Je suis originaire du Katanga, dans le Sud-est de la République Démocratique du Congo. Lorsque j'ai eu mon "diplôme d'État" (l'équivalent du baccalauréat) en 1983, je pris la décision de faire les études d'ingénieur en Génie Civil Bâtiments, Ponts et chaussées. Cette option ne figurant pas parmi celles que comprenait la Faculté Polytechnique de l'Université de Lubumbashi (capitale du Katanga), je me suis vu obligé à aller à Kinshasa, pour faire ces études dans l'ancienne Université catholique Lovanium, qui fut nationalisée dans les années 70 du siècle passé et changea de nom pour s'appeler désormais : Université de Kinshasa.
Je suis donc arrivé à la capitale du pays en septembre 1983. Une de mes sœurs qui faisait déjà ses études de médecine dans la même université, avait réussi à m'obtenir l'inscription, avant même que je n'arrive. J'ai pu ainsi commencer mes études d'ingénieur l'année académique 1983-1984.
Je ne connaissais rien sur l'Opus Dei au Katanga, et non plus pendant les trois premières années de mon parcours universitaire. Par contre, j'avais constaté que, certains jours de la semaine, deux "mundeles" (c'est ainsi que l'on appelle les blancs dans la langue parlée à Kinshasa), se promenaient sur le campus avec l'un ou l'autre étudiant, et quelques fois je les ai croisés dans un couloir de la résidence universitaire où j'habitais. Plus tard, j'ai pu connaitre leurs noms -Denis et Jean-Joseph-, mais pendant trois années je n'eus pas d'occasion de les connaitre personnellement.
À la fin de l'année académique 1985-1986, alors que je me préparais pour aller passer mes grandes vacances chez ma tante, en ouvrant le tiroir de la table de la chambre que je partageais avec un collègue de la Faculté, j'y ai trouvé un Bulletin d'Information sur le fondateur de l'Opus Dei. Je n'ai jamais su qui l'avait laissé là, car nous vivions 4 personnes dans cette chambre. C'était la toute première fois qu'il m'en tombait un entre les mains. Le contenu de ce Bulletin attira mon attention et je décidais de l'amener avec moi chez ma tante, pour le lire calmement.
Comme je trouvais très intéressant ce que l'on racontait dans ce tout petit document, sur l'Opus Dei, sur son Fondateur, ainsi que sur les faveurs obtenues grâce à son intercession, je me proposais d'écrire à l'adresse postale indiquée dans le Bulletin, une fois passées les vacances, afin de demander davantage d'éclaircissements sur cette institution catholique qui m'était totalement inconnue jusqu'alors.
La nouvelle année académique commença, des mois passèrent et je n'avais toujours pas écrit, au point même que je finis par oublier complètement ce que je m'étais proposé de faire. Je ne sais pas pourquoi je ne le fis pas, peut-être est-ce à cause du rythme académique intense -je venais de commencer ma quatrième année d'études d'ingénieur-, ou alors le décès inopiné de ma très chère maman, disparue en décembre 1986. Le fait est que je n'avais pas écris pour demander le complément d'information que je désirais pourtant avoir sur l'Opus Dei.
C'est alors qu'un jour, au tout début de l'année 1987, je venais de rentrer à ma chambre, après quelques travaux pratiques de l'après-midi à la Faculté, et que j'étais en train de me préparer pour aller à la Messe du soir (qui avait lieu à 18h00), en ce moment-là, je vis entrer dans ma chambre, un des deux mystérieux "mundeles" que je voyais "se promener" sur le campus : je sus alors qu'il s'appelait Denis.
Mon visiteur "inopportun", me salue très cordialement et me demande si n'était pas encore revenu un étudiant qu'il connaissait et qui partageait ce logement avec moi cette année-là. Devant ma réponse négative, il s'intéresse à ce que j'étais en train de faire, et lorsque je lui dis que je me préparais pour aller à la paroisse universitaire Notre Dame de la Sagesse, pour assister à la Messe, il me propose de m'amener dans sa petite voiture, parce que, dit-il, il allait aussi de ce côté-là.
Je dois reconnaître que je ne compris pas quel intérêt avait cet homme à m'amener dans sa voiture, d'autant plus qu'en prenant un petit raccourci je pouvais, dans le meilleur des cas, arriver même avant lui, en marchant. Mais comme, il me l'avait proposé si aimablement, j'accédai à son offre et il me conduisit jusqu'à la paroisse.
Et durant ce très cours parcours, qui ne dura pas plus de 5 minutes, le visiteur de mon ami, devenu désormais aussi "mon" visiteur, me raconta quelque chose sur ce qu'il faisait (son travail, la raison de ses "promenades" sur le campus, ...). Il me parla aussi d'un cycle de causeries sur la doctrine catholique qu'il donnait au rythme d'une séance par semaine dans la chambre d'un polytechnicien (aujourd'hui professeur dans une université en Allemagne), que je connaissais aussi. Il me fila le numéro de chambre du collègue "élève-ingénieur" et m'invita, séance tenante, à la toute prochaine session. Le visiteur de mon ami absent, avait tiré le meilleur parti du peu temps à notre disposition et dans la toute première conversation que nous avions eue lui et moi !
En guise d'au revoir, parce qu'il était déjà presque l'heure de la messe, je lui dis qu'il pouvait compter sur ma présence à la prochaine séance de causerie sur la doctrine. C'est ainsi que je commençais à connaître ce que c'était l'Opus Dei, la spiritualité qu'il diffusait parmi les fidèles courants...
Au bout d'un temps, Denis me parla aussi d'une recollection qui avait lieu un dimanche par mois, cette fois dans un quartier résidentiel que je connaissais, parce que c'était le même quartier où habitait ma tante. L'activité avait lieu au siège du Club socio-culturel Niangara. "Veux-tu venir le dimanche prochain à Niangara pour participer à une récollection?", m'avait demandé Denis.
Ainsi je commençais à aller aux recollections, en y invitant aussi mes amis, tout particulièrement ceux de ma Faculté. Les premières fois nous y allions en prenant le transport public. Je dois avouer qu'après la première expérience, je m'étais quelque peu découragé à cause du temps que l'on mettait dans le déplacement, car ça me semblait franchement une "perte de temps" que ne pouvait se permettre un "élève-ingénieur". C'est pour cette raison qu'après la première expérience, je n'avais pas trop envie de la refaire. Mais l'insistance aimable de Denis fit que je participasse aussi aux recollections suivantes, ...
Peu de temps après, le Club Niangara se dota d'un minibus Volkswagen d'occasion. Et à partir de ce moment-là, ce véhicule venait nous cherchait sur le campus les dimanches, tôt le matin. Parfois, après la recollection nous restions pique-niquer dans le jardin du Club et profitions de l'après-midi pour étudier. Certains dimanches nous organisions plutôt des journées d'étude : le minibus, venait nous chercher comme aux jours de recollection, chacun amenait son pique-nique que nous prenions à l'heure de la grande pause sous les "wenges" touffus du jardin de Niangara, et nous avions alors aussi des merveilleux moments de réunion, ou d'un film documentaire, à travers lesquels transperçait l'esprit de l'Œuvre.
Tout cela dura jusqu'en 1989, lorsqu'on finalisa en juin, le processus de location d'une maison à Righini, un quartier résidentiel proche de l'Université de Kinshasa. Ce fut le premier siège du Centre culturel Loango, où l'on aurait désormais les activités de formation humaine et chrétienne pour les étudiants universitaires. Dans ce Centre nouvellement installé, nous avions eu en plus la grande chance de recevoir, au mois d'août, le Bienheureux Alvaro del Portillo, premier successeur du fondateur de l'Opus Dei. Ce fut pour moi l'événement le plus grand et le plus merveilleux qui ait pu nous arriver au tout début de la petite histoire de Loango.
Dans la maison de la rue "Wenge", premier siège de Loango, nous avons aussi eu, durant presque quatre ans, des réunions culturelles et conférences vraiment inoubliables, avec des professionnels d'un grand niveau. Ces rencontres commençaient toujours à 19h00 "précises", comme le précisait invariablement le petit carton d'invitation. Il me revient maintenant à la mémoire une conférence avec le professeur Malu wa Kalenga, très connu dans les milieux scientifiques du pays et de l'étranger. Il fut tout heureux de passer cette soirée culturelle-là avec nous et nous invita à visiter le petit centre nucléaire qu'il dirigeait sur le campus.
Tout ce qui avait commencé par une invitation à connaître le Club Niangara m'a amené à découvrir des nouveaux horizons dans ma vie, ainsi que dans celle de beaucoup de mes camarades ingénieurs.
Odon S