Thème 28 - La grâce et les vertus

La grâce est la source de notre travail de sanctification; elle guérit et élève la nature humaine en nous rendant capables d'agir comme des enfants de Dieu.

Thème 28.

La grâce et les vertus


1. La grâce

Dieu a appelé l'homme à participer à sa propre vie trinitaire. « Cette vocation à la vie éternelle est surnaturelle » (Catéchisme, 1998)[1]. Pour nous conduire à cette fin ultime surnaturelle, Dieu nous accorde dès cette terre un début de cette participation qui atteindra sa plénitude au ciel. Ce don est le « commencement de la gloire en nous »[2] : on l’appelle la grâce sanctifiante, qui est :

- « un don gratuit que Dieu nous fait de sa vie infusée par l’Esprit Saint dans notre âme pour la guérir du péché et la sanctifier » (Catéchisme, 1999) ;

- « uneparticipation à la vie de Dieu » (Catéchisme, 1997 ; cf. 2 P 1, 4), qui nous divinise (cf. Catéchisme, 1999) ;

- une nouvelle vie, surnaturelle ; comme une nouvelle naissance qui nous constitue enfants de Dieu par adoption, participants de la filiation naturelle du Fils : « fils dans le Fils »[3] ;

- une admission dansl'intimité de la vie trinitaire ; comme fils adoptifs, grâce à l'Esprit Saint (cf. Rm 8,15 ; Ga 4,6) qui nous rend conformes au Fils Unique, nous pouvons appeler Dieu « Père » (cf. Catéchisme, 1997) ;

- une « grâce du Christ » parce qu'elle nous parvient comme participation à la grâce du Christ (Catéchisme, 1997) : « De sa plénitude nous avons tous reçu et grâce pour grâce » (Jn 1,16). La grâce nous configure au Christ (cf. Rm 8, 29) ; ayant sa source dans le Christ, elle nous parvient dans et par l'Église, son Corps, au moyen de la parole de Dieu et des sacrements, particulièrement le Baptême (cf. Catéchisme, 1997) ;

- une « grâce du Saint-Esprit » parce qu'elle est infusée dans l'âme par le Saint-Esprit[4] qui habite en l’âme du chrétien comme en un temple (cf. Rm 8, 9 ; 1 Co 3, 16 ; 6, 19), en même temps que le Père et le Fils.

La grâce sanctifiante s'appelle aussi grâce habituelle parce qu'elle est une disposition stable qui perfectionne l'âme grâce à l'infusion des vertus, afin de la rendre capable de vivre avec Dieu, d'agir par amour pour lui (cf. Catéchisme, 2000)[5]. C'est pour cela que l'on peut parler d'état de grâce chez le chrétien.

La grâce opère deux effets principaux en l'homme : la justification et la sanctification.

2. La justification

Comme tous les hommes naissent en état de péché, le « péché originel » (cf. Ep 2, 3), la première œuvre de la grâce en nous est la justification (cf. Catéchisme, 1989). On appelle justification le passage de l'état de péché à l'état de grâce ; cet état est aussi appelé de « justice », parce que la grâce nous rend « justes »[6]. Elle se réalise dans le Baptême, et chaque fois que Dieu pardonne les péchés mortels et infuse la grâce sanctifiante (ordinairement dans le sacrement de la pénitence)[7]. La justification « est l’œuvre la plus excellente de l’amour de Dieu » (Catéchisme, 1994 ; cf. Ep 2, 4-5).

3. La sanctification

Dieu ne refuse sa grâce à personne, car Il veut que tous les hommes soient sauvés (1 Tm 2, 4) : tous les fidèles sont appelés à la sainteté (cf. Mt 5, 48)[8]. La grâce « est en nous la source de l’œuvre de sanctification » (Catéchisme, 1999) ; elle guérit et relève notre nature — blessée par le péché originel — en nous rendant capables d’agir comme des enfants de Dieu[9] et de reproduire l'image du Christ chez le baptisé (cf. Rm 8, 29): d'être chacun, comme le disait saint Josémaria, alter Christus, un autre Christ. Cette ressemblance avec le Christ se manifeste notamment à travers les vertus.

Plus concrètement, la sanctification s'identifie avec le progrès en sainteté ; elle consiste en l'union toujours plus intime avec Dieu (cf. Catéchisme, 2014), jusqu’à ce que le chrétien devienne non seulement un autre Christ mais ipse Christus, le Christ Lui-même[10]: c'est-à-dire une seule chose avec le Christ, comme un membre de son propre corps (cf. 1Co 12, 27). Pour croître en sainteté il est nécessaire de coopérer librement avec la grâce et cela requiert un effort, une lutte, du fait du désordre introduit par le péché, contre l'inclination au péché (fomes peccati). C'est pourquoi, souligne le Catéchisme, « il n’y a pas de sainteté sans renoncement et sans combat spirituel (cf. 2 Tm 4) » (Catéchisme, 2015)[11].

Il faut donc, avant tout, pour être vainqueur dans la lutte ascétique, demander à Dieu la grâce par la prière et la mortification — « prière des sens »[12] — et la recevoir dans les sacrements[13].

L'union avec le Christ ne sera définitive que dans le Ciel ; il faut demander à Dieu la grâce de la persévérance finale, c'est-à-dire le don de mourir en état de grâce de Dieu (cf. Catéchisme, 2016 et 2849)

4. Les vertus théologales

En termes généraux, une vertu « est une disposition habituelle et ferme à faire le bien » (Catéchisme, 1803)[14]. Parmi les vertus, celles qu’on appelle « théologales se réfèrent directement à Dieu. Elles disposent les chrétiens à vivre en relation avec la Sainte Trinité » (Catéchisme, 1812). « Elles sont infusées par Dieu dans l’âme des fidèles pour les rendre capables d’agir comme ses enfants » (Catéchisme, 1813)[15]. Les vertus théologales sont au nombre de trois : la foi, l'espérance et la charité (cf. 1Co 13, 13).

La foi « est la vertu théologale par laquelle nous croyons en Dieu et à tout ce qu’Il nous a dit et révélé, et que la Sainte Église nous propose à croire » (Catéchisme, 1814). Par la foi « l'homme se donne entièrement et librement à Dieu »[16] et s'efforce de connaître et faire sa volonté : « Le juste vit de la foi » (Rm 1, 17)[17].

« Le disciple du Christ ne doit pas seulement garder la foi et en vivre, mais encore la professer, en témoigner avec assurance et la répandre » (Catéchisme, 1816; cf. Mt 10, 32-33).

L'espérance « est la vertu théologale par laquelle nous désirons comme notre bonheur le Royaume des cieux et la Vie éternelle, en mettant notre confiance dans les promesses du Christ et en prenant appui, non sur nos forces, mais sur le secours de la grâce du Saint-Esprit » (Catéchisme, 1817)[18].

La charité « est la vertu théologale par laquelle nous aimons Dieu par-dessus toute chose pour Lui-même, et notre prochain comme nous-mêmes pour l’amour de Dieu » (Catéchisme, 1822). Voilà le commandement nouveau de Jésus-Christ « que vous vous aimiez les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn 15, 12)[19].

5. Les vertus humaines

« Les vertus humaines sont des attitudes fermes, des dispositions stables, des perfections habituelles de l’intelligence et de la volonté qui règlent nos actes, ordonnent nos passions et guident notre conduite selon la raison et la foi. Elles procurent facilité, maîtrise et joie pour mener une vie moralement bonne » (Catéchisme, 1804)[20].

Parmi les vertus humaines il y en a quatre qu'on appelle cardinales, car toutes les autres se regroupent autour d'elles. Ce sont la prudence, la justice, la force et la tempérance (cf. Catéchisme, 1805).

  • La prudence « est la vertu qui dispose la raison pratique à discerner en toute circonstance notre véritable bien et à choisir les justes moyens de l’accomplir » (Catéchisme, 1806). Elle est la « règle droite de l'action »[21], selon saint Thomas, et elle est fondamentale dans la pratique correcte des autres vertus.
  • La justice « est la vertu morale qui consiste dans la constante et ferme volonté de donner à Dieu et au prochain ce qui leur est dû » (Catéchisme, 1807)[22].
  • La force « est la vertu morale qui assure dans les difficultés la fermeté et la constance dans la poursuite du bien. Elle affermit la résolution de résister aux tentations et de surmonter les obstacles dans la vie morale. La vertu de force rend capable de vaincre la peur, même de la mort, d’affronter l’épreuve et les persécutions. Elle dispose à aller jusqu’au renoncement et au sacrifice de sa vie pour défendre une juste cause » (Catéchisme, 1808)[23].
  • La tempérance « est la vertu morale qui modère l’attrait des plaisirs et procure l’équilibre dans l’usage des biens créés. Elle assure la maîtrise de la volonté sur les instincts » (Catéchisme, 1809). La personne tempérée oriente ses appétits sensibles vers le bien et ne se laisse pas entraîner par les passions (cf. Sir 18, 30). Dans le Nouveau Testament elle est appelée « modération » ou « sobriété » (cf. Catéchisme, 1809).

En ce qui concerne les vertus morales, les théologiens précisent que la vertu morale se tient à mi-chemin entre un manque et un excès : in medio stat virtus[24]. Mais ce « au milieu » n'est pas un appel à la médiocrité. La vertu n'est pas un moyen terme entre plusieurs vices, mais l’attitude droite de la volonté qui — comme sur une crête — s'oppose aux abîmes que sont les vices[25]. En outre les vertus théologales n'ont aucune limite ; on ne peut jamais dire que l'on croit suffisamment en Dieu, que l'on espère suffisamment en Lui, qu'on l'aime assez : « Fac me tibi semper magis credere, in te spem habere, te diligere » ; fais que je croie toujours plus en toi, qu'en toi j'espère, que je t’aime (Hymne Adoro te devote).

6. Les vertus et la grâce. Les vertus chrétiennes

Les blessures laissées dans la nature humaine par le péché originel rendent difficile l'acquisition et l'exercice des vertus humaines (cf. Catéchisme, 1811)[26]. Pour les acquérir et les pratiquer, le chrétien compte sur la grâce de Dieu qui guérit la nature humaine.

Mais les seules vertus humaines ne conduisent pas l'homme au salut. La principale finalité de la grâce est d'élever la nature humaine jusqu'à la participation à la nature divine, en faisant que les œuvres humaines soient méritoires et agréables à Dieu. En même temps la grâce élève les vertus au niveau surnaturel (cf. Catéchisme, 1810), conduisant la personne humaine à agir suivant la droite raison illuminée par la foi : en un mot, à imiter le Christ. C'est ainsi que les vertus humaines deviennent des vertus chrétiennes[27].

7. Les dons et les fruits du Saint-Esprit

« La vie morale des chrétiens est soutenue par les dons du Saint-Esprit. Ceux-ci sont des dispositions permanentes qui rendent l’homme docile à suivre les impulsions de l’Esprit Saint » (Catéchisme, 1830)[28]. Les dons du Saint-Esprit sont au nombre de sept (cf. Catéchisme, 1831) :

1° le don de sagesse : pour comprendre et discerner correctement ce qui touche auxprojets divins ;

2° le don d'intelligence : pour pénétrer dans la vérité concernant Dieu

3° le don de conseil : pour discerner et seconder les desseins divins dans les actions individuelles ;

4° le don de force : pour surmonter les difficultés dans la vie chrétienne ;

5° le don de science : pour connaître l'ordre des choses créées par Dieu ;

6° le don de piété : pour nous comporter comme des fils de Dieu et des frères de nos frères les hommes, en étant d'autres Christs ;

7° le don de crainte de Dieu : pour rejeter tout ce qui peut offenser Dieu, comme un fils rejette par amour ce qui peut offenser son père.

Les fruits du Saint-Esprit « sont des perfections que forme en nous le Saint-Esprit comme des prémices de la gloire éternelle » (Catéchisme, 1832). Ce sont des actes que l'influence du Saint-Esprit produit habituellement dans l'âme. La tradition de l'Église en énumère douze : charité, joie, paix, patience, longanimité, bonté, bénignité, mansuétude, fidélité, modestie, continence, chasteté (cf. Ga 5, 22-23).

8. Influence des passions sur la vie morale

Du fait de l'union substantielle de l'âme et du corps, notre vie spirituelle — connaissance intellectuelle et libre choix de la volonté — se trouve sous l'influence de la sensibilité. Celle-ci se manifeste dans les passions qui sont des « mouvements de la sensibilité, qui inclinent à agir ou à ne pas agir en vue de ce qui est ressenti ou imaginé comme bon ou comme mauvais » (Catéchisme, 1763). Les passions sont des mouvements de l'appétit sensible (irascible et concupiscible). On peut les appeler aussi, au sens large, sentiments ou émotions[29].

Ainsi, par exemple, l'amour, la colère, la peur sont des passions. « La passion la plus fondamentale est l’amour provoqué par l’attrait du bien. L’amour cause le désir du bien absent et l’espoir de l’obtenir. Ce mouvement s’achève dans le plaisir et la joie du bien possédé. L’appréhension du mal cause la haine, l’aversion et la crainte du mal à venir. Ce mouvement s’achève dans la tristesse du mal présent ou la colère qui s’y oppose » (Catéchisme, 1765).

Les passions ont beaucoup d'influence sur la vie morale. « En elles-mêmes, les passions ne sont ni bonnes ni mauvaises » (Catéchisme, 1767). « Les passions sont moralement bonnes quand elles contribuent à une action bonne, et mauvaises dans le cas contraire » (Catéchisme, 1768)[30]. Il appartient à la perfection humaine que les passions soient régulées par la raison et dominées par la volonté[31]. Après le péché originel, les passions ne se trouvent plus du tout soumises à l'emprise de la raison et elles entraînent souvent à réaliser ce qui n'est pas bon[32]. Pour les canaliser vers le bien de façon habituelle, il faut l'aide de la grâce, qui guérit les blessures du péché, et la lutte ascétique.

La volonté, si elle est bonne, utilise les passions en les orientant vers le bien[33]. En revanche, la volonté mauvaise, qui sert l'égoïsme, succombe aux passions désordonnées ou les utilise pour le mal (cf. Catéchisme, 1768).

Paul O’Callaghan

Bibliographie de base

Catéchisme de l'Église Catholique, 1762-1770, 1803-1832 et 1987-2005.

Lectures recommandées

Saint Josémaria, Homélie Les vertus humaines dans Amis de Dieu, 73-92

Saint Thomas d'Aquin, Somme Théologique, I-II, qq. 22 et suivantes ; 109-114 ; II-II, qq. 1-27 ; 47-62 ; 139-143.


[1]Cette vocation « dépend entièrement de l’initiative gratuite de Dieu, car Lui seul peut se révéler et se donner Lui-même. Elle surpasse les capacités de l’intelligence et les forces de la volonté humaine, comme de toute créature (cf. 1 Co 2, 7-9) » (Catéchisme, 1998).

[2] Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, II-II, q. 24, a. 3, ad 2.

[3] Concile Vatican II, Const. Gaudium et spes, 22. Cf. Rm 8, 14-17 ; Ga 4, 5-6 ; 1 Jn 3, 1.

[4] Tout don créé procède du Don incréé qu’est le Saint-Esprit. «L’amour de Dieu a été répandu en nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous fut donné» (Rm 5, 5 ; cf. Ga 4, 6).

[5] Il faut distinguer entre la grâce habituelle et les grâces actuelles, « qui désignent les interventions divines soit à l’origine de la conversion soit au cours de l’œuvre de la sanctification » (Catéchisme, 2000).

[6] «La justification entraîne le pardon des péchés, la sanctification et la rénovation de l’homme intérieur» (Concile de Trente : DS 1528).

[7] Chez les adultes, ce passage est le fruit de la motion de Dieu (grâce actuelle) et de la liberté de l’homme. « Sous la motion de la grâce, l’homme se tourne vers Dieu et se détourne du péché, accueillant ainsi le pardon et la justice d’en haut (la grâce sanctifiante)» (Catéchisme, 1989).

[8] Le Seigneur a voulu rappeler cette vérité d’une façon particulièrement forte et novatrice, grâce aux enseignements de saint Josémaria, depuis le 2 octobre 1928. L'Église l’a proclamée dans le Concile Vatican II (1962-65 : « Tous les fidèles, quel que soit leur état ou régime de vie, sont appelés à la plénitude de la vie chrétienne et à la perfection de la charité » (Const.Lumen gentium, 40).

[9] Cf. Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, III, q. 2, a. 12, c.

[10] Cf. Saint Josémaria, Quand le Christ passe, 104.

[11] Mais la grâce « ne se pose nullement en concurrente de notre liberté, quand celle-ci correspond au sens de la vérité et du bien que Dieu a placé dans le cœur de l’homme » (Catéchisme, 1742). Au contraire, « La grâce répond aux aspirations profondes de la liberté humaine… et la perfectionne » (Catéchisme, 2022). En l’état actuel de la nature humaine, blessée par le péché, la grâce est nécessaire pour vivre toujours en accord avec la loi morale naturelle.

[12] Saint Josémaria,Quand le Christ passe, 9.

[13] Pour obtenir la grâce de Dieu nous pouvons compter sur l’intercession de la très sainte Vierge Marie, notre Mère, Médiatrice de toutes les grâces, et aussi sur celle de saint Joseph, des anges et des saints.

[14] Les vices sont, au contraire, des habitudes morales qui suivent les œuvres mauvaises, et tendent à les répéter et aggraver.

[15] De façon analogue à celle dont l’âme humaine œuvre avec ses puissances (intelligence et volonté), le chrétien en état de grâce œuvre avec les vertus théologales qui sont comme les puissances de la « nouvelle nature » élevée par la grâce.

[16] Concile Vatican II, Const. Dei Verbum, 5.

[17] La foi se manifeste en œuvres : la foi vivante « agit par la charité » (Ga 5, 6), tandis que « la foi sans les œuvres est morte » (Jc 2, 26), même si le don de la foi demeure en celui qui n'a pas péché directement contre elle (cf. Concile de Trente : DS 1545).

[18] Cf. He 10, 23 ; Tt 3, 6-7. « La vertu d’espérance répond à l’aspiration au bonheur placée par Dieu dans le cœur de tout homme » (Catéchisme, 1818) : elle le purifie et l'élève ; elle protège du découragement ; elle dilate le cœur dans l'attente de la béatitude éternelle ; elle préserve de l'égoïsme et conduit à la joie (cf. ibidem). Nous devons espérer la gloire du ciel promise par Dieu à ceux qui l’aiment (cf. Rm 8, 28-30) et font sa volonté (cf. Mt 7, 21), sûrs qu’avec la grâce de Dieu nous pourrons « persévérer jusqu’à la fin » (cf. Mt 10, 22) (cf. Catéchisme, 1821).

[19] La charité est supérieure à toutes les vertus (cf. 1 Co 13, 13). « Si je n’ai pas la charité, je ne suis rien... cela ne me sert de rien » (1 Co 13, 1-3). « L’exercice de toutes les vertus est animé et inspiré par la charité » (Catéchisme, 1827). Elle constitue la « forme » de toutes les vertus : elle les « informe » ou « vivifie », parce que elle les oriente vers l’amour de Dieu ; sans la charité, les autres vertus sont mortes. La charité purifie notre faculté humaine d’aimer et l’élève à la perfection surnaturelle de l’amour divin (cf. Catéchisme, 1827). Il y a un ordre dans la charité. La charité se manifeste aussi dans la correction fraternelle (cf. Catéchisme, 1829).

[20] Comme on l’expliquera dans le paragraphe suivant, le chrétien développe ces vertus avec l’aide de la grâce de Dieu qui, en guérissant la nature, donne la force pour les pratiquer, et les ordonne a une finalité plus haute.

[21] Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, II-II, q. 47, a. 2, c. Elle conduit à porter un jugement droit sur la façon d’agir : elle ne détourne pas de l’action. « Elle ne se confond ni avec la timidité ou la peur, ni avec la duplicité ou la dissimulation. Elle est dite auriga virtutum : elle conduit les autres vertus en leur indiquant règle et mesure. C’est la prudence qui guide immédiatement le jugement de conscience. L’homme prudent décide et ordonne sa conduite suivant ce jugement. Grâce à cette vertu, nous appliquons sans erreur les principes moraux aux cas particuliers et nous surmontons les doutes sur le bien à accomplir et le mal à éviter » (Catéchisme, 1806).

[22] L’homme ne peut donner à Dieu, au sens strict, ce qu’il lui doit ou ce qui est juste. Aussi la justice à l’égard de Dieu est appelée, plus correctement, vertu de la religion, «car il suffit à Dieu que nous lui obéissions à la mesure de nos possibilités» (Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, II-II, q. 57, a. 1, ad 3).

[23] «Dans le monde vous aurez à souffrir. Mais gardez courage : J’ai vaincu le monde» (Jn 16, 33).

[24] La diligence consiste, par exemple, à faire tout le travail que l’on doit, ni plus, ni moins. À l’opposé se trouve l’attitude de travailler moins que ce qui se doit, de perdre son temps, ou inversement de se vouer à un travail excessif, sans respecter d’autres devoirs (piété, attention envers la famille, juste repos , charité, etc.).

[25] Le principe « in medio stat virtus » (la vertu se dresse au juste milieu) n’est valable que pour les vertus morales, qui ont pour objet les moyens qui permettent d’atteindre la fin, et en ce qui concerne les moyens il y a toujours une mesure. De toute façon, on peut toujours progresser dans les vertus : on peut toujours être plus prudent, plus juste, plus fort, plus tempéré. Au contraire, renoncer à progresser voudrait dire que l’on ne suit plus la règle de la vertu, ce qui impliquerait que l'on penche vers le vice opposé.

[26] La nature humaine est blessée par le péché. C'est pour cela qu'elle a des penchants qui ne sont pas de nature, mais la conséquence du péché. De même qu’il n’est pas naturel de boiter, car c’est la conséquence d’une maladie — ce ne serait pas naturel, même si tout le monde boitait —, de même ne sont pas naturelles les blessures qu’ont laissées dans l’âme le péché originel et les péchés personnels : tendance à l'orgueil, à la paresse, à la sensualité, etc. Avec l’aide de la grâce et de l’effort personnel, ces blessures peuvent se guérir peu à peu, de telle sorte que l’homme se comporte conformément à sa nature et à sa condition de fils de Dieu. Cet état salutaire est atteint grâce aux vertus. De façon similaire, les vices entraînent une aggravation de la maladie.

[27] À cet égard, il y a une prudence qui est une vertu humaine, et une prudence surnaturelle qui est une vertu infusée par Dieu dans l’âme, en même temps que la grâce. Pour que la vertu surnaturelle puisse produire des fruits — des actes bons — il faut la collaboration de la vertu humaine correspondante. Il en est de même avec les autres vertus cardinales : la vertu surnaturelle de la justice requiert la vertu humaine du même nom ; la force et la tempérance pareillement. Autrement dit, la perfection chrétienne — la sainteté — exige et implique la perfection humaine.

[28] Pour mieux comprendre la fonction des dons du Saint Esprit dans la vie morale, on peut ajouter l'explication classique suivante : de la même façon que la nature humaine dispose de puissances (intelligence et volonté) pour réaliser les opérations d'entendement et d'amour, de même la nature élevée par la grâce dispose de puissances qui lui permettent de réaliser des actes surnaturels. Ces puissances sont les vertus théologales : foi, espérance, charité. Elles sont comme les rames d’un bateau qui permettent d'avancer en direction de la fin surnaturelle. Cependant cette fin nous dépasse tellement que les vertus théologales ne suffisent pas pour l'atteindre. Dieu nous concède avec la grâce, les dons du Saint Esprit, qui sont de nouvelles perfections de l'âme lui permettant d'être inspirées par le même Esprit Saint. Ce sont comme les voiles du bateau qui lui permet d'avancer au souffle du vent. Les dons nous perfectionnent de sorte que nous soyons plus dociles à l'action du Saint Esprit, qui devient ainsi le moteur de nos actes.

[29] Il faut tenir compte de ce que dans le domaine spirituel, on parle aussi de sentiments ou d’émotions, qui ne snt pas des passions à proprement parler car elles n’impliquent pas de mouvements de l’appétit sensible.

[30] Il y a par exemple une bonne colère, qui s’indigne devant le mal, et une mauvaise colère, incontrôlée et qui pousse au mal (comme dans le cas de la vengeance) ; il y a une bonne crainte et une mauvaise crainte qui paralyse au moment de faire le bien ; et ainsi de suite.

[31] Cf. Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, I-II, q. 24, a. 1 et 3.

[32] Dans certains cas, elles peuvent tellement dominer une personne que la responsabilité morale se réduit à presque rien. Parfois, au contraire, elles peuvent augmenter la gravité morale d'une mauvaise action.

[33] « La perfection morale est que l’homme ne soit pas mû au bien par sa volonté seulement, mais aussi par son appétit sensible selon cette parole du Psaume : ‘Mon cœur et ma chair crient de joie vers le Dieu vivant’ (Ps 84, 3) » (Catéchisme, 1770). «Les passions sont mauvaises si l’amour est mauvais, bonnes s’il est bon» (Saint Augustin, De civitate Dei, 14, 7).