- Le péché nous éloigne de Dieu et des autres.
- Les propositions de bonheur à bon marché.
APRÈS avoir été trompés par le serpent, Adam et Eve s'aperçoivent qu'ils sont nus. Dès qu'ils ont su que Dieu approchait, ils se sont cachés de sa présence. Le Seigneur alors « appela l'homme : « Où es-tu ? » dit-il. « J'ai entendu ton pas dans le jardin, répondit l’homme ; j’ai eu peur parce que je suis nu et je me suis caché. » Il reprit : « Et qui t'a appris que tu étais nu ? Tu as donc mangé de l’arbre dont je t’avais défendu de manger ! » L'homme répondit : « C’est la femme que tu as mise auprès de moi qui m’a donné de l’arbre, et j’ai mangé ! » (Gn 3,9-12). Le changement d'attitude d'Adam est frappant. Peu de temps auparavant, en voyant Eve pour la première fois, il s'était exclamé : « C'est l'os de mes os et la chair de ma chair » (Gn 2,23). Mais maintenant, il dit qu'il n'a plus rien à voir avec elle. Elle n'est plus « la chair de ma chair », mais semble lui être imposée par Dieu : « La femme que tu m'as donnée pour qu'elle soit ma compagne ». En même temps, il n'assume pas la responsabilité de sa désobéissance, mais se décharge de sa faute sur Ève : « Elle m'a donné de l'arbre, et j'ai mangé ».
Le premier effet du péché est l'esclavage : celui qui pèche « se sera fait esclave de ce qu’il aura choisi, et il aura fait le pire des choix, le choix de l’absence Dieu »[1]. Le péché signifie donc une rupture avec le Seigneur et avec les personnes qui nous entourent. C'est ce qui est arrivé à Adam. Le péché a fini par l'éloigner de ceux qu'il aimait le plus. Il a peur de Dieu et se dérobe à sa présence ; il regarde Eve avec méfiance, la blâme et se dissocie d'elle. En péchant, chacun de nous s'éloigne du bonheur pour lequel il a été créé. L’harmonie avec Dieu, avec soi-même et avec les personnes qui nous sont les plus chères est mise à mal.
Saint Josémaria considérait le péché comme le pire des maux à « craindre et à éviter avec la grâce divine »[2], car il nous éloigne du bonheur. En effet, il nous éloigne du bonheur qui naît de notre relation avec le Seigneur et avec les autres. "Nous devons éprouver dans notre cœur et dans notre intelligence une horreur forte et sincère du péché grave. Une attitude profondément enracinée en nous doit être aussi de détester le péché véniel délibéré, ces défaillances qui ne nous privent pas de la grâce mais qui affaiblissent les canaux par lesquels celle-ci arrive jusqu’à nous. "[3].
UNE AUTRE conséquence de l'esclavage du péché est qu'il nous conduit à placer toutes nos attentes dans les réalités terrestres. Ainsi, nous pouvons en venir à croire que le bonheur consiste exclusivement à posséder des richesses, à accumuler des plaisirs et à vivre des expériences intenses. Et s'il est vrai que tout cela peut apporter un bien-être relatif, notre cœur n'est pas satisfait. "Si vous laissez vraiment émerger les aspirations les plus profondes de votre cœur, vous réaliserez qu'il existe en vous un désir inextinguible de bonheur, ce qui vous permettra de démasquer et de rejeter les nombreuses offres “bon marché” que vous trouvez autour de vous. Lorsque nous recherchons le succès, le plaisir, la possession de manière égoïste et que nous en faisons des idoles, nous pouvons aussi connaître des moments d'ivresse, un faux sentiment de satisfaction, mais à la fin nous devenons esclaves, nous ne sommes jamais satisfaits et nous ressentons le besoin d'en rechercher toujours plus"[4].
Tout ce qui est sorti des mains de Dieu est bon. La vie chrétienne ne consiste donc pas à rejeter ces réalités. En fait, Jésus aimait passer de bons moments avec ses disciples en mangeant (cf. Lc 10, 38-41), et il savait que le vin était indispensable pour animer certaines réunions sociales (cf. Jn 2, 1-12). Le mal n'est pas dans la nourriture ou dans le plaisir lui-même, mais dans notre relation avec elle. C'est-à-dire lorsque nous absolutisons ces biens et que nous les vivons en excluant les dimensions plus importantes de notre vie : notre relation avec Dieu, notre amour pour notre conjoint, nos amitiés, notre travail, etc. Alors nous pouvons peut-être croire que la richesse ou le plaisir peuvent compenser le bonheur que nous ne trouvons pas dans les dimensions les plus importantes de notre existence.
"Dieu veut que nous soyons toujours heureux. Il nous connaît et nous aime. Si nous laissons l'amour du Christ changer nos cœurs, alors nous pouvons changer le monde. C'est le secret du vrai bonheur".[5]
Le Seigneur nous invite à orienter notre regard non pas tant vers ce qui est immédiat et superflu, mais vers ce qui nous satisfait profondément : la certitude de nous savoir inconditionnellement aimés par Lui. « nous qui ne regardons pas aux choses visibles, mais aux invisibles ; les choses visibles en effet n’ont qu’un temps, les invisibles sont éternelles. » (2 Co 4, 18). Le Christ nous montre qu'il est possible de ne pas se laisser posséder par les choses visibles. Il peut nous aider à voir l'invisible dans ces réalités, qui peuvent aussi devenir une occasion de penser aux autres et de rendre gloire à Dieu.
PENDANT son séjour sur terre, Jésus a fait preuve de miséricorde envers tous les hommes. Il n'a pas hésité à pardonner les péchés de tous ceux qui venaient à lui, conscients de leur faiblesse. Même s'ils ne demandaient pas explicitement le pardon, le Christ savait lire dans leur cœur le repentir de leurs péchés et le désir de changer de vie. Dieu a ainsi montré que les erreurs ne sont plus un obstacle à la relation avec lui : elles peuvent être une occasion de raviver la foi, si elles sont humblement reconnues et confiées à la miséricorde de Dieu. Aujourd'hui, chaque fois que nous avons recours au sacrement de la confession, Jésus purifie nos âmes et nous donne la grâce de repartir à zéro.
Il y a cependant un péché que le Seigneur a dit ne pas pouvoir être pardonné : « En vérité, je vous le dis, tout sera remis aux enfants des hommes, les péchés et les blasphèmes tant qu’il en auront proféré ; mais quiconque aura blasphémé contre l’Esprit Saint n’aura jamais de rémission : il est coupable d’une faute éternelle » (Mc 3,28-29). C'est une attitude dans laquelle certains scribes étaient tombés. Parce qu'ils attribuaient les bonnes œuvres de Jésus au diable, ils rejetaient ouvertement le salut qu'il offrait. C'est pourquoi ce péché ne sera pas pardonné : non pas parce que Dieu ne peut pas pardonner tous les péchés, mais parce que ces hommes, dans leur entêtement, ont rejeté et méprisé les grâces de l'Esprit Saint. Ils ont en quelque sorte refusé la miséricorde de Dieu et revendiqué un « droit à persévérer dans le mal »[6].
Une telle attitude se retrouve peut-être dans l'examen de nos péchés. Après de nombreuses années d'efforts pour devenir des saints, nous pouvons avoir l'impression de reculer plutôt que d'avancer. Malgré nos bons désirs, nous sentons nos forces faiblir et pensons qu'il viendra un temps où Dieu se lassera de nous accorder son pardon. C'est cela le désespoir : abandonner parce que nous pensons avoir épuisé la miséricorde de Dieu. Mais l'amour du Seigneur ne dépend pas du fait que nous l'ayons mérité ou non : son désir de nous attirer à lui ne diminue pas ; son amour gratuit ne connaît pas de limites. « C'est le cœur indestructible de notre espérance, le noyau brûlant qui soutient notre existence : au-delà de nos qualités et de nos défauts, plus forte que les blessures et les échecs du passé, que nos peurs et nos inquiétudes face à l'avenir, se trouve cette vérité : nous sommes des enfants bien-aimés. » [7] La Vierge Marie, notre espérance, apporte à chacun de nous l'amour inconditionnel que son fils Jésus a pour nous.
[1] Saint Josemaria, Amis de Dieu, n. 37.
[2] Saint Josemaria, Chemin, n. 386.
[3] Sanint Josemaria, Amis de Dieu, n. 243.
[4] François, Message, 21-I-2014.
[5] Benoît XVI, Discours 24-III-2012.
[6] Saint Jean Paul II, Dominum et Vivificantem, n. 46
[7]François, Homélie, 24-XII-2020.