fit à Madrid pendant la cruelle persécution religieuse.

Apôtre de la réconciliation, beaucoup de mourants trouvèrent en lui un père pour les derniers instants.

Il renforça l’autorité des évêques et leur offrit son service et son amitié. Poussé par ses responsabilités de fondateur, il s’installa à Rome pour accentuer l’adhésion « de proximité » avec la papauté. La vue de la lointaine coupole de Saint-Pierre, à son arrivée (1946), lui arracha une profession de foi ; sa première nuit à Rome, logé juste en face des appartements pontificaux, fut une veillée filiale. Quelques jours plus tard Pie XII, qui lui avait déjà adressé un texte autographe, le reçut en audience. Par la suite, Jean XXIII et Paul VI s’appuyèrent sur lui pour des initiatives d’évangélisation et de promotion sociale dans le diocèse de Rome et en faveur de l’Église universelle.

Paul VI embrasse mgr Escriva après l'inauguration d'un centre social, Rome (1965)

Pendant le concile Vatican II, de nombreux cardinaux et évêques le rencontrèrent. Le concile lui doit des intuitions permanentes sur l’appel universel à la sainteté. En 1965, Mgr Escriva prononçait un mot d’accueil en italien devant le pape Montini, venu inaugurer un centre de formation professionnelle dans la périphérie de la Ville Éternelle. Paul VI conclut sa visite par une accolade et un éloge : « Ici, tout est l’Œuvre de Dieu ».

Son ministère de prêtre gravitait autour de la liturgie et de la cohésion du Corps Mystique : « le Christ, Marie, le Pape ». Sa piété à l’égard de Notre Dame, Mère de l’Église, brille comme un joyau de son héritage spirituel.

Il vénère un tableau de Notre-Dame, pendant son pèlerinage à la Basilique de Guadalupe, Mexique (1970)

Saint Josémaria vénère un tableau de Notre-Dame, pendant son pèlerinage à la Basilique de Guadalupe, Mexique (1970)

Abbé Antoine Fernandez