40 ans au Congo. 1980-2020. Un jeune médecin à la recherche d'emploi

Nous sommes venus pour rester, pour nous greffer dans la société congolaise, pour devenir citoyens du pays et pour vivre notre vocation chrétienne dans le travail et par le travail, dans notre condition de fidèles laïcs.

Bâtiment de la SOZACOM, vu depuis notre premier logement provisoire

"Il va falloir tout de suite trouver du travail, gagner sa vie. Il le faudra bien !". Ces paroles de don Álvaro (Prélat de l'Opus Dei à l'époque) dans la réunion du 21 septembre 1980, pendant les quelques jours que nous avons passé ensemble à Rome avant de partir pour le Zaïre, ont résonné dans ma tête et m'ont poussé à partir le plus vite possible pour trouver effectivement un emploi. C'était très important, d'abord parce qu'il fallait se soutenir et, surtout, pour montrer le vrai visage de l'Œuvre : promouvoir la recherche de la sainteté et l'exercice de l'apostolat au milieu du monde, dans le travail et dans les circonstances ordinaires de la vie.

Nous sommes venus pour rester, pour nous greffer dans la société congolaise, pour devenir citoyens du pays et pour vivre notre vocation chrétienne dans le travail et par le travail, dans notre condition de fidèles laïcs.

Dans le mirador de la cité de l'OUA. Au fond, le fleuve Congo

J'ai pris connaissance des conditions requises en tant que médecin pour pouvoir exercer la médecine au Zaïre. Comme il était nécessaire de suivre un cours de médecine tropicale, je m'étais déjà rendu à Paris, à l'hôpital Pitié la Salpetrière, où le professeur M. Gentillini était le chef du service de médecine tropicale. J'avais donc complété la formation et avais la documentation nécessaire pour pouvoir travailler en tant que médecin.

La vérité est que j'étais prêt à travailler dans tout ce qui se présenterait, bien que mon expérience, encore courte, était de médecin en formation à l'Hôpital Clínico de Barcelone, où j'avais terminé mes études, et à l'Hôpital Militaire de Saragosse.

Dans les mois qui ont précédé notre installation au Congo, nous avions essayé de prendre des dispositions pour trouver un emploi avant d'arriver dans le pays. Cela n'a pas été possible. La seule chose que j'ai pu obtenir fut d'être nommé délégué d'Avilta (Association de la Vierge du Lac Tanganyika), qui parrainait et gérait deux petits hôpitaux à Mwenga et Uvira, dans la région du Kivu à l'est du pays ; bien que ma tâche serait plutôt de réaliser une étude pour la création d'un laboratoire pharmaceutique à Kinshasa pour le compte de cette Association. La situation était précaire : pas de contrat, seulement un accord de principe, mais pas de salaire.

À l'ambassade du Zaïre en Belgique, des offres d'emploi avaient été présentées pour l'UNAZA (Université nationale du Zaïre), entre autres, plusieurs postes d'Assistant à la Faculté de médecine. J'ai présenté le dossier. Il n'y a pas eu de réponse avant notre départ.

Campus de l'Université de Kinshasa

Nous avons donc atterri à Kinshasa. Le poste de délégué d'Avilta a été utile pour le visa mais rien d'autre, du moins pour le moment. J'ai enquêté sur la situation de mon dossier auprès du secrétaire de l'Université, mais il fallait attendre...

Pour exercer la médecine, il fallait obtenir l'"Autorisation de l'Art de guérir" délivrée par le Ministère de la Santé et s'inscrire ensuite à l'"Ordre des Médecins". Très bien. J'ai préparé la documentation, avec l'aide de l'Ambassade qui a traduit et authentifié les diplômes, et présenté mon dossier au Ministère de la Santé. Bien sûr, j'ai fait des photocopies de tous ces documents. Cela devrait être à la fin du mois d'octobre 1980.

Entre-temps, j'ai commencé à entrer en contact avec divers hôpitaux et institutions médicales publiques et privées. Cela ne fut pas facile. De plus, il fallait disposer des autorisations nécessaires : Autorisation de l'Art de guérir et Ordre des médecins.

Une de ces démarches m'a mis en contact avec la Polyclinique de Kinshasa. J'ai été reçu par le Directeur médical avec beaucoup de gentillesse. C'était un homme d'une soixantaine d'années, grand et robuste, à la barbe blanche, avec une très bonne réputation et qui avait travaillé au Zaïre dès avant l'indépendance. Il m'a simplement dit : "Jeune homme, qu'est-ce que tu fais ici ? Rentre à ton pays, tu as une carrière devant toi". Je pensais : ce n'est pas pour rentrer aux premières difficultés que je suis venu ici ! Et on s'est dit au revoir.

Pendant cette période, j'ai également suivi de près le dossier universitaire. Il y a eu une réponse. J'ai été affecté en tant qu'Assistant à Kisangani ! Je ne pouvais pas accepter pour des raisons évidentes. J'avais confiance en ce que saint Josémaria m'aiderait à trouver d'autres solutions.

Pratiquement chaque semaine, je me rendais au Ministère de la Santé pour m'enquérir de l'évolution de ma demande : Pas encore, il faut attendre. J'ai commencé à prendre conscience du fonctionnement de notre administration publique.

Après plusieurs mois, j'ai commencé à m'inquiéter car le temps passait et je ne savais pas comment débloquer la situation de mon dossier.

Devant la Paroisse Universitaire avec un ami kenyen, de passage à Kinshasa

Et une fois de plus, la providence s'est clairement manifestée. Un jour d'avril, le Délégué de la compagnie aérienne Iberia à Kinshasa, qui nous connaissait et essayait de nous aider, m'a appelé pour me dire que le Dr Sanz Gadea était à Kinshasa et qu'il serait bon pour moi de le voir car il pourrait m'aider et me guider dans ma recherche de travail.

Le Dr Sanz Gadea qui avait travaillé dans les années 1960 au Zaïre, à Kisangani et dans la région du Haut-Zaïre, avait écrit un livre "Emena" dans lequel il racontait ses activités dans le pays, et avait été nominé pour le prix Nobel de la paix pour son travail humanitaire pendant ces premières années difficiles de l'indépendance.

Je suis allé le voir immédiatement. Je lui ai expliqué la situation. Il m'a immédiatement dit que le lendemain, nous pourrions aller rendre visite au Secrétaire Général du Ministère de la Santé, avec qui il avait travaillé pendant de nombreuses années à Kisangani. C'est ce que nous avons fait.

Le Secrétaire Général nous a immédiatement reçus et ils se sont embrassés chaleureusement après tant d'années sans se voir. On pouvait constater qu'il y avait une grande amitié entre eux. Le Secrétaire Général s'est intéressé à mon problème. Il m'a demandé de lui apporter le plus rapidement possible une photocopie de tous les documents qui constituaient mon dossier. Je l'ai fait le lendemain. Il a examiné les différents certificats, titres, etc. et m'a donné un rendez-vous dans une semaine. Je suis revenu au bout d'une semaine et... mon "Autorisation de l'Art de guérir" était là ! Il m'a demandé de compléter la procédure en me présentant à l'Ordre des Médecins.

Ce que je n'avais pas réalisé en sept mois a été résolu en une semaine. Je n'ai jamais su ce qu'il était advenu du dossier initial. L'inscription à l'Ordre des Médecins, s'est faite alors rapidement.

Avec Faustin D et Jacques N, deux de nos premiers amis

Nous avions fait de grands progrès dans la compréhension du fonctionnement du pays et dans la valeur de l'amitié. Le Secrétaire Général, le Président Provincial de l'Ordre des Médecins et le nominé au Prix Nobel de la Paix étaient devenus nos nouveaux amis ! Et surtout, l'aide de Dieu et l'intercession de saint Josémaria, nous ouvraient progressivement la voie.

Ah ! Je dois ajouter qu'en 1986, le Médecin Directeur de la Polyclinique de Kinshasa m'a sollicité pour travailler avec eux. Je l'ai fait parce que les conditions étaient meilleures et qu'elles m'ont ouvert davantage de perspectives professionnelles. Aujourd'hui, je continue à travailler à la Polyclinique de Kinshasa qui, logiquement, a beaucoup évolué depuis.

Mgr Echevarria, prélat de l'Opus Dei nous a rendu visite à la Polyclinique en 2011

Jean Baptiste J