Thème 28. Premier et deuxième commandements

Le premier commandement du Décalogue revêt une importance existentielle : il est le seul fondement possible d'une vie humaine réussie. La raison la plus élevée de la dignité humaine réside dans la vocation de l'homme à la communion avec Dieu. L'amour pour Dieu doit inclure l'amour pour ceux que Dieu aime. Le deuxième commandement interdit toute utilisation inappropriée du nom de Dieu et en particulier le blasphème.

Le premier commandement

« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force » (Dt 6,5). Ces paroles du Deutéronome appellent l'homme à croire en Dieu, à espérer en Lui et à L'aimer par-dessus toutes choses (Cf. Catéchisme, 2134).

Bien que nous l'exprimions habituellement de manière synthétique par la formule "tu aimeras Dieu par-dessus tout", en réalité, « le premier des préceptes embrasse la foi, l'espérance et la charité » (Catéchisme, 2086), car si la charité nous permet d'aimer à la manière divine, il ne nous est pas possible d'être portés à l'amour que Dieu mérite sans Le connaître vraiment, à la lumière de la foi, et sans Le reconnaître comme le bien total auquel nous aspirons et que nous sommes confiants d’atteindre par l'espérance.

Jésus lui-même a confirmé : « Voici le premier [commandement] : Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force » (Mc 12,28-30). Il est essentiel pour la vie de chaque personne que ce commandement prenne véritablement sa place : il est le premier, non seulement dans l'ordre du Décalogue que nous avons appris, mais en importance existentielle, car il est le seul fondement possible pour façonner une vie humaine réussie.

Signification du premier commandement

Notre liberté nous permet de nous fixer une grande variété d'objectifs et de les atteindre en faisant des choix. Beaucoup de ces fins sont recherchées comme des moyens d'atteindre d'autres fins. Mais il y en a toujours une – que nous pouvons appeler fin ultime – que nous ne voulons pas pour une autre fin, mais pour elle-même. C'est ce que la personne considère comme son bien le plus élevé, celui auquel elle subordonne ses choix et la poursuite de toutes les fins intermédiaires : elle choisit et agit dans la vie selon qu'elle considère que quelque chose la rapproche ou non de sa fin, la favorise plus ou moins ; et elle juge avec le même critère si les efforts et élans que l'une ou l'autre fin intermédiaire exigerait en valent la peine. La fin ultime qu'une personne se fixe détermine l'ordre de l'amour dans sa vie.

Mais si quelqu'un se fixe, ou agit comme s'il s'était fixé une fin ultime erronée qui n'est pas capable de combler sa vie, même si elle semble le promettre – gloire, richesse, pouvoir... – toutes ses décisions concernant les fins intermédiaires se voient conditionnées par ce désordre de l'amour ; et la liberté, soumise à ce mensonge dans son exercice, finit par endommager la personne, voire par la détruire (Cf. par exemple Catéchisme, 29).

Or nous sommes faits à la mesure de Dieu : l'homme est créé par Dieu et pour Dieu ; et Dieu ne cesse d'attirer l'homme à Lui, et c’est seulement en Dieu que l'homme trouvera la vérité et le bonheur qu'il ne cesse de chercher. « L’aspect le plus sublime de la dignité humaine se trouve dans cette vocation de l’homme à communier avec Dieu. Cette invitation que Dieu adresse à l’homme de dialoguer avec Lui commence avec l’existence humaine. Car, si l’homme existe, c’est que Dieu l’a créé par amour et, par amour, ne cesse de lui donner l’être ; et l’homme ne vit pleinement selon la vérité que s’il reconnaît librement cet amour et s’abandonne à son Créateur » (Gaudium et Spes, 19,1).

Tout notre bien est en Dieu, et en dehors de Lui, il n'y a pas de bien véritable et total. C'est, objectivement, notre fin ultime. Même si nous ne le savons pas, ou si nous ne le comprenons pas clairement à certains moments de notre vie, seul Dieu peut combler notre désir de bonheur. Et tout amour qui ne nous conduit pas à Dieu, qui nous éloigne de Lui, est en même temps une trahison de nous-mêmes, une condamnation à une frustration future.

Notre cœur est fait pour arriver à aimer Dieu et à être rempli de son amour ; il n'y a pas de substitut ou de véritable alternative. Par conséquent, la seule mesure adéquate pour accueillir l'amour infini que Dieu nous offre est "tout" : aimer de tout notre cœur, de toute notre âme, de toutes nos forces. Si nous ne lui donnons pas un amour à la mesure de ses désirs, « notre cœur se venge... et la vermine se met à y grouiller » (Forge, 204).

L'amour de Dieu

L'amour de Dieu dont il est question dans le premier commandement implique :

A) De Le choisir comme fin ultime de tout ce que nous décidons de faire. Faire en sorte de tout faire par amour pour Lui et pour sa gloire : « Tout ce que vous faites : manger, boire, ou toute autre action, faites-le pour la gloire de Dieu » (1 Cor 10, 31). « Deo omnis gloria : à Dieu toute la gloire »[1]. On ne doit pas préférer une autre fin que celle-ci car aucun amour ne mérite d'être au-dessus de l'amour de Dieu : « Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi ; celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi » (Mt 10,37). Un amour qui exclut ou subordonne l'amour pour Dieu n'est ni vrai ni bon.

B) D’accomplir sa volonté par des œuvres : « Ce n’est pas en me disant : “Seigneur, Seigneur !” qu’on entrera dans le royaume des Cieux, mais c’est en faisant la volonté de mon Père qui est aux cieux » (Mt 7,21). L'accomplir aussi lorsqu'elle exige des sacrifices : « cependant, que soit faite non pas ma volonté, mais la tienne » (Lc 22,42), convaincus que cela en vaut la peine, car c'est là que réside notre plus grand bien.

La volonté de Dieu est que nous soyons saints (cf. 1 Th 4, 3), que nous suivions le Christ (cf. Mt 17, 5), en faisant ce qui est nécessaire pour vivre sous la houlette de ses commandements (cf. Jn 14, 21). « Veux-tu vraiment être saint ? — Remplis le petit devoir de chaque instant : fais ce que tu dois et sois à ce que tu fais »[2].

C) De vivre en sachant que nous avons une dette envers Lui – la dette d'un fils envers son père qui est bon – et en voulant Lui rendre son amour. Il nous a aimés le premier, nous a créés libres et a fait de nous ses enfants (cf. 1 Jn 4, 19). Le péché consiste à rejeter l'amour de Dieu (cf. Catéchisme, 2094), mais Il pardonne toujours, Il se donne toujours à nous : la logique de Dieu est surabondance. « Voici en quoi consiste l’amour : ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c’est lui qui nous a aimés, et il a envoyé son Fils en sacrifice de pardon pour nos péchés » (1 Jn 4, 10 ; cf. Jn 3, 16). Il « m'a aimé et s'est livré lui-même pour moi » (Gal 2,20). « Répondre à tant d'amour exige de nous un don total du corps et de l'âme »[3]. Il ne s'agit pas d'un sentiment mais d'une détermination de la volonté qui peut être accompagnée ou non de manifestations sensibles.

Le désir de réciprocité par amour conduit à l'engagement de cultiver, de diverses manières[4], la relation avec Dieu, le contact personnel avec Lui qui, à son tour, forme et nourrit l'amour. C'est pourquoi le premier commandement inclut diverses manifestations de la religion :

– « L'adoration est la première attitude de l'homme qui se reconnaît créature devant son Créateur » (Catéchisme, 2628). C'est l'attitude la plus fondamentale de la religion (Cf. Catéchisme, 2095). « C’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras, à lui seul tu rendras un culte » (Mt 4,10). « Que ta prière soit toujours un acte, sincère et réel, d’adoration de Dieu »[5]. L'adoration de Dieu libère des différentes formes d'idolâtrie, toujours actuelles, qui conduisent à l'esclavage.

– L'action de grâce (cf. Catéchisme, 2638), parce que tout ce que nous sommes et tout ce que nous possédons, nous l'avons reçu de Lui : « As-tu quelque chose sans l’avoir reçu ? Et si tu l’as reçu, pourquoi te vanter comme si tu ne l’avais pas reçu ? » (1 Cor 4,7).

La demande de pardon pour les décisions et les attitudes qui nous séparent de Dieu (le péché) ; et la demande d’aide également pour les autres, l'Église et l'humanité entière. Jésus inclut dans le Notre Père ces deux types de demandes. La prière de demande du chrétien est pleine d'assurance, car il s'agit d'une demande filiale, par l'intermédiaire du Christ : « ce que vous demanderez au Père en mon nom, Il vous le donnera » (Jn 16,23 ; cf. 1 Jn 5,14-15).

– L'amour se manifeste aussi par le sacrifice qui est l'offrande d'un bien à Dieu comme expression de l'abandon intérieur de sa propre volonté, c'est-à-dire une expression d'obéissance. Le Christ nous a rachetés par le Sacrifice de la Croix qui manifeste sa parfaite obéissance au Père jusqu'à la mort (cf. Ph 2,8).

Prière et sacrifice sont inséparables : « la prière est valorisée par le sacrifice »[6]. L'une et l'autre, sous leurs diverses formes, font partie du culte de Dieu, que l'on appelle culte de latrie ou adoration. L'acte de culte par excellence est la Sainte Messe dans laquelle le Christ lui-même offre au Père, par l'intermédiaire de l'Esprit Saint, une adoration parfaite, une action de grâce, une demande de pardon des péchés et une supplication pour sa grâce. Les chrétiens, devenus membres du Christ par le Baptême, ont reçu la capacité de s'offrir en Lui, spécialement dans la célébration eucharistique, permettant à Jésus de prendre en charge nos sacrifices et de les présenter, unis aux siens, au Père par l'Esprit Saint (Cf. Catéchisme, 2100).

– L'amour de Dieu doit se manifester dans la dignité du culte : observation des prescriptions de l'Église, « politesse de la piété »[7], soin et propreté des objets destinés au culte divin. « Cette femme, qui répandit, chez Simon le lépreux, à Béthanie, un parfum coûteux sur la tête du Maître, nous rappelle au devoir d’être magnifiques dans le culte de Dieu. — Tout le luxe, la majesté et la beauté du monde me semblent peu »[8].

Foi et espérance en Dieu

La foi, l'espérance et la charité sont les trois vertus "théologales" (vertus qui sont dirigées vers Dieu). La plus grande est la charité (cf. 1 Co 13, 13), qui donne "forme" et "vie" surnaturelle à la foi et à l'espérance (tout comme l'âme donne vie au corps). Mais la charité présuppose la foi, car seul celui qui connaît Dieu – comme fruit de sa liberté – peut L’aimer ; et elle présuppose l'espérance, car seul celui qui place son désir de bonheur dans l'union avec Dieu peut L’aimer, sinon il aimerait, à son détriment, ce en quoi il place ses désirs.

La foi est un don de Dieu, une lumière dans l'intelligence qui nous permet de connaître la vérité que Dieu a révélée et d'y adhérer, de la faire nôtre. Elle implique de croire ce que Dieu a révélé, mais aussi de croire Dieu lui-même qui l'a révélé (avoir confiance en Lui).

Il n'y a pas et ne peut pas y avoir d'opposition entre la foi et la raison. La raison, guidée par la lumière de la foi, est indispensable pour assimiler la foi et l'approfondir, en faisant, pour ainsi dire, de plus en plus nôtre la vision divine de la réalité.

La formation doctrinale est importante pour atteindre une foi ferme et ainsi nourrir l'amour de Dieu et des autres pour Dieu : pour la sainteté et l'apostolat. La vie de foi est une vie soutenue par la foi et cohérente avec elle.

L'espérance est aussi un don de Dieu qui nous pousse à désirer l'union avec Lui en laquelle consiste notre bonheur sans nous décourager en la considérant comme irréalisable parce que nous avons confiance qu'Il nous donnera, même si nous ne savons pas comment, la capacité et les moyens d'y parvenir (Cf. Catéchisme, 2090).

Les chrétiens doivent « [se réjouir dans] l'espérance » (Rm 12,12), car si nous sommes fidèles, le bonheur du ciel nous attend : la vision de Dieu face à face (1 Co 13, 12), la vision béatifique. « Puisque nous sommes ses enfants, nous sommes aussi ses héritiers : héritiers de Dieu, héritiers avec le Christ, si du moins nous souffrons avec Lui pour être avec Lui dans la gloire » (Rm 8,17).

La vie chrétienne est un chemin de félicité, non seulement future, mais aussi sur cette terre, car dès maintenant, grâce à la certitude que nous donne la véritable espérance, nous goûtons par avance quelque chose de ce bonheur éternel. Tant que dure notre vie terrestre, nous savons que c'est un bonheur compatible avec la douleur, avec la croix. L'espérance nous permet de vivre dans la certitude qu'il vaut la peine de travailler et de souffrir, par amour[9], afin que les plans merveilleux de Dieu pour notre vie puissent se réaliser avec notre coopération.

« L’espérance ne déçoit pas ! Elle n’est pas fondée sur ce que nous pouvons faire ou être, ni sur ce en quoi nous pouvons croire. Son fondement, c’est-à-dire le fondement de l’espérance chrétienne, est ce qu’il peut y avoir de plus fidèle et de plus sûr, c’est-à-dire l’amour que Dieu lui-même nourrit pour chacun de nous »(Pape François, Audience générale, 15-II-2017).

Amour des autres et de soi-même par amour de Dieu

Lorsqu’il répondit à la question sur le premier commandement, comme rappelé ci-dessus, Jésus ajouta : « Et le second lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Mt 22, 39). Il ne fait pas référence au commandement formulé comme le deuxième dans le Décalogue, mais au deuxième noyau essentiel, avec l'amour de Dieu qui comprend plusieurs commandements du Décalogue. Jésus le décrit comme "semblable" au premier : il en est distinct – il n’est pas équivalent ou interchangeable – mais il en est inséparable. C'est pourquoi son importance est semblable à celle du premier.

L'amour pour Dieu doit inclure l'amour pour ceux que Dieu aime. « Si quelqu’un dit : « J’aime Dieu », alors qu’il a de la haine contre son frère, c’est un menteur. En effet, celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, est incapable d’aimer Dieu, qu’il ne voit pas. Et voici le commandement que nous tenons de lui : celui qui aime Dieu, qu’il aime aussi son frère » (1 Jn 4, 19-21). On ne peut pas aimer Dieu sans aimer tous les hommes, créés par Lui à son image et à sa ressemblance et appelés à être ses enfants par la grâce (Cf. Catéchisme, 2069).

« Nous devons nous comporter comme des enfants de Dieu avec les enfants de Dieu »[10] :

A) Se comporter comme un enfant de Dieu, comme un autre Christ. L'amour pour les autres a pour règle l'amour du Christ : « Je vous donne un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres. À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres » (Jn 13,34-35). L'Esprit Saint a été envoyé dans nos cœurs pour que nous puissions aimer comme des enfants de Dieu, avec l'amour du Christ (cf. Rm 5,5).

B) Voir dans les autres des enfants de Dieu, le Christ : « chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25,40). Vouloir pour eux leur vrai bien, ce que Dieu veut : qu'ils soient saints et donc heureux. La première manifestation de la charité est l'apostolat. Elle conduit également à se préoccuper de leurs besoins matériels. Comprendre – faire siennes – les difficultés spirituelles et matérielles des autres. Savoir pardonner. Faire preuve de miséricorde (cf. Mt 5,7). « L’amour prend patience ; l’amour rend service ; l’amour ne jalouse pas, (...) il ne cherche pas son intérêt ; il ne s’emporte pas ; il n’entretient pas de rancune... » (1 Cor 13, 4-5). La correction fraternelle (cf. Mt 18,15).

« Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Mt 22,39) exprime aussi qu'il existe un amour juste pour soi-même, qui conduit à se regarder et à s'estimer comme Dieu le fait et à rechercher pour soi-même le bien que Dieu veut : la sainteté et donc le bonheur en Lui.

Il existe aussi un amour désordonné de soi, l'égoïsme, qui incline à faire passer sa propre volonté avant celle de Dieu et son propre intérêt avant le service des autres. Il ne peut y avoir de juste amour de soi sans lutte contre l'égoïsme. Cela implique l'abnégation, le don de soi à Dieu et aux autres. « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi la trouvera » (Mt 16, 24-25). L'homme « ne peut pleinement se trouver que par le don désintéressé de lui-même »[11].

Péchés contre le premier commandement

Les péchés contre le premier commandement sont des péchés contre les vertus théologales :

A) Contre la foi : l’athéisme, l’agnosticisme, le doute délibéré, l’indifférentisme religieux, l’hérésie, l’apostasie, le schisme, etc. (Cf. Catéchisme, 2089). Il est également contraire au premier commandement de mettre volontairement en danger sa propre foi. Sont contraires au culte de Dieu le sacrilège, la simonie, certaines pratiques de superstition, de magie, etc. et le satanisme (Cf. Catéchisme, 2111-2128).

B) Contre l'espérance : le désespoir de son propre salut (cf. Catéchisme, 2091) et, à l'extrême opposé, la présomption que la miséricorde divine pardonnera les péchés sans conversion ou contrition ou sans avoir besoin du sacrement de la pénitence (cf. Catéchisme, 2092). Il est également contraire à cette vertu de placer l'espérance du bonheur ultime dans quelque chose d'extérieur à Dieu.

C) Contre la charité : tout péché est contraire à la charité, mais directement opposé à celle-ci est le rejet de Dieu mais aussi la tiédeur qui conduit à ne pas vouloir sérieusement L'aimer de tout son cœur.

Le deuxième commandement

Le deuxième commandement du Décalogue est : Tu ne prendras pas le nom de Dieu en vain. Ce commandement ordonne d'honorer et de respecter le nom de Dieu (cf. Catéchisme, 2142), qui ne doit être prononcé « que pour Le bénir, Le louer et Le glorifier » (Catéchisme,2143). Sinon, l'homme perd, dans une mesure plus ou moins grande, le sens de la réalité : il oublie qui est Dieu et qui il est ; et il retombe dans la tentation de l'origine.

« Le nom exprime l’essence, l’identité de la personne et le sens de sa vie. Dieu a un nom. Il n’est pas une force anonyme » (Catéchisme, 203). Cependant, Dieu ne peut être englobé dans des concepts humains, il n'existe pas d'idée capable de Le représenter, ni de nom qui puisse exprimer de manière exhaustive l'essence divine. Dieu est "Saint", ce qui signifie qu'il est absolument supérieur, qu'il est au-dessus de toute créature, qu'il est transcendant.

Néanmoins, pour que nous puissions L'invoquer et nous adresser à Lui personnellement, Dieu dans l'Ancien Testament « s’est révélé progressivement et sous divers noms à son peuple » (Catéchisme, 204). Le nom qu'il a manifesté à Moïse indique que Dieu est l'Être par essence qui n'a reçu l'être de personne et de qui tout procède : « Dieu dit à Moïse : Je suis qui je suis. Tu parleras ainsi aux fils d’Israël : “Celui qui m’a envoyé vers vous, c’est : [Yahvé] JE-SUIS“ (...) C’est là mon nom pour toujours » (Ex 3, 14-15 ; cf. Catéchisme, 213). Par respect pour la sainteté de Dieu, le peuple d'Israël ne prononçait pas son nom mais lui substituait le titre de "Seigneur" ("Adonaï" en hébreu ; "Kyrios" en grec) (Cf. Catéchisme, 209). Les autres noms de Dieu dans l'Ancien Testament sont : "Elohim" qui est le pluriel majuscule de "plénitude" ou "grandeur" ; "El-Saddai" qui signifie puissant, omnipotent.

Dans le Nouveau Testament, Dieu fait connaître le mystère de sa vie intime : il est un Dieu unique en trois personnes : le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Jésus-Christ nous enseigne à appeler Dieu "Père" (Mt 6,9) : "Abba" est la façon familière en hébreu de dire Père (cf. Rm 8,15). Dieu est le Père de Jésus-Christ et notre Père, mais pas de la même manière, car si Lui est le Fils unique, nous, nous sommes des fils par adoption. Mais cette adoption particulière fait de nous de véritables fils (cf. 1 Jn 3, 1), des frères de Jésus-Christ (Rm 8, 29) car l'Esprit Saint a été envoyé dans nos cœurs et nous participons à la nature divine (cf. Ga 4, 6 ; 2 P 1, 4). Nous sommes des enfants de Dieu en Christ. Par conséquent, nous pouvons vraiment nous adresser à Dieu en tant que "Père", comme le conseille saint Josémaria : « Dieu est un Père débordant de tendresse, d’un amour infini. Appelle-le “Père” souvent dans la journée et dis-Lui, seul à seul, dans ton cœur, que tu L’aimes, que tu L’adores, que tu ressens la fierté et la force d’être son enfant »[12].

Dans le Notre Père, nous prions : "Que ton nom soit sanctifié". Le terme "sanctifier" doit être compris ici dans le sens de « reconnaître comme saint, traiter d'une manière sainte » (Catéchisme, 2807). C'est ce que nous faisons lorsque nous adorons, louons ou remercions Dieu. Mais les mots "que ton nom soit sanctifié" sont aussi une des demandes du Notre Père : en les prononçant, nous demandons que son nom soit sanctifié par nous, c'est-à-dire que, par notre vie, nous Lui rendions gloire et amenions les autres à Le glorifier (cf. Mt 5,16). « Il dépend inséparablement de notre vie et de notre prière que son nom soit sanctifié parmi les nations » (Catéchisme,2814).

Le respect du nom de Dieu exige aussi le respect du nom de la Vierge Marie, des Saints et des réalités saintes dans lesquelles Dieu est présent d'une manière ou d'une autre, surtout la Très Sainte Eucharistie, véritable Présence de Jésus-Christ, la Deuxième Personne de la Sainte Trinité, parmi les hommes.

Le deuxième commandement interdit tout usage inapproprié du nom de Dieu (cf. Catéchisme, 2146), et en particulier le blasphème, qui « consiste à proférer contre Dieu – intérieurement ou extérieurement – des paroles de haine, de reproche, de défi (...). Il est encore blasphématoire de recourir au nom de Dieu pour couvrir des pratiques criminelles, réduire des peuples en servitude, torturer ou mettre à mort. (…) [Le blasphème] est de soi un péché grave » (Catéchisme, 2148).

Le deuxième commandement interdit également de jurer faussement (Cf. Catéchisme, 2150). Jurer, c'est rendre Dieu témoin de ce que l'on affirme (par exemple, donner la garantie d'une promesse ou d'un témoignage). Il est licite de prêter serment quand cela est nécessaire et quand cela est fait avec vérité et justice : par exemple, dans un procès ou quand on assume une charge (Cf. Catéchisme, 2154). En outre, le Seigneur nous enseigne à ne pas jurer : « Que votre parole soit “oui”, si c’est “oui”, “non”, si c’est “non” » (Mt 5, 37 ; cf. Jc 5, 12 ; Catéchisme, 2153).

Le nom du chrétien

« L'homme est la seule créature sur terre que Dieu a voulue pour elle-même »[13]. Il n'est pas "quelque chose" mais "quelqu'un", une personne. « Lui seul est appelé à partager, par la connaissance et l'amour, la vie de Dieu. Il a été créé à cette fin et c'est là la raison fondamentale de sa dignité » (Catéchisme, 356). Dans le Baptême, il reçoit un nom qui représente son unicité irremplaçable devant Dieu et devant les autres (Cf. Catéchisme, 2156, 2158). Baptiser se dit aussi "christianiser". Tout baptisé a pour nom propre chrétien, disciple du Christ : « c’est à Antioche que, pour la première fois, les disciples [ceux qui se sont convertis après avoir été évangélisés] reçurent le nom de chrétiens » (Ac 11,26).

Dieu appelle chacun d'entre nous par son nom (cf.1 Sam 3, 4-10 ; Es 43, 1 ; Jean 10, 3 ; Actes 9, 4). Il aime chacun personnellement. Il attend de chacun une réponse d'amour : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force ». Personne ne peut se substituer à nous dans cette réponse. Saint Josémaria nous encourage ainsi : « Revenez lentement sur cet appel divin qui remplit l’âme d’inquiétude et lui apporte en même temps la douceur du miel : Redemi te, et vocavi te nomine tuo : meus es tu (Is 43, 1) ; je t’ai racheté et je t’ai appelé par ton nom : tu es à moi ! Ne volons pas à Dieu ce qui lui appartient. Un Dieu qui nous a aimés jusqu’au point de mourir pour nous, qui nous a choisis de toute éternité, avant la création du monde, pour que nous soyons saints en sa présence (cf. Ep 1,4) »[14].


Bibliographie de base

– Catéchisme de l'Église Catholique, n° 2064-2132

- ID., n° 203-213

- ID., n° 2142-2195

- Benoît XVI-Joseph Ratzinger, Jésus de Nazareth, chap. 5.2.

Lectures recommandées

– Benoît XVI, encyclique Deus caritas est, 25 décembre 2005, 1-18 :

– Benoît XVI, encyclique Spe salvi, 30 novembre 2007

– Pape François, encyclique Lumen fidei, 29 juin 2013

– Saint Josémaria, homélie Vie de foi, dansAmis de Dieu, n° 190-204

- ID., homélie L'espérance du chrétien, dansAmis de Dieu, n° 205-221

- ID., homélie Avec la force de l'amour, dansAmis de Dieu, n° 222-237

– ID., homélie L’amitié avec Dieu, dans Amis de Dieu, n° 142-153


[1] Saint Josémaria, Chemin, 780.

[2] Ibid. 815, Cf. ibid., 933.

[3] Saint Josémaria, Quand le Christ passe, 87.

[4] Cf. Saint Josémaria, Chemin, 91.

[5] Saint Josémaria, Forge, 263.

[6] Saint Josémaria, Chemin, 81.

[7] Ibid., 541.

[8] Ibid. Cf. Mt 26, 6-13.

[9] Saint Josémaria, Forge, 26.

[10] Saint Josémaria, Quand le Christ passe, 36.

[11] Concile Vatican II, Gaudium et spes, 24.

[12] Saint Josémaria, Amis de Dieu, 150.

[13] Concile Vatican II, Gaudium et spes, 24.

[14] Saint Josémaria, Amis de Dieu, 312.

Javier López / Jorge Miras