40 ans au Congo. 1980-2020 : Saint Josémaria m'a prise par la main…

Lui, qui portait dans son cœur l'Afrique et ses enfants africains, -je l'ai vu de mes propres yeux-, nous regarde avec un amour de prédilection depuis nos premiers pas au Congo.

Avec quelques unes de nos premières amies

Rome, début septembre 1982. Nous attendions l'arrivée du groupe de femmes qui allaient partir au Zaïre pour commencer le travail apostolique de l'Œuvre… et je n'étais pas du nombre ! Le 15 septembre, à l'aube et avec les larmes aux yeux, je leur ai dit au revoir à la porte de Via de Villa Sachetti, 36 : elles me semblaient si jeunes ! Je les imaginais dans un pays inconnu, seules, en train de faire face à toutes sortes de difficultés.

Enfin ! Quelqu'un me dit à l'oreille, elles ne sont pas seules, elles vont trouver une maison et le nécessaire pour commencer, grâce à nos frères qui ont déjà ouvert le chemin. En effet, Isabelle nous a raconté comment dès leur arrivée, elles avaient trouvé un appartement très agréable, avec un frigo rempli de bonnes choses !

Quelques jours plus tard, on m'a proposé de rejoindre l'équipe. Le Père, c'est à dire, le Prélat de l'Opus Dei - à l'époque le bienheureux Alvaro del Portillo - avait pensé à moi car, étant médecin, je pourrais m'occuper de la santé des autres. Je suis cependant restée à Rome encore un certain temps. Mgr Alvaro a voulu que j'y passe un dernier Noël. Ceci m'a permis d'y vivre l'érection de l'Opus Dei en Prélature Personnelle, le 28 novembre 1982, intention pour laquelle j'avais prié, depuis le jour de ma demande d'admission dans l'Œuvre, sans trop bien savoir de quoi il s'agissait.

Jusqu'à mon départ, j'ai eu d'autres occasions de parler avec le Père, qui m'encourageait dans cette nouvelle étape et me montrait toute sa confiance. Il m'a dit de faire face aux éventuelles difficultés avec beaucoup d'optimisme et de vision surnaturelle, sachant que, comme on dit, pour pouvoir accrocher un tableau d'un certain poids au mur, il faut que le clou soit fermement fixé et, pour ce faire, le mur opposera toujours de la résistance à la pénétration du clou.

Le 9 janvier 1983 je quittais Rome et le 26 février j'atterrissais à Kinshasa, après avoir reçu, en Espagne, une formation en médecine tropicale. Voici un petit fait qui corrobore la conviction que j'ai toujours eue. Saint Josémaria m'avait prise par la main pour toute cette aventure.

En effet, le 9 janvier, jour anniversaire de sa naissance, je quittais Rome et dans le vol Rome-Madrid, il n'y avait qu'un seul africain dans le couloir central de l'avion. Sa veste attira ma curiosité car il s'agissait d'un modèle que je ne connaissais pas. Or, il s'agissait de l'abacost, avec lequel j'allais par la suite me familiariser, à mon arrivée au Zaïre. Comme il s'est assis juste à côté de moi, dans la conversation, j'ai appris qu'il était Zaïrois, qu'il habitait Kinshasa et travaillait dans une entreprise minière. Quand il a su que Kinshasa était aussi ma destination finale, il m'a donné ses coordonnées pour pouvoir le contacter en cas de besoin. De fait, une fois à Kinshasa, j'ai appris qu'il était collègue d'un de nos premiers amis dans cette ville.

Excursion à Kisantu

La maison où l'on m'attendait n'était plus l'appartement de la première heure, mais une jolie maison de style colonial avec jardin, dans une zone assez tranquille, mais aussi assez éloignée du centre-ville. Pour y arriver, il fallait passer par le marché de Delvaux, bruyant et coloré. Vers 13 h en février, il fait très chaud à Kinshasa ! La chaleur, les centaines d'enfants sortants des écoles, les vendeurs du marché et les odeurs des marchandises (le fufu, le poisson salé, …) sont inoubliables, pour tout celui qui débarque pour la première fois dans la ville. Je m'en souviens encore avec émotion. Grande joie et émotion aussi au moment de nos retrouvailles !

Au troisième trimestre de l'année 1983, nous avons encore dû changer de maison. Nous avons cherché dans les journaux des annonces de maisons à louer, et nous avons noté l'adresse de contact, pour des renseignements concernant celle des maisons qui nous semblait réunir les conditions. C'est le propriétaire en personne nous a reçus et, dès le début de la conversation, il nous a posé la question de savoir si nous étions de l'Opus Dei. Par des amis, il avait déjà été mis au courant de notre arrivée.

Nous avons signé le contrat de location et le jour où nous sommes rentrées dans la maison, il est venu nous saluer (il habitait une nouvelle maison, juste à côté de la nôtre) et nous a trouvées " sur pied de guerre ", à la cuisine, en train de faire, ce qui s'appelle un ménage à fond. Il est parti pour revenir quelques minutes après avec son épouse et toutes ses filles à qui il voulait montrer nos techniques de nettoyage. Une belle amitié est née avec cette famille, qui dure jusqu'à ce jour.

Notre nouvelle maison était très proche de la Maternité de Binza, gérée par des religieuses italiennes. Elles ont très bien accueilli ma demande d'un travail bénévole pour " me faire la main ", avant de trouver un poste plus définitif. C'est ainsi que j'ai acquis une bonne expérience comme médecin-accoucheuse, surtout à partir du jour où on m'a laissée seule pour les accouchements.

C'est à ce moment-là que nous avons appris que la Fondation Mama Mobutu, fondation très connue dans le pays, cherchait une femme pour diriger un centre social et de formation professionnelle pour jeunes filles. Je me suis décidée à présenter ma candidature car, en plus d'un salaire pour vivre, j'avais besoin d'un permis de séjour pour pouvoir rester dans le pays. Il y avait aussi un aspect passionnant, pouvoir travailler dans une institution de l'Etat et me mettre au service d'une population de 1500 jeunes filles, sans compter les professeurs, le personnel administratif et un bon nombre de travailleurs qui s'occupaient de la production dans certains secteurs (couture, imprimerie, agriculture,…).

J'ai écrit une lettre de demande d'emploi en annexant mon deuxième CV, en tant que pédagogue, avec mon diplôme de master en pédagogie, (le premier étant celui de médecin). On m'appela pour un entretien d'embauche avec la présidente de la fondation. Comme je réfléchissais sur la façon de répondre à la question probable de la raison de ma venue au Zaïre, j'ai pensé que le mieux était de montrer un bulletin d'information sur Saint Josémaria et exposer brièvement sur l'Opus Dei.

La question attendue arriva et quand j'ai sorti de mon sac le bulletin, elle s'est exclamée: je connais ce prêtre ! Elle m'expliqua alors que son mari recevait depuis un certain temps ce bulletin et depuis lors elle réunissait chaque soir ses huit enfants pour dire la prière pour la dévotion privée au Serviteur de Dieu Josémaria Escriva, pour demander une directrice pour le centre féminin ! On peut facilement imaginer mon émotion et ma reconnaissance envers Saint Josémaria !

Avec quelques élèves du Centre Social

Je fus engagée sur-le-champ, puis je suis rentrée à la maison profondément émue, heureuse de pouvoir commencer ce travail qui nous a tant aidées et nous a ouvert de nombreuses portes dans les différentes démarches à entamer pour la création et la mise en route des nouvelles initiatives de développement.

J'ai travaillé durant neuf ans au service de la Fondation et, finalement, j'ai dû partir car je n'avais plus assez de temps pour me consacrer aux initiatives apostoliques alors en plein développement (le Lycée professionnel Kibali, l'école pour les infirmières ISSI, le Centre Culturel Tangwa pour les étudiantes…). Le temps est passé, les circonstances ont changé, mais la grande amitié avec la présidente de la Fondation ainsi qu'avec d'autres collègues s'est maintenue.

Avec la Présidente de la Fondation, lors d'une cérémonie officielle

Avant de terminer, je ne peux m'empêcher de relater une autre "intervention" de Saint Josémaria en ces premiers temps. Il s'agit d'une conversation avec le propriétaire de la maison que nous avons finalement acquise, comme siège définitif du Club Virunga.

Avant même l'arrivée des premières femmes, le Vicaire Régional avait estimé que cette maison pouvait nous convenir. Cependant, le propriétaire, après une offre de prix raisonnable, était revenu en arrière en augmentant le prix de façon exorbitante. Il fallut renoncer. Quelque temps après le propriétaire a appelé pour dire qu'il revenait au prix initial, si nous étions toujours intéressées. Quand nous sommes allées pour la signature du contrat, nous lui avons posé la question de savoir ce qui lui avait fait changer d'avis. Voici plus ou moins sa réponse : Mesdemoiselles, j'ai fait un rêve avec votre Fondateur et quand je me suis réveillé j'ai vu clairement que cette maison devait être pour vous !

La maison de Virunga que nous venions d'acheter

Saint Josémaria continue d'accompagner ses enfants dans ce pays. Lui, qui portait dans son cœur l'Afrique et ses enfants africains, - je l'ai vu de mes propres yeux -, nous regarde avec un amour de prédilection depuis nos premiers pas au Congo. Je me suis sentie chez moi depuis le premier jour, dans ce pays, qui nous a accueillies à bras ouverts. Maintenant, notre belle aventure s'y poursuit. Certes, les difficultés n'ont pas manqué ; malgré tout, la semence a poussé et grandi. Voilà, en définitive, ce qui compte.

Maria Dolores Mazuecos