- La douceur est un fruit de l'Esprit Saint
- Les doux posséderont la terre
SAINT PAUL énumère la douceur parmi les fruits de l’Esprit Saint (cf. Ga 5, 23). Saint Thomas d’Aquin signale que la douceur « réprime l’emportement de la colère » [1]. Peut-être nous sommes-nous souvent demandé pourquoi certaines situations ou certaines personnes nous agacent. Parfois, nous sommes pris de court par un sentiment de colère ou bien nous sentons qu’elle est en train de naître dans notre cœur. Il est clair qu’elle peut être présente dans notre vie et menacer efficacement notre paix et la paix de ceux qui nous entourent.
Un des effets de la colère est d’« empêcher au plus haut point, à cause de son impétuosité, l’esprit de l’homme de juger librement de la vérité » [2]. Par conséquent, un premier pas pour la surmonter est de se connaître le mieux possible : savoir comment sont nos coups de colère, comment ils se produisent, comment ils arrivent et disparaissent. Cette connaissance, accompagnée de la grâce que nous demandons à Jésus, « doux et humble de cœur », constitue un fondement solide pour livrer ces combats et parvenir à la paix intérieure. Notre comportement n’est pas spontané mais se prépare dans le cœur, parfois inconsciemment. Un obstacle, souvent difficile à déceler, ce sont les jugements que nous portons sur nous-mêmes ou sur les autres, spécialement les jugements critiques ou négatifs.
D’un côté, notre mission n’est pas de juger les autres ; nous ne voulons pas devenir comme des dieux dans cette tâche, nous préférons regarder les autres comme des enfants du même Père et penser au bonheur qu’ils atteindront dans le ciel. D’un autre côté, la critique de nous-mêmes sans espérance peut facilement devenir le bouillon de culture de la colère. Si je me sens jugé, si j’éprouve de la frustration devant les résultats obtenus, il est facile que ces sentiments aient une influence sur la manière dont je gère les événements de la journée. C’est pourquoi, les coups de colère peuvent servir à prendre conscience que notre cœur a besoin de calme et de paix intérieure. Nous demandons à l’Esprit Saint de nous aider à bien connaître les ressorts les plus cachés de nos actions.
DANS L’ÉVANGILE de la messe d’aujourd’hui, saint Pierre reçoit une aide inestimable de son Maître. Jésus veut guérir son cœur, il veut lui rappeler qu’il ne nourrit aucun ressentiment et que sa trahison ne sera pas un obstacle pour accomplir la mission qu’il souhaite lui confier. À trois reprises, pour réparer les trois reniements, il lui demande s’il l’aime. Il le fait avec délicatesse, graduellement. Chaque question s’accompagne d’une confirmation de sa confiance absolue dans les bonnes intentions de l’apôtre. Il compte sur lui, tel qu’il est, pour qu’il aide ses frères. En lui, nous trouvons en quelque sorte la mission que Dieu nous a confiée à chacun : « Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour votre âme. Oui, mon joug est facile à porter, et mon fardeau, léger » (Mt 11, 29-30).
Nous pouvons nous demander : « Qu’est-ce que ce “joug” qui au lieu de peser soulage, et au lieu d’écraser soutient ? » [3] Certes, Pierre s’attriste en écoutant à trois reprises la question portant sur son amour pour Jésus, puisqu’elle lui rappelle sa trahison. Or, avec le temps et l’aide de l’Esprit Saint, cet entretien est devenu un stimulant pour sa sérénité. L’éclat du regard de Jésus a fini par le convaincre qu’il lui pardonnait de tout cœur ; en outre, il ne lui a pas fait de reproche sur son comportement, même s’il l’avait prévenu. La confiance du Christ en Pierre ne s’était pas raccourcie mais était devenue plus forte. C’était le joug doux qui le soulageait dans sa mission.
Alors, l’apôtre, malgré la tristesse éprouvée à cause de ce souvenir si amer, a trouvé finalement le repos. Les eaux troubles de son âme se sont calmées grâce aux propos et au regard de Jésus. Il a cessé de se juger comme il l’avait fait jusqu’à ce moment. Jésus souhaite que sa charge personnelle elle aussi soit légère. Lorsque nous nous laissons aimer de Dieu, nous découvrons que « le joug c’est la liberté, le joug c’est l’amour, le joug c’est l’unité, le joug c’est la vie qu’il nous a gagnée sur la Croix » [4]. En même temps que la vérité de sa trahison, saint Pierre découvrait toute l’affection, la compréhension et la confiance que le Christ lui faisait : telle était sa vérité définitive.
JÉSUS AVAIT promis que les doux posséderaient la terre (cf. Mt 5, 5). Maintenant il montre à Pierre comment accéder à ce trésor. La possession de la terre est le paradis promis, le repos éternel, la béatitude pleine et complète, le ciel. Là, personne ne se sentira jugé, car tous contempleront dans l’enthousiasme la complaisance divine. Ce repos n’est pas un repos mérité en raison du dur travail accompli par quelqu’un qui a été fidèle ; ce serait déjà beaucoup, mais le ciel est infiniment plus grand. « Pouvez-vous imaginer ce que ce sera d’arriver là et de rencontrer Dieu et de voir cette beauté, cet amour qui se déverse dans nos cœurs, qui satisfait sans rassasier ? » [5]
Au moment où nous perdons la paix devant nos faiblesses, nous pouvons mettre en pratique un conseil bien connu de saint Josémaria : « Sérénité : pourquoi se mettre en colère, si, en se mettant en colère, on offense Dieu, on ennuie son prochain, on passe soi-même un mauvais moment, on n’arrange pas les choses..., et qu’à la fin il faut se calmer ? » [6] En outre, si nous ne permettons pas à Dieu de nous pardonner, nous finissons par déranger les autres : c’est en cela que consiste la colère. Nous pouvons demander au Paraclet son secours : « Esprit Saint, vent impétueux de Dieu, souffle sur nous. Souffle dans nos cœurs et fais-nous respirer la tendresse du Père. Souffle sur l’Église et pousse-la vers les confins lointains afin que, guidée par toi, elle n’apporte rien d’autre que toi. Souffle sur le monde la tiédeur délicate de la paix et la fraicheur rénovatrice de l’espérance. Viens, Esprit Saint, change-nous intérieurement et renouvelle la face de la terre ! » [7]
Pierre, après cet entretien, a accompli ce que Jésus lui a une nouvelle fois demandé : « Suis-moi » (Jn 21, 19). Nous demandons à notre Mère, épouse de l’Esprit Saint, de nous aider à être doux et de nous pousser à semer la paix et la joie jusqu’au dernier recoin de la terre.
[1]. Saint Thomas d’Aquin, Somme théologique, II-II, q. 157, a. 1.
[2]. Ibid.
[3]. Benoît XVI, Angélus, 3 juillet 2011.
[4]. Saint Josémaria, Amis de Dieu, n° 31.
[5]. Saint Josémaria, Bulletin d’information sur le procès en béatification du Serviteur de Dieu, n° 1, p. 5.
[6]. Saint Josémaria, Notes intimes, n° 881.
[7]. Pape François, Homélie, 20 mai 2018.