- La joie est un élément central de l’expérience chrétienne
- Sage est celui qui connaît les choses de Dieu
- La sagesse donne toute sa saveur à notre vie
LA NUIT de Pâques, l’Église chante la préface pascale, expression de la joie de la victoire de Jésus-Christ : « Qu’exulte de joie désormais la foule des anges… Que se réjouisse aussi la terre, irradiée de rayons si brillants… et que ce lieu retentisse des fortes acclamations que chantent les peuples ! » Après les jours tristes et douloureux de la Passion, les apôtres ont retrouvé leur joie en voyant le visage du Christ ressuscité. Lors de la dernière Cène, le Christ les avait prévenus : « Vous allez pleurer et vous lamenter, vous serez dans la peine, mais votre peine se changera en joie. […] Mais je vous reverrai, et votre cœur se réjouira ; et votre joie, personne ne vous l’enlèvera » (Jn 16, 20-23) Malgré leur échec cuisant dans l’amour de son Maître, Jésus ne les a pas laissés enfermés dans leur misère. Il est reparti sur les routes, « déguisé en étranger » [1], à la recherche de ses disciples.
Certes, la joie est une aspiration gravée dans notre être. « Notre cœur cherche la joie profonde, pleine et durable qui peut donner de la saveur à l’existence » [2] En tant que disciples du Seigneur, nous savons que la joie que nous cherchons se trouve en lui. C’est un élément central de l’expérience chrétienne. Après la Pentecôte, la joie devient pour la première communauté un mode de vie, car la joie est un fruit de sa présence. « Chaque jour, d’un même cœur, ils fréquentaient assidûment le Temple, ils rompaient le pain dans les maisons, ils prenaient leurs repas avec allégresse et simplicité de cœur » (Ac 2, 46.
La joie et l’amour vont de pair. « L’homme ne peut vivre sans amour », rappelait saint Jean-Paul II au début de son pontificat. « Il reste pour lui-même un être incompréhensible, sa vie n’a pas de sens si l’amour ne lui est pas révélé, s’il ne rencontre pas l’amour, s’il ne l’expérimente pas et ne le fait pas sien, s’il n’y participe pas vivement » [3]. La joie chrétienne naît du fait de savoir que nous sommes inconditionnellement aimés par Dieu. Il nous accueille, nous accepte et nous aime tels que nous sommes. Cet amour personnel entretient une joie que rien ni personne ne peut nous enlever (cf. Jn 16, 23). Le Seigneur nous dit, dès le début de notre vie : « Je veux que tu sois ; il est bon, très bon que tu existes… Quelle merveille que tu sois dans le monde » [4].
« C’est pourquoi, frères, réjouissez-vous dans le Seigneur, et non dans le monde », conseillait saint Augustin. « C’est-à-dire, réjouissez-vous dans la vérité, non dans l’iniquité ; réjouissez-vous dans l’espérance de l’éternité, non dans les fleurs de la vanité. Réjouissez-vous de telle sorte que, quelle que soit la situation dans laquelle vous vous trouvez, ayez à l’esprit que le Seigneur est proche ; que rien ne vous inquiète » [5].
AUJOURD’HUI commence la pieuse coutume des “Dix Jours pour le Saint-Esprit”, qui nous prépare à la solennité de la Pentecôte. Dans une invocation liturgique, nous demandons à Dieu, avec la lumière du Paraclet, de nous accorder « de connaître les choses justes et de jouir toujours de ses divines consolations ». Il existe également un lien étroit entre la sagesse et la joie. Le premier et le plus grand des dons de l’Esprit Saint est le don de sagesse, qui nous donne une connaissance profonde du mystère de Dieu, une connaissance nouvelle et charitable, par laquelle « l’âme acquiert une familiarité, pour ainsi dire, avec les choses divines « [6]. La sagesse est « un certain goût de Dieu » [7], un goût pour le spirituel, qui nous donne aussi une capacité nouvelle de « juger les choses humaines à la mesure de Dieu » [8].
En effet, nous lisons dans la Sainte Écriture : « Aussi j’ai prié, et le discernement m’a été donné. J’ai supplié, et l’esprit de la Sagesse est venu en moi. Je l’ai préférée aux trônes et aux sceptres ; à côté d’elle, j’ai tenu pour rien la richesse ; je ne l’ai pas comparée à la pierre la plus précieuse ; tout l’or du monde auprès d’elle n’est qu’un peu de sable, et, en face d’elle, l’argent sera regardé comme de la boue » (Sg 7, 7-9). Les anciens recherchaient la pierre philosophale, qui avait des pouvoirs magiques et transformait tout en or. Le don de la sagesse est bien plus que cette pierre inexistante qui laissait présager tant de bonheur, car il nous apprend à regarder la réalité de l’intérieur, en la contemplant avec les yeux de Dieu. «Le vrai sage n’est pas simplement celui qui connaît les choses de Dieu, mais celui qui les expérimente et les vit» [9]. Les saints nous donnent un exemple de cette sagesse joyeuse. En suivant leurs traces, nous apprenons à imprégner notre vie entière de la lumière de la sagesse : nos expériences, nos sentiments, nos rêves et nos projets.
Le don de la sagesse « en nous faisant connaître Dieu et jouir de Dieu, nous rend capables de juger sans erreur les situations et les choses de cette vie. […] Non pas que le chrétien ne se rende compte de tout ce qu’il y a de bon dans l’humanité, qu’il n’apprécie les joies pures, qu’il ne participe aux désirs et aux idéaux terrestres. Il ressent, au contraire, tout cela du plus profond de son âme, et il le partage et le vit avec une intensité spéciale, parce qu’il connaît mieux que quiconque les profondeurs de l’esprit humain » [10]. La sagesse nous fait découvrir le sens profond de la réalité, de l’histoire elle-même. Avec elle, nous allons au-delà de la surface des choses et des événements pour plonger dans le sens ultime de tout ce qui se passe.
SAINT PAUL est resté longtemps à Corinthe à prêcher la parole de Dieu, car dans une vision, le Seigneur lui a dit : « Sois sans crainte : parle, ne garde pas le silence. Je suis avec toi, et personne ne s’en prendra à toi pour te maltraiter » (Ac 18, 9-10). La constance de la foi et du témoignage de Paul, comme celle du reste des disciples, reposait sur la conviction que le Seigneur, qui connaît tous les cœurs et toutes les choses, se tenait à ses côtés et veillait sur lui avec amour.
« Ne garde pas le silence ». La Sagesse nous apprend à sentir avec le cœur de Dieu, à parler avec les mots de Dieu. Elle n’est pas le fruit de l’étude, ni de la préparation intellectuelle. Il s’agit d’un don gratuit du doux Hôte de l’âme, grâce auquel nous découvrons la bonté et la grandeur du Seigneur, qui remplit notre vie de saveur afin que nous devenions « sel de la terre » (Mt 5, 13). Le cœur du « sage » a le goût de Dieu, en lui tout nous parle de Dieu, de sorte qu’il devient pour les autres un témoignage beau et vital de son amour.
Dans le premier livre des Rois, il est raconté qu’au début de son règne, Salomon a fait un rêve. Dieu l’a encouragé à demander un cadeau : «Demande ce que je dois te donner» (1 R 3, 1-15). À cette demande divine, le roi répond : « Donne à ton serviteur un cœur attentif pour qu’il sache gouverner ton peuple et discerner le bien et le mal ». Il était très agréable aux yeux de Dieu que Salomon ait demandé la sagesse, comme le plus grand de tous les trésors. Prenant l’exemple du roi sage, nous pouvons nous tourner vers le Christ avec ces mots de saint Ambroise : « Apprends-moi les riches paroles de la sagesse, car tu es la Sagesse ! Ouvre mon cœur, toi qui as ouvert le livre ; tu ouvres la porte qui est au ciel, car tu es la Porte ! Celui qui entre par toi possédera le Royaume éternel ; celui qui entre par toi ne sera pas trompé, car celui qui est entré dans la demeure de la Vérité ne peut se tromper » [11].
Marie est la Cause de notre joie et le Siège de la Sagesse. Nous lui demandons de nous donner la grâce de tout regarder avec les yeux joyeux de Dieu.
[1]. Cf. J. M. Ibañez Langlois, Livre de la Passion, Jésus s’est rendu plein d’amour sur les chemins, cherchant à apparaître, déguisé en étranger.
[2]. Benoît XVI, Message pour la XXVIIe Journée Mondiale de la Jeunesse (2012).
[3]. Saint Jean Paul II, Redemptor hominis, n° 10.
[4]. J. Pieper, Les vertus fondamentales (cf. Gn 1, 31).
[5]. Saint Augustin, Sermon (PL 38, 933-935).
[6]. Saint Jean Paul II, Catéchèse sur le Crédo, 9 avril 1989.
[7]. Saint Thomas d’Aquin, Somme théologique II-II, q. 45, a. 2, ad 1.
[8]. Saint Jean Paul II, Catéchèse sur le Crédo, 9 avril 1989.
[9].Ibid.
[10]. Saint Josémaria, Quand le Christ passe, n° 133.
[11]. Saint Ambroise, Commentaire du Psaume 118/1.