1. La pénitence : considération générale.
2. Le mystère de l’amour miséricordieux de Dieu.
3. La vertu de la pénitence.
4. Le sacrement de la miséricorde divine.
5. La célébration du sacrement de la Pénitence
La fidélité à la vocation chrétienne n'est pas une tâche facile et le Seigneur Lui-même a averti ses disciples des difficultés qu'ils rencontreraient pour entrer dans le Royaume des Cieux (cf. Lc 13, 24). Ce qui s'oppose à la sainteté, c'est le péché, et aucune créature – à l'exception de la Vierge Marie Immaculée- n'est immunisée contre son pouvoir : celui qui dit qu'il n'a pas de péché se trompe et la vérité n'est pas en lui (cf. 1 Jn 1, 8). C'est pourquoi, avec l'appel à la sainteté, résonne continuellement dans le message chrétien l'appel à la conversion (cf. Mt 4, 17 ; Mc 1 115).
C'est également le cas dans la prédication de saint Josémaria. La conviction de l'appel universel à la perfection chrétienne ne le conduisait pas à nier la réalité de la fragilité humaine. Dans sa catéchèse, il avertit que nous les hommes nous ne devons pas nous étonner de toucher nos misères, car « nous traînons à l’intérieur de nous-mêmes, comme une conséquence de notre nature déchue, un principe d’opposition, de résistance à la grâce : ce sont les blessures du péché originel, que nos péchés personnels viennent raviver » (Amis de Dieu 214). C'est pourquoi disait-il ; « c’est exprès que je le rabâche : la vie spirituelle est commencement et recommencement continuels » (Forge 384) : « le saint n’est pas celui qui ne tombe jamais, mais celui qui se relève toujours, humblement et avec une sainte opiniâtreté » (Amis de Dieu 131).
1. Pénitence : considération générale
Avec le nom de pénitence, la tradition chrétienne fait référence à chacune des multiples facettes du rôle de fils prodigue que le chrétien doit assumer. Pour exposer sa vaste signification, nous utilisons la description suivante que le fondateur de l'Opus Dei fait du chemin de retour du chrétien à la maison du Père : « un perpétuel retour (...), à l'aide de la contrition, cette conversion du cœur, qui suppose le désir de changer et la ferme décision d'améliorer notre vie. Cela se traduira, logiquement, par des œuvres de sacrifice et de don de soi. Revenir à la maison du Père au moyen de ce sacrement du pardon où, en confessant nos péchés, nous nous revêtons du Christ et devenons ainsi des frères, membres de la famille de Dieu » (Quand le Christ passe 64).
Dans la première partie de la citation, on trouve ce que l'on appelle communément la vertu de pénitence, qui traduit l'état de conversion permanente vers Dieu, à travers lequel le chrétien enlève de sa vie les traces du péché et progresse en s'identifiant aux traits de la vie du Christ (cf. Chemin de Croix, VIème Station ; Chemin 212). Dans ce contexte, il faut se rappeler que l'usage traditionnel du terme pénitence apparaît chargé d'une riche polysémie. D'une part, la pénitence signifie le changement profond du cœur de l'homme, qui consiste à modifier sa vie concrète en cohérence avec le changement du cœur ; d'autre part, cela signifie les œuvres spécifiques de sacrifice et de don de soi – appelées œuvres de pénitence – dans lesquelles se traduit le désir d'un changement de vie, s'il est authentique. Dans ce dernier sens, « pénitence signifie, dans le vocabulaire chrétien théologique et spirituel, l'ascèse, autrement dit l'effort concret et quotidien de l'homme, soutenu par la grâce de Dieu, en vue de perdre sa vie pour le Christ, unique moyen de la gagner (cf. Mt 16, 24-26 ; Mc 8, 34-36 ; Lc 9, 23-25) ;pour se dépouiller du vieil homme et revêtir l'homme nouveau (cf. Ep 4, 23) ; pour surmonter en soi ce qui est charnel afin que prévale ce qui est spirituel (cf. 1 Co 3, 1-20) ; pour s'élever continuellement des réalités d'ici-bas à celles d'en haut, là où se trouve le Christ (cf. Col 3, 1 et suiv.) » (RP, 4).
Dans la deuxième partie de la citation, saint Josémaria se réfère spécifiquement au sacrement de Pénitence. Il est logique qu'il en soit ainsi, puisque parmi les formes de pénitence, le sacramentel occupe une place prépondérante, car, comme l'enseigne saint] Jean-Paul II, « parmi tous ces actes, aucun n'est plus significatif, plus divinement efficace, ni plus élevé et en même temps plus accessible au sein du rite lui-même que le sacrement de Pénitence » (RP, 28). C'est la forme pénitentielle propre aux chrétiens, à ceux qui, constitués comme enfants de Dieu par le baptême, retournent dans la maison de leur Père ; le lieu où ils trouvent l'amour miséricordieux de Dieu qui continue d'offrir son pardon. C'est pourquoi il avait coutume de dire « que la meilleure façon de vivre la vertu de pénitence était d'approcher, contrit, du sacrement de la confession » (DEL PORTILLO, 1993, p. 147).
À la fin de la citation – nous continuons à nous référer à Quand le Christ passe 64 – il y a une référence à la condition filiale du chrétien. Cette indication n'est pas accidentelle, car c'est le contexte approprié pour comprendre dans sa profondeur théologique à la fois la vertu de pénitence et le sacrement de la confession. Le dynamisme de la vie chrétienne, décrit comme une conversion continue, pourrait conduire à une fausse vision du chrétien, comme s'il vivait dans un état permanent de tristesse devant ses péchés, et de peur devant la justice divine. Rien de plus contraire à la vision que saint Josémaria a de la vie chrétienne. Il affirme que le chrétien est réaliste et ne doit pas se soustraire à la responsabilité de ses fautes ou omissions, mais il a l'expérience profonde que le Seigneur, qui demande notre conversion, « n'est pas un maître tyrannique, ni un juge rigoureux et impitoyable : c'est notre Père. Il nous parle de nos péchés, de nos erreurs, de nos manques de générosité ; mais c'est pour nous en libérer, pour nous promettre son Affection et son Amour. La conscience de notre filiation divine imprègne de joie notre conversion, elle nous dit que nous sommes en train de revenir vers la maison du Père » (Quand le Christ passe 64). Et même face à la mort, moment où le diable essaie de conduire le chrétien au désespoir en lui montrant ses fautes, Saint Josémaria encourage à ne pas avoir peur et à continuer à chercher Dieu avec confiance, car alors Il nous accueillera. comme le père du fils prodigue (cf. Sillon 880).
2. Le mystère de l'amour miséricordieux de Dieu
Dans la continuité de l'enseignement paulinien, qui souligne que « Dieu est riche en miséricorde » (Ep 2, 4), saint Josémaria caractérise l'histoire du salut comme l'histoire des miséricordes divines. « Si vous parcourez l'Ecriture Sainte vous y découvrirez la présence constante de la miséricorde de Dieu : elle remplit la terre (Ps 32 [Vg 31], 5), elle s'étend à tous ses enfants, super omnem carnem (Si 18, 12), elle nous entoure (Ps 31 [Vg 30], 10) , elle va au-devant de nous (Ps 58 [Vg 57], 11), elle se multiplie pour nous aider (Ps 35 [Vg 34], 8), et elle a constamment reçu confirmation (Ps 106 [Vg 105], 2). Dieu, qui s'occupe de nous comme un Père très aimant, nous considère dans sa miséricorde (cfr. Ps 24 [Vg 23], 7) : une miséricorde douce (cfr. Sal 109 [Vg 108], 21 , belle comme un nuage de pluie (Si 35,26) ».
« Jésus – poursuit-il – résume et définit toute cette histoire de la miséricorde divine :bienheureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde (Mt 5, 7). En une autre occasion, Il dit : soyez miséricordieux, comme votre Père céleste est miséricordieux (Lc 6, 36). Bien des scènes de l'Evangile restent gravées dans notre mémoire : la clémence à l'égard de la femme adultère ; la parabole du fils prodigue ; celles de la brebis perdue et du débiteur pardonné ; la résurrection du fils de la veuve de Naïm (cfr. Jn 8,1-11 ; Lc 15, 11-32 ; Lc 15, 1-7 ; Mt 18, 21-35 ; Lc 7, 11-17). Que de motifs de justice pour expliquer ce grand prodige. Le fils unique de cette pauvre veuve est mort, lui qui donnait un sens à sa vie, lui qui pouvait l'aider dans sa vieillesse. Cependant le Christ ne fait pas de miracles par justice mais par compassion, parce que, intérieurement, Il s'émeut devant la douleur humaine. Quel sentiment de sécurité doit produire en nous la compassion du Seigneur ! Il m'appellera et je l'entendrai, car je suis miséricordieux (Ex 22, 27). Cette invitation, cette promesse, Il n'y faillira pas. Approchons-nous donc avec confiance du trône de grâces pour recevoir la miséricorde et la grâce en temps opportun (He 4, 16) » (Quand le Christ passe 7).
Devant ce Dieu riche en miséricorde, saint Josémaria était particulièrement ému en découvrant sa promptitude et son empressement à pardonner à ceux qui l'ont offensé. « Nous avons été étonnés de la grandeur de Dieu le Créateur, qui a tiré toutes choses du néant. Nous avons été à nouveau submergés par Dieu le Rédempteur, qui vient sauver l'humanité, avec tant d'amour qu'il se laisse clouer sur la Croix, souffrant tout ce qu'il peut – et Il peut tout ce qu'Il veut et Il veut beaucoup -, parce qu'Il nous aime tellement (...). Et, enfin, on regarde le Dieu qui pardonne... Et puis vient déjà la folie : un Dieu qui pardonne !, qui pardonne plus que toutes les mères et que tous les pères ensemble pardonnent à leurs enfants. Moi cela me rend amoureux, cela m'enchante. Je suis remué ! Un Dieu qui pardonne est père et mère cent fois, un nombre infini de fois » (cité dans ECHEVARRÍA, 2001, p. 97).
La miséricorde de Dieu pourrait sembler être en contradiction avec sa justice. En effet, à la vue de la multitude de péchés que les hommes commettent, le fondateur de l'Opus Dei constate qu'il tremble de se référer à la justice de Dieu et en appelle à la nécessité de recourir avec insistance à la miséricorde divine (cf. Quand le Christ passe 82). Entre les deux attributs, la miséricorde l'emporte sur la justice lorsque l'homme reconnaît sa culpabilité ; alors il trouve toujours le pardon de Dieu même s'il ne le mérite pas, quelle que soit la dette qu'il a contractée (cf. Quand le Christ passe 64). L'apparente contradiction entre la justice et la miséricorde de Dieu se surmonte si l'on considère que les deux vertus « sont des preuves d'Amour » (Chemin 431). De quelle manière ? Saint Josémaria a indiqué dans une homélie que « la miséricorde s’identifie avec la surabondance de la charité, qui amène avec elle la surabondance de la justice » (Amis de Dieu 232). Dans l'économie salvifique, la désorbitation généreuse de la justice divine se matérialise avec l'envoi de son propre Fils pour être la propitiation pour les péchés des hommes dans son propre sang (cf. Rm 3, 25). Le juste meurt à la place du coupable, et le coupable peut invoquer les mérites de Jésus-Christ pour que Dieu guérisse les péchés commis et accorde son pardon (cf. Quand le Christ passe 82).
3. La vertu de pénitence
Saint Josémaria ne se réfère pas explicitement à la pénitence comme une vertu, mais utilise l'expression « esprit de pénitence » comme synonyme de « vertu de pénitence ». Comme indiqué ci-dessus, le contenu sémantique du terme pénitence dans ce contexte est très riche. Pour son analyse, nous utilisons la relation que saint Josémaria établit entre pénitence et mortification.
La distinction conceptuelle entre les deux termes apparaît clairement dans Chemin, puisqu'un chapitre différent est dédié à chacun d'eux. Cependant, ils sont successifs, ce qui indique déjà l'existence d'une affinité entre les deux ; et cette affinité est telle que le lecteur perçoit parfois les deux termes comme synonymes. C'est également le cas dans l'ouvrage posthume Sillon, dans lequel des vingt-trois points qui composent le chapitre « Pénitence », ce mot n'apparaît que dans trois d'entre eux, tandis que le mot mortification est utilisé en dix points différents.
La nature de cette distinction et l'unité entre la mortification et la pénitence est objet d'étude dans l'édition critique-historique de Chemin. Selon Pedro Rodríguez, les deux concepts se rejoignent sur deux lignes. D'une part, la mortification est comprise comme un accomplissement quotidien, petit mais héroïque dans sa constance ; la pénitence indique plutôt ce que le langage classique appellerait « les grandes pénitences ». D’un autre côté il y a la ligne selon laquelle le mot pénitence assume la mortification en son sein et s'entend en référence à sa pleine signification théologique, comme expiation ; c'est-à-dire comme participation au mystère rédempteur de la Croix, qui donne sens à la douleur – des « petites mortifications » quotidiennes à la contradiction la plus féroce -, en la replaçant dans le contexte de l'Amour, de l'acceptation de la totalité de l'existence, d'un dévouement aimant au plan de Dieu (cf. CECH, pp. 370-371 ; ILLANES, 2007, pp. 507-511).
Le sens de l'expression « esprit de pénitence », dans les écrits de saint Josémaria, se place dans cette deuxième ligne. Pour le fondateur de l'Opus Dei, ne possèdent pas l'esprit de pénitence ceux qui font de grandes mortifications pendant quelques jours puis les abandonnent, mais plutôt ceux qui offrent de petits sacrifices par amour et sans spectacle tous les jours (cf. Forge 784). « L’esprit de pénitence consiste principalement à mettre à profit ces nombreuses petites choses — actions, renoncements, sacrifices, services… — que nous rencontrons chaque jour sur notre chemin, en les transformant en actes d’amour et de contrition, en mortifications, pour rassembler en fin de journée un bouquet, une très belle gerbe que nous offrons à Dieu ! » (Forge 408). Ceux qui ont un « esprit de pénitence » persévèrent chaque jour en offrant au Seigneur silencieusement, avec abnégation, avec générosité, avec joie, ces dépassements constants, aplanissant les aspérités, se débarrassant des défauts de la vie personnelle et devenant ainsi un autre Christ. cloué sur la Croix (cf. Forge 208, Forge 403).
Lorsqu'on inscrit l'esprit de pénitence dans la sphère de la conversion et de la réparation, son sens apparaît très proche, pour ne pas dire qu'il s'identifie, avec le sens du mot biblique metanoia. Dans l'Ancien Testament, ce terme grec signifie repentir, c'est-à-dire se sentir désolé pour quelque chose qui a été fait ou qu'on a cessé de faire, et qui implique un changement sincère de cœur, de sorte que, si l'on pouvait décider à nouveau, on ne choisirait pas ce qu'on regrette. Lorsqu'on l'emploie en référence à l'homme, les mauvaises œuvres devant Dieu apparaissent comme l'objet de la repentance.
Dans les Synoptiques, nous trouvons deux traductions latines du verbe metanoein. En premier lieu, on accède au verbe paenitere, qui recueille la même signification que le verbe metanoein dans l'Ancien Testament : se repentir d'un mauvais travail accompli devant Dieu. Dans un deuxième temps, il est traduit par l'expression agere paenitentiam : « la pénitence, c'est le mouvement par lequel les attitudes de conversion et de repentir dont on vient de parler se manifestent à l'extérieur : c'est ce qu'on appelle faire pénitence. Ce sens est bien perceptible dans le terme metánoia tel qu'il est employé par le Précurseur selon le texte des synoptiques. Faire pénitence veut dire, finalement, rétablir l'équilibre et l'harmonie rompus par le péché, changer de direction même au prix de sacrifices » (RP, 26).
La métanoïa a donc deux dimensions inséparables, comme les deux faces d'une même pièce : la conversion intérieure et son expression extérieure par l'ascèse et le changement de vie en cohérence avec le changement de cœur (cf. RP, 4). Si nous passons en revue les textes dans lesquels saint Josémaria traite de la pénitence, nous pouvons voir que cette description de la nature de la metanoia est précisément la même avec laquelle il caractérise l'esprit de pénitence. Pour saint Josémaria, il n'y a pas de véritable esprit de pénitence sans la conversion sincère du cœur ; et le repentir, s'il est authentique, se manifeste nécessairement en œuvres de réparation et de don de soi. On s'en rend compte tout de suite en voyant la raison qu'il introduit pour insister sur le fait que l'esprit de pénitence réside – mais pas exclusivement – dans une mortification continue : parce qu'avec ce désir ininterrompu de plaire à Dieu dans de petites batailles personnelles, il est difficile d'alimenter l'orgueil, la ridicule naïveté de se considérer soi-même comme héros remarquable (cf. Amis de Dieu 138). Les « grandes pénitences » sont compatibles avec l'orgueil, et on peut rester loin de Jésus même si de nouvelles roses fleurissent chaque jour des disciplines (cf. Chemin 200) ; En revanche, la mortification, surtout si elle est continue, est une manifestation claire et sûre d'une profonde humilité et d'une conversion intérieure (cf. Chemin 204).
L'esprit de pénitence n'exclut pas d'accomplir de « grandes pénitences » ; de plus, « elles se révèlent saintes et bonnes, et même nécessaires, lorsque le Seigneur appelle sur ce chemin » (Amis de Dieu 138). Ainsi, par exemple, saint Josémaria soutient que « le jeûne rigoureux est une pénitence très agréable à Dieu », et nous invite à le pratiquer fréquemment (cf. Chemin 231). Mais il insiste sur le fait que le sceau qui certifie l'authenticité qu'une telle pénitence est une manifestation de conversion intérieure est qu'elle s'accompagne d'une mortification habituelle. C'est pourquoi il s'exclame : « Que la pénitence a peu de prix, sans une constante mortification ! » (Chemin 223). Un des moyens qu'il suggère au chrétien pour disposer d'un bon critère lorsqu'il s'agit d'aspirer à de grandes pénitences, et d'éviter que cette pénitence soit désordonnée, est de suivre les conseils du directeur spirituel (cf. Chemin 233).
En tout cas, étant donné l'inséparabilité dans l'esprit de pénitence, entre les œuvres de pénitence et de conversion intérieure, il est pleinement justifié que saint Josémaria, quand vient le temps d'inviter les gens à réaliser des travaux concrets, insiste sur les « petites pénitences ». Ainsi, dans son homélieSur les pas du Seigneur, publiée dans Amis de Dieu, nous trouvons la liste suivante de quelques actes typiques de l'esprit de pénitence. Malgré sa longueur, nous la reproduisons intégralement car elle reflète pleinement le sens de la pénitence chez saint Josémaria :
« La pénitence, c’est l’accomplissement exact de l’horaire que tu t’es fixé, même si ton corps oppose de la résistance ou si ton esprit prétend s’évader dans des rêveries chimériques. La pénitence, c’est se lever à l’heure. Et aussi ne pas remettre à plus tard, sans motif valable, une tâche qui t’est plus difficile ou coûteuse que d’autres.
« La pénitence consiste à savoir concilier tes obligations envers Dieu, envers les autres et envers toi-même, en te montrant exigeant envers toi-même pour trouver du temps pour chaque chose. Tu es pénitent lorsque tu te plies amoureusement à ton plan de prière, même si tu es épuisé, sans envie ou froid.
« La pénitence, c’est traiter toujours les autres avec la plus grande charité, en commençant par ton entourage. C’est apporter la plus grande délicatesse à t’occuper de ceux qui souffrent, des malades, de ceux qui traversent une épreuve. C’est répondre avec patience aux raseurs et aux importuns. C’est interrompre ou modifier nos plans lorsque les circonstances, les intérêts bons et justes des autres surtout, le requièrent.
« La pénitence consiste à supporter avec bonne humeur les mille petites contrariétés de la journée ; à ne pas abandonner ton occupation même si tu perds momentanément l’enthousiasme avec lequel tu l’avais entreprise ; à manger avec reconnaissance ce qu’on te sert, sans importuner par des caprices.
« La pénitence, pour les parents et, en général, pour tous ceux qui ont une mission de direction ou d’éducation, c’est corriger quand il le faut, en accord avec la nature de l’erreur et les conditions de celui qui a besoin de cette aide, par-delà les subjectivismes bornés et sentimentaux.
« L’esprit de pénitence nous amène à ne pas nous attacher d’une façon désordonnée à notre ébauche monumentale de projets futurs, dans laquelle nous avons déjà prévu nos traits et nos coups de pinceau magistraux. Quelle joie nous donnons à Dieu lorsque nous savons renoncer à nos gribouillis et à nos coups de brosse d’artiste amateur et que nous permettons que ce soit Lui qui ajoute les traits et les couleurs qui lui plaisent le plus ! » (Amis de Dieu 138).
4. Le sacrement de la miséricorde divine
Parmi toutes les œuvres de pénitence, saint Josémaria invite avec insistance à s'approcher du sacrement de la Pénitence (ou de la Réconciliation ou du Pardon). C'est un thème constant dans sa catéchèse sur ce sacrement, qui a acquis une intensité toute particulière dans les dernières années de sa vie, alors que dans certains milieux il y avait une diminution et même un abandon de la pratique de la confession fréquente (cf. DEL PORTILLO, 1993 , p. 146).
Le sacrement de la Confession, par son institution, signifie et réalise effectivement la conversion et la réconciliation. Dans ce sacrement, le pénitent se reconnaît comme pécheur, accepte de se soumettre au jugement de Dieu manifesté par l'Église et entend la parole divine du pardon. Pour cette raison, il peut être considéré comme l'acte de pénitence le plus convenable et le plus suprême. Saint Josémaria s'émouvait devant la richesse de la miséricorde divine et, parmi toutes les innombrables preuves et manifestations de l'amour miséricordieux de Dieu, il était touché d'une manière particulière par son pardon, qui lui faisait découvrir dans toute sa profondeur la paternité divine. Dans le sacrement de Pénitence, le prêtre – qui en vertu du sacrement de l'Ordre a été configuré au Christ Prêtre – pardonne efficacement les péchés du pénitent précisément parce qu'il n'agit pas en son nom propre mais au nom de Jésus-Christ, Tête de son corps mystique (cfr Quand le Christ passe 79). Le sacrement de Pénitence est l'œuvre de pénitence dans laquelle le baptisé se tient devant le Christ et reçoit son pardon, étant un témoin immédiat de la miséricorde divine. C'est pourquoi saint Josémaria n'hésite pas à l'appeler « vrai miracle de l'Amour de Dieu » (Amis de Dieu 214).
Un autre nom avec lequel saint Josémaria désigne ce sacrement est celui de « sacrement de la joie » (DEL PORTILLO, 1993, p. 144). Il soutenait fermement que la joie est un bien chrétien qui ne se perd que par le péché, car – répétant les paroles de saint Augustin – « Tu nous as faits pour Toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu'il ne repose pas en Toi » (SAINT AUGUSTIN, Confessions, 1, 1, 1). Quand le chrétien se détourne de Dieu à cause d'une offense commise, rien n'est perdu : « Si nous nous repentons, s'il jaillit de notre cœur un acte de douleur, si nous nous purifions par le saint sacrement de la pénitence, Dieu s'avance à notre rencontre et nous pardonne. Alors, il n'y a plus de tristesse : il est tout à fait juste de se réjouir puisque ton frère que voici était mort et il est revenu à la vie ; il était perdu et il est retrouvé (Lc 15,32) » (Quand le Christ passe 178).
Conformément à l'enseignement solennel du Concile de Trente, qui définit l'absolution sacramentelle du prêtre comme un acte judiciaire, pour saint Josémaria le sacrement de la Confession est un tribunal dans lequel le juge est Dieu et l'accusé est l'homme. « C'est un tribunal de justice, sûr et divin, et surtout un tribunal de miséricorde où siège un juge très aimant qui ne désire pas la mort du pécheur mais veut qu'il se convertisse et vive (Ez 33, 11) » (Quand le Christ passe 78). La miséricorde et la justice de Dieu s'entremêlent d'une manière totalement insoupçonnée pour l'homme dans ce sacrement : « Vois comme elle est tendre et miséricordieuse, la justice de Dieu ! — La justice humaine punit celui qui avoue sa faute. La Justice divine, elle, pardonne » (Chemin 309). La surabondance de la justice, qui est miséricorde, est présente dans le sacrement de la pénitence parce que « c’est là que nous sont appliqués les mérites du Christ, Lui qui, par amour pour nous, se trouve sur la Croix, les bras étendus, et transpercé sur le bois, par l’Amour qu’Il nous porte encore plus que par les clous » (Forge 191).
La nature judiciaire de l'exercice du pouvoir de lier et délier que Jésus-Christ a donné aux apôtres et à leurs successeurs, exige que, pour la validité du sacrement, la confession des péchés soit nécessaire : le confesseur a besoin de connaître les péchés pour prononcer la sentence, même s'il s'agit d'une sentence de grâce et de pardon. Saint Josémaria a énuméré quatre qualités d'une bonne confession : qu'elle soit concise, concrète, claire et complète. C'est-à-dire que l'accusation de péchés se fait avec précision, en utilisant uniquement les mots justes et nécessaires ; en évitant de tomber dans des divagations ou des généralités, et en s'assurant que la nature précise des fautes soit bien comprise ; le tout, évidemment, dans le respect de l'intégrité formelle de la confession (cf. LUNA LUCA DE TENA, 1989, pp. 149-155) qui, selon la doctrine de l'Église Catholique, exige que le pénitent manifeste tous les péchés mortels dont il a conscience après un examen assidu (cf. CEC, n. 1456). Saint Josémaria nous poussait à être très sincères, à ne rien omettre dont le pénitent peut avoir honte, car « si l’on veut avancer dans l’union à Dieu, la sincérité est indispensable. – S’il se cache en toi un “crapaud”, mon fils, rejette-le ! Dis d’abord, comme je te l’ai toujours conseillé, ce que tu ne voudrais pas que l’on sache. Comme on se sent bien après qu’on a lâché le “crapaud” dans la confession ! » (Forge 193).
Le fondateur de l'Opus Dei recommandait – et c'est ainsi qu'il le vivait (cf. ECHEVARRÍA, 2000, p. 222) – d'aller au sacrement de la Confession chaque semaine, et même parfois, plus fréquemment, toujours sans laisser de place aux scrupules (voir Amis de Dieu 218). La confession est nécessaire lorsque la conscience accuse de péché mortel ; saint Josémaria ne se limite pas à rappeler ce précepte moral, mais se réfère fréquemment au fait qu'une âme amoureuse de Dieu se sente obligée d'aller au sacrement en raison de la douleur qui – sans perdre la paix – naît de l'accumulation de la commission des petites négligences quotidiennes (cf. Amis de Dieu 148, Amis de Dieu 214), qui le poussent à se revêtir à nouveau de notre Seigneur Jésus-Christ (cf. Chemin 310). D'autre part, il recommande non seulement de se confesser fréquemment pour obtenir la grâce sanctifiante, mais aussi parce que c'est un moyen très commode de progresser dans la vie spirituelle : cela aide à maintenir une conscience délicate qui évite de s'endurcir devant le péché et de résister à l’action salvifique de la grâce (cf. AIG, p. 51), et cela donne la grâce sacramentelle spécifique avec laquelle les misères que nous portons tous sont efficacement combattues (cf. Amis de Dieu 214-219).
5. La célébration du sacrement de pénitence
Saint Josémaria avait une véritable passion pour l'administration du sacrement de la pénitence. Ses biographes racontent les nombreuses heures qu'il a consacrées à la célébration de ce sacrement dès le début de sa vie sacerdotale. Seule la sérieuse obligation de gouverner l'Œuvre, qui exigeait de plus en plus d'attention et de dévouement en raison de son expansion, allait lui limiter la possibilité d'exercer directement le ministère de la Réconciliation ; Cependant, il a transmis sa passion aux fidèles de l'Opus Dei, de telle sorte que Jean-Paul II est allé jusqu'à affirmer qu'ils semblaient avoir le charisme de la confession (cf. DEL PORTILLO, 1993, pp. 144-146). Grâce au long temps passé dans le confessionnal, saint Josémaria a accumulé une expérience précieuse sur la façon d'administrer ce sacrement, qu'il a ensuite transmis dans sa catéchèse aux prêtres. Il rappelait avant tout que, parmi toutes les tâches du ministère sacerdotal, la célébration des sacrements de l'Eucharistie et de la Confession « est si centrale dans la mission du prêtre que tout le reste doit tourner autour d'elle. D'autres tâches sacerdotales – la prédication et l'instruction dans la foi – n'auraient aucun fondement, si elles ne visaient pas à enseigner comment traiter le Christ, à Le rencontrer dans le tribunal aimant de la Pénitence et dans le renouvellement non sanglant du Sacrifice du Calvaire, dans la Sainte Messe » (AIG, p. 75). En raison de cette primauté du ministère du Pardon, il exhortait fréquemment les prêtres à l'accomplir avec générosité et grande charité, exerçant inséparablement la mission de pasteur, juge, médecin et maître ; et il encourageait à agir selon la miséricorde de Jésus-Christ, qui est venu appeler les pécheurs à se convertir et à être sauvés (cf. Lc 5, 32), en cherchant toutes les âmes pour les conduire à une conversion profonde et sincère.
L'identification à Jésus-Christ doit aller jusqu'à risquer sa propre vie pour offrir le pardon de Dieu, si le bien des âmes l'exige ainsi. Un événement en ce sens a eu lieu pendant la guerre civile espagnole, dans la région où se déroulait une forte persécution religieuse. Une fois, saint Josémaria était dans un grenier, se cachant d'une fouille de la milice avec deux autres personnes. Il connaissait à peine l'une d'entre elles et il n'hésita pas à lui révéler qu'il était prêtre au cas où celui-ci voudrait recevoir l'absolution. Des années plus tard, cette personne, Juan Manuel Sainz de los Terreros, reconnaissait qu'il « lui avait fallu beaucoup de courage pour me dire qu'il était prêtre puisque j'aurais pu le trahir et, si on était entré, j’aurais pu essayer de sauver ma vie en le dénonçant » (AVP, II, p. 32).
Au cours de sa vie terrestre, Jésus-Christ a montré une prédilection particulière pour les enfants, et il a corrigé ceux qui les empêchaient de L'approcher (cf. Mc 10, 14). Saint Josémaria se souvenait avec une affection particulière de son expérience de confesseur d'enfants, lorsqu'à partir de 1927 et pendant les années où il fut aumônier des Dames Apostoliques de Madrid, il eut la tâche de préparer annuellement des milliers d'enfants pauvres à leur première Communion. Il assurait que les enfants, loin de subir un traumatisme, expérimentent avec gratitude la bonté de Dieu. Il conseillait aux parents d'emmener leurs jeunes enfants se confesser, car grâce à la confession personnelle, auriculaire et secrète, comme les autres, ils auraient de plus en plus de délicatesse de conscience et seraient aussi plus heureux, sachant que dans la Confession quelqu'un, qui représente Jésus qui les aime, les écoute (cf. DEL PORTILLO, 1993, p. 146 ;AVP, I, p. 280). Dans ce contexte, il se souvenait parfois de sa première confession : « Ma mère m'a emmenée chez son confesseur, quand j'avais six ou sept ans, et j'en ai été très content. J'ai toujours éprouvé une grande joie en m'en souvenant... Savez-vous ce qu'il m'a donné comme pénitence ? Je vous le dis, vous allez mourir de rire. J'entends encore le rire aux éclats de mon père, qui était très pieux mais pas bigot. Le bon prêtre – c'était un très gentil moinillon – n'a rien proposé de plus que ceci : tu diras à maman de te donner un œuf au plat. Quand je l'ai dit à ma mère, elle a commenté : mon fils, ce père aurait pu te dire de manger un bonbon, mais un œuf au plat... On voit qu'il aimait beaucoup les œufs au plat ! N'est-ce pas merveilleux ? Que le confesseur de la mère s'adresse au cœur de l'enfant – qui ne sait encore rien de la vie – pour lui dire de demander un œuf au plat... C'est magnifique ! Cet homme valait un empire ! » (AVP, I, p. 41, nt. 72).
Jésus-Christ est le bon pasteur qui part à la recherche de la brebis perdue et, une fois retrouvée, la porte sur son dos pour la conduire à la bergerie. Cette attitude du Seigneur qui se sacrifie volontiers pour la personne qui a besoin de son pardon, afin de faciliter ainsi sa conversion, était imitée par saint Josémaria – qui conseillait aux prêtres de faire de même – de diverses manières. Avant tout, en passant de nombreuses heures au confessionnal, à attendre patiemment – comme le père du fils prodigue – l'arrivée des pénitents. Ensuite par l'imposition de pénitences concrètes, accessibles et même faciles à réaliser, qu'il complétait lui-même, en satisfaisant généreusement par des prières et des mortifications personnelles (cf. AVP, I, p. 222). Il se comportait ainsi comme le bon médecin, « qui s'abstient d'appliquer des remèdes énergiques quand, étant donné la faiblesse du patient, ceux-ci pourraient le mettre en danger. De la même manière, le confesseur, animé par un instinct surnaturel, n'impose pas toujours tout le châtiment que le péché mériterait, de peur que le patient ne désespère et n'abandonne totalement la confession » (S.Th., Supp. Q. 18, a. 4 c).
Jésus-Christ est le juge miséricordieux qui ne refuse pas l'espérance du pardon. C'est pourquoi saint Josémaria encourageait les prêtres à toujours pardonner dans le sacrement de Pénitence, et à ne pas refuser l'absolution à moins que, après avoir essayé de le pousser à une contrition sincère, le pénitent ne remplisse les conditions requises. Un événement important dans la vie de saint Josémaria, qui révèle ses efforts pour aider à atteindre l'intégrité formelle de la confession, s'est produit alors qu'il était administrateur auxiliaire de la paroisse de Perdiguera, au début de son ministère sacerdotal. Là, il passait de nombreuses heures dans le confessionnal, et un jour, en quittant l'église, il a entendu le commentaire suivant d'une personne à ses amis : « Gare avec le curé ! Si je ne fais pas attention, il devinera tout » (AVP, I, p. 203). Ce commentaire lui causa une grande douleur et fut comme un aiguillon pour mettre son cœur davantage dans l'exercice du ministère. Bien d'autres fois, l'affection et l'effort dépensés l'ont amené à obtenir la confession de personnes qui ne voulaient pas recevoir l'absolution, alors même qu'elles étaient proches de la mort (cf. AVP, I, pp. 282-283).
Jésus-Christ n'est pas seulement un bon pasteur et un juge miséricordieux, mais il est aussi le médecin divin qui indique les remèdes contre le mal, et le maître qui enseigne comment faire le bien (cf. Quand le Christ passe 7). C'est pourquoi le sacrement de la Confession offre non seulement le pardon de Dieu, mais aussi une direction spirituelle pour l'âme. Pour cette raison, après avoir précisé que les chrétiens sont toujours libres de se confesser au prêtre qui a des facultés ministérielles légitimes, saint Josémaria conseillait de se confesser au prêtre qui nous connaissait, qui pouvait nous aider à redresser notre vue, qui savait exiger de nous une foi solide, de la finesse d'âme et une vraie force chrétienne (cf. Quand le Christ passe 7). Et il rappelait aux prêtres que cette tâche exigeait d'eux une formation doctrinale adaptée aux circonstances du travail pastoral, une extrême docilité au Magistère de l'Église et une profonde connaissance des âmes.
Avec ses conseils pratiques adressés aux prêtres, le fondateur de l'Opus Dei a toujours cherché à rendre agréable, aussi bien qu'exigeant, le chemin de la sainteté chrétienne, ce qui passe nécessairement par la Pénitence ; afin que le chrétien fidèle trouve dans le ministre du sacrement Jésus, le bon pasteur, et savoure la joie de se savoir enfant de Dieu, qui est Père, et un Père qui pardonne.
Thèmes connexes : Contrition ; Mortification et pénitence ; Péché ; Sacrements : Exposition d'ensemble.
Bibliographie : Amis de Dieu 126-140, Amis de Dieu 141-152, Amis de Dieu 153-173, Amis de Dieu 221-236 ; AIG, p. 63-82 ; Chemin 172-207, Chemin 208-234 ; ECP 1-11, ECP 57-66, ECP 73-82 ; Sillon 978-1000 ; CECH passim Saint jean Paul II, Exhortation Apostolique Réconciliation et Pénitence, 1984 ; Javier ECHEVARRÍA, “Llevar la Cruz con garbo”, en Memoria del Beato Josemaría. Entrevista con Salvador Bernal, Madrid, Rialp, 20002, pp. 209-223 ID., “Pecado y perdón”, en Itinerarios de vida cristiana, Barcelona, Planeta, 2001, pp. 87-98 ; Francisco LUNA LUCA DE TENA La confesión, Madrid, Palabra, 19893 ; Álvaro DEL PORTILLO, “El Pan y la Palabra”, en Entrevista sobre el Fundador del Opus Dei, Madrid, Rialp, 19934, pp. 136-151.