Reportage de Marie-Jeanne Fontaine, LeVerbe.com
Une journée intense en émotions pour le pape François et toutes les communautés autochtones qu’il a rencontrées. En très grande foule, à Maskwacis, dans l’ancien site du pensionnat autochtone Ermineskin. En plus petit comité à l’Église du Sacré-Cœur. Presque en famille, tellement la communauté paroissiale rayonne de liens fraternels et de joie d’accueillir en son église, récemment reconstruite après un incendie, un pape prêt à demander pardon et à recevoir tous les présents choisis soigneusement pour lui. Parmi ceux-ci, une couverture tissée par une paroissienne, dans laquelle il a été « entouré » et « enveloppé » comme le veut ce rite, symbolisant leur reconnaissance.
Le matin, une bannière de plusieurs mètres a été déployée pour « entourer la foule ». Une démarche de guérison. Il y est inscrit les noms d’enfants décédés au sein des pensionnats autochtones. Au moins 15 mètres.
Larmes et applaudissements
Il y aurait beaucoup à dire sur ces moments hauts en couleur. La cérémonie à Maskwacis est d’ailleurs un étrange mélange de profondes peines et de grands cris de joie, de commémoration douloureuse du passé et de regards pleins d’espoir vers l’avenir, de jeunes et de vieux, de vivants et de défunts, de spiritualité autochtone et catholique, de couleurs et de plumes parant les costumes traditionnels, tous plus beaux les uns que les autres.
Le tout sur un fond de ciel gris, pleurant parfois, tout en laissant s’échapper quelques éclaircies de soleil avec « la guérison dans ses rayons » (Malachie 3,20). Dans la foule, des femmes passent avec des bâtons d’encens, laissant l’odeur de la sauge se mélanger à celle de l’herbe mouillée et d’un feu de bois quelque part au loin. « Aujourd’hui, je suis ici, sur une terre qui porte, conjointement à une mémoire ancestrale, les cicatrices de blessures encore ouvertes ». Le Saint-Père prononce son premier discours.
Il n’y va pas par quatre chemins.
« Je voudrais le répéter avec honte et clarté : je demande humblement pardon pour le mal commis par de nombreux chrétiens contre les peuples autochtones ». Ces excuses officielles ont été accueillies par des applaudissements.
Pour conclure la cérémonie de Maskwacis, il rend les petits mocassins lui ayant été remis en avril dernier lorsqu’une délégation des Premières Nations s’était rendue à Rome. Symbole des enfants décédés dans les pensionnats. Ceux-ci lui avaient été prêtés jusqu’à son voyage au Canada. C’est peut-être ce qui a donné tant de détermination à son désir de venir lui-même vivre cette réconciliation.
« It’s like my dream comes true »
Roddy, était quant à lui assis tout au fond de l’assemblé, seul avec son café à la main. Il a hésité ce matin en ouvrant les yeux, mais il a décidé de venir. Ancien survivant du pensionnat de Maskwacis, il est soulagé que le bâtiment ait été démoli. Il n’est pas catholique, mais croit que cette visite est importante pour « let it all go », alors que ces 15 ans de sa vie l’ont détruit et obligé à de profondes solitudes. Il est heureux de voir cela de son vivant. Il était temps. Pas que pour lui-même. Pour toute sa communauté. Ses parents et ses grands-parents sont là aussi, dans sa mémoire et en esprit. Il est temps de guérir, partage-t-il.
« C’est comme un rêve devenant réalité », s’exclame quant à elle Alphyna. La vie ne s’arrête pas avec cette visite. Elle continue… Mais pour Roddy, Alphyna et sûrement d’autres, c’est peut-être la première fois qu’ils peuvent à nouveau se sentir « vivants ».
Proximité concrète
« Le Verbe s’est fait chair… et il a habité parmi nous » (Jean 1,14). Ce verset peut aussi se traduire « et il a dressé sa tente parmi nous ». C’est une image forte et combien significative pour les catholiques appartenant aux communautés autochtones alors que se vit ce moment historique.
À l’église Sacré-Cœur des Premières Nations, l’autel, en forme d’arbre, est d’ailleurs sous un triptyque de bois formant un tipi. Là où Le Verbe se fait chair, sur l’autel, sous cette tente dressée par Dieu où il vient à la rencontre de chacun de ces humains.
La paroisse accueille particulièrement les plus démunis, déployant une « proximité concrète » avec les plus pauvres comme souligné par le pape. Elle soutient également particulièrement des familles de survivants de pensionnats. Ces personnes y trouvent, comme l’a dit François, « une maison comme devrait être l’Église ». La paroisse Sacré-Cœur des Premières Nations a été déclarée paroisse des Premières Nations, des Métis et des Inuits d’Edmonton en 1991. Il s’agit de la première et seule église autochtone désignée dans tout le Canada.