L’encens et la flamme

L’annonce pascale, qui remonte à la première antiquité chrétienne, se fait devant le cierge allumé, symbole du Christ immortel. Une croix gravée sur la cire rappelle le sacrifice du Calvaire ; avec le développement de la dévotion aux cinq plaies du Rédempteur, cinq grains d’encens ornent désormais la croix du cierge pascal.

Jésus glorieux n’a pas voulu effacer les plaies de son corps ; les traces de l’humiliation parent le Roi de gloire, comme des insignes d’un amour vigoureux. Les plaies de l’Agneau vulnérable deviennent plus puissantes que les virus du mal.

Dominique le Gréco, La Trinité (Madrid, 1577).

Dominique le Gréco l’a présenté (Madrid, 1577), selon l’ancien modèle du Trône de grâce. « Le Christ est entré dans le ciel même, afin de paraître maintenant pour nous, devant la face de Dieu » (Hébreux 9, 24). Le corps glorieux du Ressuscité, enserré par le Père des Miséricordes, plaide pour notre salut sans limite de temps ni de lieu.

Dès l’aube de l’histoire du salut, l’encens odoriférant a été un symbole éloquent. Après le déluge, Noé offrit des holocaustes : « Le Seigneur respira le parfum apaisant de ce sacrifice et il se dit : Désormais je renonce à maudire le sol à cause des êtres humains » (Genèse 8, 21). Le sacrifice de Jésus unissait l’immolation corporelle à l’offrande intérieure, brûlante d’amour filial. «Le Christ nous a aimés et s'est livré lui-même à Dieu pour nous, en offrande et victime, comme un parfum d'agréable odeur» (Éphésiens 5, 2). L’ancienne liturgie romaine, dans l’offrande du calice, évoque encore cette image.

Les sept paroles de Jésus sur la Croix ont exprimé l’ampleur de son offrande ; ces prières montaient vers le Père, comme de l’encens (Psaume 141, 2), et se déversaient bienveillantes sur les gens.«Comme l’encens doit brûler pour parfumer, ainsi faut-il pour la prière ‘brûler’ un peu de temps, le dépenser pour le Seigneur. Et le faire vraiment, pas seulement en paroles » (Pape François, Homélie 6/01/2019).

Le parfum du Golgotha est toujours séduisant. Les grains d’encens incrustés dans le cierge rappellent que ce sacrifice plaît à la Trinité et embaume l’Église. Jésus, par l’ostension de ses plaies, obtient du Père la miséricorde sans bornes : aucune génération n’est privée des richesses de la Croix, qui changent le cours de l’histoire. Sous les voiles du sacrement, Le sacrifice de l’autel représente l’unique sacrifice rédempteur ; animée par la charité eucharistique, la vie de chaque chrétien s’élève comme de l’encens,« en sacrifice vivant, saint et agréable à Dieu : c’est votre culte spirituel » (Romains 12, 1).

L’encens de Pâques est l’hommage fidèle au Sauveur. « La bonne odeur du Christ » (2 Corinthiens 2, 15) révèle au monde le visage du Maître. «Nos paroles, nos actes, et même nos misères ! répandront alors la bonne odeur du Christ, que les autres hommes remarqueront obligatoirement en se disant : voilà un chrétien» (saint Josémaria, Amis de Dieu, 271). Un chrétien est ainsi comme un petit grain d’encens, rivé aux plaies de Jésus. Le Sauveur prolonge l’œuvre du salut par la fidélité de ses membres.

Abbé Fernandez