Souriez, vous êtes entrés en Carême !

Le mercredi des cendres marque le début du Carême. L'abbé Pégourier nous propose de réfléchir au sens du Carême, un temps pour apprendre à aimer mieux.

Donne-nous un cœur pur, ô notre Dieu, rends-nous la joie d'être sauvés ! Cette acclamation de la liturgie du Carême nous rappelle que c'est un temps de joie. Peut-être convient-il de le redécouvrir ainsi ? Telle est en effet la réalité – une réalité de foi – qui s'inscrit en faux contre une vision négative ou doloriste.

Certes, il dure une quarantaine de jours. Mais n'est pas un tunnel pour autant. C'est un tremplin pour conquérir une liberté plus authentique : celle d'enfants de Dieu aimants qui se déterminent à mettre un peu plus d'amour dans ce qu'ils font tous les jours. Ne sommes-nous pas nés pour cela : pour apprendre à aimer mieux, à brûler les scories de notre égoïsme récurrent, comme nous y invite la cérémonie du mercredi des cendres ?

Celui que nourrissent les trois convoitises dont nous parle saint Jean : celle de la chair, celle des yeux et l'orgueil de la vie [1]? Dans la perspective de parvenir à un cœur pur, au diapason du cœur miséricordieux de Dieu.

Devenir autre

« À l'impossible, nul n'est tenu » ! Cet adage, Dieu est le premier à nous l'appliquer. Et si le Carême nous engage à changer… en profondeur, c'est que c'est possible. Le chemin est clair : « On ne nous dit pas : Allez vers l'Orient pour chercher la charité, naviguez vers l'Occident pour trouver l'amour de Dieu. Non, c'est à l'intérieur, dans notre cœur qu'il nous est ordonné de rentrer; comme le dit le prophète : ʽ Pécheurs, revenez, à votre cœur'. Je viens de le dire; ce n'est pas dans les régions lointaines qu'on trouve ce que le Seigneur demande de nous : c'est à l'intérieur de notre cœur qu'il nous envoie. Il a placé en nous ce qu'il requiert de nous »[2]. Dans son message de cette année, le pape reprend cette idée : le Carême, « c'est surtout un temps de grâce[3]. Dieu ne nous demande rien qu'il ne nous ait donné auparavant : Nous aimons parce que Dieu lui-même nous a aimés le premier »[4]. Alors, redressez-vous, relevez la tête, car votre rédemption est proche ! [5]. Un jour nouveau s'est levé. C'est maintenant, c'est ici. Aujourd'hui.

Les moyens

1. Faire la chasse aux « heures grises ». Qui ne les a connues ? Souci de santé, déception, état de stress, efforts sans succès, prières en apparence inexaucées…? Souvent, c'est assez pour que l'heure grise apparaisse, que la volonté se détende, le froid monte au cœur, que l'on sente la lourdeur du poids de soi-même ! Que faire ? Le chapelet récité. Non marmonné. Médité. Il ne dissipe pas toujours les ténèbres, il ne fait pas toujours courir dans les veines un frisson de jeunesse…, mais il nous amène – puissance de l'Ave – à confesser Amen, un terme qui, selon son étymologie hébraïque, évoque la solidité, la sûreté ; autrement dit : « ça tient, je m'y accroche ; moi aussi, je peux dire Fiat ! Donc, je marche, Alleluia !

2. Prier avec confiance car celui qui prie fait monter son âme vers Dieu ; celui qui prie à genoux se hausse jusqu'à Dieu.

La prière n'est pas l'apitoiement sur soi qui est une manière de s'alourdir. C'est une élévation. Quand Jésus apprit à ses disciples à prier pour la première fois, que leur a-t-il dit ? « Notre Père, qui es aux cieux » ! Et après seulement : « Donne-nous aujourd'hui notre pain de ce jour » ! N'intervertissons pas les demandes : « Que ton règne vienne » d'abord…, et le reste, après ! Comprenons-le. Cette prière nous fait réaliser ce souhait : Dieu avant tout ! Dieu en moi et moi en lui. Prière élevante qui « dégage notre âme de la matière ; elle l'élève en haut comme le feu qui gonfle les ballons »[6] ; prière dont les actes sont des actes de foi : mon Dieu, arrache en moi tout ce qui n'est pas tien ; ôte de moi ce qui m'empêche de suivre le Christ dans son excès d'amour pour nous : « Je suis décidé à ne pas laisser passer ce temps de Carême sans plus, comme l'eau sur les pierres, sans laisser de traces ; je me laisserai imprégner, transformer, je me convertirai ; je me tournerai de nouveau vers le Seigneur en l'aimant comme il désire être aimé »[7].

Unissons cet effort de vie intérieure à une pratique plus généreuse de la mortification, ainsi qu'au désir de servir les autres, de leur rendre la vie plus agréable. Nous en tirerons des fruits savoureux : une joie sereine et un sourire lumineux.

Abbé Patrick Pégourier


[1] Cf. 1 Jn 2, 16.

[2] Saint Césaire d'Arles, Sermon 37.

[3] 2 Co 6,2.

[4] 1 Jn 4, 19.

[5] Lc 21, 28.

[6] Saint curé d'Ars, Petites fleurs.

[7] Saint Josémaria, Quand le Christ passe, 59.