- Retrouver la confiance en Dieu
UN HOMME avait un fils qui était possédé par un démon depuis un certain temps. Partout, il le saisissait et le jetait à terre, le faisait écumer et le raidissait. À d’autres moments, il le faisait même se jeter dans le feu ou dans l’eau. Naturellement, cette situation les faisait beaucoup souffrir tous les deux. Ils avaient sans doute fait tout ce qui était en leur pouvoir pour le guérir, mais en vain. Un jour, cependant, le père entendit parler des disciples d’un maître qui semblait faire de grands miracles. Il amena son fils devant eux, mais à la surprise générale, les apôtres ne purent rien faire : ils essayèrent, mais il leur fut impossible de chasser l’esprit (cf. Mt 17, 14-16).
Nous pouvons imaginer la tristesse du père. Ces hommes ont accompli toutes sortes de miracles, mais au moment de guérir le garçon, ils ont échoué. « Pourquoi cela m’arrive-t-il ? Pourquoi sont-ils capables de guérir d’autres personnes et pas mon fils unique ? » Nous nous sommes peut-être tous trouvés dans une situation similaire. Nous entendons dire que des personnes que nous connaissons ont reçu une faveur de Dieu, un emploi, la résolution d’un problème, une joie familiale, alors que notre supplication semble ne pas porter de fruits. « Pourquoi Dieu aide-t-il les autres et pas moi ? » pouvons-nous nous demander, comme le père de l’enfant.
Il n’y a pas de réponse qui puisse résoudre complètement cette question. Cependant, il arrive que Dieu permette à ce silence apparent de faire grandir notre foi, notre espérance et notre charité. Dans les Saintes Écritures, nous voyons aussi beaucoup d’autres personnes dont les demandes n’ont pas été entendues par Dieu. Elles ont su persévérer et se laisser transformer chaque jour, en acceptant la volonté du Seigneur, quelle qu’elle soit. Et ce fut, dans bien des cas, le fruit principal qu’elles obtinrent : celui de savoir aimer de tout leur cœur ce que Dieu voulait pour elles. Quand, comme le père de l’enfant, le désespoir menace peut-être, « à ce moment-là, Dieu nous donnera un nouveau nom, qui contient le sens de toute notre vie ; il changera notre cœur et nous donnera la bénédiction réservée à ceux qui se sont laissé changer par lui […] Il sait comment le faire, parce qu’il connaît chacun d’entre nous » [1].
LE PÈRE, voyant que même les apôtres ne parvenaient pas à guérir son fils, tenta un dernier recours : il s’adressa à Jésus. Il le fit sans grand espoir, car il ne voulait pas entretenir l’illusion d’une guérison qui semblait impossible. C’est ainsi qu’il exprime son besoin au Maître. « Si tu peux quelque chose, viens à notre secours, par compassion envers ! Jésus lui déclara : Pourquoi dire : “Si tu peux… ? Tout est possible pour celui qui croit » (Mc 9, 22-23). « Or cet homme sent sa foi fléchir. Il craint que son manque de confiance empêche que son fils recouvre la santé. Alors il pleure. N’ayons pas honte de ce genre de larmes : elles sont le fruit de l’amour de Dieu, de la prière repentante, de l’humilité » [2]. C’est le premier miracle que le Seigneur a accompli : aider ce père à être un témoin de l’humilité et à retrouver la confiance en Dieu.
Après avoir entendu la demande de l’homme, Jésus « menaça l’esprit impur, en lui disant : Esprit qui rends muet et sourd, je te l’ordonne, sors de cet enfant et n’y rentre plus jamais !” Ayant poussé des cris et provoqué des convulsions, l’esprit sortit » (Mc 9, 25-26). Les apôtres lui demandèrent alors pourquoi ils n’avaient pas réussi à le chasser, et le Seigneur leur donna une réponse précise : « A cause de votre peu de foi » (Mt 17, 20). Peut-être que les disciples, voyant la violence avec laquelle l’esprit tourmentait l’enfant, étaient remplis de peur ou se sentaient incapables d’un si grand miracle. Vivre par la foi, ce n’est pas tant ignorer la peur ou avoir une confiance inébranlable en soi, mais reconnaître humblement le besoin de Dieu et la grandeur de ses desseins. « C’est la foi qui nous donne la capacité de regarder avec espoir les hauts et les bas de la vie, qui nous aide à accepter même la défaite et la souffrance, sachant que le mal n’a jamais eu et n’aura jamais le dernier mot » [3]. Jésus a le pouvoir face à tout mal : il n’attend qu’une âme patiente et humble, comme ce père, pour libérer son pouvoir sur nous, d’une manière que nous n’imaginons peut-être pas.
SAINT JOSÉMARIA disait que le fait de confier une requête à Dieu dans la foi ne dispense pas l’homme de faire tout ce qui est en son pouvoir pour obtenir ce qu’il cherche. La confiance dans le Seigneur « ne signifie pas qu’il faille se passer des moyens naturels propres à atteindre la fin proposée. Non, dans toute entreprise, outre les moyens surnaturels, il est toujours indispensable d’utiliser tous les moyens humains honnêtes dont nous disposons. Si ceux-ci échouent, d’autres sont recherchés et appliqués avec la même foi » [4].
En même temps, la vie du fondateur de l’Opus Dei montre la priorité qu’il accordait à la prière, qu’il considérait comme « le fondement de la vie spirituelle » [5]. Lorsqu’il avait une affaire à faire avancer ou qui le préoccupait, il demandait à ses fils et à ses filles de prier plus intensément. Il était sûr que la prière était toujours fructueuse. Même s’il n’en percevait pas toujours directement les résultats, il savait qu’en tout état de cause, elle avait porté du fruit en soi, car cette prière avait permis de se rapprocher de Dieu. De plus, elle pouvait aussi porter des fruits à l’extérieur, de manière inattendue, dans un lieu ou une personne inconnus.
Jésus pose une condition pour que la prière soit efficace : avoir la foi. C’est ainsi que les apôtres pourront réaliser l’impossible « Si vous avez de la foi gros comme une graine de moutarde, vous direz à cette montagne : “Transporte-toi d’ici jusque là-bas”, et elle se transportera ; rien ne vous sera impossible » (Mt 17, 20). La Vierge Marie a accueilli avec foi la parole de l’ange et a permis à Dieu de grandir dans son sein. Nous pouvons lui demander d’intercéder pour nous afin que nous sachions présenter nos besoins à son Fils avec l’assurance que, quel que soit le résultat, il y aura toujours du fruit.
[1]. Pape François, Audience générale, 10 juin 2020.
[2]. Saint Josémaria, Amis de Dieu, n° 206.
[3]. Pape François, Angélus, 6 octobre 2019.
[4]. Saint Josémaria, notes prises lors d’une méditation, 27 août 1937.
[5]. Saint Josémaria, Chemin, n° 84.