Voici, en avant première, l’étude de L.F. Mateo-Seco, prêtre de la Société Sacerdotale de la Sainte Croix décédé en février 2015, sur la dévotion de saint Josémaria envers Saint Joseph que publiera le n° 59 de Romana
Voici, en avant première, l’étude (1) de L.F. Mateo-Seco, prêtre de la Société Sacerdotale de la Sainte Croix décédé en février 2015, sur la dévotion de saint Josémaria envers Saint Joseph que publiera le n° 59 de Romana.
La dévotion envers saint Joseph était profondément ancrée dans l’âme de saint Josémaria depuis son plus jeune âge. En 1971, lorsqu’il évoquait comment en 1934 il avait confié au Saint Patriarche les démarches pour se procurer un premier tabernacle, il avouait : Au fond de mon âme j’avais déjà envers saint Joseph la dévotion que je vous ai transmise (2).
Cette dévotion est présente, solidement et clairement exposée dans ses écrits de 1933. Ceci dit, saint Josémaria la vivait depuis longtemps comme Saint Rosaire qu’il écrivit en 1931 le laisse deviner. Vivante et très touchante, elle ne fit que croître jusqu’à la fin de sa vie (3).
1. Introduction
Joseph était un homme juste, un homme plein de toute vertu, comme cela seyait à qui devait être le protecteur de Dieu sur la terre
Dans les trois points que Chemin consacre à la dévotion à saint Joseph, il y a déjà quelques raisons théologiques qui la fondent. .Saint Josémaria écrit au numéro 559: Saint Joseph, père du Christ, est aussi ton Père et Seigneur. Va le trouver! (4)
La fermeté avec laquelle il appelle ici saint Joseph père du Christ est significative. Par la suite, dans son homélie du 19 mars 1963, entièrement consacrée à saint Joseph (5), il explicitera le sens qu’il accorde à cette paternité en s’inspirant de la considération bien connue de Saint Augustin dans son Sermo 51, 20 : Le Seigneur n'est pas né de la semence de Joseph; ceci dit,, de sa piété et de son amour, Joseph eut un fils de la Vierge Marie, qui était le Fils de Dieu (6).
Pour saint Josémaria, la paternité de saint Joseph concernant Jésus n’est pas une paternité selon la chair, mais une paternité réelle et unique issue de son véritable mariage avec Sainte Marie et de sa mission tout à fait spéciale, qui est la raison pour laquelle l’Église et tout chrétien l’invoquent en tant que « Père et Seigneur ».
Dans l’homélie que nous venons de citer, saint Josémaria ajoute: Depuis de longues années, j’aime m’adresser à lui sous une invocation touchante : Notre Père et Seigneur (7) Et d’expliquer : Saint Joseph est réellement Père et Seigneur, qui protège et accompagne sur leur chemin ici-bas ceux qui le vénèrent, tout comme il protégea et entoura Jésus quand il grandissait et devenait un homme (8).
L’abbé P.Rodriguez, dans son édition critico-historique de Chemin, se dit que saint Josémaria a certainement emprunté l’expression Père et Seigneur à sainte Thérèse d’Avila qui eut une grande influence non seulement au Carmel mais aussi dans l’Église toute entière en ce qui concerne la dévotion à Saint Joseph (9).
Dans Chemin, les conséquences de cette “paternité” concernent le magistère de Saint Joseph sur la “vie intérieure”. Au n° 560, il dit : « Notre Père et Seigneur Saint Joseph est maître de la vie intérieure. — Mets-toi sous son patronage et tu éprouveras l’efficacité de son pouvoir. Et au n° 561 : Voilà ce que Sainte Thérèse dit dans le livre de sa vie : « Que ceux qui ne trouveraient pas de maître pour leur enseigner l'oraison prennent pour maître ce glorieux saint, et ils ne s'égareront pas en chemin ». C’est le conseil d’une âme expérimentée. Suis-le. C’est la relation intime et continue que saint Joseph cultiva toute sa vie durant avec Jésus et Marie, que saint Josémaria évoque pour étayer ses deux conseils.
Les trois numéros de Chemin cités situent la pensée de saint Josémaria sur saint Joseph sur deux coordonnées essentielles : la vérité de sa paternité sur Jésus et l’influence du saint Patriarche dans l’histoire du salut. Ces numéros sont d’emblée les témoins d’une pensée joséphologique mature et d’une ferme conviction théologique, perçue à travers la fermeté toute simple avec laquelle il appelle saint Joseph « père » de Jésus, sans la moindre hésitation (10).
2. Une solide tradition précédente
Avec la sobriété et la précision de son langage, saint Josémaria sait qu’il est dans la ligne d’une solide tradition ecclésiale concernant la théologie et la dévotion au Saint Patriarche. Sa pensée sur saint Joseph est riche, solide et constante et il y a chez lui, avec sa délicate piété personnelle suscitée par le Saint Esprit, une extraordinaire information sur les questions théologiques concernant saint Joseph ainsi que la conscience d’évoluer sur un terrain sûr (11).
Il est bien connu qu’en 1870, Pie IX, avec son décret Quemadmodum Deus (8-XII-1870) avait déclaré Saint Joseph patron de l’Église Universelle et que le 15 août 1889, Léon XIII avait publié son encyclique Quamquam pluries consacrée au saint Patriarche. C’est dans cette encyclique d’une grande rigueur de pensée, que l’on trouve les lignes essentielles de la théologie sur saint Joseph lorsqu’elle invoque les raisons pour lesquelles il doit être considéré patron de l’Église Universelle.
La première raison évoquée par le pape est que saint Joseph est l’époux de Marie et que de ce fait, il est père de Jésus qui est un bien — le bonum prolis—de ce mariage.
Dans ce texte, la vérité du mariage entre sainte Marie et saint Joseph est hors de doute et conduit directement à la vérité de la paternité de saint Joseph sur Jésus.
Mariage et paternité sont deux réalités qui définissent les deux traits essentiels de la vocation divine de saint Joseph: il a été appelé à réaliser ces deux tâches voulues en elles-mêmes par Dieu, avec leur valeur propre. C’est dans cette vocation-là que les autres grâces qu’il a reçues trouvent leur raison d’être. C’est en effet en elle que réside la raison ultime de « sa dignité, de sa sainteté et de sa gloire » (12).
Leon XIII considère que le mariage avec la Sainte Vierge est la raison ultime de tout ce qui touche à la personne de saint Joseph parce que la vérité et la perfection de ce mariage « exige » la participation à ses biens et plus concrètement, au bien des enfants, bien que l’enfant ait été engendré virginalement. Le pape définit ce mariage comme « la société et l'union la plus intime de toutes, qui entraîne par nature la communauté des biens entre l'un et l'autre conjoints. Aussi, en donnant Joseph pour époux à la Vierge, Dieu lui donna non seulement un compagnon de sa vie, un témoin de sa virginité, un gardien de son honneur, mais encore, en vertu même du pacte conjugal, un participant à sa « sublime dignité » Il est, de ce fait, « le gardien légitime et naturel de la Sainte Famille » (13).
Dans ce sens, Léon XIII est ici dans la ligne de pensée de saint Ambroise et de saint Augustin, parfaitement formulée par saint Thomas d’Aquin: Il y eut entre sainte Marie et saint Joseph un mariage vrai et parfait. Étant donné la virginité perpétuelle de sainte Marie, quelques auteurs anciens ont eu une certaine difficulté à considérer que cette union fût un vrai mariage (14).
Ces hésitations se sont estompées en faveur de l’authenticité du mariage,
grâce, entre autres, à la ferme prise de position de saint Ambroise 15 et de saint Augustin (16). Ce qui n’a pas empêché que des auteurs aussi importants que saint Bernard (+1153) aient été très précautionneux face à l’affirmation du mariage entre saint Joseph et sainte Marie où n’aient pas estimé que ce fût un élément essentiel dans la théologie de Saint-Joseph 17). La position de saint Thomas d’Aquin (+1274) ne permet aucun doute: l’union entre Joseph et Marie fut un mariage vrai et parfait puisqu’en lui il y eut l’union sponsale de leurs esprits (18).
Il ne faut pas oublier que considérer l’union entre Joseph et Marie comme un vrai mariage se plie tout à fait au langage du Nouveau Testament qui n’hésite pas à dire que sainte Marie était “la femme” de Joseph. Il n’y a pas non plus d’ambiguïté concernant la virginité de sainte Marie même dans les passages où elle est appelée épouse de Joseph (cf. p.ex. Mt 1, 16-25), ni d’hésitations à appeler Joseph père de Jésus, ni à montrer qu’il agissait en tant que tel (cf. p.ex. Lc 2, 21-49).
3. La figure de saint Joseph dans l’enseignement de saint Josémaria
Dès ses premiers écrits, saint Josémaria décrit saint Joseph comme étant un homme jeune, sans doute un peu plus âgé que sainte Marie, mais dans la plénitude de ses forces et de la vie. Le saint Patriarche n’était pas un vieillard, mais un homme jeune, fort, courageux, vivement attaché à la loyauté, avec une grande force d’âme. La Sainte Écriture n’emploie qu’un mot pour le définir « juste » (cf. Mt 1, 20-21). Joseph était un homme juste, un homme plein de toute vertu, comme cela seyait à qui devait être le protecteur de Dieu sur la terre (19).
À la base de cette description, il y a la conviction que lorsque Dieu accorde la vocation, il octroie les grâces nécessaires à celui qui en fait l’objet et que, de ce fait, il enrichit saint Joseph des dons de la nature et de la grâce qui en firent un digne époux de sainte Marie et le chef de la Sainte Famille. Il est clair aussi que, d’une façon analogue au rôle de la Très Sainte Vierge, celui de saint Joseph n’est pas quelque chose d’accidentel, mais une partie essentielle du plan divin du salut.
Lorsque dans sa prédication saint Josémaria insiste sur la jeunesse de saint Joseph, il s’appuie aussi sur trois raisons essentielles: le bon sens avec lequel on doit lire la Sainte Écriture où à tout instant, le mariage est présenté comme un mariage normal, (alors que le mariage d’une jeune fille avec un vieillard n’aurait rien eu de normal). L’idée que la communion des esprits est propre au mariage, à l’amour existant entre eux et surtout, que la sainte pureté n’est pas une question d’âge puisqu’elle découle de l’amour.
Je ne suis pas d’accord avec la façon classique de représenter saint Joseph comme un vieillard, même si ça part de la bonne intention de souligner la virginité perpétuelle de Marie. Moi, je l’imagine jeune, fort, avec quelques années de plus que notre Dame, mais en la plénitude de l’âge et de l’énergie humaine. Pour vivre la vertu de chasteté, il ne faut pas attendre d’être vieux ou de manquer de vigueur. La pureté naît de l’amour et pour un amour limpide ni la fermeté, ni la joie de la jeunesse ne sont des obstacles. Le cœur et le corps de saint Joseph était jeunes quand il épousa Maria, quand il connut le mystère de sa Maternité divine, quand il vécut près d’elle en respectant l’intégrité que Dieu voulait léguer au monde comme un signe de plus de sa venue parmi les créatures (20).
Pour saint Josémaria il est « inacceptable » de dépeindre saint Joseph comme un vieillard, afin de faire taire les esprits tordus (21).
Et il serait tout aussi inacceptable non seulement de douter de la vérité de son mariage avec sainte Marie, mais de ne pas prendre en considération l’amour existant entre eux.
3.1. L’amour entre saint Joseph et la Vierge
Mgr Xavier Echevarria qui transcrivit ce que saint Josémaria dit aux pieds de Notre Dame de Guadalupe est un précieux témoin de la façon dont il contemplait les relations entre Marie et Joseph. Une famille composée par un homme jeune, droit, travailleur, énergique et une femme, presque une enfant, qui, grâce à leur mariage rempli d’amour limpide, trouvent en leur vie le fruit de l’amour de Dieu pour les hommes. Elle assume l’humilité de ne rien dire : quelle leçon pour nous tous, toujours prêts à claironner nos exploits. Lui, agit avec la délicatesse d’un homme droit — l’instant où il perçut que sa femme, sainte, attendait un heureux événement fut sans doute très dur !— et ;ne voulant pas entacher la renommée de cette créature, il se tait, tout en réfléchissant à la façon d’arranger les choses. Alors la lumière de Dieu, qu’il avait sans aucun doute demandée depuis le premier instant, se fait et il se plie sans hésiter aux desseins du Ciel (22).
L’authenticité du mariage comporte l’existence d’un amour conjugal, de la joie d’une vie commune, dans l’engagement. Il est donc logique de penser que ces traits ont été très présents dans le mariage entre Joseph et Marie. Dieu a ajouté à cet amour, le fruit de sainte Marie, le Fils Éternel fait homme qui se plut à naître dans une famille humaine.
Aussi pour saint Josémaria, il est évident que le mariage entre saint Joseph et la Vierge est un vrai mariage. Il part de cette donnée sûre pour considérer l’amour existant entre les deux conjoints. Saint Joseph était sans doute jeune lorsqu’il épousa la Très Sainte Vierge, qui venait, quant à Elle, de quitter tout juste l’adolescence. Jeune, il était aussi pur, propre, très chaste. Il l’était précisément grâce à l’amour. Ce n’est qu’en remplissant notre cœur d’amour que nous pouvons être assurés qu’il ne va ni se cabrer ni se dévoyer, mais qu’il sera toujours fidèle à l’amour très pur de Dieu (23).
Pour saint Josémaria, l’amour est la clé de toute vie humaine. Il l’est aussi dans la vie de Joseph pour expliquer sa force d’âme, sa fidélité, sa chasteté
Et saint Josémaria d’ajouter un peu plus loin: Imaginez-vous combien saint Joseph, qui aimait tellement la Très Sainte Vierge et qui connaissait son intégrité sans tache, a dû souffrir en voyant qu’elle attendait un enfant ? Seule la révélation de Dieu notre Seigneur, par l’intermédiaire d’un ange, l’a rassuré. Il avait cherché une solution prudente, ne pas la déshonorer, la quitter, sans rien dire. Quelle souffrance pour lui qui l’aimait de toute son âme ! Vous imaginez sa joie, lorsqu’il apprit que le fruit de ces entrailles était l’œuvre du Saint-Esprit (24)?
Bien qu’il ne s’arrête pas à considérer la raison du trouble de Joseph, saint Josémaria insinue quand même qu’il vient du fait de ne pas « voir », et non pas du fait qu’il ait douté de la vertu de son épouse. Il ne sait pas que faire.
Joseph était un homme juste, comblé de toutes les vertus, comme il seyait à celui qui devait être le protecteur de Dieu sur la terre. Au départ, il est troublé en découvrant que son Épouse Immaculée est enceinte. Il perçoit le doigt de Dieu en cela, mais il ne sait pas comment se comporter. Et, dans son honnêteté, pour ne pas la diffamer, il pense la congédier en secret (25).
La souffrance de Joseph vient du fait d’être obligé d’abandonner son épouse. Saint Josémaria s’en tient sobrement aux données du Nouveau Testament qu’il lit avec foi et avec du bon sens : d’après ces textes, le trouble de Joseph est évident. Ce trouble vient de l’ignorance que le message de l’ange dissipera. L’amour et la connaissance que Joseph a de Marie lui font penser que dans cet événement inintelligible pour lui, il y a le doigt de Dieu. Saint Josemaria insinue ici ce que de nombreux exégètes se sont dit : le doute de Joseph concerne, non pas l’honnêteté de sainte Marie, mais le comportement à adopter alors qu’il pense que Dieu y est pour quelque chose (26).
Ceci dit, l’amour est toujours là et saint Josémaria n’a jamais douté de l’amour conjugal qu’il y avait entre eux (27).
Qui plus est, la chasteté de Joseph est sauvegardée par cet amour, fondé sur la foi:
Sa foi se fond avec l’Amour, avec l’amour de Dieu qui accomplissait les promesses faites à Abraham, à Jacob, à Moïse grâce à son amour d’époux pour Marie et grâce à son amour de père pour Jésus. Foi et amour dans l’espérance de la grande mission que Dieu, qui se servant aussi de lui, -un charpentier de Galilée-, initiait dans le monde : la rédemption des hommes (28).
Cela signifie qu’au coeur du clair-obscur de la foi, saint Joseph arrive à percevoir aussi quelque chose de la grandeur de sa mission.
3.2. La paternité de Joseph
Chez saint Josémaria il n’y a pas la moindre hésitation dans sa façon de décrire la paternité de saint Joseph.
Dès ses premiers écrits et jusqu’au bout, il le nomme père de Jésus, sans aucune autre nuance. On peut ainsi dire que sa pensée concernant la théologie de saint Joseph est dans la ligne de deux Pères de l’Église : saint Jean Chrysostome et saint Augustin. Il cite un texte de saint Jean Chrysostome qui prête à Dieu ces propos : « Ne pense pas que la conception du Christ étant l’œuvre du Saint-Esprit, tu es étranger au service de cette divine économie. En effet, s’il est vrai que tu n’as aucune part à cette génération et que la Vierge demeure intacte, il est tout aussi vrai que, concernant la paternité humaine sans porter atteinte à la dignité de la virginité, je mets tout entre tes mains, y compris le nom à donner au fils » (29). Quant à saint Augustin, nous avons vu que saint Josémaria citait le Sermo 51 (30).
L’exercice de sa paternité sur Jésus est une part essentielle de la « mission » qui comble toute la vie de Joseph. Il a une mission divine, son âme est vouée à Dieu, entièrement livré aux affaires de Jésus-Christ, en sanctifiant la vie ordinaire (31). C’est là où saint Josémaria se sent attiré par le saint Patriarche : son don total à Jésus-Christ en sanctifiant la vie ordinaire c’est-à-dire les tâches propres à son métier et comme tout bon père dans une famille juive de l’époque.
Saint Josemaría dans son ouvrage « Quand le Christ passe », décrit longuement la relation paternelle-filiale de saint Joseph et notre Seigneur. C’est une très belle page, sobre et priante qui s’arrête aux détails.
« Pour saint Joseph, la vie de Jésus fut une continuelle découverte de sa propre vocation. Nous rappelions tout à l’heure ses premières années, pleines de circonstances contradictoires en apparence: glorification et fuite, majesté des Mages et pauvreté de la crèche, cantique des anges et silence des hommes. Quand arrive le moment de présenter l’Enfant au Temple, Joseph, qui apporte la modeste offrande d’un couple de tourterelles, voit comment Siméon et Anne proclament que Jésus est le Messie: Son père et sa mère écoutaient avec admiration (Lc 2,33) dit saint Luc. Plus tard, lorsque l’Enfant demeure dans le Temple sans que Marie ni Joseph le sachent, le même évangéliste nous rapporte qu’ils s’émerveillèrent en le retrouvant après trois jours de recherche (Lc 2, 48).
Joseph est surpris, Joseph est admiratif. Dieu lui révèle petit à petit ses desseins qu’il s’efforce de comprendre […] Saint Joseph, comme nul autre auparavant ou après lui, a appris de Jésus à être attentif aux merveilles de Dieu, à avoir l’âme et le cœur ouverts (32). »
Il s’agit ici de la vie intérieure de saint Joseph décrite comme un authentique pèlerinage dans la foi qui ressemble beaucoup, dans un certain sens, à celui de sainte Marie. Marie et Joseph découvrent petit à petit tous les deux la vocation de Dieu et leur premier don mutuel cristallise en une fidélité qui les conforte mutuellement. En même temps, en exerçant sa paternité, Joseph transmet son métier d’artisan à Jésus, sa façon de travailler, voire sa vision du monde en tant de choses. « Or si Joseph a appris de Jésus à vivre de manière divine, j’oserai avancer que, humainement parlant, c’est lui qui a appris beaucoup de choses au Fils de Dieu[…]Joseph a aimé Jésus comme un père aime son fils, il s’en est occupé et lui a donné ce qu’il avait de meilleur. Joseph qui a entouré cet Enfant comme il lui avait été demandé, a fait de Jésus un artisan, lui a transmis son métier. Aussi, les voisins de Nazareth lorsqu’ils feront allusion à Jésus parleront-ils indistinctement du faber ou du fabri filius (Mc 6, 3; Mt 13, 55) de l’artisan ou du fils de l’artisan. Jésus a travaillé à l’atelier, tout près de Joseph. Comment était donc Joseph ? La grâce, comment avait-elle agi en lui pour qu’il fût en mesure de réaliser l’éducation du Fils de Dieu humainement parlant ? En effet, Jésus ressemblait sans doute à Joseph, en sa façon de travailler, dans ses traits de caractère, dans sa façon de parler. Dans le réalisme de Jésus, dans son esprit d’observation, dans sa façon de se tenirr à table, de partager le pain, dans le plaisir qu’il avait à exposer la doctrine de façon concrète, en prenant des exemples dans les choses de la vie ordinaire, nous retrouvons l’enfance et la jeunesse de Jésus, et donc ses rapports avec Joseph (33). »
Saint Josémaria est très conscient de ce paradoxe : celui qui est la Sagesse, «apprend » d’un homme les choses les plus élémentaires, le métier de charpentier, par exemple. C’est dans ce paradoxe que se trouve « la sublimité du mystère » de l’Incarnation et la vérité de la paternité de Joseph. Avec sa Mère, le Seigneur apprit à parler, à marcher. Dans le foyer dont saint Joseph tenait les rênes, il apprit l’assiduité au travail et l’honnêteté. Leur affection mutuelle fit que Joseph et Jésus aient beaucoup en commun.
« On ne saurait ignorer la sublimité du mystère. C’est bien ce Jésus, cet homme qui a l’accent d’une zone déterminée d’Israël, qui ressemble à un artisan nommé Joseph, qui est le Fils de Dieu. Qui donc est en mesure d’apprendre quoi que ce soit à Dieu ? Or, il est vraiment homme et vit en toute normalité : comme un enfant d’abord, puis comme un jeune homme qui prête main forte à l’atelier de Joseph ; et pour finir comme un homme mature, dans la plénitude de l’âge. Jésus grandissait en taille, en grâce et en sagesse devant Dieu et devant les hommes (Lc 2, 52) (34). »
3.3. Saint Joseph, Maître de vie intérieure au travail
Saint Joseph réussit l’éducation de Jésus grâce aux leçons dont tout bon père israélite se sert pour élever ses enfants : des leçons sur la vie honnête et sacrifiée, sur les vertus humaines, sur le travail offert à Dieu et bien fini. Des leçons de vie sobre, juste et honnête. Saint Joseph nous les apprend aussi à nous qui ne faisons qu’un seul Corps avec le Christ. « Joseph a été humainement parlant, le maître de Jésus. Il l’a entouré, jour après jour, d’une affection délicate, il a pris soin de Lui avec une abnégation joyeuse. N’est-ce pas là une bonne raison de s’attacher à cet homme juste, à ce saint Patriarche, en qui culmine la foi de l’Ancienne Alliance, comme à un maître de vie intérieure ? La vie intérieure n’est rien d’autre qu’un rapport assidu et intime avec le Christ pour nous identifier à Lui. Or Joseph est à même de nous dire bien des choses sur Jésus! C’est pourquoi, vous ne devez jamais négliger de le fréquenter: Ite ad Joseph, allez donc trouver Joseph !, comme la tradition chrétienne nous y invite en se servant de l’Ancien Testament (Gn 41, 55)[35](35). »
Il y a deux caractéristiques dans la vie de saint Joseph qui attirent puissamment saint Josémaria: sa vie de contemplation et sa vie de travail. Et c’est logique puisque ces deux traits sont essentiels à l’esprit de l’Opus Dei. En 1956 ; le jour de l’Épiphanie, il disait : Une dernière pensée pour cet homme juste, notre Père et Seigneur saint Joseph, qui, à son habitude, ne se montre pas dans le cadre de l'Épiphanie. Je me plais à l’imaginer tout recueilli, en contemplation, à protéger avec amour le Fils de Dieu qui, fait homme, a été confié à ses soins paternels.
Avec la merveilleuse délicatesse de qui ne vit pas pour lui-même, le saint Patriarche se livre à un service aussi silencieux qu’efficace.
Nous avons parlé aujourd’hui de vie de prière et de souci apostolique. Quel meilleur maître que saint Joseph ? Si vous voulez un conseil, voici celui que je prodigue inlassablement depuis des années: Ite ad Ioseph, allez trouver saint Joseph. Il vous montrera des chemins concrets, des façons humaines et divines d’approcher Jésus. Et, très vite, vous oserez, comme lui, le prendre dans vos bras, l’embrasser, le vêtir, entourer cet Enfant-Dieu qui nous est né .
Cette citation est tirée de la prière à saint Joseph que l’on trouve dans le missel romain pour se préparer à assister à la Sainte Messe (36). Elle nous permet de contempler saint Joseph tout près de Jésus car elle est un bon exemple de la proximité avec laquelle tout chrétien se doit de contempler la vie de Jésus.
Saint Josémaria est épris de la vie de travail de Joseph qu’il considère comme un maître de vie intérieure, dans cette vie de travail, intense et humble puisqu’il nous apprend à connaître Jésus, à vivre avec Lui, et nous fait découvrir que nous appartenons à la famille de Dieu. Tout cela, saint Joseph nous l’apprend en étant quelqu’un de normal, un père de famille, un travailleur qui gagnait sa vie grâce à l’effort de ses mains. Il y a là aussi de quoi nous faire réfléchir et nous réjouir profondément (37).
La figure de saint Joseph évoque aussi l’universalité de l’appel à l’apostolat. Il a fait que son travail soit une occasion « de faire connaître Jésus ».
Une grande partie de l’homélie À l’atelier de Joseph est consacrée à ce thème : « L’esprit de l’Opus Dei s’appuie comme sur son gond, sur le travail ordinaire, sur le travail professionnel au cœur du monde. La vocation divine nous investit d’une mission, nous invite à participer à la tâche unique de l’Église, à être ainsi témoins du Christ devant nos égaux et à redresser toute chose vers Dieu (38). »
Saint Joseph est ainsi celui qui sut donner au travail une dimension propre dans l’histoire du salut.
« C’est en offrant son travail personnel à Dieu que le chrétien met en exercice le sacerdoce reçu au baptême » . Saint Josémaria nous livre ce commentaire de la prière à saint Joseph que l’on vient de citer : « «Deus qui dedisti nobis regale sacerdotium… Le sacerdoce est royal pour tous les chrétiens [...] Nous avons tous une âme sacerdotale ». Praesta, quaesumus ut, sicut beatus Ioseph unigenitum Filium tuum, natum ex Maria Virgine, (...) suis manibus reverenter tractare meruit et portare, (…) ita nos facias cum cordis munditia.
« Voilà comment Il tient à ce que nous gardions la pureté du coeur. Et operis innocentia —l’innocence des œuvres c’est la droiture d’intention — tuis sanctis altaribus deservire. Le servir non seulement à l’autel, mais dans le monde entier, qui est un autel pour nous. Toutes les œuvres des hommes sont faites comme sur un autel et chacun de nous, en cette union d’âmes contemplatives que devient votre journée, dit en quelque sorte sa messe, qui dure vingt-quatre heures, en attente de la messe suivante qui durera encore vingt-quatre heures et ce, jusqu’à la fin de notre vie (40). »
Il revient au prêtre de sanctifier. La sanctification du travail est par ailleurs l’exercice du sacerdoce des fidèles, « puisque toutes leurs œuvres, leurs prières, leurs projets apostoliques, leur vie conjugale et familiale, leur travail quotidien, le repos de l’âme et du corps, s’ils sont faits dans l’Esprit, ainsi que les ennuis de la vie, s’ils sont patiemment supportés, deviennent des hosties spirituelles agréables à Dieu par Jésus-Christ (1 P 2,5), qu’ils offrent très dévotement au Père lors de la célébration de l’Eucharistie, avec l’oblation du corps du Seigneur (41). »
Parmi les gestes de dévotion à saint Joseph, il y en a un qui permet à saint Josémaria de s’insérer dans cette riche tradition qui se plaît à comparer le saint Patriarche à Joseph, le fils de Jacob qui fournit le pain aux habitants d’Égypte et aux enfants d’Israël.
Cette comparaison le touche profondément car « chercher le pain » est dévolu au père de famille — nous sommes de la famille de saint Joseph— et le pain dont on parle ici est la sainte Eucharistie. C’est en évoquant ce qui lui arriva lorsqu’il cherchait à obtenir l’autorisation de réserver le Seigneur dans la première résidence d’étudiants, qu’il écrivit les textes les plus touchants à ce propos.
Ite ad Joseph, allez donc trouver Joseph !, comme la tradition chrétienne nous y invite en se servant de l’Ancien Testament
Voici l’évocation de cet événement : « En 1934, si mes souvenirs sont bons, nous avons démarré notre première résidence d’étudiants […] Nous avions besoin d’avoir le Seigneur parmi nous, au tabernacle. C’est facile de nos jours, mais alors, installer un tabernacle n’était pas une tâche aisée […] Je me suis mis à demander à saint Joseph de nous procurer notre premier tabernacle, et les enfants qui m’entouraient alors firent de même. Dès que j’avais vingt-cinq pesetas, quantité raisonnable à l’époque, elles filaient dans du plus péremptoire. Je réussis alors à ce que des petites sœurs que j’aime beaucoup, me prêtent un tabernacle. Je me suis procuré des ornements ailleurs et finalement, notre bon évêque de Madrid nous a accordé l’autorisation d’avoir le Saint Sacrement chez nous. Alors, pour montrer ma reconnaissance, j’ai fait accrocher une petite chaîne à la clé du tabernacle, avec une médaille de saint Joseph, gravée au verso avec Ite ad Joseph,. Aussi, saint Joseph est-il vraiment notre Père et Seigneur puisqu’il nous a fourni le pain, le pain eucharistique, comme un bon père de famille. Ne vous ai-je pas dit tout à l’heure que nous appartenons à sa famille » (42).
Saint Joseph, fournisseur du pain de la Sainte Famille, est aussi celui qui procure son pain à l’Église. Du haut du ciel, il continue d’exercer sa paternité sur ceux qui, avec le Christ, sont un même Corps Mystique. Au fil du temps, cette considération devenue de plus en plus forte, s’est enracinée en l’âme de saint Josémaria. Le Bienheureux Alvaro del Portillo nous rapporte un souvenir qu’il a gardé de leur voyage en Amérique du Sud en 1974. « Lors de ce déplacement, notre Fondateur s’est mis à parler de la présence mystérieuse, « ineffable », disait-il, de Marie et de Joseph tout près des tabernacles du monde entier. Il raisonnait ainsi : La Sainte Vierge ne s’est jamais séparée de son Fils, il est donc logique qu’elle soit près de Lui aussi lorsque le Seigneur décide de demeurer en « cette prison d’amour » qu’est le tabernacle, pour l’adorer, l’aimer, prier pour nous. Et il appliquait la même idée à saint Joseph qui fut toujours près de Jésus et près de son Épouse, qui eut la chance de mourir entouré de tous les deux. Quelle merveilleuse mort ![…] Autrement dit, notre Père (43) plaçait saint Joseph partout (44).
Pour conclure, la piété que saint Josémaria avait pour saint Joseph et sa vision théologique de la figure et de la mission du saint Patriarche sont fondées sur sa méditation de la Sainte Écriture, sur la lecture chrétienne de la Bible— ; sur les saints pères, spécialement sur saint Jean Chrysostome et saint Augustin. Pour ce qui est des lignes de force de la théologie de saint Joseph, il s’appuie sur le magistère précédant, surtout sur celui de Léon XIII. D’habitude la théologie mariale est articulée autour de la véritable maternité de sainte Marie, sa maternité concernant le Christ et tous les hommes. Et c’est aussi le cas, de façon analogue, de la théologie de saint Joseph telle qu’elle est exprimée dans l’enseignement de saint Josémaria. Elle est tout à fait articulée autour de trois axes essentiels : la vérité de son mariage avec sainte Marie, la vérité de sa paternité concernant Jésus, sa mission de gardien de la Sainte Famille, d’abord et de l’Église, ensuite. Dans le cadre de ces coordonnées, le lecteur attentif perçoit combien l’amour de saint Josémaria grandit au fur et à mesure qu’il découvre de petits détails, des applications, des nuances, et ce, tout au long de sa vie et jusqu’au bout comme le montre bien le témoignage du Bienheureux Alvaro del Portillo que l’on vient de citer.
NOTES
(1)Article posthume.
(2)SAINT JOSÉMARIA ESCRIVA, De la famille de Joseph, notes de sa prédication, 19-III-1971 (AGP, bibliothèque, P09, p. 136).
(3)Cf. ANDRÉS VÁZQUEZ DE PRADA, Le fondateur de l’Opus Dei, Tome III, Rialp, Madrid 2003, p. 728 . Sur la présence de saint Joseph dans l’enseignement de saint Josémaria, cf., entre autres, les travaux suivanta;: L.M. DE LA HERRÁN, La devoción a San José en la vida y enseñanzas de Mons. Escrivá de Balaguer, fundador del Opus Dei (1902-1975), Estudios josefinos, 34 (1980), p. 147-189; I. SOLER, San José en los escritos y en la vida de San Josemaría. Hacia una teología de la vida ordinaria,Estudios josefinos, 59 (2005), p. 259-284. Cf. también J.B. FREIRE PÉREZ, Para amar más a San José, Promesa, San José de Costa Rica 2007, p. 55-61; M. IBARRA BENLLOCH, La capilla de la Sagrada Familia, Scripta de Maria, II/4 (2007), p. 351-364; J. FERRER, San José nuestro Padre y Señor, Arca de la Alianza, Madrid 2007.
(4) SAINT JOSÉMARIA ESCRIVA Chemin, n. 559.
(5) SAINT JOSÉMARIA ESCRIVA, Cf. homélie À l’atelier de Joseph, dans Quand le Christ passe, n. n. 39-56. À partir d’ici : À l’atelier de Joseph.
(6)SAINT AUGUSTIN, AGUSTÍN, Sermo 51, 20: PL 38, 351; BAC 95, p. 40. Cf. À l’atelier de Joseph. , n. 55.
(7) À l’atelier de Joseph., n. 39.
(8)Ibíd.
(9)Voici le texte de sainte Thérèse: «Je commence au nom du Seigneur, en implorant l’aide de sa Mère glorieuse dont je porte l’habit, toute indigne que je suis, et celle du glorieux saint Joseph mon père et seigneur, chez qui je suis logée » (SANTA TERESA, Fundaciones, prólogo, 5; BAC 212, 8ª ed., p. 675). Cf. Camino. Edición crítico-histórica preparada por Pedro Rodríguez, Rialp, Madrid 2002, p. 689, esp. nt. 29.
(10)Concernant les différents qualificatifs définissant la paternité de saint Joseph au long des siècles, père légal, putatif, nourricier, adoptif, etc, cf. B. LLAMERA, Teología de San José, BAC, Madrid 1953, pp. 73-114. Llamera en tire deux conclusions qui peuvent bien nous orienter: “les dénominations de père légal, putatif, nourricier, adoptif, virginel et vicaire du Père céleste n’expriment que des aspects partiels et incomplets de la paternité de saint Joseph (p. 94). Llamera dit après pourquoi toutes ces « paternités » lui semblent incomplètes : « La paternité de saint Joseph est nouvelle, unique et singulière, d’un ordre supérieur à la paternité naturelle et adoptive humaines ». (p. 102). En suivant saint Augustin, on peut dire que la paternité de saint Joseph par rapport à Jésus est unique, singulière et d’un ordre supérieur, tout comme son mariage avec Sainte Marie est unique et singulier et d’un ordre supérieur, lui aussi.
(11)Avec les nombreuses allusions à saint Joseph que fit saint Josémaria tout au long de sa vie, il y a quatre longs textes consacrés à Saint Joseph grâce auxquels on peut facilement esquisser une théologie du saint Patriarche pratiquement complète. Il s’agit de : À l’atelier de Joseph., 19-III-1963, ds Quand le Christ passe, Rialp, Madrid 1973, n. 39-56; de L’école de Joseph , notes de sa prédication, 19-III-1958 (AGP, bibliothèque 18, p. 79-88); et des notes de sa prédication, 19-III-1968 , Saint Joseph, notre Père et Seigneur (AGP, bibliothèque , P09, p. 93-103); ainsi que de De la famille de Joseph,, notes de sa prédication, 19-III-1971 (AGP, bibliothèque, P09, p. 133-141).À partir d’ici les trois derniers seront cités ainsi, L’école de Joseph, Saint Joseph, notre Père et Seigneur, et De la famille de Joseph, respectivement.
(12)LÉON XIII, Enc. Quamquam pluries (15-VIII-1889), n. 3.
(13) Le mariage est, en effet, la société et l'union de toutes la plus intime, qui entraîne de sa nature la communauté des biens entre l'un et l'autre conjoints. Aussi, en donnant Joseph pour époux à la Vierge, Dieu lui donna non seulement un compagnon de sa vie, un témoin de sa virginité, un gardien de son honneur, mais encore, en vertu même du pacte conjugal, un participant de sa sublime dignité » (Ibíd.).
(14)Cf. G.M. BERTRAND, Joseph (saint). II. Patristique et haut moyen âge,Dictionnaire de Spiritualité, VIII, Beauchesne, Paris 1974, 1304.
(15)«Nec te moveat quod frequenter Scriptura conjugem dicit: non enim virginitatis ereptio, sed conjugii testificatio, nuptiarum celebratio declaratur» (In Lucam, 2, 5: SC 45, p. 74).
(16)Saint Augustin perçoit les implications de cette situation providentielle dans le concept du mariage lorsqu’il le donne en modèle aux couples continents : « ce mariage est d’autant plus réel qu’il est chaste » (Sermo 51, 10, 13 y 16: PL 38, 342, 344-346, 348; BAC 95, 39-40). Les expressions latines dont saint Augustin se sert dans son Sermo 51 sont de toute beauté et d’une grande clarté : «Quare pater? Quia tanto firmius pater, quanto castius pater (…) Non ergo de semine Joseph Dominus, quamvis hoc putaretur: et tamen pietati et charitati Joseph natus est de Maria virgine filius, idemque Filius Dei».
(17)Cf. SAINT BERNARD, Homélie Super missus est, II, 15: «Nec vir ergo matris, nec filii pater exstitit, quamvis certa… et necessaria dispensatione utrumque ad tempus appellatus sit et putatus» (ds Opera, t. 4, éd. J. Leclerq et H. Rochais, Roma 1966, p. 33). Ce qui est ici au premier plan ce n’est pas la vérité du mariage, mais le fait que saint Joseph ait été appelé “vir” et “pater » de façon temporaire, ad tempus. La traduction de Diez Ramos reflète le peu d’importance accordé ici au mariage de Joseph et de Marie : « Il n’a pas été le mari de la mère ni le père du fils. Ceci dit, de par une bonne raison d’agir de Dieu, il a était dénommé et pris pour l’un et l’autre durant un certain temps ». La petite importance que saint Bernard accorde au mariage entre la Vierge et saint Joseph ne l’empêche pas de parler chaleureusement de la sainteté de Joseph. Il le fait lorsqu’il le compare à Joseph, fils de Jacob : « Souviens-toi en même temps de ce grand patriarche, vendu jadis en Égypte et tu reconnaîtras que saint Joseph a eu non seulement son nom, mais aussi sa chasteté, son innocence et sa grâce (…). Joseph, loyal à son seigneur, ne voulut pas céder aux avances de sa femme, cf. Gn 39, 12); saint Joseph considérant que sa femme, la Mère de son Seigneur était vierge, respecta cette virginité en gardant lui-même une totale chasteté » (Ibíd., 16: BAC 110, 204).
(18) “La forme du mariage consiste en l’union indissoluble des esprits par laquelle chaque époux est tenu de garder une fidélité inviolable à son conjoint. Quant à la fin du mariage, elle est d’engendrer et d’élever des enfants. (…).Ainsi donc, en ce qui concerne la perfection première du mariage, il faut dire que l'union entre la Vierge Marie, mère de Dieu, et S. Joseph fut un mariage absolument véritable. Car l’un et l’autre ont consenti à l’union conjugale (…).Mais quant à la perfection seconde, laquelle s'accomplit par l'acte du mariage, si l’on entend celui-ci de l’union charnelle qui engendre les enfants, ce mariage n'a pas été consommé. (.) Cependant ce mariage a eu aussi la perfection quant à l’éducation de l’enfant (Saint Thomas , S. Th. III, q. 29, a. 2, in c.).
(19)L’école de Joseph , p. 80. Il dit ailleurs : « Les récits évangéliques nous dévoilent la grande personnalité humaine de Joseph. Il n’apparaît à aucun moment comme quelqu’un d’amoindri ou d’effrayé par la vie, au contraire, il sait faire face aux problèmes, se tirer d’affaire dans les situations difficiles, assumer responsablement et avec initiative les tâches qui lui sont confiées » (À l’atelier de Joseph, n. 40).
(20)À l’atelier de Joseph, n. 40, tout comme dans De la famille de Joseph,p. 134, et ds Saint Joseph, notre Père et Seigneur, p. 95-96.
(21)Pour mieux “garantir” la virginité de sainte Marie quelques apocryphes ont évoqué un précédant mariage chez Joseph qu’ils ont décrit comme un vieillard. Cette évocation a eu une grande influence dans l’art (cf. G.M. BERTRAND, enJoseph (saint). II. Patristique et haut moyen âge, Dictionnaire de Spiritualité, VIII, cit., 1302-1303). Le « réalisme » et la simplicité de saint Josemaria se heurte à l’imagination de ces apocryphes. Le raisonnement de saint Josémaria est semblable à celui de saint Jérôme dans l’ Adv. Helvidium, 19 (PL 23, 203): il faut s’en tenir sobrement aux données du Nouveau Testament.
(22) SAINT JOSÉMARIA ESCRIVA Notes de sa prière personnelle aux pieds de la Vierge de Guadalupe, 21-V-1970, cité dans J. ECHEVARRÍA, Lettre , 1-XII-1996 (AGP, bibliothèque, P17, vol. 4, pp. 230-231).
(23)De la famille de Joseph, notes de sa prédication, 19-III-1971 (AGP, bibliothèque, P09, p. 134).
(24)Ibíd., p. 138.
(25)L’école de Joseph, p. 80.
(26)Après avoir cité Mt 1, 20, P.GRELOT commente: “L’invitation à ne rien craindre a lieu dans un récit de vocation: Joseph, le juste, reçoit de Dieu un appel à la mesure de sa justice (...). Quand il prend avec lui la mère de l’Enfant et qu’il devient son époux, Joseph devient en même temps responsable de la mère et du fils devant Dieu et devant les hommes. C’est son rôle spécial dans le dessein du salut. Sa paternité réelle tient au fait qu’il doit donner son nom à l’enfant. Ce sera désormais « la parole par laquelle le père reconnaît son fils »(P. GRELOT, Joseph (Saint). I. Écriture, Dictionnaire de Spiritualité, VIII, cit., 1297-1298).
(27) Voici encore une expression heureuse : « (…) cependant Joseph, son époux, comme il était juste, ne voulut pas la diffamer. En conscience, il ne pouvait pas le faire. Il en souffre. Il sait que son épouse est immaculée, une âme sans tache, or il ne comprend pas le prodige qui s’est opéré en elle. C’est pourquoi, voluit occulte dimittere eam (Mt 1, 19), il décida de l’abandonner en secret. Il hésite, il ne sait que faire, mais il résout ce problème de la façon la plus propre » (Saint Joseph notre Père et Seigneur, p. 101)
(28)À l’atelier de Joseph, n. 42.
(29)SAINT JEAN CHRYSOSTOME, , In Mat., Hom. 4, 6: BAC 141, 70. Cf. L’école de Joseph , p. 80-81.
(30)Cf. À l’atelier de Joseph, n. 55.
(31)L’école de Joseph , p. 81.
(32)À l’atelier de Joseph, n. 54.
(33)Ibíd., n. 55.
(34)Ibíd.
(35)Ibíd., n. 56.
(36)Homélie, L’Épiphanie du Seigneur, ,6-I-1956, ds
(37)«O felicem virum, beatum Ioseph, cui datum est, Deum, quem multi reges voluerunt videre et non viderunt, audire et non audierunt; non solum videre et audire, sed portare, deosculari, vestire et custodire!».
(38)SAINT JOSÉMARIA ESCRIVA, À l’atelier de Joseph, Quand le Christ passe, n. 39
(39)Ibíd., n. 45.
(40)SAINT JOSÉMARIA ESCRIVA, Notes d’une méditation, Rome, 19-III-1968.
(41)CONCILE VATICAN II , Const. dogm. Lumen gentium, n. 34.
(42)De la famille de Joseph, notes de sa prédication, 19-III-1971 (AGP, bibliothèque, P09, p. 137).
(43)Don Alvaro del Portillo parle de notre Père, en évoquant saint Josémaria, puisque l’Opus Dei est bien une famille à caractère surnaturel.
(44)ALVARO DEL PORTILLO, Entretiens sur le Fondateur de l’Opus Dei, Rialp, Madrid 1993, p. 161.