Le travail est comme une messe

Réflexions sur la participation des laïcs au munus sacerdotale dans les écrits du fondateur de l’Opus Dei. Article paru dans le n° 50 de la revue Romana.

Réflexions sur la participation des laïcs au munus sacerdotale dans les écrits du fondateur de l’Opus Dei.

Saint Josémaria célébrant la Sainte Messe à Rome le 14 février 1973 (Oratoire de la Pentecôte à Villa Tevere)

Cette étude a pris racine dans quelques mots de la prédication orale de saint Josémaria, commentant un passage d’une ancienne prière à saint Joseph : « et operis innocentia tuis sanctis altaris deservire ». Il disait : « Le servir non seulement à l’autel, mais dans le monde entier, devenu un autel pour nous. Toutes les œuvres des hommes sont réalisées comme sur un autel et chacun de vous, dans cette union d’âmes contemplatives qu’est votre journée, dit en quelque sorte sa Messe qui dure vingt quatre heures, dans l’attente de la Messe suivante qui durera encore vingt quatre heures, et ainsi de suite jusqu’à la fin de notre vie » (Notes prises au cours d’une méditation, 19.03.1968. Javier Echevarría, Vivre la Sainte Messe, Le Laurier, Paris 2010). En effet je pense qu’il s’agit d’une réflexion d’une grande richesse théologique, bien qu’elle soit formulée, comme il arrive fréquemment pour les textes de saint Josémaria, selon des catégories non pas théologiques mais pour ainsi dire pastorales.

La doctrine théologique sous-jacente à ces mots est, à mon sens, celle qui concerne la participation à la triple fonction du Christ de la part des fidèles laïcs (…). Le fondateur de l’Opus Dei s’est explicitement référé à la participation des fidèles laïcs à la triple fonction du Christ, mais en bien des occasions il synthétise sa doctrine sur ce point par une expression très dense : vivre avec une ”âme sacerdotale” et une ”mentalité laïque”.

Pour parler du sacerdoce commun des fidèles devenu principe d’inspiration pour la totalité de l’existence chrétienne, saint Josémaria utilise l’expression âme sacerdotale. Âme sacerdotale c’est vivre le « sacerdoce saint, pour offrir des victimes spirituelles, agréables à Dieu par Jésus Christ » (Cf. Sillon, 499). C’est un sacerdoce qui s’exerce à l’égard de sa propre vie dans la mesure où celle-ci s’unit à la racine de la grâce : « Si tu agis — si tu vis et travailles — face à Dieu, par amour et par esprit de service, et avec une âme sacerdotale, même sans être prêtre, toute ton action s’imprègne d’un sens surnaturel authentique: et voilà qui permet à ta vie de rester unie à la source de toutes les grâces » (Forge, 369).

La source de toutes les grâces est le mystère pascal, désigné parfois simplement dans les écrits du fondateur de l’Opus Dei comme « la Croix », et, logiquement, son mémorial liturgique : la sainte Messe. De là que la Messe soit définie par saint Josémaria centre et racine de la vie chrétienne (Quand le Christ passe, 87) : le centre vers lequel convergent toutes les actions et la racine d’où elles jaillissent, en vertu de la force salvifique que contient le mystère pascal (la ‘tractio Christi’ du passage johannique, à la base de l’expérience du 7 août 1931). La conséquence immédiate de cette vision c’est que la journée entière doit se convertir en un acte de culte fait de prière, de travail, de vie familiale et de relations sociales : « Chacun de vous, dans cette union d’âmes contemplatives qu’est votre journée, dit en quelque sorte sa Messe qui dure vingt quatre heures, dans l’attente de la Messe suivante qui durera encore vingt quatre heures, et ainsi de suite jusqu’à la fin de notre vie » (San Josemaría Escrivá de Balaguer, Notes prises au cours d’une méditation, 19.03.1968. Javier Echevarría, op.cit.). Ce qui fait dire à l’abbé Derville : « Culte et travail constituent une seule réalité : Escriva parle d’une Messe de vingt-quatre heures ! La confluence de volontés sur l’autel du travail est la glorification de Dieu et celle de l’homme, comme il arrive sur la Croix » (G. Derville,La liturgia del trabajo, p. 830).

La matière du sacrifice qu’offre le chrétien, en union avec l’unique victime, le Christ, est celle de sa propre existence. Ce qui fait le chrétien c’est son incorporation au Christ et sa participation à l’unique sacrifice salvifique, celui de la Croix; il présente une offrande qui n’est pas quelque chose d’extérieur, mais sa propre vie ; en ce sens la Messe reçoit la qualification de « notre Messe »: ce n’est pas une cérémonie à laquelle on assiste mais une rencontre où celui qui y participe reçoit le don que le Christ fait de lui-même et se trouve ainsi engagé à se donner lui-même.

Comme l’a souligné Illanes avec justesse, les deux attitudes – âme sacerdotale et mentalité laïque – ainsi que l’ensemble des dispositions qui les composent, doivent se conjuguer harmonieusement, car si l’on privilégiait l’une des dimensions au détriment de l’autre on tomberait soit dans le cléricalisme, soit dans le laïcisme. « L’union des deux, en revanche, donne lieu à une attitude chrétienne authentique : la disposition d’esprit qui pousse à rendre le Christ présent dans toutes les activités humaines, disposition que saint Josémaria a perçue avec une clarté particulière le 7 août 1931 : conduire le monde vers Dieu de l’intérieur même du monde où le chrétien est appelé en vertu de son sacerdoce royal » (J. L. Illanes, Existencia cristiana y mundo).

Cruz González Ayesta

Université de Navarre

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