Thème 2 - La Révélation

Dieu s’est révélé en tant qu’être personnel tout au long d’une histoire de salut, créant et éduquant un peuple qui soit le dépositaire de sa Parole et au sein duquel puisse se réaliser l’Incarnation de Jésus, le Christ.

2.

La Révélation

  • Dieu se révèle aux hommes

« Il a plu à Dieu, dans sa sagesse et sa bonté, de se révéler en personne et de faire connaître le mystère de sa volonté grâce auquel les hommes, par le Christ, le Verbe fait chair, accèdent dans l'Esprit Saint auprès du Père, et sont rendus participants de la nature divines. Ainsi, par cette révélation, provenant de l'immensité de sa charité, Dieu, qui est invisible, s'adresse aux hommes comme à des amis, et converse avec eux pour les inviter à entrer en communion avec lui et les recevoir en cette communion »[1] (cf. Catéchisme, 51).

La révélation de Dieu commence en quelque sorte avec la création, dans laquelle il laisse une éternelle image de lui-même[2] (cf. Catéchisme, 288). Dieu s’est manifesté et se manifeste aux hommes de tous les temps en leur faisant connaître sa bonté et ses perfections à travers les créatures, l’homme étant celle qui Le manifeste au plus haut degré. Nonobstant, Dieu a voulu se révéler comme Être personnel à travers l’histoire du salut. Il crée et éduque un peuple pour qu’il soit à même de garder sa Parole adressée aux hommes et pour préparer en son sein l’Incarnation de son Verbe, Jésus-Christ[3] (cf. Catéchisme, 54-64). En ce dernier, Dieu révèle le mystère de sa vie trinitaire, le projet du Père de récapituler toute chose en son Fils et de choisir et adopter tous les hommes comme ses enfants dans son Fils (cf. Ep 1, 3-10 ;Col 1, 13-20), les réunissant afin qu’ils participent à sa vie divine par l’Esprit Saint. Dieu se révèle et accomplit son plan de salut par les missions du Fils et de l’Esprit Saint dans l’histoire[4].

La Révélation contient des vérités naturelles que l’être humain pourrait connaître par le seul exercice de sa raison. La Révélation contient aussi des vérités qui excèdent cette même raison et ne peuvent être connues qu’en vertu de la bonté libre et gratuite de Dieu. L’objet principal de la Révélation n’est pas un ensemble de vérités abstraites sur le monde et l’homme; le noyau substantiel en est l’ouverture que Dieu nous offre sur le mystère de sa vie personnelle et l’invitation qu'il nous fait à y prendre part.

La Révélation divine se réalise par des paroles et par des œuvres. Elle est de façon indissociable mystère et événement. Elle manifeste simultanément une dimension objective (parole qui révèle la vérité) et subjective (parole personnelle qui rend témoignage d’elle-même et invite au dialogue). Cette Révélation doit donc être comprise et transmise en tant que vérité et vie[5] (cf. Catéchisme, 52-53).

Outre les faits et les signes extérieurs, Dieu révèle par une impulsion intérieure de sa grâce, afin que les hommes puissent adhérer de cœur aux vérités révélées (cf. Mt 16, 17 ; Jn 6, 44). Cette révélation intime de Dieu dans le cœur même de ses fidèles n'est pas à confondre avec les « révélations privées » de certains mystiques. Ces dernières, même si elles sont reçues par l’Église, n’ajoutent aucun contenu nouveau et original à la Révélation générale; elles ne font que rappeler aux hommes cette unique Révélation de Dieu, pleinement réalisée en Jésus-Christ; et elles exhortent à la mettre en pratique (cf. Catéchisme, 67).

  • La Sainte Écriture, témoin de la Révélation

Le peuple d’Israël, sous l’inspiration et par mandat de Dieu, a mis par écrit, au cours des siècles, le témoignage de la Révélation de Dieu dans son histoire, Révélation du Dieu unique et véritable faite à nos Pères. À travers la Sainte Écriture, les paroles de Dieu se manifestent en des paroles humaines jusqu’à assumer, dans le Verbe Incarné, la nature humaine elle-même. Outre les Écritures d’Israël, reconnues par l’Église sous le nom d’Ancien Testament, les apôtres et les premiers disciples mirent eux aussi par écrit le témoignage de la Révélation de Dieu telle qu’elle s’est réalisée en plénitude dans son Verbe. Ils ont été les témoins de son passage ici-bas, en particulier du mystère pascal de sa mort et de sa résurrection, donnant ainsi origine aux livres du Nouveau Testament.

La vérité selon laquelle le Dieu dont témoignent les Écritures d’Israël est l’unique vrai Dieu, créateur du ciel et de la terre, est mise en évidence en particulier dans les « livres sapientiaux ». Leur contenu dépasse les frontières du peuple d’Israël et embrasse l’expérience commune du genre humain devant les grands thèmes de l’existence, du sens du cosmos au sens de la vie de l’homme (Livre de la Sagesse), avec des interrogations sur la mort et l’au-delà et la signification de l’activité humaine ici-bas (Livre de Qohelet). Le Livre des Proverbes et le Siracide (Ben Sirac) considèrent, entre autres, les relations familiales et sociales, et la vertu qui doit les diriger en accord avec les plans du Dieu créateur, pour qu'ainsi l'homme atteigne la plénitude de sa propre humanité.

Dieu est l’auteur de la Sainte Écriture. Les auteurs sacrés (ou hagiographes), eux aussi auteurs du texte, l’ont rédigé sous l’inspiration du Saint-Esprit. Pour sa composition, « Dieu a choisi des hommes auxquels il eut recours dans le plein usage de leurs facultés et de leurs moyens, pour que, Lui-même agissant en eux et par eux, ils missent par écrit, en vrais auteurs, tout ce qui était conforme à son désir, et cela seulement. »[6] (cf. Catéchisme, 106). « Dès lors, puisque les assertions des auteurs inspirés ou hagiographes doivent être tenues pour assertions de l'Esprit Saint, il faut déclarer que les livres de l'Écriture enseignent fermement, fidèlement et sans erreur la vérité que Dieu a voulu voir consignée dans les Lettres sacrées pour notre salut. »[7]

Pour comprendre correctement la Sainte Écriture, il faut en considérer les divers sens (littéral et spirituel, ce dernier se subdivisant en allégorique, moral et anagogique [= le plus profond]). Il faut encore prendre en compte les divers genres littéraires dans lesquels ont été rédigés les différents livres ou leurs parties (cf. Catéchisme, 110, 115-117). En particulier, la Sainte Écriture doit être lue à la lumière de la Tradition vivante de l’Église et de l’analogie de la foi (cf. Catéchisme, 111-114). Elle doit être lue et comprise avec le même Esprit qui l’a fait écrire.

Les exégètes qui travaillent à l’interprétation et à l’approfondissement du contenu de l’Écriture proposent leurs résultats à partir de leur propre autorité scientifique. La fonction du Magistère est de formuler une interprétation authentique, obligeant en conscience, basée sur l’autorité de l’Esprit Saint qui assiste le Pape et les évêques en communion avec lui pour le gouvernement de l’Église.

Grâce à cette assistance divine, l’Église, dès les premiers siècles, a pu reconnaître quels étaient les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament contenant le témoignage de la Révélation. L’ensemble de ces livres est dit « canon » de la Sainte Écriture (cf. Catéchisme, 120-127).

Une interprétation authentique de la Sainte Écriture, en tenant compte des différents sens et genres littéraires, s’avère nécessaire lorsque les auteurs sacrés décrivent des aspects du monde appartenant aussi au domaine des sciences naturelles : la formation des éléments du cosmos, l’apparition des diverses formes de vie, l’origine du genre humain, les phénomènes naturels en général. Il s’agit d’éviter l’erreur du fondamentalisme, qui ne se sépare pas du sens littéral et du genre historique lorsqu’il serait nécessaire de le faire; l’erreur également de qui considère les récits bibliques comme mythologiques, sans aucun contenu de vérité à transmettre sur l’histoire des événements et leur dépendance radicale de la volonté de Dieu[8].

  • La Révélation comme histoire du salut achevée dans le Christ

En tant que dialogue entre Dieu et les hommes par lequel Il les invite à participer à sa vie personnelle, la Révélation se manifeste dès le début comme une alliance donnant origine à une histoire du salut.

« Voulant de plus ouvrir la voie du salut d’en haut, il s’est manifesté aussi lui-même, dès l’origine, à nos premiers parents. Après leur chute, par la promesse d’une rédemption, il les releva dans l’espérance du salut (cf. Gn 3, 15); il prit un soin constant du genre humain, pour donner la vie éternelle à tous ceux qui, par la constance dans le bien, recherchaient le salut (cf. Rm 2, 6-7). Au temps fixé, il appela Abraham pour faire de lui un grand peuple (cf. Gn 12, 2); après les patriarches, il forma ce peuple par l’intermédiaire de Moïse et par les prophètes, pour qu’il le reconnaisse comme le seul Dieu vivant et vrai, Père prévoyant et juste juge, et qu’il attende le Sauveur promis, préparant ainsi au cours des siècles la voie à l’Évangile. »[9]

Commencée dès la création de nos premiers parents avec leur élévation à la vie de la grâce qui leur permet de participer à l’intimité divine, préfigurée ensuite par le pacte cosmique avec Noé, l’Alliance de Dieu avec l’homme est révélée explicitement à Abraham et, plus tard, particulièrement à Moïse, auquel Dieu fait don des Tables de la Loi. Aussi bien la nombreuse descendance promise à Abraham, dans laquelle seront bénies toutes les nations de la terre, que la loi donnée à Moïse avec les sacrifices et le sacerdoce accompagnant le culte divin, sont des préparations et des figures de la nouvelle et éternelle Alliance conclue en Jésus-Christ, Fils de Dieu, réalisée et révélée dans son incarnation et son sacrifice pascal. L’Alliance dans le Christ rachète le péché de nos premiers parents, eux qui avaient rompu par leur désobéissance la première offre d’Alliance de la part de Dieu créateur.

L’histoire du salut se montre comme une grandiose pédagogie divine aboutissant au Christ. Les prophètes, dont la fonction est de rappeler l’Alliance et ses exigences morales, parlent tout spécialement de Lui, le Messie promis. Ils annoncent l’économie d’une nouvelle Alliance, spirituelle et éternelle, inscrite dans les cœurs : ce sera le Christ qui la révélera, avec les Béatitudes et la prédication de l’Évangile. Il promulguera le commandement de la charité, réalisation et accomplissement de toute la Loi.

Jésus-Christ est simultanément médiateur et plénitude de la Révélation. Il est le Révélateur, la Révélation et son contenu puisqu’il est Verbe de Dieu fait chair. « Á bien des reprises et de bien des manières, Dieu, dans le passé, a parlé à nos pères par les prophètes; mais, à la fin, en ces jours où nous sommes, il nous a parlé par son Fils qu'il a établi héritier de toutes choses et par qui il a créé les mondes» (He 1, 1-2). Dieu, en son Verbe, a tout dit, et de façon concluante. «L’économie chrétienne, étant l’Alliance Nouvelle et définitive, ne passera donc jamais et aucune nouvelle révélation publique n’est dès lors à attendre avant la manifestation glorieuse de notre Seigneur Jésus Christ (cf. 1 Tm 6, 14 ; Tt 2, 13). »[10] (cf. Catéchisme, 65-66). La réalisation et la plénitude de la Révélation se manifestent particulièrement dans le mystère pascal de Jésus-Christ, c’est-à-dire dans sa passion, sa mort et sa résurrection. Il s’y montre comme la Parole définitive dans laquelle Dieu a manifesté la totalité de son amour de bienveillance et a rénové le monde. En Jésus-Christ, et en lui seul, Dieu révèle l’homme à lui-même et lui fait comprendre quelle est sa dignité et sa très haute vocation[11].

La foi en tant que vertu est la réponse de l’homme à la révélation divine, une adhésion personnelle à Dieu dans le Christ, motivée par ses paroles et par les œuvres qu’il réalise. La crédibilité de la révélation s’appuie surtout sur la crédibilité de la personne de Jésus dans toute sa vie. Sa position de médiateur, plénitude et fondement de la crédibilité de la Révélation, distinguent la personne de Jésus-Christ de quelque autre « fondateur » de religion que ce soit. Nul d’autre que lui ne demande à ses disciples d’avoir foi en lui, ni ne prétend être la plénitude et la réalisation de ce que Dieu veut révéler à l’homme. Les autres « fondateurs » (si tant est qu’ils se présentent comme tels)ne font, au mieux, que se proposer comme médiateurs afin que les hommes connaissent une révélation.

  • La transmission de la Révélation divine

La Révélation divine est contenue dans l’Écriture Sainte et la Tradition, qui constituent ensemble un dépôt unique de la Parole de Dieu[12], tout en étant interdépendantes : la Tradition transmet et interprète l’Écriture qui, à son tour, vérifie et valide ce qui est vécu dans la Tradition[13] (cf. Catéchisme, 80-82).

La Tradition, fondée sur la prédication des apôtres, témoigne et transmet de façon vivante et dynamique tout ce que l’Écriture a recueilli au moyen d’un texte fixé. « Cette Tradition qui vient des Apôtres progresse dans l’Église, sous l’assistance du Saint-Esprit ; en effet, la perception des réalités aussi bien que des paroles transmises s’accroît, soit par la contemplation et l’étude des croyants qui les méditent en leur cœur (cf. Lc 2, 19.51), soit par l’intelligence intérieure qu’ils éprouvent des réalités spirituelles, soit par la prédication de ceux qui, avec la succession épiscopale, ont reçu un charisme certain de vérité. Ainsi l’Église, tandis que les siècles s’écoulent, tend constamment vers la plénitude de la divine vérité, jusqu’à ce que soient accomplies en elle les paroles de Dieu. »[14]

Les enseignements du Magistère, ceux des Pères de l’Église, les prières de la Liturgie, la perception commune qu'ont les fidèles qui vivent en grâce de Dieu, sans oublier des réalités quotidiennes comme l’éducation dans la foi transmise par les parents à leurs enfants ou de personne à personne dans l’apostolat chrétien, contribuent à la transmission de la Révélation divine. De fait, ce qui a été reçu par les apôtres et que ceux-ci ont transmis à leurs successeurs les évêques, « comprend tout ce qui contribue à conduire saintement la vie du peuple de Dieu et à en augmenter la foi ; ainsi l’Église perpétue dans sa doctrine, sa vie et son culte et elle transmet à chaque génération, tout ce qu’elle est elle-même, tout ce qu’elle croit »[15]. La grande Tradition apostolique est distincte des diverses traditions théologiques, liturgiques, disciplinaires, etc., dont la valeur peut être limitée, voire provisoire (cf. Catéchisme, 83).

La double réalité de la Révélation en tant que vérité et en tant que vie implique que l’objet de la transmission n’est pas uniquement un enseignement mais aussi un style de vie : doctrine et exemple sont inséparables. Ce qui se transmet est, effectivement, une expérience vivante, celle de la rencontre avec le Christ ressuscité et ce que cet événement a signifié et signifie pour la vie de chacun. C’est pourquoi, au moment de parler de la transmission de la Révélation, l’Église parle de fides et mores, de la foi et des mœurs, de la doctrine et de la conduite personnelle.

  • Le Magistère de l’Église, gardien et interprète autorisé de la Révélation

« La charge d’interpréter de façon authentique la Parole de Dieu, écrite ou transmise, a été confiée au seul Magistère vivant de l’Église»[16], c’est-à-dire aux évêques en communion avec le successeur de Pierre, l’évêque de Rome. Cette charge du Magistère de l’Église est un service rendu à la Parole divine dont le but est le salut des âmes. De la sorte «ce Magistère n’est pas au-dessus de la Parole de Dieu, mais il est à son service, n’enseignant que ce qui a été transmis, puisque par mandat de Dieu, avec l’assistance de l’Esprit Saint, il écoute cette Parole avec amour, la garde saintement et l’expose aussi avec fidélité, et puise en cet unique dépôt de la foi tout ce qu’il propose à croire comme étant révélé par Dieu. »[17] Les enseignements du Magistère de l’Église représentent le lieu le plus important où chercher la Tradition apostolique : le Magistère est comme la dimension sacramentelle de cette tradition.

Écriture Sainte, Tradition et Magistère constituent donc une unité, de sorte qu’aucune de ces réalités ne peut subsister sans les deux autres[18]. Le fondement de cette unité est l’Esprit Saint, auteur de l’Écriture, protagoniste de la Tradition vivante de l’Église et guide du Magistère qu’il assiste de ses charismes. Les communautés ecclésiales issues de la Réforme, à leur origine, n’ont voulu garder que l’Écriture (sola Scriptura) librement interprétée par les fidèles. Un tel choix a donné lieu à la grande dispersion des confessions protestantes. Il s’est révélé peu soutenable, étant donné que tout texte a besoin du contexte dans lequel il a surgi, concrètement d’une Tradition, pour pouvoir être lu et interprété. Le fondamentalisme sépare lui aussi l’Écriture de la Tradition et du Magistère. Il cherche erronément à maintenir l’unité d’interprétation en s’accrochant de manière exclusive au sens littéral (cf. Catéchisme, 108).

Lorsqu’elle enseigne le contenu du dépôt de la Révélation, l’Église jouit d’une infaillibilité in docendo, fondée sur les promesses de Jésus-Christ concernant son indéfectibilité : elle ne peut faillir dans sa mission de salut reçue de Dieu (cf. Mt 16, 18 ; Mt 28, 18-20 ; Jn 14, 17.26). Ce magistère infaillible s’exerce :

a) quand les évêques se réunissent en concile œcuménique en union avec le successeur de Pierre, tête du collège épiscopal ;

b) quand le pape promulgue une vérité ex cathedra, ou engage clairement son autorité de vicaire du Christ en raison des termes ou du genre de document employés en promulguant un enseignement spécifique qu’il considère nécessaire au bien du Peuple de Dieu ;

c) quand les évêques de l’Église, en union avec le successeur de Pierre, sont unanimes pour professer la même doctrine ou enseignement, sans être nécessairement réunis en un même lieu.

Quoique la prédication d’un évêque proposant isolément un enseignement spécifique ne jouisse pas du charisme de l’infaillibilité, les fidèles sont néanmoins également obligés à une obéissance respectueuse et à observer les enseignements provenant du Collège épiscopal ou du Pontife Romain, même si ces doctrines ne sont pas formulées de façon définitive et irréformable[19].

  • Le dépôt de la Révélation est immuable

L’enseignement dogmatique (du grec dogma : opinion, décision) de l’Église est présent dès les premiers siècles de son existence. Les contenus principaux de la prédication apostolique ont été mis par écrit, donnant origine aux professions de foi requises de tous ceux qui recevaient le baptême, contribuant ainsi à définir l’identité de la foi chrétienne. Les dogmes se multiplient à mesure que l’Église se développe dans l’histoire, non pas parce que la doctrine change ou augmente, mais pour contrer les erreurs etsoutenir la foi du peuple de Dieu au moyen des approfondissements opportuns, en définissant des aspects de cette même foi de façon claire et précise. Quand le Magistère de l’Église propose un nouveau dogme, il ne crée rien de nouveau. Il ne fait qu’expliciter ce qui se trouve déjà contenu dans le dépôt révélé. « Le Magistère de l’Église engage pleinement l’autorité reçue du Christ quand il définit des dogmes, c’est-à-dire quand il propose, sous une forme obligeant le peuple chrétien à une adhésion irrévocable de foi, des vérités contenues dans la Révélation divine ou des vérités ayant avec celles-là un lien nécessaire » (Catéchisme, 88).

L’enseignement dogmatique de l’Église, comme par exemple la teneur des articles du Credo, est immuable étant donné qu’il manifeste le contenu d’une Révélation reçue de Dieu et non pas faite par les hommes. Les dogmes, pourtant, ont admis et admettent un développement homogène, soit parce que la connaissance de la foi s’approfondit avec le temps, soit parce que dans des cultures et époques différentes se font jour de nouveaux problèmes auxquels le Magistère de l’Église doit apporter des réponses en accord avec la parole de Dieu, en explicitant tout ce qui est implicitement contenu en elle[20].

Fidélité et progrès, vérité et histoire ne sont pas des réalités en conflit dans leur rapport à la Révélation[21] : Jésus-Christ, étant la Vérité incréée, est aussi le centre et l’accomplissement de l’histoire; l’Esprit Saint, auteur du dépôt de la Révélation, est le garant de sa fidélité. Il est en outre Celui qui guide l’approfondissement qui en est fait au long de l’histoire, conduisant les croyants à « la vérité tout entière » (cf. Jn 16, 13). « Même si la Révélation est achevée, elle n’est pas complètement explicitée ; il restera à la foi chrétienne d’en saisir graduellement toute la portée au cours des siècles » (Catéchisme, 66).

Les facteurs de développement du dogme sont les mêmes que ceux qui font progresser la Tradition vivante de l’Église: la prédication des évêques, l’étude des fidèles, la méditation de la parole de Dieu, l’expérience des choses spirituelles, l’exemple des saints. Fréquemment, le Magistère recueille et enseigne de manière autorisée des choses qui, précédemment, avaient été étudiées par les théologiens, crues par les fidèles, prêchées et vécues par les saints.

Giuseppe Tanzella-Nitti

Bibliographie de base

Catéchisme de l’Église catholique, 50-133.

Concile Vatican II, constitution Dei Verbum, 1-20.

Jean-Paul II, encyclique Fides et ratio, 14 septembre 1988, 7-15.


[1] Concile Vatican II, constitution Dei Verbum, 2

[2] Concile Vatican II, constitution Dei Verbum, 3 ; Jean-Paul II, encyclique Fides et ratio, 14 septembre 1988, 19

[3] Cf. Concile Vatican I, constitution Dei Filius, 24 avril 1870, DH 3004

[4] Concile Vatican II, constitution Lumen gentium, 2-4 ; décret Ad gentes, 2-4

[5] Cf. Concile Vatican II, constitution Dei Verbum, 2

[6] Concile Vatican II, constitution Dei Verbum, 11

[7] Ibidem

[8] On peut trouver des éléments intéressants pour une correcte interprétation de la relation avec les sciences dans les encycliques de Léon XIII, Providentissimus Deus, du 18 novembre 1893 ; Benoît XV, Spiritus paraclitus, du 15 septembre 1920 ; Pie XII, Humani generis, du 12 juillet 1950

[9] Concile Vatican II, constitution Dei Verbum, 3

[10] Concile Vatican II, constitution Dei Verbum, 4

[11] Cf. Concile Vatican II, constitution Gaudium et spes, 22

[12] « Permettez-moi cette insistance réitérée : les vérités de foi et de morale ne se déterminent pas à la majorité des voix, mais elles composent le dépôt – depositum fidei – remis par le Christ à tous les fidèles et confié, quand à son exposition et à son enseignement autorisé, au Magistère de l'Église ». Saint Josémaria Escrivá, homélie La fin surnaturelle de l’Église, dans Aimer l’Église, 15

[13] Concile Vatican II, constitution Dei Verbum, 9

[14] Concile Vatican II, constitution Dei Verbum, 8

[15] Ibidem. . Cf. Concile de Trente, décret Sacrosancta, 8 avril 1546, DH 1501

[16] Concile Vatican II, constitution Dei Verbum, 10

[17] Ibidem.

[18] Cf. ibidem.

[19] Concile Vatican II, constitution Lumen gentium, 25 ; Concile Vatican I, constitution Pastor æternus, 18 juillet 1870, DH 3074

[20] « Donc, que croissent et que progressent largement l'intelligence, la science, la sagesse, tant celle des individus que celle de la collectivité, tant celle d'un seul homme que celle de l'Église tout entière, selon les âges et selon les générations! mais à condition que ce soit exactement selon leur nature particulière, c'est-à-dire dans le même dogme, dans le même sens, et dans la même pensée ». Saint Vincent de Lérins, Commonitorium, 23

[21] Jean-Paul II, encyclique Fides et ratio, 14 septembre 1988, 11-12, 87